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11/01/2010

Lhasa, poète et voyante, meurt le premier jour de l'année

     J'aime beaucoup les chansons de Lhasa de Sela, cette chanteuse nomade américano-mexicaine. Elle a fait peu de disques, trois CD à peine depuis 1997. Je n'avais pas fait attention au premier, La Llorona (titre repris d'une chanson de Chavela Vargas, autre immense chanteuse mexicaine). Ce n'est que depuis son second, The Living Road (où l'on trouve des chansons en espagnol, en anglais et en français aussi) que j'ai également pris le premier (je ne l'ai toujours pas écouté à l'heure actuelle avec toute l'attention qu'il mériterait). Le deuxième, paru en 2003, apparaît cependant comme le meilleur de ses trois enregistrements. Le dernier est paru l'année dernière, intitulé sobrement Lhasa.

     En premier, c'est la voix de Lhasa qui m'a conquis et envoûté. Magnifique voix de femme, terriblement séduisante. Timbre profondément sensuel sans la moindre touche de vulgarité. Les paroles de ses chansons - elle en est la plupart du temps l'auteur - m'ont paru au début plutôt ésotériques, poèmes d'amour, où la notion de culpabilité revient de façon récurrente (je parle toujours du deuxième album). Les mélodies vous captent et vous entraînent dans un tourbillon qui peut déboucher sur un sentiment de vague dépression.

Lhasa de Sela, photographe inconnu.jpg
Lhasa de Sela, photographe inconnu de moi
      
Et puis j'ai appris - avec douleur, je le confesse - sa mort, survenue après 21 mois de cancer dont je ne savais rien, ne suivant pas beaucoup l'information de type "people", son dernier souffle expiré au soir du récent 1er janvier, à Montréal où elle résidait.
Lhasa de Sela en concert.jpg

     J'ai mis sur ma chaîne ses trois disques, et j'ai parcouru ses textes. Sur le deuxième album, une chanson a plus particulièrement retenu mon attention, par son titre, Para el fin del mundo o el ano nuevo qui est traduit dans le livret du disque par Pour la fin du monde ou le nouvel an. Le titre sonnait comme une étrange prophétie à la lumière de cette mort. Et j'ai lu alors plus attentivement le poème de cette chanson:

"Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Demain je te tue / Demain je te libère / Je suis en avant / Je n'ai plus / Je n'ai plus peur / Demain je te dis que l'amour / Que l'amour est parti / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti / Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Mon squelette danse / Il se pare à nouveau / De son costume de chair / De sa coiffe de feu / Je sors te rencontrer / A mi-chemin / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti / Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Le port se remplit / De navires de guerre / Et une pluie fine / De cendres tombe / Je sors te rencontrer / Dans mon costume / Mon costume de terre / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti"

Lhasa, jaquette de l'album The Living Road.jpg
Jaquette du deuxième disque (collage de Lhasa)

    Le poème, publié dans son second disque, publié sept ans avant (2003, tandis que Lhasa meurt le premier jour de 2010), sonne étonnamment prophétique ou visionnaire (comme un rendez-vous d'amour d'une morte à son amant encore vivant), comme cela arrive dans certains poèmes automatiques que l'on ne comprend pas à première lecture, et qui ne révèlent leur sens caché qu'à la lumière d'événements ultérieurs (il y a le fameux exemple de La nuit du tournesol, ce poème où Breton vit annoncée la rencontre avec celle qui allait devenir ensuite sa femme). Il semble que Lhasa prisait semble-t-il une certaine imagerie surréaliste, si l'on se réfère à ses collages qui illustrent son deuxième album (elle remercie Max Ernst du reste pour l'inspiration qu'il lui a donnée).Lhasa,collage,2003.jpg

Lhasa,collage, 2003.jpg

     Hélas, cette voyante et extraordinaire artiste nous a été enlevée à la fleur de l'âge (elle avait trente-sept ans). Nous laissant trois petits disques, et quelques maigres collaborations en supplément ici ou là (notamment avec Arthur H). Et aussi un livre de souvenirs, intitulé La route chante (Ed. Textuel). Il y a aussi un site qui s'était créé en avril 2009...

Lhasa, couverture de son livre, La route chante.jpg

Commentaires

Etonnant, j'ai aperçu la pochette avec le collage fin décembre sur un blog, je l'ai trouvée très réussie et j'ai mis dans un coin de ma tête "aller écouter Lhasa", hier je demande à un ami s'il connait, il me dit "oui et elle vient de mourir !"
Le peu que j'en ai entendu me parait un peu trop pop / world pour mes goûts, mais je vais approfondir.

Au passage un livre magnifique qui pourra te plaire ou à tes lecteurs :

http://www.forbidden-places.net/bookfr.php

Écrit par : Cosmo | 12/01/2010

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Cher Bruno,
J'ai été touché par ce que vous écrivez sur Lhasa. Je ne dirai pas que ses chansons débouchent parfois sur la dépression, mais plutôt sur la mélancolie (qui est un trop joli mot pour pouvoir être traité par des anti-dépresseurs). The Living Road est en tout cas un album sublime.
Et, entre autres collaborations, elle a chanté avec les Tindersticks ("Sometimes It Hurts" sur l'album "Waiting For The Moon")
Allez, je me remets "La marée haute" ...

Écrit par : Christian Berst | 15/01/2010

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Cher M. Berst, le mot "dépression" était employé légèrement, au sens parlé seulement, l'écoute de certaines de ses chansons (et en particulier dans le premier de 1997, "la Llorona") m'entraîne dans des humeurs facilement crépusculaires, peut-être en accord avec l'état actuel du fantôme de Lhasa. Certains de ces clips aperçus sur internet, je pense à l'un d'entre eux où on la voit plonger comme se noyant dans une rivière où elle se déplace entre deux eaux sombres, fantôme à la recherche d'un amant, montrent une thématique passablement empreinte de goût pour le macabre, ce qui après tout pour une Mexicaine n'est pas du tout inhabituel.

Écrit par : Le sciapode | 16/01/2010

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Sorry de gâcher la fête mais Miss Lhasa est pour mon oreille une folkeuse comme il en existe des kilomètres sur les étagères des maisons de disques. Chiant, pleurnichard. Tindersticks ? Parfait pour draguer et montrer aux minettes sa face écorchée. Un astucieux mix de L.Reed+D.Bowie+un bon producteur aux manettes. Du sur mesure, du bien clean. Vous m'avez mis grognon avec vos commentaires, du coup pour oublier vos mièvreries je me suis mis un bon vieux vinyle d'Aretha et de fil en aiguille en passant par Robert Johnson, John Lee Hooker, BB King (première époque) et ses potes j'ai fini ma vaisselle avec Titi Robin & Faiz Ali Faiz "Jaadu" un MONUMENT. Alors vous comprendrez que la zic de producteur ça me soul!

M. SOULMAN

Écrit par : SOULMAN | 17/01/2010

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Moi aussi, j'aime beaucoup Thierry Robin. son dernier disque avec les musiciens de kawwali, je l'ai aussi, et si je ne vais pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un monument, je peux l'aimer sans le trouver à la hauteur cependant de certains de ses précédents disques (les meilleurs pour moi restant "Gitans" et celui avec Gulabi Sapera et autres musiciens indiens).
Quant à la soul, comme on dit chez les jeunes, ça me gave très vite. Et le blues, bon, ben ça m'ennuie aussi parfois, quoique ça dépende...
Vos épithètes de "pleurnichard" me font penser à d'autres comme "pleureuses" que j'ai entendu utiliser pour Anthony (et les Johnsons?) dans la bouche d'un éminent critique des Inrockuptibles. Ca me fait penser à Rimbaud et à ceux qui, désireux de se faire passer pour des gros virils, lui trouvaient une mentalité de "fille" simplement parce qu'il était un poète.
Et de toute façon, mister Soulé, rien ne vous oblige à aimer les mêmes choses que moi.
A propos de folkeuse contemporaine, il y en a une, qui est toujours vivante, que j'aime beaucoup aussi, Alela Diane (son premier disque, Pirate's Gospel, surtout). Mais j'entends d'ici vos foudres à venir.

Écrit par : Le sciapode | 17/01/2010

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Alela Diane!!! Si vous cherchez la provocation, comment débattre? La liste est longue, des casses burnettes. Désolé de la vulgarité mais vous allez encore me mettre chiffon pour toute la journée. Je m'en vais donc aller faire mes carreaux en écoutant en boucle "More Angna" et (là je vous suis 100%) "Holi Yaad".

M. SOULMAN

Écrit par : SOULMAN | 17/01/2010

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Concernant Antony and the Johnsons, honneur aux "cœurs purs" et aux bonnes intentions? Même si je partage rarement l'esprit Inrock je peux comprendre un certain agacement au larmoyant. Si nous nous retrouvons autour de Gulabi c'est qu'elle a su transformer une enfance jonchée de drames en une vie héroïque qu'elle exprime dans sa danse et sa voix pleines d'énergie, de vie et d'espoir. Jamais de pathos et de larmes, peut-être une marque de sa culture. N'est-ce pas aussi ce que nous apporte l'art brut?

M.SOULMAN

Écrit par : SOULMAN | 17/01/2010

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Je ne vois pas de pathos particulier chez Alela Diane, ou Lhasa. De cette dernière, écoutez "Todas palabras", un poème d'amour, nul pathos, nulle complaisance larmoyante là-dedans que diable. La querelle que vous cherchez est mal fondée.
Cela dit, la plainte est recevable tout autant que le chant de la souffance surmontée. Le blues est rempli de plaintes aussi, du reste, cela n'en diminue pas l'intérêt que je sache (enfin quelquefois, si, cela fatigue à la longue quand c'est par trop répétitif).

Derrière cette condamnation des larmes, on peut se demander si vous n'auriez pas par hasard peur de montrer votre faiblesse?

Écrit par : Le sciapode | 17/01/2010

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