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01/05/2013

L'art brut manipulé, le soi-disant monument d'André Robillard

     On sait que depuis un bon moment le sculpteur-assembleur-dessinateur André Robillard classé dans l'art brut participe avec bonne volonté à des expériences théâtrales et musicales qui l'ont embringué dans des spectacles où, en définitive, il apparaît comme un faire-valoir pour des artistes et comédiens qui sans lui auraient certainement moins fait parler d'eux (la compagnie les Endimanchés).

       Cela semble avoir donné des idées à d'autres, en l'occurrence au Centre Hospitalier Daumézon (où fut hospitalisé et où travailla Robillard près d'Orléans), à la DRAC et au FRAC Centre qui lancent un appel au public pour trouver le financement de ce qu'ils appellent improprement "une œuvre monumentale d'art brut d'André Robillard". "Improprement", dis-je, car Robillard ne participera nullement à l'érection de ce monument, qui affectera plutôt d'être une copie monumentale d'un de ses célèbres fusils (si l'informateur qui m'a indiqué cette opération s'avère bien informé...). Ce sont des techniciens spécialisés dans la construction de ces monuments qui devraient s'en charger... J'entends même dire par ce même informateur qu'un des responsables de l'opération aurait confié: "André pourrait se blesser" (sous-entendu, en faisant ce monument...).

 

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Je diffuse ici l'annonce de la souscription par souci d'information objective, chacun se déterminera comme il l'entend ; en ce qui me concerne pas question d'aider à un tel projet

    Alors, faut-il "donner pour l'art brut", comme le proclame le laïus du papillon ci-dessus ("papillon" c'est aussi joli, sinon plus, que "flyer", vous ne trouvez pas?), ou plutôt donner pour l'art contemporain de commande (qui se fait payer 60 000 €, y en aura peut-être des miettes pour Robillard, faut espérer...?)? On peut après tout considérer le projet comme un monument d'hommage à André Robillard, mais certainement pas comme la "première commande publique d'une œuvre monumentale d'art brut" comme il est dit dans le premier laïus ci-dessus.

 

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André Robillard, une collection de fusils accrochés dans le département d'art brut au LaM de Villeneuve d'Ascq, ph. Bruno Montpied, avril 2011

 

     Le problème est que le propos reste singulièrement confus. Car pour qu'il y ait véritablement un monument d'art brut, il ne faudrait déjà pas qu'il y ait une COMMANDE à la base. J'ai presque envie de fredonner du Brassens, "la bandaison, Papa, ça ne se commande pas...". L'art brut ne naît pas dans les lits qu'on prépare pour lui. C'est un peu du chiendent, l'art brut. Alors que penser de tout cela? N'est-ce pas une énième tentative de rabattre le couvercle de l'art contemporain que d'aucuns veulent à tout prix mixer avec l'art brut en lui faisant porter les mêmes chapeaux, les mêmes couvercles? C'est ce que je crois.

      C'est commode, avec Robillard qui est un brave type qui consent  à tout, on peut tout lui faire valider. L'art brut plus généralement c'est même le terreau idéal, l'argile que l'on peut remodeler à volonté. On peut tout leur faire faire. Il paraît aussi que dernièrement, d'après les modèles de Robillard on aurait diffusé des fusils, dans son style tout en assemblages, en kit, oui vous avez bien lu, en kit – j'espère que c'est seulement une rumeur ou un bobard mal intentionné! – avec ce kit, l'acheteur pouvait se reconstituer, à la manière de, un fusil entièrement made by Robillard, avec les boîtes de conserves, l'adhésif de couleur, des bouts de tuyau, les crosses toutes découpées selon le même calibrage, tout le toutim robillardesque. Je rêve...

 

Commentaires

La Compagnie des Endimanchés, cher Sciapode, n'a pas attendu de monter un spectacle avec André Robillard pour se faire connaître d'un large public. Et, en l'occurence, je ne pense pas que Robillard ait consenti à être le faire-valoir de qui que ce soit. J'ai personnellement assisté à «Tuer la misère» et, moi qui suis particulièrement critique à l'égard des gesticulations de la scène contemporaine, j'ai trouvé là au contraire une inventivité et un déferlement expressif des plus stimulants. Il était évident que Robillard lui-même éprouvait un intense bonheur à tenir sur la scène le premier rôle en chanteur de rock. Rien que pour cela ce spectacle mérite d'être hautement loué.
En revanche, j'approuve tout à fait votre indignation devant la récupération aussi imbécile qu'abjecte de l'œuvre de Robillard par la culture officielle. Par définition, comme vous le soulignez, l'art brut ne peut faire objet de commande, et le simple fait de grossir un fusil signe toute la vacuité d'un tel geste qui n'a d'artistique que le nom et sert simplement à financer le concepteur du projet et l'entreprise chargée de le réaliser.

Écrit par : L'aigre de mots | 02/05/2013

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Ah ouiche? Les Endimanchés étaient "connus d'un large public", dites-vous l'Aigre? Eh bien je n'en faisais pas partie et je m'en flatte plutôt.
J'étais à une représentation au Théâtre de la Bastille du spectacle "Tuer la misère" et je m'en étais fait l'écho dans la note suivante:
http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2008/06/03/andre-robillard-fait-du-theatre.html
Elle reflète mon intérêt pour le spectacle mais à la relire rétrospectivement, je mesure à quel point je n'y parle que d'André Robillard. C'est grâce à lui que le spectacle évidemment tenait. J'ai acheté également le CD qui a été fait ensuite à partir du spectacle. Il n'y a que lui dedans qui est intéressant. Le rock des Endimanchés, vague rock expressionniste à la Nina Hagen mâtiné de références aux cabarets allemands de l'entre-deux-guerres avec échos à la Nico du Velvet Underground, est franchement barbant sur le CD.
Je réitère ce que j'ai dit, sans Robillard, le spectacle passait inaperçu... En dépit du "large public" de ceux qui aiment se barber. Il servait d'appelant, de rapala pour capter le public des vrais gens de goût, de faire-valoir en résumé, et j'y insiste.
Le problème n'est pas de savoir si Robillard a consenti ou non à être un faire-valoir, il n'avait probablement aucune conscience de cela. Le nom à lui seul du leader de la troupe, Forestier, plaidait déjà tellement pour lui (voir la note ci-dessus)... Et Robillard est tellement barré dans son monde qu'il ne perçoit pas ce genre de manipulation.

Écrit par : Le sciapode | 02/05/2013

La Drac donne de l'argent au Frac qui en fait ce qu'il veut, sans contrôle. Il est même possible qu'elle ignore tout de ce projet. Il faudrait les appeler. C'est donc du côté des collectivités locales (région, commune) et du centre hospitalier qu'il faut aller chercher misère. L'aigre a raison : le seul qui se sucre dans tout cela, c'est sans doute l'entreprise amie de ces collectivités, et éventuellement un cabinet d'architectes.
Quant au fusil, comme ça, pointé vers le ciel devant l'hôpital, sans explication aucune, sans aucun recul, si j'ose dire...
Et pendant ce temps là, des sites spontanés disparaissent faute d'investissements des municipalités et autres collectivités, un peu partout...

Écrit par : Atarte | 02/05/2013

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Eh oui.

Fric, marketing & enfumage (et gaspillage — pour ne pas employer de terme beaucoup plus précis, méchant & exactissime — l'art étant où dans le but véritable de cette affaire ?).

Mais, hein, bon: si l’art brut, mis à la mode, ne se vend pas, c’est qu’il ne « servirait  » à rien ?
OoOoOooh !

Écrit par : Karl-Groucho D. | 02/05/2013

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Je sens qu'on va adorer ça du côté d'Animula : "Ah, Waow! C'est super!..." (accent mondain de l'avenue de Messine)...

Écrit par : Champenois | 02/05/2013

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Animoula? C'est qui? Connais pas...

Écrit par : Le sciapode | 03/05/2013

Ce qui est aussi effarant dans ce projet, c'est qu'ils auraient pu proposer à André Robillard de créer quelque chose de spécifique, ou de diriger une création monumentale avec des grands éléments de récupération; ou autres... faire quelque chose de différent de ses habitudes.
Mais NON, le projet est de faire une réplique d'un fusil déjà existant (de provenance un peux douteuse d'ailleurs...), histoire de valoriser une collection particulière.
C'est dire le peu de considération qu'ils ont pour Robillard, c'est carrément méprisant pour lui et pour l'Art Brut en général !
La démarche est artistiquement nulle, et de la part de la Drac qui a l'habitude de faire la leçon à ce sujet ça donne envie de rigoler, ou pleurer.

Écrit par : Alain | 03/05/2013

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Cher Sciapode, je me souvenais assez de votre note concernant ce spectacle et je reconnais que votre jugement plutôt dédaigneux m'a surprise. Puis ensuite les critiques assez violentes en réponse à M. l'Aigre... Du coup je suis allé relire cette précédente note simplement en tapant Robilard dans la case "rechercher". Et là, j'ai quand même été stupéfiée. Mon souvenir était même en dessous de la réalité. Vous étiez vraiment très très laudateur, disant vous même que vous y étiez allé avec circonspection et que vous aviez été conquis, que ces jeunes gens n'instrumentalisaient pas du tout Robillard comme on aurait pu le craindre, etc. J'en passe et des meilleures. Et même, ce que vous disiez de Robiliard sur scène n'est pas loin de résonner comme ce qu'écrit l'Aigre sur son bonheur de jouer... Bon, moi, je n'ai pas vu le spectacle, donc je m'abstiens de trancher, mais je dois sire que votre total revirement me laisse songeuse.

Écrit par : Isabelle Molitor | 03/05/2013

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Oui, j'avais été conquis comme vous dites, mais surtout par la prestation d'André Robillard je le répète. Qu'il ait été rayonnant ce soir-là -et après dans les coulisses- ne faisait pas de doute. Porté par l'inspiration qu'on lui connaît, cela n'a rien d'étonnant, et je ne conteste pas cela dans les propos de l'Aigre bien entendu (à ceci près que Robillard ne faisait pas le "chanteur de rock" comme l'écrit l'Aigre -mais a-t-il vu le même spectacle que moi?- mais plutôt livrait une prestation de poète sonore digne d'un Henri Chopin ou d'un François Dufrène).
J'ai mis le lien vers ma note ancienne, très conscient que le lecteur s'apercevrait que j'ai effectivement évolué dans mon opinion. C'est un peu ce que j'ai voulu avec ce blog, exposer des avis dans leur mouvement, dans leurs évolutions inévitables dans le temps.
Il n'y a pas de quoi exagérer comme vous le faites en vous disant "stupéfiée", à moins de vouloir gauchir à tout prix la réalité de mes positions dans je ne sais quel but...
Relisez donc ce paragraphe de ma note ancienne où effectivement je disais que les membres de la compagnie théâtrale ne vampirisaient pas (je n'ai pas écrit "instrumentalisaient"):
" Les jeunes gens qui entourent Robillard ne le vampirisent pas, ne se servent pas de lui, comme on pourrait être tenté de l'interpréter dans un premier temps (surtout au début du spectacle qui, hier soir, avait du mal à "décoller" dans sa première moitié). Robillard est au coeur d'une représentation qui ne cache pas ses ficelles, ses rouages, ses réglages. Le bricolage est une donnée importante en l'occurrence. Il était juste qu'il soit représenté lui aussi sur scène. Robillard a une énergie créatrice (à 76 ans...) et une inventivité, une fantaisie rugueuse qui contamine ces jeunes gens, et les stimule. Cette émulation amène progressivement la pièce à tourbillonner de façon bouffone et poétique, d'une façon qui finit par nous enchanter et peut-être aussi par nous contaminer à notre tour, nous autres simples spectateurs..."
C'était respectueux comme approche (et surtout poli...) mais un peu lourd de sous-entendus tout de même pour qui sait lire entre les lignes. C'était la première fois que je découvrais cette nouvelle modalité de la créativité robillardienne, modalité qui lui avait été offerte par cette Compagnie (ce qui est son principal mérite). Ce que ces lignes suggèrent, et que vous n'avez pas vu, emportée que vous êtes par le goût de me taquiner, c'est la stimulation qui était faite par Robillard à ceux qui l'entouraient, qui faisait que l'intention première, utiliser Robillard pour monter un spectacle frappant, était peut-être en train de se retourner, c'était Robillard qui utilisait ces jeunes gens.
Par contre, j'ai évolué ensuite surtout quand j'ai écouté le CD produit avec les Endimanchés. Leur musique, bien nettement séparée de ce que fait oralement Robillard sur les pistes du disque, est tout ce qu'il y a de plus insipide. Au point que j'en suis venu à me demander par la suite pourquoi ils avaient embringué Robillard dans leurs entreprises théâtrales. Au point que j'ai fini par me dire que mon interprétation primitive (voir ma première phrase de la citation) n'était peut-être pas si mal fondée que cela.

Écrit par : Le sciapode | 03/05/2013

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en tout cas cet article pose débat, débat important, la sincérité de l'art et de ceux qui le montrent.

Écrit par : dahyot | 09/04/2014

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