06/07/2024
Anne-Marie Brauge, dans la série des Enchanteurs et autres insolites laissés pour compte...
Anne-Marie Brauge (1942-2003), sans titre, aquarelle (?), encre (?) et crayons sur papier, 31 x 23 cm, daté 1967 et signé en bas à droite. Acquis aux Puces de Vanves le 25 novembre 2023 ; ph. et coll. Bruno Montpied ; l'image apparaît comme un agrégat d'images hétéroclites assemblées au gré des outils de traçage, comme un précipité de mémoire en vrac.
Curieuse aquarelle, me suis-je dit, en la trouvant gisant sur un trottoir de la Porte de Vanves, par un petit matin froid. Sa composition enchevêtrée m'a cependant aimanté, je trouvais là sans doute un dessin cousin, par l'esprit et la forme, de mes propres dessins. Le broc' me confia que l'on trouvait des "choses" sur l'autrice sur internet. En effet...
Anne-Marie Brauge est née à Grenoble et s’est installée à partir des années 1960 au Danemark après son mariage avec l’artiste danois Gunnar Saietz, qui l’a aidée à écrire son autobiographie intitulée Le demi soleil (en danois, Den halve sol).
Elle paraît avoir souffert de schizophrénie par bouffées intermittentes jusqu’à la fin de sa vie. Elle peignait, sculptait, et écrivait. Lors de ses crises, ses dessins perdaient de leurs couleurs, et en noir et blanc, se déclinaient en des compositions symétriques qui l'aidaient peut-être à se stabiliser. Elle a fait l’objet d’une exposition en 2011 au Musée Ovartaci (musée consacré au Danemark à Ovartaci, un créateur visionnaire transgenre rangé dans l’art brut). Elle me paraît parfaitement ignorée en France, cette Anne-Marie. Cependant, des œuvres d’elle passent de temps à autre en ventes aux enchères. Voici ce que l'on pouvait trouver comme remarques à propos de ses peintures sur le site web de ce Musée Ovartaci: "Malgré leur polyvalence, de nombreuses œuvres présentent des caractéristiques communes : de petits univers, des éléments de style oriental avec des harems et des palais ; mais en même temps, les œuvres sont souvent une collection de plusieurs motifs plus petits, tels que des animaux, des visages et des fleurs. Ces éléments reviennent souvent dans ses images."
Anne-Marie Brauge, scène fantastique avec figure féminine et palais orientaux, encre et aquarelle sans doute, dimensions et photographe non renseignés, 1969.
Anne-Marie Brauge, Court bouillon, huile sur toile, 81x65 cm, 1996, photographe non renseigné.
Anne-Marie Brauge, sans titre, sculpture en deux parties, bronze patiné, 40 cm de hauteur, ph, date non renseignés.
Elle paraissait pratiquer le dessin de façon automatique à la manière des surréalistes, mais aussi la sculpture. Il a d’ailleurs été spécifié dans les notices qui traînent sur internet à son sujet qu’elle aurait fondé au Danemark un groupe surréaliste en 1965, intitulé « Passepartout ». Et aurait appartenu à un second groupe par la suite, appelé PRO… Je gage que les spécialistes du sujet ne savent pas grand chose de ces "groupes" qui ne paraissent pas avoir laissé de grandes traces dans l'histoire du mouvement. Il est à noter qu'il y eut un surréalisme déjà par le passé au Danemark, mais ce fut plus tôt, dans les années 1930, avec une figure importante, celle de Vilhelm Bjerke-Petersen (1909-1957) qui a laissé derrière lui, en 1933, un ouvrage intéressant : "Des symboles dans l'art abstrait" (traduit en français par Joël Gayraud et Peter Ölund chez Yves Rivière, il ya bien longtemps, en 1979 exactement...). Représentant de l'art moderne au Danemark avec Richard Mortensen et Ejler Bille, où il anima la revue "La Ligne", de 1934 à 1935, il se rallia au surréalisme d'André Breton en 1935, se séparant de ses premiers camarades, et en montant d'importantes expositions à Copenhague avec des artistes surréalistes internationaux. Je me suis laissé dire qu'Asger Jorn, fondateur par la suite de COBRA et de l'Internationale Situationniste, fut proche de Bjerke-Petersen dans ses années de jeunesse.
Anne-Marie Brauge est donc une Française qui a travaillé plutôt au Nord de l'Europe, exposant surtout dans des pays germaniques mais aussi en Italie (elle a cependant participé à une "Biennale" en France, en 1967). Son graphisme me paraît un mixte de dessin automatique proche de l'art médiumnique et de bande dessinée imprégnée des modes psychédéliques des années 1970.
13:10 Publié dans Art des jardins secrets, Art moderne méconnu, Art singulier, Art visionnaire, Erotisme populaire, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : anne-marie brauge, surréalisme danois, groupe passe-partout, groupe pro, automatisme graphique, bande dessinée psychédélique, puces, trouvailles de brocante, musée ovartaci, ventes aux enchères, gunnar saietz, bjerke-petersen | Imprimer
25/04/2018
Retour de chine: un dessin de Lucie Valore, une peinture de "Bl.Mouron"
Lucie Valore, sans titre, sans date (entre 1940 et 1965), crayons de couleur sur papier, 20x23cm, coll. et ph. Bruno Montpied.
Dimanche dernier, au milieu de cet océan de drouille et autres rossignols qu'est la Réderie d'Amiens, il fallait pouvoir trouver quelques îlots où gisent les trouvailles qui rachèteront de tant d'errance au milieu des laids produits de notre contemporanéité. J'ai fini par tomber sur l'étal d'un couple de braves gens de la région qui vendait le petit dessin ci-dessus. J'ai cru sur l'instant à un magnifique dessin d'enfant. Il me faisait signe avec insistance, il me fallait l'acquérir. Le couple en question m'apprit alors qu'il s'agissait d'une œuvre d'une femme qui avait été l'épouse du peintre de Montmartre, Maurice Utrillo, fils de Suzanne Valadon. Elle s'appelait Lucie Veau dans sa jeunesse. Née à Angoulême en 1878, elle disparut à Paris en 1965. Amie de Suzanne Valadon, ancienne épouse d'un banquier, dont elle prit le nom passagèrement (Lucie Pauwels), elle épousa en 1935 Utrillo et changea alors une troisième fois de nom, pour s'appeler Lucie Utrillo. Au contact de ce peintre qu'elle protégea des ses penchants à l'alcoolisme, en l'abritant au Vésinet dans une charmante demeure, "La Bonne Lucie", elle put manifester à son tour sa vision incontestablement ingénue et naïve du monde, dans des paysages, des portraits et des natures mortes. On sait qu'Utrillo lui-même a parfois été qualifié de peintre naïf. Et c'est vrai que certains tableaux, par leurs coloris et les axes difformes de leurs perspectives, peuvent faire songer par association au "réalisme intellectuel" des Naïfs. Sans doute Lucie fut-elle lasse de ses changements multiples d'identité, et profita de l'occasion pour se créer enfin un nom qu'elle se serait choisi en tout indépendance. Elle s'appela alors Lucie Valore, magnifique patronyme qui, en raison de "l'or" qu'il renferme – se le dit-elle? –, pourrait lui assurer un certain succès... Rappelons qu'Anatole Jakovsky a cru bon, dans un ancien numéro des Cahiers du Collège de 'Pataphysique des années 1950, de relever ce fait que nombre de patronymes contenant les lettres "O,R" sont souvent liés à des destinées fastes et prospères...
Lucie et Maurice...
Lucie Valore, Autoportrait à l'aigrette.
Lucie Valore, Printemps.
Lucie Valore, paravent peint, 1959.
Tombe de Lucie et Maurice Utrillo au cimetière St-Vincent, à Montmartre, tout près de chez moi...
Je n'ai pas retrouvé pour autant trace de son inscription dans une quelconque histoire de l'art naïf. Jakovsky, Dasnoy, ou Bihalji-Merin l'ignorent superbement. Mais cela ne nous étonnera pas, il manque beaucoup d'autres artistes du même genre au bataillon, surtout bien entendu du côté des naïfs récents, mais aussi du côté des anonymes, ou des artistes autodidactes dont la production est restée limitée ou a été dispersée (et parfois détruite?) comme j'en donne un autre exemple ci-dessous, chinée aux puces, en compagnie d'un autre tableau (un portrait de Charles Maurras...).
Bl.(Blanche? Blandine?) Mouron, Autoportrait, 22x29 cm (3 Figure), 1958 ; ph et coll. B.M ; Qui connaît cette Bl. Mouron, avis aux amateurs...?
10:58 Publié dans Art naïf | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lucie valore, maurice utrillo, peintres de montmartre, bl. mouron, art naïf, anonymes de l'art naïf, réderie d'amiens, puces, chine | Imprimer