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22/01/2022

Gérard Sendrey nous a quittés...

Gérard Sendrey (1928-2022).

 

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Photo Bruno Montpied, sur le seuil de son Site de la Création Franche, 1997.

 


       L'ami Gérard s'en est allé, ce matin, paraît-il (22 janvier 2022), des suites de la Covid.

      Il nous laissera de grands souvenirs, à nous, les artistes qu'il hébergea au long de nombreuses années dans son Site de la Création Franche, devenu ensuite Musée de la Création Franche (appelé à un enracinement de longue haleine dans le paysage bordelais, grâce aux travaux d'extension qui sont en préparation, travaux dont il était au courant, ayant eu le temps de consacrer un texte aux changements qui attendent le musée dans le numéro 55, paru en décembre dernier, de la revue Création Franche, fondée et longtemps dirigée par lui). Le terme de création franche lui revient de plein droit, puisqu'il en est l'inventeur.

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Gérard Sendrey, la dernière fois que je vins le voir à Bègles, à on domicile, situé juste à côté du musée, le 11 janvier 2017, ph. B.M ; ses yeux gardaient toute leur malice amicale ce soir-là.

 

    Si je ne partageai pas tous ses goûts (il professait aimer les gens avant les œuvres qu'elles pouvaient produire ; moi, c'était un peu le contraire...), je reconnus très vite qu'il était un de ces rares passeurs assez ouvert d'esprit pour ouvrir grandes les portes des lieux d'exposition qu'il avait su monter (comme la Galerie Imago, en 1988, juste avant le Site de la CF). Grâce à lui, le Site fut une galerie d'essai quasiment unique en son genre en France. Un bel exemple à suivre, quoique bien trop rare...

          Rien que pour cela, je lui garderai gratitude et sympathie tout le restant de ma vie. 
       L'homme, qui jouait au dadaïste expérimentateur à tout va, était d'une grande cordialité. Il laisse une oeuvre – puisqu'il était aussi artiste et un des plus prolifiques qui soient – abondante et variée.

 

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Gérard Sendrey, sans titre, une de ses innombrables encres tracées au calame, 2001, ph. et coll. B.M.

09/11/2021

Pierre Darcel nous a quittés

     Sa grande Statue de la Liberté est désormais orpheline, ainsi que toutes ses statues sœurs, noires, blanches et roses. Pierre Darcel (1934-2021), qui a créé, avec l'aide de sa femme Yvette, un jardin rempli de magnifiques statues naïves ou brutes dans la région de Saint-Brieuc (il m'avait demandé de garder la localisation imprécise), est parti en septembre dernier (merci à Lydie Bonnec pour l'information). Mon inventaire, le Gazouillis des éléphants (2017), où je parlais de lui, à la région Bretagne (après lui avoir consacré un chapitre dans Eloge des jardins anarchiques en 2011), commence décidément à ressembler de plus en plus à un cimetière (des éléphants). A peine découvre-t-on un environnement populaire spontané nouveau que son auteur s'en va sur la pointe des pieds avant qu'on ait eu le temps d'applaudir (façon de parler). Ces créateurs modestes sont en effet tellement discrets...

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Pierre Darcel, près de sa trayeuse de vache en train d'être façonnée par lui, avec Patou au premier plan qui tentait de lui voler la vedette, ph. Bruno Montpied, 2009.

 

        Ses statues à l'ordonnancement harmonieux, si singulières au milieu de ce pays de bocage, vont devoir affronter seules (?) les morsures du temps, jamais en retard d'appétit...

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En 2017, lors de ma seconde visite, en compagnie du camarade Régis, un œil avait perdu de son superbe bleu... , ph. B.M.

11/01/2010

Lhasa, poète et voyante, meurt le premier jour de l'année

     J'aime beaucoup les chansons de Lhasa de Sela, cette chanteuse nomade américano-mexicaine. Elle a fait peu de disques, trois CD à peine depuis 1997. Je n'avais pas fait attention au premier, La Llorona (titre repris d'une chanson de Chavela Vargas, autre immense chanteuse mexicaine). Ce n'est que depuis son second, The Living Road (où l'on trouve des chansons en espagnol, en anglais et en français aussi) que j'ai également pris le premier (je ne l'ai toujours pas écouté à l'heure actuelle avec toute l'attention qu'il mériterait). Le deuxième, paru en 2003, apparaît cependant comme le meilleur de ses trois enregistrements. Le dernier est paru l'année dernière, intitulé sobrement Lhasa.

     En premier, c'est la voix de Lhasa qui m'a conquis et envoûté. Magnifique voix de femme, terriblement séduisante. Timbre profondément sensuel sans la moindre touche de vulgarité. Les paroles de ses chansons - elle en est la plupart du temps l'auteur - m'ont paru au début plutôt ésotériques, poèmes d'amour, où la notion de culpabilité revient de façon récurrente (je parle toujours du deuxième album). Les mélodies vous captent et vous entraînent dans un tourbillon qui peut déboucher sur un sentiment de vague dépression.

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Lhasa de Sela, photographe inconnu de moi
      
Et puis j'ai appris - avec douleur, je le confesse - sa mort, survenue après 21 mois de cancer dont je ne savais rien, ne suivant pas beaucoup l'information de type "people", son dernier souffle expiré au soir du récent 1er janvier, à Montréal où elle résidait.
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     J'ai mis sur ma chaîne ses trois disques, et j'ai parcouru ses textes. Sur le deuxième album, une chanson a plus particulièrement retenu mon attention, par son titre, Para el fin del mundo o el ano nuevo qui est traduit dans le livret du disque par Pour la fin du monde ou le nouvel an. Le titre sonnait comme une étrange prophétie à la lumière de cette mort. Et j'ai lu alors plus attentivement le poème de cette chanson:

"Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Demain je te tue / Demain je te libère / Je suis en avant / Je n'ai plus / Je n'ai plus peur / Demain je te dis que l'amour / Que l'amour est parti / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti / Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Mon squelette danse / Il se pare à nouveau / De son costume de chair / De sa coiffe de feu / Je sors te rencontrer / A mi-chemin / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti / Tu arrives demain / Pour la fin du monde / Ou le nouvel an / Le port se remplit / De navires de guerre / Et une pluie fine / De cendres tombe / Je sors te rencontrer / Dans mon costume / Mon costume de terre / Et après... / Et après sept ans d'exil / Pour t'avoir tant / Tant menti"

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Jaquette du deuxième disque (collage de Lhasa)

    Le poème, publié dans son second disque, publié sept ans avant (2003, tandis que Lhasa meurt le premier jour de 2010), sonne étonnamment prophétique ou visionnaire (comme un rendez-vous d'amour d'une morte à son amant encore vivant), comme cela arrive dans certains poèmes automatiques que l'on ne comprend pas à première lecture, et qui ne révèlent leur sens caché qu'à la lumière d'événements ultérieurs (il y a le fameux exemple de La nuit du tournesol, ce poème où Breton vit annoncée la rencontre avec celle qui allait devenir ensuite sa femme). Il semble que Lhasa prisait semble-t-il une certaine imagerie surréaliste, si l'on se réfère à ses collages qui illustrent son deuxième album (elle remercie Max Ernst du reste pour l'inspiration qu'il lui a donnée).Lhasa,collage,2003.jpg

Lhasa,collage, 2003.jpg

     Hélas, cette voyante et extraordinaire artiste nous a été enlevée à la fleur de l'âge (elle avait trente-sept ans). Nous laissant trois petits disques, et quelques maigres collaborations en supplément ici ou là (notamment avec Arthur H). Et aussi un livre de souvenirs, intitulé La route chante (Ed. Textuel). Il y a aussi un site qui s'était créé en avril 2009...

Lhasa, couverture de son livre, La route chante.jpg