22/06/2007
Raymond Humbert, un Zao-Wou-Ki en passant par la Lorraine
Depuis plusieurs années, l'oeuvre de Raymond Humbert, artiste d'origine lorraine, surtout connu pour la création et l'animation de musées et d'expositions consacrés à la défense du patrimoine artistique populaire (la Maison du Coche d'Eau à Auxerre, le musée de Laduz, des ouvrages sur l'art populaire, etc.), commence à revenir de plus en plus dans la lumière, prenant, au fur et à mesure des expositions organisées ici et là, une stature des plus imposantes (après le musée des Beaux-Arts d'Auxerre, une rétrospective de ses oeuvres
Catalogue Raymond Humbert, D'un art, l'autre, éd. Cinq Continents (auteurs:Philippe Chabert, Jean-Marie Lhôte, Gilbert Lascault), 2007
part pour l'été, jusqu'au 2 septembre, à l'Abbaye de l'Epau, près du Mans, vernissage le 29 juin, tél: 02 43 84 22 29).
Paysagiste abstrait, ainsi pourrait-on le qualifier (comme ce fut dit à propos de peintres des années 60 comme par exemple Maurice Wyckaert, bien peu connu dans notre doux pays, cf. ci-dessous à gauche), ou bien paysagiste visionnaire. Travaillant sur le motif comme on dit, mais l'investissant d'autres motifs plus intérieurs, irriguant ces observations de visions secrètes riches de subjectives ambivalences.
Scrutant aussi des motifs par eux-mêmes déjà "abstraits", comme les remous d'écume à la crête des vagues qu'il regardait en se laissant hypnotiser, oubliant l'heure et se laissant cerner par la mer du côté de Porspoder...
Laduz, 1989
On a souligné son admiration, par delà des peintres comme Derain ou Bonnard, pour les peintres japonais, Hokusai en tête (sa collaboratrice, Marie-José Drogou, peintre elle aussi et de grand talent, a aussi subi cette influence, ne voulait-elle pas réaliser les Cent vues du Grand Mouzou (récifs au large de Porspoder) comme il y a chez Hokusaï les Cent vues du Mont Fuji...). Il n'y a pas à douter du japonisme s'attardant chez Humbert. Mais je pense aussi souvent à Zao-Wou-Ki , surtout aux encres de ce dernier (voir ci-contre à gauche), en contemplant les grandes compositions de Raymond Humbert transposant des fragments de paysages en de riches symphonies de lignes et couleurs, qui évoquent également le dripping de Pollock ou le pointillisme abstractisant d'un Mario Prassinos.
Comme Wyckaert (qui fréquenta un temps l'Internationale Situationniste), Raymond Humbert fut aussi un utopiste qui rêvait d'une autre civilisation à travers le rassemblement de ses extraordinaires moissons d'objets témoignant de l'art immédiat des artisans et des humbles. Son rêve le portait à imaginer une société où chacun créerait sans allégeance à un quelconque modèle venu d'un pouvoir artistique centralisé. Il nous est particulièrement cher pour cela, et ce n'est pas le nouveau président de tous les égoïsmes coalisés, élu récemment, qui nous le fera oublier.
(J'ai emprunté les deux grandes photos de peintures de Raymond Humbert -faites par Marie-José Drogou- au catalogue de ses "40 ans de peinture" au Musée des Beaux-Arts de Pau (été 1994). R.H, peignant à Porspoder, provient d'une photo de M-J. Drogou également.)
15:50 Publié dans Art moderne méconnu | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : raymond humbert, abbaye de l'epau, laduz, paysagisme abstrait, maurice wyckaert, marie-josé drogou | Imprimer
Commentaires
Quelle surprise, en pignochant dans le blog, de retrouver le nom de Maurice Wyckaert, celui pour lequel je garde tant de tendresse. Te souviens-tu que j'ai longtemps oscillé entre Iliazd et lui? Mais je ne connaissais pas le belge, alors que j'avais appris le russe. D'où le choix final.
Chez Wyckaert, dans les tortillons et les écailles de certains de ses ciels bleu gris, par exemple (il y a toute une série comme ça), il y a quelque chose de l'informel à la Bojnev (je parle des dessins au crayon de Bojnev) à la notable différence de la facture - il s'agit de peinture à l'huile et non de crayon) et aussi qu'il n'y a pas de place pour l'espace du support chez M. W. alors qu'il apparaît chez B. B.
Mais la même obsession du dégouliné que chez Jorn aussi.
Merci de l'avoir évoqué. Wyckaert est le grand oublié des peintres de l'IS. Good job, sciapode!
Régis
Écrit par : régis gayraud | 02/04/2008
Répondre à ce commentaireÉcrire un commentaire