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18/05/2022

Livio Sapotille à la Fabuloserie parisienne, un nouvel auteur d'art brut

     Je suis tombé personnellement sur les dessins de Livio Sapotille chez une responsable de l'Association EgArt, cette agence-interface qui gère les rapports entre les artistes "différents" et le monde des amateurs d'art. Tout de suite intrigué par la recherche qui se donnait immédiatement à voir sous mes yeux – une faune fantastique, hésitant entre réalité et merveilleux conjectural ou chimérique –, je me suis enquis de rencontrer l'auteur, qui se surnomme "Timale Gwada Connection" ("Le gars qui est en connexion avec la Guadeloupe"), et vit quelque part dans l'Yonne dans un Centre où il fréquente un atelier, et où il dessine surtout la nuit au secret de sa chambre, des insectes qui ont des têtes humaines, ou sont en passe de se métamorphoser, parfois en monstres aux allures lovecraftiennes.

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Livio Sapotille, titre non relevé par moi, crayon sur papier, 50 x 70 cm, 2020, © Patrice Bouvier. Exposé à la Fabuloserie-Paris.

 

       En amont, Sophie Bourbonnais, qui s'occupe, on le sait, outre de sa galerie parisienne, aussi de la Fabuloserie, formidable cabinet de curiosités singulières, à Dicy dans l'Yonne, non loin du Centre où vit Livio, avait été elle aussi captivée par les productions graphiques curieuses de Sapotille. Voici ce qu'elle a écrit à ce sujet :

       "J'ai eu la chance qu'une certaine Virginie me présente les œuvres d'un certain Livio, œuvres que j'ai tout de suite appréciées et souhaité exposer !

        Mais étant donné la situation de ce créateur, j'ai préféré solliciter l'association EgArt, qui protège les artistes différents quant à leur intégration au monde de l'art, et par là-même protège le galeriste !!!
      Je suis donc heureuse de vous présenter le bestiaire fabuleux de Livio Sapotille, en partenariat avec EgArt."
(Exposition du 14 mai au 11 juin 2022 à la galerie de la Fabuloserie-Paris, 52 rue Jacob, Paris VIe ardt).
 

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Le genre de livre qui inspire Livio sur sa table de travail ; ph. Bruno Montpied, 2021.

 

     Ce dernier se sert de livres bon marché d'entomologie où il va pêcher ses modèles ("pêcher" est le terme idoine, car il fait écho à ses souvenirs, quand il attrapait des crustacés d'eau douce dans les rivières près de Lamentin en Guadeloupe, ""L'île aux belles eaux").

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Livio Sapotille,  La Guadeloupe, l'île aux belles eaux, crayon graphite et crayons de couleur sur papier, collection de l'auteur, ph.B.M.

 

     Il dit que ce qu'il représente se trouve dans les images naturelles, et donc, si je comprends bien, qu'il n'invente rien. Il traduit seulement les illustrations des livres en couleur en des dessins noirs et blancs avec un crayon graphite (son outil de prédilection ; il a essayé la peinture, mais les résultats ne sont pas pour l'instant aussi concluants que ses dessins, parfois exécutés sur tissu...). Les visages, les déformations que l'on pourrait y voir, ils sont d'après lui inscrits dans les carapaces de ces bestioles. D'ailleurs, voyez les sphinx à tête de mort... Moi, je me dis alors que son regard est celui d'un voyant, qu'il voit plus loin que tout un chacun, même s'il est sur la voie d'une révélation à venir encore plus grande.

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Livio Sapotille, Lubellules demoiselles, 29,5 x 22 cm, crayon graphite sur papier, collection Fonds Art sans Exclusion.

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Livio Sapotille, La Casside tachée de rouille, crayon graphite sur papier, env. 50 x 30 cm, vers 2020. Exposé à la Fabuloserie- Paris

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Livio Sapotille, une autre version de la Casside tachée de rouille, avec en dessous un mufle de babiroussa et la gueule ouverte d'un hippoppotame., crayon sur papier, env 50 x 30 cm, 2019 ; ph. B.M. (dans l'atelier de Livio), 2021.

 

     C'est cela qui est fascinant avec ce créateur, le va-et-vient entre réel et perception intérieure. Il ne dessine pas que des animaux, il lui arrive aussi de réprésenter des humains, et l'on mesure peut-être plus encore dans ce genre de sujet l'écart qu'il opère entre réalisme et approche surréelle. Que l'on songe à son autoportrait, que l'on comparera aux portraits photographiques que j'ai réalisés de lui, dont je donne ci-dessous une version (une seconde photo ayant été insérée dans l'article que j'ai donné à Artension dans le n°173 de mai-juin actuel)...

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Livio Sapotille, Autoportrait, crayon sur papier, 32 x 38 cm, 2020 ; coll. Fonds Art sans Exclusion.

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Livio Sapotille, ph. B.M., 2021.

 

      S'aventurant plus loin dans cette voie de l'autoportrait, comment ne pas rester interdit et perplexe devant cette autre version, intitulée "Ma moitié", où l'on découvre un personnage scindé en deux : d'un côté, mi-homme aux chairs transparentes, laissant voir son squelette, tenant un long bâton d'insigne de la Franc-maçonnerie (pourquoi?), et mi-monstre poilu, muni de griffes, son sourire découvrant des crocs de carnassier... ?

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Livio Sapotille, Ma Moitié, 42 x 32 cm, crayon sur papier, 2020 ; coll. Fonds Art sans Exclusion.

 

      En parallèle, cependant, Livio Sapotille peut aussi s'attaquer à des œuvres aux formats et au contenu encore plus ambitieux, comme le prouve la composition ci-dessous, où l'on voit apparaître sirène et ondin de bonne proportion, à l'heure où fut prise la photo, pas encore achevée... Ici, on aborde le versant plus merveilleux de l'inspiration sapotillesque...

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Livio et Virginie (l'éducatrice animant l'atelier collectif fréquenté par Sapotille) tenant à bout de bras une œuvre en chantier, ph. B.M., 2021.

06/01/2020

Petra Šimková la galerie 35, Institut français à Prague

     Petra Šimková est une artiste qui se sert de la photographie pour des photomontages numériques, parfois retouchés avec des outils de peintre ou de graphiste. Ils illustrent des thématiques diverses. Un des sujets de travail qui l'a fait  primitivement remarquer, ce sont ses autoportraits nus et métamorphosés, où elle recherche un au-delà du corps qui exprimerait plus véritablement les facettes variées de sa personnalité, l'identité multiple de sa chair et de sa personnalité.

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© La Transformation, photo Petra Šimková, 2017.

  

     C'est une quête qui s'apparente quelque peu à celle du surréaliste allemand  Hans Bellmer, avec ses "jeux de la Poupée" et ses photos de son modèle Unica Zurn dont il avait, par ligotage de cordelettes (voir ci-contre),petra simkova,captive insaisissable,photomontage numérique,autoportrait,nus,photographie surréalisante créé une image démultipliée et métamorphosée du corps. Comme le peintre Bernard Dufour qui, n'ayant pas de modèle à sa disposition au début de son œuvre, s'était pris lui-même pour modèle nu, Petra Šimková a choisi son propre reflet, certes nu au départ, qu'elle transcende ensuite à l'aide de divers artifices, utilisation d'accessoires à la prise de vue, retouchage par ordinateur, et parfois aussi par surlignage graphico-pictural. Cela ne va bien entendu sans un certain érotisme sous-jacent...

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© Photo (autoportrait) de Petra Šimková retravaillant ses photos, septembre 2019.

 

     L'ensemble de ce travail sur la recréation de sa représentation, elle l'a nommé "Captive insaisissable" (sur une suggestion que je lui fis voici plusieurs années pour ce qui n'était à l'époque qu'un travail d'étude ; à noter aussi qu'elle sortait d'un apprentissage dans une école des métiers du verre). Elle est, en apparence, captive de nos regards, ainsi que du cadre de la photo, alors que, simultanément, son apparence ne cesse de s'échapper en se transformant, se réfractant en des centaines d'éclats parfois kaléidoscopiques, où l'œil voyeur ne parvient jamais à la saisir dans une nudité réaliste fixe.

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Le sixième sens, © photo Petra Šimková, 2018.

 

     Parallèlement à ce thème, elle est aussi une artiste qui se passionne pour une forme d'abstraction colorée, et des paysages urbains sublimés, eux aussi pour révéler une sorte d'outre-paysage, une outre-ville, un outre-monde bâti à partir du décor de nos vies quotidiennes.

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La nuit est la plus jeune, © photo Petra Šimková, 2018.

 

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Carton d'invitation à l'exposition "Insaisissable" à la galerie 35.

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      Après avoir publié très récemment (2019) un magnifique ouvrage d'art sur elle-même, avec des textes de présentation de Terezie Zemánková, et de votre serviteur, Bruno Montpied, elle va bénéficier entre le 10 janvier et le 9 février 2020 d'une exposition à la galerie 35, situé dans l'Institut français de Prague, où elle vit une partie de son temps, le reste de l'année se passant plutôt dans l'île de Bali (voir le témoignage qu'elle me donna à propos de la créatrice brute Ni Tanjung, témoignage dont j'ai parlé dans une note précédente). On peut, si on veut voir plus d'œuvres, se reporter à son site web.