09/11/2014
Sculpture populaire polonaise
Le hasard a voulu que je photographie à de très brefs intervalles deux œuvres de sculpteurs naïfs polonais venues faire un tour à des dates non précisées dans notre belle contrée de France. Voici en effet un Maréchal Foch, au garde-à-vous (comme tout bon soldat et aussi comme toute bonne statue...), sculpté par Jan Lamecki (mort en 1960), aux yeux quelque peu protubérants et hypnotiques, ce qui paraît être une marque de fabrique de ce sculpteur —curieusement, c'est souvent par la façon de faire les yeux, et les arcades sourcilières que l'on différencie plusieurs sculpteurs naïfs polonais (car dieu sait qu'il y en a, tant on les a poussés par là-bas, sous l'ancien régime communiste, comme après, par habitude, car la chose paraît continuer aujourd'hui que le régime a changé) ; les styles de sculpture dans l'art naïf polonais, aux moyens limités, très sobres, rendent parfois difficiles en effet de départager ce qui appartient aux uns ou aux autres.
Jan Lamecki, Ferdinand Foch, coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; Foch, à ce que m'a communiqué l'ami Régis Gayraud, était populaire en Pologne pour avoir soutenu, après la guerre de 14-18, la reconstruction de la Pologne en une seule entité, sans couloir de Dantzig
Autre œuvre, cette fois il s'agit d'un fascinant groupe de cinq statuettes, signées de Stanislaw Denkiewicz (1913-1990) en 1975. Il s'agit en l'espèce d'un hommage à une mère, peut-être la femme à la longue jupe plissée présente au centre du groupe.
Stanislaw Denkiewicz, statues pour un jubilé à l'occasion d'une "année de la femme", 8-3-1975, coll. privée, Paris, ph. BM
Le texte, gravé dans le socle, entre grappe de raisin et fleurs nouées (symboles de prospérité et d'affection?), dit ceci en polonais (merci à Jean-Louis Cerisier pour sa traduction): "En cette journée internationale de la femme, nos vœux que tu vives cent ans, Maman". Le mot "Jubilé" est quant à lui gravé sur le rebord avant peint en vert. Chaque personnage a presque une seule arcade sourcilière, tandis que leurs yeux ont une fixité qui fait une bonne part de leur charme... Les nez très géométriques, style Île de Pâques, leurs bouches comme des entailles, les visages identiques (c'est une famille, mais tout de même...) leur donnent une allure presque effrayante. Ce sont peut-être les quatre enfants, trois sœurs et un frère, entourant la mère à la jupe plissée, personnage le plus grand au milieu de l'arc de cercle. Ces enfants portent tous une fleur chacun (le garçon ayant perdu la sienne, la brassée d'herbe visible dans son poing étant un remplacement imaginé par le brocanteur qui vendait ces statues), et pas la grande femme, ce qui implique qu'elle peut être la mère, les fleurs lui étant destinées.
Stanislaw Denkiewicz, le grand frère? Et/ou le sculpteur? Coll. privée, Paris, ph. BM
Quel âge avait cette mère à qui ses enfants (et parmi eux le sculpteur, peut-être le seul homme du groupe, à gauche?) souhaitaient une longue vie? Sans doute un âge déjà certain, puisqu'on souhaite toujours une longue vie à nos aînés lorsque ces derniers ont déjà pas mal d'heures de vol... Et qu'en toute logique, ils ont moins d'années futures en stock que d'années écoulées... Cependant, si l'on accepte de laisser de côté quelque temps l'humour noir, on sent qu'à l'évidence, derrière ces faces de craie aux yeux fixes, se cache un amour entier pour la famille qui lie ces personnages dans un cercle. Et un amour des jupes plissées!
Stanislaw Denkiewicz, détail de son groupe de statues représentant un hommage à une mère, coll. privée, Paris, ph. BM
18:01 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jan lamecki, stanislas denkiewicz, art naïf polonais, sculpture naïve polonaise, art populaire polonais, jubilés, journée internationale de la femme, souhaits de longévité, jupes plissées, art immédiat | Imprimer
Commentaires
Ah les jupes plissées, cher Sciapode! On voit que vous étiez prépubère vers 1965...
Écrit par : Isabelle Molitor | 10/11/2014
Répondre à ce commentaireStanislaw, pas Stanislas, cher Sciapode...
Écrit par : Régis Gayraud | 10/11/2014
Répondre à ce commentaireDommage, je préférais Stanislas.
Écrit par : Le sciapode | 10/11/2014
Répondre à ce commentaireAh je comprends maintenant le sens de la moustache de Walesa, laquelle n'est pas fréquente en Pologne: une référence explicite au maréchal Foch !
Écrit par : zébulon | 11/11/2014
Répondre à ce commentaireAvez-vous tant regardé les Polonais sous le nez durant votre vie, M. Zébulon?
Écrit par : Le sciapode | 11/11/2014
Répondre à ce commentaireLes polonais, non, je dois le reconnaître, mais les polonaises, oui, et pas seulement sous le nez.
Écrit par : zébulon | 11/11/2014
Répondre à ce commentaireAh, donc, si je vous suis bien, vous recherchiez des moustaches chez les Polonaises?
Écrit par : Le sciapode | 11/11/2014
Répondre à ce commentaireA lire la salve de commentaires qui précèdent cestuy-ci, nous ayâmes l'impression d'entendre un dialogue inédit d'«Ubu roi, ou les Polonais»...
Écrit par : L'aigre de mots | 11/11/2014
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