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15/08/2008

Un petit tour du côté du MASC aux Sables d'Olonne

     De passage aux Sables d'Olonne, passage fugace, durant lequel j'ai été quelque peu effrayé de voir que l'on y construisait décidément trop (dans l'espoir probable d'exploiter au maximum les flux de touristes amateurs de grillade au soleil, et dans le choix de tourner la page sur l'ancienne activité portuaire, autrement plus authentique et poétique pourtant), je suis retourné voir le charmant musée de l'Abbaye Sainte-Croix, connu pour sa collection et sa documentation remarquables sur Gaston Chaissac et autres Brauner et traditions populaires. Tous les Chaissac du musée avaient été prêtés en Allemagne (au musée Richard-Haizmann à Niebüll)  qui elle, de son côté, avait prêté une centaine d'"images non peintes" d'Emil Nolde, le grand peintre expressionniste dont nous aurons bientôt à Paris cet automne une rétrospective au Grand Palais (à partir du 23 septembre ; l'expo Nolde aux Sables, c'est jusqu'au 7 septembre). Pour consoler les chaissaquiens en villégiature cet été aux Sables, on avait rameuté tout de même de l'ami Gaston quelques dessins sur kraft et autres supports, quelques peintures, tous venus de collections privées, oeuvres apparemment inédites, et de très belle qualité.

Emil Nolde, aquarelle (N° inv.Ung.1205) de la fondation Nolde à Seebüll, expo MASC des Sables d'Olonne, été 2008 .jpg
Emil Nolde, Paysage de promenade sous un ciel du soir, aquarelle, env. 17x23 cm, Fondation Nolde de Seebüll, expo du MASC aux Sables d'Olonne, été 2008

      Les "images non peintes" de Nolde, ce sont des petites aquarelles qu'il a confectionnées au secret de son atelier durant la Seconde Guerre, après que les Nazis lui eurent intimé l'ordre de cesser de peindre, et lui eurent détruit ou vendu à l'étranger un millier d'oeuvres conservées dans les musées allemands, les utilisant au passage comme exemples d'"art dégénéré", au côté des oeuvres de Freundlich ou des créations de malades mentaux de la collection de la clinique psychiatrique d'Heidelberg, autrefois dirigée par Hans Prinzhorn. Pauvre Nolde, qui en outre avait eu l'aveuglement de s'inscrire au parti national-socialiste (du Nord, dans la région frontalière avec le Danemark) en 1934... Et qui fut donc sévèrement douché en retour! Quelle lettre abominable il reçut de ceux en qui il avait cru pouvoir placer sa confiance... Traduite dans l'exposition, elle ne l'est pas dans le catalogue malheureusement. Pourtant instructive par son côté terrible. Imaginez-vous, on vient vous rayer de la carte des artistes admis, on vous signifie la destruction, ou la vente à l'étranger (moindre mal), d'un millier de vos oeuvres, et on vous signifie l'interdiction de peindre, on viendra vous contrôler à domicile.

Emil Nolde,Deux personnages, aquarelle, N°inv.Ung.493, Fondation Nolde de Seebüll, expo du MASC des Sables d'Olonne, été 2008.jpg
Emil Nolde, Deux personnages, aquarelle, env 25x18 cm, fondation Nolde de Seebüll, expo au MASC des Sables d'Olonne, été 2008

       Emil Nolde se cacha alors au coeur de sa maison, et réalisa en miniature des projets de tableaux plus grands. L'aquarelle se prêta à cette insoumission intime. Etonnant de constater à quel point malgré leur petite taille, ces paysages et ces portraits respirent et restituent la poésie de lieux possibles, d'une réalité saturée de chaleur de vivre. L'exposition est rare, restitue la fragilité de cet effort de ne pas mourir artistiquement, l'aquarelle elle-même étant à la lisière de l'évaporation, de l'évanouissement, tel un mirage. Les voyant, j'ai pensé à un autre créateur de ces temps où créer de façon moderne avait pris un tour plus que vacillant, Roger Bissière, qui avec une toute autre technique, l'assemblage de tissus, la broderie, lui aussi créa des oeuvres d'une forte originalité, celle qui porte la marque de l'instinct de survie, et s'approche de l'art le plus authentiquement inspiré.

      J'ai continué ma balade dans le musée, à la rencontre des quelques oeuvres de la collection permanente que l'on pouvait voir cet été, je me souviens de tableaux à l'originalité certaine... Mais j'ai préféré poursuivre vers le département des arts et traditions populaires qui se cache sous les toits, pressé que j'étais de revoir Jean-Jean (peintre naïf rugueux, né à Matha en Charente en 1877 et décédé à La Roche-sur-Yon en 1948, à 71 ans, en prison, selon Jalovsky pour faits de proxénétisme après une vie de matelot de misère), Jean-Jean aux trop rares tableaux conservés dans les musées (j'ai servi un jour de trait d'union pour assurer le don d'un Jean-Jean de Yankel, l'extraordinaire collectionneur de peinture naïve, à la Collection Humbert du musée de Laduz, où on peut le voir). Un tableau était toujours accroché, non loin, surprise, de trois tableaux peu connus d'Hippolyte Massé (le conservateur du musée, M.Benoît Decron, ne désespère pas de réaliser un jour au musée quelque publication autour de Massé). Je voulais revoir la porte de bronze ciselé que Massé avait gardée de sa première petite maison de La Chaume, où il se reposait de son métier de passeur sur le chenal du port. Elle n'était plus visible. Momentanément certainement. La voici, telle que je la photographiai en 1996:

Hippolyte Massé,la porte en bronze de son ancienne maison à La Chaume, coll du MASC des Sables d'Olonne, ph B.Montpied, 1996 .jpg
Hippolyte Massé, porte en bronze ciselé provenant de l'ancienne maison dite à la Sirène de La Chaume aux Sables d'Olonne, ph.B.M. 1996, coll. du MASC des Sables d'Olonne

       J'ai eu l'occasion de publier des informations sur Massé dans le passé (cf.  L'Art Immédiat n°2, 1995, le texte de B.Montpied, "Laissez passer Massé le passeur" et le texte de Frédéric Orbestier, "La maison d'Alice"). Il fut grâce à sa sirène en mosaïque de coquillages l'un des inspirés (pas encore nommés "des bords des routes") célèbré par les magnifiques photographies de Gilles Ehrmann dans Les inspirés et leurs demeures (éd. du Temps, 1962). Il avait sculpté la fameuse sirène sur une première maison de la Chaume,Hippolyte Massé, la maison telle qu'elle était en 1996 à La Chaume, ph.B.Montpied, 1996.jpg et fit par la suite un deuxième décor sur une maison rue du Marais (cf reproduction dans L'Art Immédiat, pour la première fois à ma connaissance), décor qui comme le premier fut ensuite par Massé lui-même semble-t-il effacé (cf le texte d'Orbestier ci-dessus cité), pour ne pas envenimer les relations avec les vandales qui s'amusaient à abîmer l'oeuvre donnant sur la rue.Hippolyte Massé,la maison à la sirène, ph. Gilles Ehrmann in Les Inspirés et leurs demeures, 1962.jpg Massé était donc aussi peintre, j'ai signalé dans L'Art Immédiat qu'un de ses tableaux, intitulé Le Voilier, se trouve à Nice dans la collection Jakovsky du Musée Internatinal d'Art Naïf (cf. reproduction dans le catalogue de 1982 du musée, p.235). Attendons donc encore un peu pour prendre connaissance de tout ce que l'on a pu garder sur Massé au musée de l'Abbaye Sainte-Croix (à noter qu'il y a déjà eu par le passé, en 1991-1992, une exposition sur Hippolyte Massé). Des archives attendent encore pour livrer des secrets  Hippolyte Massé, tête sculptée et peinte et coiffure en coquilles St-Jacques, coll du MASC des Sables d'Olonne, ph B.Montpied, 1996.jpg      Hippolyte Massé,assemblage de coquilles de mollusques et de carapaces de crustacés, coll du MASC des Sables d'Olonne, ph B.Montpied en 1996.jpg

     Dernière révélation au MASC cet été, l'annonce pour cet automne (octobre 2008-mars 2009) d'une grande exposition sur le peintre naïf de marines Paul-Emile Pajot. On peut se référer là-dessus au site des amis du MASC. On apprend dans un tiré à part (avec une présentation de Benoît Decron) édité par le musée qu'en préambule à cette expo, le MASC avait déjà acquis en 2006 le Journal de Pajot intitulé Mes Aventures,Paul-Emile Pajot, une page de son journal, texte manuscrit et illustrations gouachées, coll du MASC des Sables d'Olonne.jpg relié en cinq volumes ("prés de 2500 pages, plus de mille illustrations dessinées à la plume ou crayon, gouachées pour la plupart"). Le tiré à part vendu actuellement à la librairie du musée, comprenant de très courts extraits du Journal permet cependant de se faire une idée alléchante de la fraîcheur de ce manuscrit et de ses nombreuses illustrations relatives à toutes sortes de sujets se référant aux goûts et aux tribulations de Pajot, dont on connaissait déjà les magnifiques marines à la fois naïves et japonisantes. 

    "Et si nous commencions juste à découvrir Paul-Emile Pajot?", écrit avec raison M.Decron... 

Paul-Emile Pajot,une illustration tirée de son Journal, coll du MASC des Sables d'Olonne.jpg

(Emil Nolde, "Les Images non peintes" (Aquarelles 1938-1945), MASC, Les Sables d'Olonne, 3 mai-7 septembre 2008.) 

25/04/2008

Hilma Af Klint?

    C'est un prénom et un nom, Hilma Af Klint, ce n'est pas une incantation barbare. Il s'agit d'une femme, née en 1862 et disparue en 1944. Elle faisait de l'art, de la peinture, et c'était une cachottière. Avant de mourir, elle fit promettre à son neveu (Erik Af Klint comme de juste), de ne pas montrer ses oeuvres (environ un millier) tant que vingt années ne se seraient pas écoulées. En fait, les oeuvres ont attendu vingt années de plus, puisque ce n'est qu'en 1986 que ses toiles furent révélées au public, au Los Angeles County Museum, à l'occasion de l'exposition "The Spiritual in Art: Abstract Painting 1890-1985" (où, à côté de Mondrian, Kandinsky et de Malevitch, elle fut présentée comme une pionnière de l'art abstrait).

The Message, catalogue de l'exposition sur l'art et l'occultisme à Bochum en Allemagne, 2008.jpg

     Il y a quelque temps, ayant acquis le catalogue de l'exposition "The Message, Kunst und Okkultismus (Art and Occultism)" qui vient de se terminer au musée des Beaux-Arts de Bochum en Allemagne (16-02 au 13-04-2008), qui contient d'intéressants textes de divers auteurs réputés (Claudia Dichter, Barbara Safarova, Peter Gorsen, etc.), ainsi qu'une traduction du texte de référence d'André Breton, "Le Message Automatique" (traduit partiellement en allemand, et par Guy Ducornet intégralement en anglais), l'ayant parcouru comme d'habitude en diagonale, au hasard, dans tous les sens, mon oeil s'était arrêté à ce nom et cette oeuvre inconnus de moi. Hilma Af Klint... De précieuses, délicates géométries qui paraissaient dater de l'époque de l'Art nouveau ou de l'Art déco... Comme des plans de rosaces destinées à des verrières... Je glanais dans ce catalogue grâce aux traductions en anglais qu'il contient quelques renseignements sur l'artiste.

      Après des études très sérieuses dans les écoles artistiques suédoises, et avoir pratiqué une peinture de genre qui ne la distingue sans doute pas notablement de l'ensemble des peintres de son temps, elle se tourna vers des cercles spirites, apparemment à dominante féminine, où ses talents de médium l'avaient orientée. Elle produisit une centaines d'images entre 1906 et 1908, fortes compositions colorées où se rencontrent des motifs ornementaux floraux ou géométriques, des lettres ainsi que quelquefois des visages d'êtres humains (ainsi que des évocations symboliques de la fusion des corps qui provoqueront de l'émoi autour de l'artiste...qui décida par la suite de se vouer à la chasteté tout en se sacrifiant éperdument à l'art, ce qui fait penser à Séraphine "de Senlis", la misère matérielle en moins...).

Hima Af Klint, peinture de 1907, extraite du catalogue de son exposition de 2008 au Centre Culturel Suédois.jpg
Hilma Af Klint, tableau présenté au Centre Culturel Suédois, série WU (La rose), groupe I, Les grandes peintures de figures, n°8, 148x164cm, 1907  

     Il semble qu'après sa rencontre avec la théosophie de Rudolf Steiner et sa passion pour cet enseignement, elle ait décidé de ne plus placer sa peinture sous le guide des "entités surnaturelles" et de peindre plus en conscience et en contrôle. Elle resta active artistiquement parlant jusqu'à son grand âge, mais ne montra plus ses oeuvres de l'époque occultiste.

      Une exposition est actuellement montée à Paris, au Centre Culturel Suédois, du 11 avril au 27 juillet. Un petit catalogue est édité à cette occasion, sous une jaquette noire où l'on peut lire ce titre imprimé en argent: "Hilma Af Klint, Une Modernité Révélée"...

Catalogue d'exposition 2008 au Centre Culturel Suédois à Paris: Hilma Af Klint.jpg

     Cette exposition est prévue pour offrir un prolongement à l'évocation de cette artiste qui paraît devoir s'insérer dans l'exposition prochaine au Centre Beaubourg (oui...Pompidou, je sais) intitulée "Traces du Sacré" (titre qui me fait sourire, vilainement narquois comme il m'arrive de l'être, car ces "traces" me laissent rêveur quand je repense à ce que me dit un jour un camarade dans la rue devant des excréments de chien étalés sur un trottoir, "Regarde... La chair de Dieu..."). Peu d'oeuvres de la période 1906-1908 sont en tout cas présentées au centre suédois, et celles qui le sont, le groupe des "Grandes Peintures de figures", sont intriguantes et laissent un peu le spectateur sur sa faim, côté peintures médiumniques. Il semble qu'on ait avant tout présenté au Centre les oeuvres produites sous l'influence de la théosophie, assez lourdement symboliques, semblant vouloir prouver une doctrine préexistant au travail de création de l'artiste. Et signalons au passage dans le catalogue l'affirmation de Pascal Rousseau, très "coup de pied de l'âne", qui juge l'art brut une "catégorie mineure" de l'art: "Il faut (...) cesser de ranger son oeuvre dans la catégorie mineure de l'art brut: un art d'inspirés, de fous ou d'illuminés, un art qui dessaisit l'artiste plutôt qu'il ne consacre la radicalité consciente de son vocabulaire". Difficile de faire mieux dans le renversement réactionnaire méprisant....

     Il faudra sans doute aller chercher à Beaubourg un peu plus d'information (quel effort il me faudra accomplir... Vu les traces en question...). 

13/09/2007

Petit calendrier d'expositions très potables

*    Bernard Pruvost expose à la Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, Lyon, du 26 octobre au 24 novembre, et Ô coïncidence, montre aussi des oeuvres, un peu plus tôt, au Musée de la Création Franche à Bègles (Gironde ; du 29 septembre au 25 novembre), dans ce dernier cas avec d'autres créateurs (Exposition "Visions et Créations Dissidentes", dont Pascale Vincke, qui est défendue avec raison par le MAD musée à Liège, ou le Batave Herman Bossert, présenté par la Galerie Hamer de Nico Van Der Endt à Amsterdam qui a apparemment des Mouly dans ses réserves -tiens, puisque vous êtes sages, on peut cliquer ici pour en voir un...). Bernard Pruvost, c'est un spécialiste des encres arachnéennes.

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Oeuvre de Bernard Pruvost (Photo Galerie Dettinger-Mayer)
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*   Plus prés dans le temps, commence le 17 septembre une expo consacrée à Yolande Fièvre, artiste au patronyme très évocateur, amie de Jean Paulhan, spécialiste des éléments naturels ovoïdes et glandulaires assemblés dans des coffrets, artiste très influencée au préalable  par le dessin et l'écriture automatiques. Elle a devancé de très loin tous les "singuliers" qui sont venus à partir des années 80. Ce sera l'occasion de le vérifier, à la Halle Saint-Pierre du 17 septembre 2007 au 9 mars 2008. En même temps que cette expo, qui comme d'hab dure un temps un peu trop immense (6 mois...), il y aura une expo pour évoquer la courageuse figure de Varian Fry, cet Américain qui vint sauver des griffes nazies nombre d'intellectuels et d'artistes européens qui se pressaient à Marseille au début des années 40, une des rares issues qui restait encore après la Débâcle. Il a d'ailleurs écrit le récit de son aventure dès 1942. Elle ne fut publiée aux USA qu'en 1945, et traduite en français seulement en 1999 chez Plon (l'édition est épuisée et l'éditeur serait bien inspiré d'en faire des retirages...).

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    C'est bien sûr l'occasion pour les organisateurs de l'expo de montrer des oeuvres de plusieurs surréalistes dont Fry put s'occuper, comme Breton, Max Ernst, Jacques Hérold, Jean Arp (qui resta en Europe), Wifredo Lam, Victor Brauner, André Masson, Jacqueline Lamba ou Matta (alors que Camille Bryen, Alberto Magnelli, Lipchitz, Wols, eux aussi exposés, malgré ce qu'avance avec confusion le laïus de présentation de l'expo sur le site de la Halle, si ce sont bien des artistes parfaitement honorables, ne furent  pas pour autant surréalistes...).

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    Des "dessins collectifs" (sans doute des cadavres exquis et des épreuves originales  du "Jeu de Marseille" que les surréalistes et leurs amis, réunis dans le petite communauté de la Villa Air-Bel confectionnèrent, histoire d'inventer un jeu nouveau porteur derrière ses nouveaux emblèmes de mythes nouveaux) sont également promis.

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("Dessins collectifs" surréalistes, photo récupérée sur le site de la Halle Saint-Pierre)

   "Varian Fry était comme un cheval de course attelé à un chariot rempli de pierres" (Jacques Lipchitz, selon Pierre Sauvage, texte dans le dossier de presse de l'exposition)

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*    Sinon, il me semble que peu d'amateurs auront remarqué qu'une rétrospective des oeuvres de Philippe Dereux (1918-2001) avait été organisée à la Galerie Chave durant cet été. Des dessins, des collages d'épluchures, des peintures et des livres illustrés de 1960 à 2000 sont montrés dans cette prestigieuse galerie jusqu'au 30 octobre 2007, soit une bonne partie de cet automne encore, donc. J'ai une tendresse toute particulière pour l'oeuvre et le personnage de Philippe Dereux qu'il m'est arrivé de rencontrer un soir dans la Presqu'île à Lyon avec son fils... Ce qui me fascine toujours chez Dereux, c'est justement le travail de sa vie, cette épluchure de l'expression, d'abord peut-être recherchée à travers l'écriture, puis ensuite dans les arts plastiques (il a mixé les deux approches dans différents livres, comme Le Petit Traité des Epluchures paru en 1966 chez Julliard). Pour se rapprocher au plus prés de la vérité, du parler juste, sans emphase, sans fioritures, sans tricherie, sans afféterie mensongère. Et qui passait peut-être par le recyclage de ces épluchures dans une combinatoire dédramatisant cette obsessionnelle quête d'épure.

   La galerie Chave annonce pour l'occasion une monographie en préparation qui s'intitulera "La Mémoire des épluchures".

   (Galerie Alphonse Chave, 13, rue Isnard, 06140 Vence, Tél: 04 93 58 03 45.)  

22/06/2007

Raymond Humbert, un Zao-Wou-Ki en passant par la Lorraine

     Depuis plusieurs années, l'oeuvre de Raymond Humbert, artiste d'origine lorraine, surtout connu pour la création et l'animation de musées et d'expositions consacrés à la défense du patrimoine artistique populaire (la Maison du Coche d'Eau à Auxerre, le musée de Laduz, des ouvrages sur l'art populaire, etc.), commence à revenir de plus en plus dans la lumière, prenant, au fur et à mesure des expositions organisées ici et là, une stature des plus imposantes (après le musée des Beaux-Arts d'Auxerre,c7c388d62643188f76ab01b4bd906a4d.jpg une rétrospective de ses oeuvres

Catalogue Raymond Humbert, D'un art, l'autre, éd. Cinq Continents (auteurs:Philippe Chabert, Jean-Marie Lhôte, Gilbert Lascault), 2007

part pour l'été, jusqu'au 2 septembre, à l'Abbaye de l'Epau, près du Mans, vernissage le 29 juin, tél: 02 43 84 22 29). 

     Paysagiste abstrait, ainsi pourrait-on le qualifier  (comme ce fut dit à propos de peintres des années 60 comme par exemple Maurice Wyckaert, bien peu connu dans notre doux pays, cf. ci-dessous à gauche), ou bien paysagiste visionnaire.Maurice Wyckaert.jpg Travaillant sur le motif comme on dit,a41ab3455c1794aed96be3ccc08eaa32.jpg mais l'investissant d'autres motifs plus intérieurs,   irriguant ces observations de visions secrètes riches de subjectives ambivalences.

    Scrutant aussi des motifs par eux-mêmes déjà "abstraits", comme les remous d'écume à la crête des vagues qu'il regardait en se laissant hypnotiser, oubliant l'heure et se laissant cerner par la mer du côté de Porspoder...96ffc0697b340263f14fd8d94f41d418.jpg

Laduz, 1989

     On a souligné son admiration, par delà des peintres comme Derain ou Bonnard, pour les peintres japonais, Hokusai en tête (sa collaboratrice, Marie-José Drogou, peintre elle aussi et de grand talent, a aussi subi cette influence, ne voulait-elle pas réaliser les Cent vues du Grand Mouzou (récifs au large de Porspoder) comme il y a chez Hokusaï les Cent vues du Mont Fuji...). Il n'y a pas à douter du japonisme s'attardant chez Humbert. Mais je pense aussi souvent à Zao-Wou-Ki616fb0bf4b4c62d455b64ac8ed724873.jpg , surtout aux encres de ce dernier (voir ci-contre à gauche), en contemplant les grandes compositions de Raymond Humbert transposant des fragments de paysages en de riches symphonies de lignes et couleurs, qui évoquent également le dripping de Pollock ou le pointillisme abstractisant d'un Mario Prassinos.

    Comme Wyckaert (qui fréquenta un temps l'Internationale Situationniste), Raymond Humbert fut aussi un utopiste qui rêvait d'une autre civilisation à travers le rassemblement de ses extraordinaires moissons d'objets témoignant de l'art immédiat des  artisans et des humbles. Son rêve le portait à imaginer une société où chacun créerait sans allégeance à un quelconque modèle venu d'un pouvoir artistique centralisé. Il nous est particulièrement cher pour cela, et ce n'est pas le nouveau président de tous les égoïsmes coalisés, élu récemment, qui nous le fera oublier.

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 Les pommiers en été, 1988

 

(J'ai emprunté les deux grandes photos de peintures de Raymond Humbert -faites par Marie-José Drogou- au catalogue de ses "40 ans de peinture" au Musée des Beaux-Arts de Pau (été 1994). R.H, peignant à Porspoder, provient d'une photo de M-J. Drogou également.)