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13/04/2008

Marges à la sauce parisienne

    On a déjà remarqué qu'il n'y avait guère d'environnements bruts sur le territoire des grandes agglomérations. Il faut aller le plus souvent en banlieue pour en trouver (du moins autrefois, car  aujourd'hui, il semblerait que même les banlieues deviennent stériles de ce point de vue, surtout la banlieue parisienne). Je l'ai déjà dit dans ma note du 7 mars à propos du géant Isoré. La pression sociale, la promiscuité des grandes villes, l'embourgeoisement aussi (tellement patent à Paris en particulier) en sont cause. Sans compter les réglements liés au bâti, les contraintes des copropriétés...

    Dès qu'un individu exerce une action sur son décor à Paris, ce n'est généralement que dans le secret de son intérieur, et lorsqu'il se trouve en place publique cela découle souvent d'un comportement à la limite du pathologique triste. Un environnement naïf sur lequel je reviendrai plus tard fait exception à la règle sur la rive gauche, bâti dans une zone pavillonnaire préservée par chance ou miracle... Pour satisfaire à un besoin très nettement individualiste dans son essence, il faut en effet jouir d'un espace individuel, sans contrainte collective marquée. Les maisons individuelles sont devenues rares à Paris, et donc les environnements qui pourraient s'y développer le sont devenus aussi.

Environnement accumulatif, Paris, ph.Bruno Montpied.jpg
Photo Bruno Montpied, 2008

    Je suis récemment tombé sur un habitat tenant à la fois du jardin, de la remise et un peu aussi, il faut bien le dire de la décharge, en lisière d'un bâtiment prestigieux, le contraste entre les deux étant assez remarquable. Je ne peux pas trop indiquer son emplacement histoire de ne pas nuire à son habitant. Ce dernier ne paraît du reste pas trop accommodant, lorsqu'on découvre la proclamation plutôt agressive qu'il a apposée à l'entrée de son jardin, situé  en contrebas d'un escalier public. Il a dressé un drapeau français, ainsi qu'un européen, bien en évidence au-dessus du jardin, et cela paraît cause de conflit avec le voisinage.

Environnement accumulatif, l'entrée, Ph B.Montpied, 2008.jpg
L'entrée du site, clochette, crucifix, coq gaulois, bibelots, inscription ("mise en demeure"...), statue de nageuse, poupées... ph.Bruno Montpied, 2008
Panneau et mise en demeure de l'auteur du jardin, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Photo B.M, 2008

    Le lieu est insolite, non pas en raison de l'esthétique du décor créé, fait d'accumulations de débris divers -et comme cela arrive souvent dans nombre de sites de type accumulatif, orné de poupées démantibulées, de fragments de figurines, de mannequin vaguement attifé Mannequin du jardin accumulatif, ph B.Montpied, 2008.jpg - il est atypique à cause de sa situation extrêmement marginale dans le tissu urbain, sous un escalier, coincé le long d'un bâtiment imposant où se prépare la relève du cinéma français, légèrement proliférant, sans excès non plus, son auteur prenant soin aussi de laisser la végétation s'y développer, ce qui est toujours bien vu à Paris où l'on manque de verdure...Environnement accumulatif à Paris, vue plongeante de l'entrée, ph.B.Montpied, 2008.jpg

     Il est assez cousin des habitats précaires de SDF qui se rencontrent ici ou là, jouissant de tolérances éphémères de la part de la force publique, comme l'homme en cabane à roulettes ci-dessous, 

Homme vivant dans une caisse-cabane à roulettes, rue Pernelle, 1er ardt, ph B.Montpied, 2003.jpg
Paris, 1er arrondissement, Photo B.M., 2003

ou cet habitat de clochard passage Hébrard dans le Xe arrondissement où pendant un moment son auteur accumula en pleine rue l'ameublement d'un véritable studio en plein air, avec salle de bain, salon, salle à manger à ciel ouvert, au vu et au su de tous, plus transparente demeure que celle-ci, tu meurs (littéralement d'ailleurs...)...

Habitat précaire dans le 10e ardt, Paris, ph.B.Montpied, 2007.jpg
Paris 10e arrondissement, photo B.M. 2007

   On l'associera aussi aux créations ambulantes de diverses figures de la rue, tel  que celles sur quatre roues de "Monsieuye X", révélées par Marc Décimo dans son livre "Les Jardins de l'Art Brut", ou la tenue vestimentaire toute de fils brodés de multiples couleurs que portait un vieil Arabe dans les rues du centre de Paris voici quelques années (individu que je n'ai jamais réussi à identifier, ni à photographier, si quelqu'un avait des photos ou des informations supplémentaires à son sujet, il est le bienvenu ici).

"Monsieuye X.", photo Marc Décimo dans  "Les Jardins de l'Art Brut", éd. Les Presses du Réel, 2007