Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/06/2019

Correspondance avec un ami au sujet des contre-cultures

     Cher P.,
 
    J'ai toujours observé, à l'égard des contre-cultures, du milieu de l'underground, d'Actuel, Radio-Nova et j'en passe, une attitude distante et réservée, sans complètement les rejeter bien sûr. 
     Mon credo se résume au fond à ceci: 
    Plutôt que de se tenir avec une certaine délectation dans une  position marginale, en cultivant la marge, comme les contre-cultureux le font, pourquoi ne pas chercher plutôt à se mêler à la masse des gens dits ordinaires? 
    C'est pourquoi j'avais été sensible, dès le moment où j'ai lu Dubuffet, à son éloge de l'homme du commun. Le danger, bien sûr, de ma position, c'est qu'on peut tomber sur des réacs au sein même de la population active non lettrée ou cultivée. Encore plus, le temps passant, on dirait, cf. les gilets jaunes où il semble qu'il y ait vraiment de tout, et pour une part, des fachos, des populistes, des beaufs (mais peut-être n'est-ce, dans ce mouvement, que la part que les media ont épinglée avec malveillance) .
   Mais ce choix, parler avec tout le monde, avec des mots simples si possible, compréhensibles de tout un chacun, c'est, il me semble, la condition sine qua non d'un possible échange, à égalité entre interlocuteurs, de questionnements menant à révolutionner la vie quotidienne dans un sens harmonieux.
    La marge reste la marge, et d'un certain point de vue, en s'y cantonnant, cela est analogue à l'attitude des élitistes contents de camper sur leurs olympes, avec à la bouche des lippes pleines de morgue...
   Dans les contre-cultures, c'est surtout dans les milieux musicaux alternatifs, encore trop artistes au fond, et donc naturellement conduits à se séparer des gens ordinaires non artistes, que je ressens cela. Dans d'autres domaines, l'art populaire par exemple, lorsque Actuel s'intéressait aux cultures populaires (du bout des lèvres quand même), comme lorsqu'ils ont fait au milieu des années 80 un almanach avec des articles sur des habitants-paysagistes de banlieue parisienne ("les Facteurs Cheval", ça s'appelait), le ton s'était "humanisé", était devenu plus accessible, ordinaire...
 
    Bien à toi,
    Bruno

29/01/2018

PIF, PAF, POUF

    "PIF (Patrimoines Irréguliers de France) est une association ayant pour objectif la protection et la mise en valeur d’univers inventés par des irréguliers de l’art. Bâtis, sculptés et/ou dessinés, ces patrimoines fleurissent dans les banlieues du système culturel, qu’ils court-circuitent pour leur résistance à être saisis, à être catégorisés. Ils associent plusieurs techniques, médiums et disciplines et évoluent avec les auteurs qui les créent, suivant le flux de leurs rêveries. Réels et irréels à la fois, ils sont donc évolutifs, éphémères, interdisciplinaires, inclassables. Ils demeurent souvent dans la clandestinité, risquant l’oubli. A travers des rencontres, des expositions et des publications, Patrimoines Irréguliers de France vise à faire sortir de l’ombre ces lieux autres, qui ouvrent une brèche dans le réel, en suggérant que la vie est rêve."

    C'est le laïus que m'a envoyé récemment la fondatrice, Roberta Trapani, avec deux autres acolytes, de cette association qui veut développer un certain flair (hi, hi) en matière d'"environnements singuliers", comme elle préfère dire pour désigner les "univers" de créateurs populaires ou d'artistes marginaux.  En effet, je souligne ce terme d'univers qui nous indique qu'il ne s'agit pas seulement d'attirer l'attention des amateurs sur des environnements ou des sites, mais aussi sur des objets. On peut supposer en effet que les animateurs de ce PIF (PAF¹-POUF) s'intéressent aussi bien à des œuvres morcelables qu'à des ensembles de pièces créées pour être solidaires dans l'espace, comme dans le cas des environnements spontanés des habitants-paysagistes bruts ou naïfs. Quoique jusqu'à présent, d'ailleurs, l'association ait passablement mis l'accent sur des artistes singuliers plutôt que sur des créateurs populaires – comme Jean Linard (et sa "Cathédrale" en mosaïque, mal digérée de visites chez Picassiette, mixée à de vagues architectures de tipi amérindiens) – que personnellement je ne considère pas du tout comme faisant partie des environnements populaires spontanés, ou de l'art brut. On devine en tout cas qu'il s'agit pour cette association, au fond, de ne pas élever de distingo entre artistes et créateurs, comme je le fais personnellement, tout au contraire, sur ce blog (et dans mes livres), soucieux que je suis d'attirer l'attention sur une inspiration qui naît en milieu non artiste. Car cela remet en cause la division du travail chez les artistes patentés, et la notion commune que nous avons tous de l'art, généralement perçu comme une activité plus ou moins sacralisée, praticable seulement par une caste d'élus. Ce n'est donc pas seulement un caprice terminologique de ma part. 

Expo Jean-Luc Johannet à la HSP février 2018.jpg

Le  dessin qui sert d'illustration à ce carton relève a priori d'une iconographie illustrative fantastique, proche de la bande dessinée (genre Fred) des années 1970, de la revue Planète aussi, d'un  certain psychédélisme futuriste et alternatif... ; elle ne rend pas trop compte des autres productions de cet artiste, qui me paraît avoir créé, aussi, si je me souviens bien,  des machines imaginaires.

 

     Le PIF présentera du 1er février au 25 février prochain une exposition, dans la galerie de la Halle Saint-Pierre, consacrée plutôt, justement,  à un artiste marginal (synonyme à mes yeux d' "artiste singulier"), Jean-Luc Johannet.

 

pif,patrimoines irréguliers de france,art singuleir,artistes marginaux,contre-culture,envrionnements singuliers,roberta trapani,halle saint-pierre,jean-luc johannet,artistes ou créateurs

Ce que fait de plus original, je trouve, l'artiste : cette maquette d'une ville de rêve... Expo dans la galerie au rez-de-chaussée de la Halle St-Pierre, ph. Bruno Montpied, février 2018.

_____

¹ Le PAF reste à créer en effet... Le Patrimoine Anarchique de France... Et le POUF : Patrimoine Oublié Ubuesque de France?