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13/10/2013

Tromperie sur la marchandise (l'Hôtel de Ville de Paris et ses impostures)

    "Absolument excentrique", "Art brut", nous matraquent les affiches de la nouvelle exposition de l'Hôtel de Ville de Paris en ce moment rue de Rivoli.

 

Absolument-excentrique...jpg

Photo Bruno Montpied, 2013


    Ah bon? Eh bien, cela fait à mon avis, réunis sur une seule affiche, deux mensonges avec un parfum d'imposture qui ne sont pas sûrs de rendre service à ceux qu'on expose et veut défendre, à savoir toutes sortes de personnes, plus de 160 "artistes", nous assure-t-on, "en situation de handicap mental et/ou psychique issues de de vingt-cinq ateliers de création médico-sociaux et associatifs parisiens".

       Cette exposition, dont on a par ailleurs soigné la scénographie, présente des travaux d'ateliers collectifs où règne en fait assez peu d'excentricité. A se promener dans l'expo, on se dit que l'on y rencontre plutôt un bon échantillon de références à l'art plastique moderne ou contemporain, de l'expressionnisme Kokoschka édulcoré à la peinture proche du graffiti à la Basquiat, du lettrisme à l'art enfantin (l'art des handicapés mentaux s'en rapprochant souvent), etc., le tout ne présentant aucune originalité véritable (à part une ou deux exceptions notables, voir dernier paragraphe de cette note). L'art brut, revendiqué en titre, voire l'art naïf, on sent bien que l'on (les animateurs des ateliers?) cherche parfois à en rapprocher les créations de ces ateliers. En effet, certaines manières, certaines caractéristiques de composition que l'on rencontre souvent dans les œuvres des collections d'art brut, comme le morcellement des formes colorées cernées en noir par exemple, se retrouvent ici et là, comme réemployées incidemment et malignement, ce qui en fait des marqueurs de style et des tics par voie de conséquence, alors que chez les bruts, il n'y avait pas de volonté d'employer sciemment ces tours de main.

 

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Catalogue d'art moderne recraché? Expo "Absolument excentrique", 2013


    Le public était nombreux lorsque je visitai cet espace (un samedi). L'hôtel de ville est situé en plein centre de Paris, et les mots magiques, si à la mode depuis quelque temps, de "l'Art Brut", qui traînent partout, attiraient bien évidemment le passant pas au courant. Mais les connaisseurs, et je suis sûr qu'il y en a de plus en plus depuis que d'autres expositions dans des lieux très en vue (comme le "Museum of Everything" récemment à St-Germain-des-Prés, les expos de la Halle Saint-Pierre, la Maison Rouge, boulevard de la Bastille, le LaM à Villeneuve-d'Ascq, etc.), ne peuvent que constater après un rapide examen des œuvres présentées à l'intérieur qu'on les a trompés sur la marchandise.

     Il n'y a pas d'art brut rue de Rivoli... Les organisateurs (un "Collectif Evénementiel Art et Handicap") se sont parés de plumes qui ne leur appartiennent pas. On a simplement affaire à une présentation des travaux d'ateliers pour handicapés divers comme il y en a déjà eu de nombreuses par le passé, sans qu'il y eût besoin alors de se livrer à ce tour de passe-passe.

     Ce genre d'usurpation de terme en dit long sur l'importance en réalité accordée  par les organisateurs à ce qu'est vraiment l'art brut. Comme s'ils se moquaient en fait de savoir ce que c'est ou non. Leur seul but étant de harponner le chaland à tout prix avec un titre accrocheur. On se dit qu'il doit y avoir une entreprise de communication spécialisée dans le marketing derrière eux. Mais pas très finaude et plutôt mauvaise communicante...

 

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Ensemble de pièces en terre émaillée de Philippe Lefresne à l'exposition "Absolument excentrique", 2013


     Cela fait quelque temps déjà que la Mairie de Paris pousse les associations et les centres d'aide par le travail spécialisés dans les handicapés à exposer ici et là. Ce qui paraît inquiétant, c'est son aveuglement concernant les lieux parisiens qui s'occupent depuis bien longtemps, sans l'avoir attendue, et parfois même gênés par elle -ce qui est un comble!- de faire connaître l'art brut et ses formes apparentées, comme la Halle Saint-Pierre dont la mairie réduit sans cesse les subventions et augmente le loyer... Sans doute faut-il deviner derrière une telle attitude ce côté dogmatique des dirigeants parisiens cherchant à imposer des choix sociaux guindés et artificiels qui ne tiennent aucun compte des choix des individus, des paroles venues d'en bas... Trop anarchiques pour eux, sans doute.

 

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Bouteille de Contrex aux ornements phalliques, selon Philippe Lefresne, exposée à la Galerie Beckel-Odille-Boïcos en 2012 et pas à "Absolument excentrique", ph. BM


       Ceci dit, pour ne pas finir sur une note trop négative –aujourd'hui, on po-si-ti-ve, n'est-ce pas?–, il est à remarquer qu'une fois de plus, comme dans l'exposition "Exil" du Couvent des Cordeliers, se trouvent mélangés à ces créateurs handicapés venus de tous horizons (leurs ateliers ne sont pas spécifiés au cours de l'expo) certains créateurs déjà repérés en provenance de l'ESAT de Ménilmontant dont j'ai déjà eu l'occasion de dire tout le bien que j'en pense (et qui, comme dans le cas de l'exemple ci-après pourrait peut-être être cette fois vraiment rangé dans une catégorie à part de l'art brut).  Comme l'excellent Philippe Lefresne (voir les deux illustrations ci-dessus), créateur d'un style personnel et à l'imaginaire débridé, bosseur invétéré (un camarade m'a raconté que récemment il serait allé se plaindre dans un commissariat qu'il voulait continuer à travailler le dimanche dans l'atelier où il est salarié comme tous les autres artisans handicapés -à signaler que tous touchent un salaire identique quelque soient les prix atteints par les œuvres des uns et des autres), métamorphoseur d'images médiatiques qu'il passe à sa réjouissante moulinette. Ou Fathi Oulad Ben Abid et ses sculptures en raku que l'on avait remarquées au Carré de Baudouin, pour les 40 ans de l'ESAT, et dans la galerie Beckel-Odille-Boïcos près de la Bastille. Mais ils sont durs à repérer. Mieux vaut encore aller les rencontrer là où ils produisent dans les ateliers (peinture et poterie) de la rue des Panoyaux dans le XXe ardt.

Commentaires

Je partage cette inflexibilité à rejeter tout compromis avec ces puants amateurs d'"art brut" trempés jusqu'au cou(illes) dans le fric. La soi-disante "culture" actuelle n'a que l'univers marchand pour seul horizon.
Il n'est que de se promener dans nos villes et ouvrir les yeux pour voir que le seul paysage n'est fait que de boutiques, sans fin...
Ce n'est même pas la peine de s'estranssiner (comme on dit dans le Midi) à chercher des vocables d'"art spontané", ou je ne sais quoi ( même si on devine ton intention généreuse), il n'y a qu'un art, le vrai. Quant au faux, le plus nombreux, qu'il se damne de lui-même!!
J'aurais aimé t'envoyer des liens pour deux artistes que j'aime bien, brésiliens, mais je n'arrive pas à les trouver sur internet. L'un, Botega, fait des modelages de belles femmes-du-peuple aux seins nus (je l'avais pourtant découvert sur la Toile mais je ne trouve plus ???). L'autre qui s'appelait je crois Babalou, m'avait par bonheur été présenté quand j'habitais à Bahia. Il fait des gouaches très joyeuses fourmillantes de petits personnages et dieux et déesses de là-bas. Hélas, je n'ai plus aucune possibilité de contact.
Ah si, peut-être seras-tu heureux de connaître Tim Long (tu peux trouver un lien sur mon mini-site (mondeindien.jimdo.com). Il est un Anglais que j'ai connu quand j'étais ado (Peuchère, j'ai maintenant 59 !) en Provence. Je l'ai revu récemment, toujours aussi sympa, il fait des trucs que j'aime beaucoup. Même s'il a une position d'artiste un peu conventionnelle, ce qu'il fait ne l'est pas du tout, et avec pas mal d'humour, ce qui ne peut être que bien.
Et puis, il y a aussi Gaétan Bouchard, Québécois , descendant d'Indiens, qui fait des peintures que j'aime beaucoup, des textes rigolos aussi, et des musiques que je n'ai pas encore écoutées. Son site : http://blogsimplement.blogspot.fr/
Voilà, je ne crois absolument pas que l'art soit un superflu de la vie, comme une extension du langage. Peut-être même en est-il l'essence ? Mais sans se la péter. L'art, comme d'autres sont ouvrier(-ères), agriculteurs, savants, chamans... Que sais-je...
Et puis d'autres liens à venir pour de magnifiques textes de poésies, chansons, musiques, ... etc.
(et peut-être pouvons-nous encore semer la "mauvaise graine" du côté des regroupements-associations d'artistes dissidents-qui-ne-le-sont-pas-tant-que-ça-mais-un-peu-quand-même, du style: http://www.babart.fr/ ou http://lessentiersdelutopie.wordpress.com/ ??).
Je ne suis pas sûr qu'il y ait grand espoir de vie.
Pour les quelques miennes qui me restent, je cherche plutôt à en profiter au max., pour moi-même et ma femme adorée, tout en restant ouvert, nier ce côté de la vie serait vendre mon âme au diable (merci à Pablo Neruda!)

Bien cordialement ,
Monde Indien.

Écrit par : monde indien | 13/10/2013

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Vos infos, notamment, sur la subvention de la Ville de Paris à la Halle-Saint-Pierre, ne sont pas tout à fait exactes...

Écrit par : nana | 15/10/2013

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Mais si les informations sont exactes. Sous le mandat de Christophe Girard, la subvention de la Halle Saint Pierre a baissé d'environ 30%. Heureusement depuis l'arrivée de Bruno Julliard un vent favorable souffle sur les petites et moyennes associations culturelles, particulièrement lorsqu'elles ont fait leur preuve.
Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint Pierre

Écrit par : Martine Lusardy | 15/10/2013

Il est facile de balancer un doute sur mes "informations", chère Mme "Nana", en vous cachant derrière les pseudos en usage sur la Toile, et sans préciser ce que vous voulez dire. Car vous ne daignez pas en dire plus sur les autres informations dont vous disposeriez. Vous instillez le doute et semez le trouble à bon compte.
Heureusement que Martine Lusardy passait par là, ce dont je la remercie, et qu'elle a confirmé ce que j'avançais. Sinon, vous me faisiez endosser la casaque du médisant mal informé, à bon compte je le répète. Et sans rien préciser. Cependant, les commentaires sont ouverts, il n'est pas trop tard, allez-y, fendez-vous de ce que vous savez ou croyez savoir et éclairez-nous enfin.

Écrit par : Le sciapode | 16/10/2013

Quel combat Sciapode, que j' admire!
Mais à défendre l'impossible nul n'est tenu et cela fait belle lurette qu'un Jean Revol, par exemple, qui s' y connaissait en dessins d'handicapés mentaux (pratique et théorie) nous l' a expliqué dans son "Faut-il décourager les arts?" à La Différence, 1994.
Je le cite :
" En fait, notre société n'a digéré l'art brut qu' en l'émasculant de sa vraie puissance parce qu' elle l'a poussé à se multiplier, à accuser ses tics, à systématiser ses faiblesses au lieu de les combattre. Et surtout parce que ce n'est plus l'œuvre, mais la personnalité même de l'auteur qui est prise comme matériau, exhibée, lésée de sa liberté." ( "Autour de l'art brut" article page 70, opus cité)
Vous êtes un de ces derniers combattants, il faut le reconnaître, cela suffira t-il?
Bien à vous.

Écrit par : Versus | 18/10/2013

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Et bien je n'insinuais rien d'autre que ce que confirme Martine Lusardy, à savoir que la subvention a augmenté en 2013.
Bien à vous.

Écrit par : nana | 18/10/2013

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Bien, il faudrait que je nuance donc ma remarque. Les subventions ont baissé sous Christophe Girard, et auraient donc remonté sous Bruno Julliard, mais de combien? L'essentiel étant qu'un lieu comme la Halle Saint-Pierre montant des expos auxquelles très peu d'autres endroits culturels osent se frotter, et ce depuis vingt-cinq ans, doit être encouragé par la Ville de façon constante -et par d'autres, comme la région Ile-de-France, puisqu'une part non négligeable de ses visiteurs viennent de là, et aussi par l'Etat pourquoi pas?- la Ville qui n'a pas à faire fluctuer ses subventions en fonction du succès ou non des expos qui s'y succèdent (je me réfère aux audits concernant la Halle St-Pierre que l'on trouve sur internet).
D'autant que le succès, comme l'audimat, dépend parfois des modes moutonnières, et que ce n'est pas un gage, par conséquent, de la qualité des expos (si l'art brut japonais en 2010 était une belle initiative, je suis plus réservé sur le succès d'expos consacrées deux fois de suite -une fois de trop?- à Hey et son univers graphique trash-branché).

Écrit par : Le sciapode | 19/10/2013

Les subventions augmentent par magie à la veille des élections municipales. C'est bien connu.

Écrit par : Atarte | 19/10/2013

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C'est bien connu, Atarte : ceux qui tentent de mener des politiques publiques intelligentes sont tous d'immondes calculateurs qui n'ont qu'un objectif dans la vie : arriver ou rester au pouvoir pour satisfaire leur seul et unique intérêt personnel.
Une idée, donc : arrêtons de mettre de l'argent public dans la culture... Non ?
Ce genre de propos m'exaspère. La subvention baisse, la ville est immonde. La subvention monte, la ville est immonde. Bien.

Écrit par : Nana | 19/10/2013

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On me dit que la subvention aurait été en effet révisée à la hausse, mais cela resterait tout de même bien en-deçà de ce qu'elle fut. La Halle Saint-Pierre est condamnée pour survivre à monter des expositions qui marchent. Ne serait-ce pas la pousser à des choix parfois démagogiques (les expos "Hey" par exemple, avec leurs côtés trash pop mondains flirtant avec toutes sortes de débris des avant-gardes, surréalisme, dada, pataphysique...) par nécessité de trouver du public? En même temps, ces choix certes lui ont attiré un public supplémentaire qui revient pour les autres expositions ("Raw Vision", malgré son affiche d'une laideur confondante, paraît bien marcher en ce moment). Mais jusqu'à quand?
On aimerait que la Halle monte des expos peut-être plus risquées. Mais pour cela, il faut l'aider davantage, Mister Julliard.
A quand une exposition sur l'état de l'art singulier en France (les artistes marginaux de l'art contemporain, influencés par l'exemple esthétique et moral des créateurs de l'art brut, où l'on jetterait les faiseurs pour ne garder que les inspirés)? A quand, après toutes ces expositions sur l'art brut anglais et l'art brut japonais et l'art brut italien, une exposition qui ferait la rétrospective de l'art brut FRANCAIS (ouh, ce serait trop chauvin de dire ça?) ?

Écrit par : Le sciapode | 15/11/2013

Vous pouvez être exaspérée, mais si cette subvention n'avait pas préalablement baissé au risque de mettre en cause l'existence même de la Halle St Pierre, il n'aurait pas fallu devoir l'augmenter pour en éloigner le péril. Vous vous seriez alors épargnée deux critiques.

Écrit par : Zébulon | 19/10/2013

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Non, c'est très simple et parfaitement rôdé, cela se fait dans toutes les communes ayant quelques subsides à verser, de droite comme de gauche, et pas seulement en direction des associations culturelles, mais également sportives, etc. On éparpille les subventions pour des associations qui ne s'y attendent pas pendant quelques années en leur faisant bien comprendre que ce ne sera pas pérenne. Et on recentre sur les fondamentaux vers la fin du mandat. Les associations servies pendant les années précédentes se souviendront toujours de cette manne inespérée qu'ils espèrent retrouver ensuite, et les associations servies en fin de mandat sont satisfaites de ce retour en grâce. Tout le monde est satisfait. Gagnant-gagnant, cela s'appelle. Mais vous avez raison, rien ne vaut, dans les villes moyennes un bon chantier (tramway, médiathèque, etc. ) qui traîne en début de mandat et qui se débloque vers la fin, et se termine six mois avant l'échéance. Cela dit, il est possible que Bruno Julliard, homme cultivé et intelligent, ait réellement davantage envie de favoriser la halle Saint-Pierre que son prédécesseur. C'est tout à fait possible.

Écrit par : Atarte | 21/10/2013

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Hum...

Écrit par : Isaac Wens | 21/10/2013

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Heureux de constater que, pour une fois, Animula et le Poignard sont pleinement du même avis, concernant cette exposition au titre mensonger.

Écrit par : FF | 11/11/2013

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En même temps, c'est tellement évident...

Écrit par : Le sciapode | 15/11/2013

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