23/04/2009
Robert Giraud, le copain qui sort de l'ombre de Doisneau
Olivier Bailly annonce la parution de son ouvrage sur Robert Giraud pour le mercredi 22 avril chez Stock, collection Ecrivins (oui, je sais, le calembour vaut ce qu'il vaut...). Monsieur Bob, tel est son titre. Une biographie, une évocation que tous les lecteurs du blog que tient Olivier Bailly, Le Copain de Doisneau, devineront fort bien documentée. Son blog distille en effet, depuis au moins deux ans je crois, toutes sortes de témoignages, photos, documents divers sur Robert Giraud.
Ce dernier est un écrivain, dont on réédite du reste par la même occasion Le Vin des rues chez le même Stock (l'année dernière avait déjà vu la parution au Dilettante d'un excellent recueil de ses reportages, Paris, mon pote), mais plus encore un amoureux du Paris populaire et de son "fantastique social" comme le nommait paraît-il Mac Orlan. Fantastique social, monde des figures de la rue que Paris, en dépit du vandalisme institutionnel des bourgeois, n'a jamais cessé de produire (il aurait peut-être même en ces temps de misère et de folie sociale tendance à s'épanouir...).
Giraud connaît bien le monde de la nuit parisienne, les petits malfrats, les clochards, et se situe comme écrivain en successeur d'une tradition littéraire et artistique qui remonte à Fargue, Francis Carco ou Brassaï, et peut-être au delà à Lorédan Larchey, et aux chroniqueurs du Paris excentrique du XIXe siècle (Yriarte, Champfleury, etc.). Il connaît les rades où l'on boît du bon vin, il les chronique dans L'Auvergnat de Paris. Sa route (mauve) croise celle de l'art brut à un moment (il devient un temps le "secrétaire" de Dubuffet pour la collection de l'art brut en train de se monter). Son frère Pierre Giraud est un moment exposé dans le cadre des premières manifestations de l'art brut au moment où Dubuffet cherche la définition de sa notion (juste après la seconde guerre). Giraud et lui se quitteront en mauvais termes, semble-t-il, puisque dans la suite des années Giraud parlera de Dubuffet comme d'un "cave"... Il écrit diverses chroniques sur des autodidactes inspirés (comme Raymond Isidore, dit Picassiette, à Chartres, sur qui il sera le premier à écrire, et qu'il interviewera). Surtout, il fait paraître, avec son complice de toujours, Robert Doisneau, ainsi qu'avec Jacques Delarue, un fort bon livre sur les tatouages populaires, Les Tatouages du "Milieu" (réédité en 1999 aux éditions L'Oiseau de Minerve). Mais d'autres livres, sur l'argot d'Eros ou celui des bistrots, des romans aussi, sont à mettre à son crédit.
Je ne m'étends pas davantage. Rendez-vous avec ce flâneur des deux rives (d'un fleuve qui ne charriait pas que de l'eau) en lisant le bouquin d'Olivier Bailly qui nous promet d'entrer dans l'intimité de ce monsieur Bob comme si on y était.
Ci-dessous, un échantillon du style de M.Bailly, ça donne envie d'en lire davantage, non?
"Tracer le portrait de Bob Giraud, c'est facile. Bien que sécot, il est choucard. Il plaît aux frangines à cause qu'il a un petit air voyou. Ses crins drus et droits tombent en gouttes de pluie. Ca lui donne l'air d'un hérisson. Son nez: un bec d'oiseau. Au marigot fédérateur que l'on appelait jadis le comptoir, on nomme cet animal le pic-verre. Maigre comme un chat. Tel est le faune. Au mental, un brin solitaire. Il a ses têtes. Celles qui lui reviennent, il leur paye un canon. Les autres, c'est des cons." (Olivier Bailly, Giraud, mon pote, présentation de Paris, mon pote, éd. le Dilettante, 2008)
22:04 Publié dans Art Brut, Fantastique social, Littérature | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : olivier bailly, robert giraud, robert doisneau, fantastique social, paris populaire | Imprimer
Commentaires
Cher Sciapode,
Dans la noble lignée des auteurs oenophiles, je te signale la parution à l'automne dernier du livre de Clément Maraud, "Têtes de zinc", à l'enseigne des Éditions de Paris. On y découvre une série de portraits de piliers de rade exilés dans leur solitude et que seul le comptoir arrime à l'humanité. Portraits contemporains et parisiens, ou issus d'une proche banlieue qui pourrait être Montrouge ou Le Kremlin-Bicêtre, de buveurs fatigués et de pochardes défraîchies, nés pour l'anonymat et l'obscurité, auxquels Clément Maraud, qui les connaît comme un frère, donne une éphémère biographie.
Écrit par : Joël Gayraud | 24/04/2009
Répondre à ce commentaireCher Joël G.,
merci de ce signalement, le livre doit être effectivement intéressant. Je m'aperçois (pour la énième fois, c'est fou ce qu'on oublie vite ce que l'on vient de lire en vieillissant...) qu'il était déjà mentionné sur le blog d'Olivier Bailly, Le Copain de Doisneau (http://robertgiraud.blog.lemonde.fr/), où l'on voit sa couverture entre autres. J'ai oublié de dire dans ma note que ce dernier va réactiver son blog désormais plus dans le sens de l'argot, du Paris populaire, des bistrots, etc... Ce qui est pour nous plaire, n'est-ce pas?
Écrit par : Le sciapode | 25/04/2009
Répondre à ce commentaireAllez, pour accompagner le tout, se dérouiller un instant les doigts sur le clavier, et pour vos nostalgiques lecteurs impénitents, quelques lignes du légendaire Rue des maléfices de Yonnet :
" Dans ce bastringue, maintenant fermé, proche de la Contrescarpe, Fréhel chante pour les amis. Il faut franchir un long couloir et frapper quatre coups -trois secs, un peu timide -, pour que s'entrouvre la porte épaisse et basse.
Elle se tient là debout, la grande gouapeuse ravagée, en tablier noir de marchande de quat', avec sur son ventre ses deux inutiles mains gourdes. Elle détaille Chanson tendre et La Vieille Maison d'une voix de râpe à fromage, désormais sans timbre. La Lune, effacé, extatique, l'accompagne à l'harmonica. La Lune la cloche, et si brave, La Lune l'acrobate, La Lune l'extraordinaire musicien, si sensible... Les ceusses qui s'attardent aux pissoires, c'est qu'ils y sont allés chialer à coups d'épaules, le blair et les châsses dans le tir-jus à carreaux mauves. Parlez-moi un peu des durs.."
Écrit par : Valérie | 26/04/2009
Répondre à ce commentaireVous faites bien, Valérie de citer ce frère de Giraud, auquel on n'oubliera pas non plus de joindre Jean-Paul Clébert et son "Paris Insolite" de la même époque. "La Lune", cloche qui est cité dans ce passage est peut-être le même que celui qui figura dans un documentaire d'Alain Jessua (comme je l'ai appris sur le blog d'Olivier Bailly qui a fait une note là-dessus). Je crois qu'Olivier Bailly a également signalé que les apparitions de Fréhel dans ce "bastringue", le café des 4 Sergents de La Rochelle en réalité (sur lequel s'ouvre "Monsieur Bob" du reste), furent dues à Robert Giraud qui était allé la rechercher dans une zone où elle végétait, oubliée de tous alors...
Écrit par : Le sciapode | 26/04/2009
Répondre à ce commentaire"Rue des Maléfices", un des plus beaux livres - et le plus magique - sur Paris, ses hasards, son magnétisme, les signes cryptés dans sa géographie. Ecrit bien avant la disparition de l'enseigne de la rue Mouffetard. Partie où? Chez quelque antiquaire? Dans la cuisine design de quel nouveau riche? Riche de quoi?
Ils nous arrachent le ventre. Mais Paris se vengera...
Bon souvenir aussi aux amis de la rue Caulaincourt. Ou Custine. Diantre, j'en perds le Nord. La province me perdra.
Régis Gayraud
Écrit par : regis gayraud | 04/05/2009
Répondre à ce commentaireVous inquiétez pas, le Sciapode installerait de gros aimants aux endroits stratégiques que ça ne m'étonnerait pas.
Tenez bon l'aiguille !
Écrit par : V | 09/05/2009
Répondre à ce commentaireWow, j'adore votre billet, merci de partager cette astuce et je "plussoie" votre opinion. J'insiste, oui votre billet est vraiment excellent, j'y ai trouvé une mine d'infos intéressantes ! Bonne continuation et très longue vie à votre site !
Écrit par : Vincave | 20/04/2010
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