22/08/2009
Les librairies préférées du sciapode
Cela fait un certain temps que j'ai envie de lister les librairies parisiennes où je tombe presque automatiquement sur des livres faits pour moi. Une bonne librairie, c'est en fait cela avant tout, celle qui a pensé à vous mettre sous le nez le livre qui vous était destiné. C'est ce que tout le monde appelle une "bonne librairie" sans souligner la plupart du temps qu'il ne s'agit que d'un choix très subjectif, à la limite de l'égocentrisme. Mais si cela peut recouper les marottes, les chemins de traverse, les inclinations personnelles d'autres internautes lecteurs de ce blog, je n'aurai pas tenté ce rassemblement subjectif en vain. Et du coup, peut-être ce "subjectif" commencera de se transformer en valeur objective...
Première à laquelle je pense, la librairie Tschann sur le boulevard du Montparnasse, dans le XIVe ardt, peu après le carrefour Vavin. Cela ne varie pas en ce qui me concerne, je trouve depuis au moins trente ans toujours mes livres là-bas. Leurs goûts évoluent avec les miens. Notamment les beaux livres sur l'art. Ils ont une politique de libraire personnelle, ils trient les ouvrages qui méritent davantage que d'autres d'être portés à la connaissance de leurs clients. Contrairement à tant de leurs confrères qui se contentent d'être des comptoirs de diffusion des cent mêmes titres imposés par les diffuseurs dans la plupart des boutiques de France et de Navarre.
L'Ecume des pages arrive sûrement en deuxième dans mes préférées. C'est la librairie qui reste ouverte tard (minuit en semaine), restant accessible aussi le dimanche (Boulevard Saint-Germain, à Saint-Germain-des-Prés, à côté du Flore). Elle avait changé il y a quelque temps la disposition de ses rayons et étalages et l'on y a trouvé moins d'ouvrages hors des sentiers battus durant quelque temps. Cependant, la direction du lieu après une réadaptation semble-t-il a repris sa marche en avant du côté d'une certaine exigence. Elle reste bien instruite des livres à découvrir, pas nécessairement médiatiques. De l'extérieur, il ne faut pas craindre de franchir le seuil malgré les présentoirs à cartes postales qui font croire à une boutique pour touristes...
Libralire n'évite pas toujours le piège des livres identiques à ceux qu'on trouve dans les librairies type comptoirs de diffusion, mais en raison de la sympathie que nous inspirent ses libraires - notamment l'ineffable Fabrice - je cite sans coup férir cette adresse. Nous regrettons, disons-le au passage, le départ de Nelly qui était une excellente connaisseuse de la littérature jeunesse. La librairie se trouve presque au croisement de la rue Jean-Pierre Timbaud et de la rue Saint-Maur dans le XIe ardt.
L'humeur vagabonde est une excellente librairie de quartier dans le XVIIIe ardt. En dépit de sa petite surface, on trouve souvent les livres curieux que l'on recherche triés par des professionnels au sein de l'abondante production livresque. On sent un certain penchant des libraires pour les sujets radicaux dans cette librairie. La librairie jeunesse qu'ils ont installée de l'autre côté de la rue (du Poteau) est loin d'égaler sa qualité, cela dit, lorgnant semble-t-il beaucoup trop du côté d'une certaine mièvrerie de la littérature pour enfants. Pour la trouver, descendre depuis la mairie du 18e ardt en direction de la Porte Montmartre la rue du Poteau, c'est après la partie de la rue plus spécifiquement dévolue aux commerces alimentaires.
La librairie de la Halle St-Pierre reste le lieu incontournable en matière de documentation sur les arts spontanés, unique en son genre à Paris, étant donné la variété et la multiplicité des ouvrages proposés. Ses animations dans le petit auditorium en sous-sol prolongent utilement cette offre d'informations. Leur activité s'inscrivant comme on sait, qui plus est, dans un programme d'expositions très souvent liées à la thématique des arts populaires, imaginistes ou insolites. Le lieu, agrémenté d'une caféteria où il fait bon rêvasser en sirotant quelque boisson, est ouvert sept jours sur sept, et c'est à Montmartre...
Un Regard moderne, située rue Gît-le-Coeur dans le 6e ardt, est une échoppe incroyablement bourrée du sol au plafond d'une littérature excentrique allant de l'art graphique underground à l'art brut et environs (rayon prés de la porte d'entrée, au ras du sol, un des rares accessibles sans avoir à demander auparavant au gérant ce que l'on est venu chercher - personnellement, je n'entre jamais dans une librairie en sachant ce que je cherche, je suis comme Picasso, je trouve...), en passant par l'érotisme, avec de nombreux titres sur le sado-masochisme, le surréalisme (littérature et arts plastiques), les situationnistes, le rock'n roll et la culture qui s'y rattache, etc... Un petit espace d'exposition le flanque sur la droite plutôt ouvert aux graphistes tendance Dernier Cri et consorts.
Anima, ça se trouve avenue Ravignan, vous savez, l'avenue de Montmartre où s'élevait le Bateau-Lavoir de Picasso et autres. C'est une petite librairie tenue par une passionnée que garde un (une?) sympathique bull-dog. On y trouve surtout des ouvrages de poésie exigeante, de sciences humaines, des ouvrages féministes ; mais aussi de la littérature générale, et des revues littéraires rares, comme l'excellent Bathyscaphe édité au Québec par Benoît Chaput et Antoine Peuchmaurd. Je n'y trouve pas toujours mon bonheur, mais c'est plutôt pour goûter aux charmes de discussions aux fils labyrinthiques et légèrement foutraques, improbables, avec la gérante des lieux, que j'aime à y entrer de loin en loin.
Val'heur, je ne cite cette librairie-là, située dans le 9e ardt rue Rodier prés du lycée Jacques Decour, que parce qu'on est sûr d'y trouver les publications du Collège de Pataphysique. [Cependant depuis quelque temps, la librairie ne s'occupe plus des ouvrages pataphysiques édités après 2007... Mise à jour, février 2010]
La librairie du musée du Louvre, c'est bien pratique, et cela rend inutiles les voyages coûteux et mangeurs de temps précieux vers les expositions régionales et européennes... Les catalogues étant si bien faits aujourd'hui, si richement illustrés, parfois davantage iconographiés que dans l'expo elle-même, qu'ils dispensent d'aller voir l'exposition à laquelle ils se rapportent. En plus, on peut les garder chez soi, eux.
La librairie Henri Veyrier aux Puces de Saint-Ouen, c'est un bouquiniste énorme question surface, et question choix. On y trouve de tout, côté beaux livres d'art ou littérature générale, littérature jeunesse, dictionnaires, bandes dessinées... Pour les fauchés, adresse idéale.
Vendredi, une bonne librairie dans la rue des Martyrs, prés du croisement avec le boulevard de Clichy. Chez eux, ou elles plutôt, j'ai toujours l'impression que les livres à découvrir sont avant tout dans la vitrine qui concentre ce qu'il y a de plus intéressant dans le choix du moment. Là aussi, un regard complice trie en amont les livres qui sont faits pour les lecteurs qui partagent cette communauté d'esprit.
Joseph Gibert, boulevard Saint-Michel, à ne pas confondre avec Gibert Jeune plus bas, place Saint-André-des-Arts, est toujours la grosse librairie de Paris où l'on peut trouver des ouvrages d'occasion signalés par des bouts d'adhésifs noirs ou rouges en fonction des réductions. Le choix est vaste, il faut chercher, ça dure longtemps, les libraires changeant souvent l'ordonnancement des rayons, les différents étages, ça bouge tout le temps (et c'est assez casse-pieds...).
Palabres, petite librairie d'occasion rue de Nemours dans le 11e ardt (signalée par Joël Gayraud). Elle est tenue par M. Zinsou, communicatif, sympathique, qui a de la littérature de voyage, des livres rares sur toutes sortes de sujets, l'Afrique notamment, mais aussi la Commune de Paris, la révolution, Paris, l'art (un peu)...
(A suivre?)
16:03 Publié dans Art Brut, Art singulier, Guide du sciapode, Littérature, Littérature jeunesse | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : tschann, l'humeur vagabonde, libralire, halle saint-pierre, anima, librairies parisiennes, littérature jeunesse | Imprimer
Commentaires
Ce sont les petits libraires qui vendent les grands livres.
Écrit par : Olivier Hervy | 23/08/2009
Répondre à ce commentaireC'est une expertise celle-ci ou je ne m'y connais pas.
Écrit par : Le sciapode | 23/08/2009
Répondre à ce commentairePas mal comme choix de librairies. Il y en a certaines que je ne connaissais pas dans cet inventaire. Je vais m'empresser de m'y baguenauder ! Pour info, la photo de M. Zinsou est de Gérard Lavalette, alias le piéton de Charonne : http://www.parisfaubourg.com/
Écrit par : olivier bailly | 25/08/2009
Répondre à ce commentaireCe choix ne mène pas dans mon esprit à des révélations de lieux faramineux. C'était juste une occasion supplémentaire de faire se croiser les chemins d'individus différents, quoiqu'unis sans le savoir par quelques lignes de partage...
Pour info, j'ai mis la référence de M.Lavalette dans la photo, on la voit apparaître quand on balade la souris sur l'image... De plus son sigle de copyright apparaît certes assez flou dans le coin droit inférieur de la photo. Mais c'est une bonne idée d'avoir mis le lien vers son blog dans votre commentaire. Merci.
Écrit par : Le sciapode | 25/08/2009
Répondre à ce commentaireMe voilà pourvu pour mon prochain -j'espère- passage à Paris... Je ne connaissais pas la moitié de ces adresses. Merci, cher sciapode!
Écrit par : Charp | 26/08/2009
Répondre à ce commentaireMon cher sciapode, vous souvenez-vous de cette assez vaste librairie en appartement qui existait autrefois dans votre ancien quartier de prédilection, boulevard Richard-Lenoir, ce me semble? Quel endroit étrange, dont je soupçonne fort qu'il n'y en a plus de tels dans votre ville. Son souvenir - associé à nos dérives d'alors avec notre chère Christine Bruces dont nous garderons jusqu'à notre dernier souffle le chagrin de l'avoir perdue - s'apparente aussi à celui de cette échoppe de fabricants de petites saynètes en coquillages qui se trouvait boulevard des Filles du Calvaire - ou Beaumarchais.
Ensuite, il y a eu aussi, à une autre époque, la Librairie Montmartroise du père Bugnard, rue Durantin, ses choix de livres excellents et, dans sa vitrine, ses petites proclamations d'un humour un peu fade, mais si osé de la part du grand névrosé qu'il était. Qu'est-il devenu?
Bon sang que tout cela meurt.
Régis Gayraud
Écrit par : régis gayraud | 28/08/2009
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