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Le musée de proximité de Tamaya Sapey-Triomphe

     Tamaya, je l'ai rencontrée à la suite de mon film sur Eric Le Blanche. Petite-fille de la cousine d'Eric, ayant connu enfant ledit Eric en accompagnant son père Frédéric, artiste numérique apparaissant dans le film que j'ai écrit (Eric Le Blanche, l'homme qui s'est enfermé dans sa peinture, mars 2019), elle avait envie de découvrir le film et plus généralement des informations sur l'art brut et consorts (notamment pour documenter une émission qu'elle s'apprêtait à faire sur Radio-Nova le lundi en début de soirée).

Attroupement dvt le musée de proximité d'Angerville (2).jpg

Attroupement le 10 juillet 2020 devant le Musée de Proximité d'Angerville ; ph. Bruno Montpied.

 

     Récemment, pour son diplôme de fin d'études en architecture, elle a monté durant trois grosses semaines, à Angerville, "en dessous" d'Etampes, un projet un peu 'pataphysique, un "Musée de Proximité".

Plan 2 du musée de proximité d'Angerville (avec légendes BM).jpg

Plan dessiné par Tamaya Sapey-Triomphe, légendé par Bruno Montpied.

Dispositif 2 du périscope (2).jpg

Le périscope vu de l'intérieur ; ph. B.M.

 

     Ayant "squatté" – très légalement, en respectant tout un cahier des charges côté agence immobilière et instances administratives du lieu – un cabinet de coiffure abandonné depuis 25 ans, elle y a installé un dispositif bricolé à base de planches et de cartons. L'idée étant de présenter à 5 mètres du trottoir, visible par un petit trou tracé dans un badigeon de blanc d'Espagne (ou de Meudon, ou de Bougival, etc.), et au bout d'un "périscope" géant, une œuvre ou un objet ayant de la valeur pour son auteur ou son prêteur (seul donc à faire le choix de ce qui serait présenté, dans une politique "muséale" ultra démocratique donc).

Une spectatrice essaye le trou du périscope (2).jpg

Une spectatrice colle son œil à l'œilleton de la vitrine de gauche ; ph. B.M.

Le dresseur d'auréole de BM au bout du périscope (à 5 m)(2).jpg

Ce que voyait la spectatrice ci-dessus, un dessin en couleur de Bruno Montpied, Le dresseur d'auréole (2020), placé cinq mètres plus loin au fond de la boutique ; ph. B.M.

La vitrine de la collection permanente du musée de proximité (2).jpg

Dans la vitrine de droite du "musée", la collection "permanente" ; ph. B.M.

 

      Cet objet n'était destiné qu'à rester un seul jour au bout du périscope (voir vitrine de gauche de la boutique). Après quoi, il passait dans la vitrine de droite, appelée la "collection permanente". Une permanence tout éphémère en réalité, puisque le musée de proximité devait s'arrêter le 14 juillet...

Le Dresseur d'auréole, 32x24cm, 2020 (2).jpg

Bruno Montpied, Le Dresseur d'auréole, Série des "Auréolés", 32 x 24 cm, 2020.

 

     J'ai été heureux de m'associer à ce projet, pour le principe, en prêtant un de mes dessins récents, Le Dresseur d'auréole, pour la seule journée du 10 juillet. En dépit du fait que, malgré le concept généreux que mettait en application le projet de Tamaya Sapey-Triomphe – accoucher d'un musée qui serait le fait de tout un chacun, un musée sans conservateur, reflet de la multiplicité des goûts culturels des prêteurs, en évolution permanente, un musée de l'immédiat, comme il y a un art de l'immédiat –, l'idée restait assez chimérique, intellectuelle (ce qui n'est pas un gros mot sur mon clavier), partageable par peu de gens, car mettant en jeu une sorte d'avant-plan culturel finalement assez complexe. Comme pour l'art de l'immédiat, si la production pouvait relever de l'immédiat, la réception, elle, ne l'était pas à tout coup...

     Mais au fond, peu importait, l'idée était belle, et la réalisation hors du commun par ces temps moroses de peu d'inventivité, et de peu de poésie. Grâces en soient rendues à la prometteuse et tonique Tamaya.

TST à l'entrée de son musée de proximité, le 10 juil 2020 (2).jpg

Tamaya S-T. à la réception de son musée de proximité, un peu semblable à une voyante tireuse de cartes ; ph.B.M.

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Les Bricoleurs de paradis de nouveau à Bègles le 18 mai 2024

     http://www.musee-creationfranche.com/?page_id=179805

     Le lien ci-dessus mène au Musée de la Création Franche qui, en dépit de sa fermeture pour travaux d'agrandissement, continue de s'activer, engendrant exposition et animations diverses. Le 18 mai, pour la Nuit des Musées, je m'en vais venir débattre avec le public présent à l'Espace Vautrin consécutivement à la projection des Bricoleurs de paradis, le film de Ricordeau que j'avais co-écrit avec lui en 2011. Le film permet de voir ou revoir divers créateurs autodidactes dont certains nous ont quittés depuis (André Gourlet, ou Bernard Roux par exemple). On y voit aussi André Pailloux baguenaudant avec son vélo surchargé de bibelots et autres colifichets multicolores et tintinnabulants, ce même vélo qui a été désormais acquis par le Musée de la Création Franche.

Il est en route, juil10 (2).jpg

André Pailloux en action sur le fameux vélo qu'il a ensuite transféré au Musée de la Création Franche ; ph. Bruno Montpied, 2010.

 

       Parmi d'autres créatifs du bord des routes, on voit aussi dans les bonus du DVD des "Bricoleurs de paradis" (film trouvable gratuitement sur YouTube, je le signale, mais sans les bonus...), un film super 8 de mézigue tourné à Mantes-la-Ville, en 1987, devant le jardin de sculptures en assemblages de silex et autres cailloux de Marcel Landreau. Ce dernier fut démantelé par son auteur vers 1990, pour être transféré en partie dans son pays natal, à Thouars (Deux-Sèvres). Hélas son auteur décéda peu de temps après, en 1992.

        Mais là aussi, très récemment, des sculptures – une trentaine – ont pu être conservées en parvenant, par mon intermédiaire et celui de l'antiquaire Freddy Tavard qui en avait acquis après une dispersion en brocante, dans les collections du musée de Bègles (grâce à la clairvoyance de sa directrice, Hélène Ferbos), musée qui devient à présent la collection publique la plus fournie en sculptures de Marcel Landreau. Aucune collection privée, non plus, sur le chapitre Landreau, ne peut désormais rivaliser avec Bègles...

 

Les buveurs de vin rouge (2).jpg

Marcel Landreau, deux amateurs de bon vin rouge, silex assemblés, années 1980; anc. coll. F. Tavard, désormais coll. Musée de la Création Franche, Bègles : ph. B. Montpied, mai 2023.

Echantillons de sculptures retrouvées chez F Tavard (2).jpg

Marcel Landreau, quelques pièces éparses, coll. F. Tavard ; ph. B.M., 2023.

 

        A l'Espace Vautrin, sera montée une petite exposition, intitulée "Sortez du cadre!" avec des reproductions photographiques de divers sites, ainsi que, peut-être, des fragments de certains environnements qui ont pu être conservés, extraits de leurs contextes, faute d'avoir pu sauver l'intégralité des sites sans doute. 0n pourrait ainsi envisager un jour, comme c'est seulement esquissé au LaM de Villeneuve-d'Ascq par exemple, de consacrer un espace à part pour l'évocation – audiovisuelle en même temps qu'en présence d'objets – des sites originaux des inspirés du bord des routes. Le futur musée de la Création Franche aura-t-il l'audace de nous proposer un tel espace à l'avenir?

Affichette nuit des musées à l'Espace Vautrin le 18 mai 24.jpg

"Au programme :

18h – 23h // Visite libre de l’exposition « Sortez du cadre ! »

(…) Le musée de la Création Franche vous propose de découvrir une sélection de fragments de ces univers, issus de ses collections, qui sortiront exceptionnellement des réserves.

19h30 – 20h30 // Projection du film documentaire « Bricoleurs de paradis »

Réalisé par Rémy Ricordeau • Écrit par Bruno Montpied et Rémy Ricordeau, 53′.

Bricoleurs de paradis nous emmène à la rencontre d’Arthur, André, Michel, Concetta, et beaucoup d’autres, qui consacrent leur temps à s’occuper de leur jardin et à décorer leur maison. Mais à la différence de la plupart, eux les transforment… [de manière plus personnelle, souvent excentrique]. En s’attardant devant ces maisons, Rémy Ricordeau et Bruno Montpied nous emmènent à la rencontre de ces « inspirés du bord des routes ».

20h30 – 21h15 // Rencontre avec Bruno Montpied

Bruno Montpied est un créateur, auteur et spécialiste des environnements d’art brut. Il a notamment écrit Éloge des jardins anarchiques (L’Insomniaque, 2011) et Le Gazouillis des éléphants (Le Sandre, 2017)*, première tentative d’inventaire général des lieux de ce type en France.

 *Réédition du livre Le Gazouillis des éléphants à la fin de l’année 2024 en co-édition Hoëbeke et Le Sandre.

 Renseignements : 05 56 85 81 73 / contact@musee-creationfranche.com"

Marcel Landreau, tête profil droit, vestige, silex et autres cailloux assemblés (2).jpg

Marcel Landreau, une tête en silex et cailloux divers, coll. et ph. B.M., 2023.

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Pour les amateurs, un peu de romantisme dégénérant...

    Je ne résiste pas au désir de partager ce petit moment (3'05) de bonheur en mettant en ligne ci-dessous ce chef d'œuvre du regretté Henri Salvador qui m'a mis de bonne humeur ce dimanche matin.

    C'est dédié en premier lieu à un camarade cantalou qui prise fortement les airs et les chansons se rapportant à la dive bouteille. Connaissait-il cet opus du roi Henri?


podcast

Henri Salvador, "Je bois à ton souvenir" (paroles et musique de R. Conrad et Mitch Murray, paroles françaises de Bernard Michel), 1966 ; sur la compil Henri Salvador, "Loufoque" (1999, label EMI)

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Les figures mécanisées de monsieur Alexis

     Un correspondant, M.Tireau, m'a récemment fait part d'une jolie petite découverte qu'il a faite sur un de ces dépôts-ventes où atterrissent parfois des créations d'inspirés. Il s'agit d'un ensemble de pièces mécanisées que des héritiers, après la disparition de l'auteur, ne se sont pas résolus à détruire, se disant peut-être qu'il y avait un peu d'argent à se faire, que c'était plus facile de s'adresser à un professionnel du débarras, un ferrailleur, plutôt que de les casser morceau par morceau.

 

yohann tireau,monsieur alexis,girouettes,vire-vent,jouets bricolés et automatisés,whirligigs français

Photo et coll. M. Tireau

 

      Ces personnages paraissent de prime abord assez sommaires, parce que réduits au schéma, l'attention du créateur ayant été concentrée semble-t-il avant tout sur la question de leur animation.

Petite vidéo de monsieur Tireau insérée sur YouTube où l'on voit à l'action les créations mécanisées de "monsieur Alexis", et où aussi on entend, les bruits, cliquetis, clochettes tintinnabulantes, de ces dispositifs jouant un rôle important dans la conception de ces œuvres

       Notre collectionneur ne sait pas trop si on peut appeler cela des vire-vent, des girouettes, ou d'un autre qualificatif, dispositifs mécanisés, jouets? Ce dernier terme aurait plus ma faveur, tant j'imagine ce monsieur Alexis (1912-2002), ancien cheminot de la Sarthe, travailler en pensant à des petits-enfants qu'il rêvait d'émerveiller par ces tours de force d'animations mécanisées.

 

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Ces personnages font penser à des personnages de dessins animés, très stylisés, ph. et coll. M. Tireau

 

       La plupart des vingt pièces rachetées tournent grâce à une manivelle ou grâce à des pales de moulinets, mais M. Tireau m'assure qu'elles restent incapables de se mouvoir grâce au vent (les pales ne pouvant s'actionner qu'à la main).yohann tireau,monsieur alexis,girouettes,vire-vent,jouets bricolés et automatisés,whirligigs français Certaines étaient munies de tiges de fixation, l'une d'entre elles est même encore sur le toit de son atelier (M. Tireau a retrouvé le lieu de création originel), ce qui indiquerait qu'elles étaient prévues pour être installées en extérieur (M. Tireau: "Je me demande si ces objets n'étaient pas destinés à être mis sur des piquets d'environ un mètre de haut, du style girouette de jardin").

 

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Sur cette photo floue, on devine la girouette sur le toit de l'atelier, ph. M. Tireau

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Cycliste au visage noir (de nombreux Noirs apparaissent ainsi parmi les personnages), petit drapeau tricolore, joueur de trompette... Ph. et coll. M. Tireau

 

   Monsieur Alexis n'eut-il pas le temps de perfectionner ses sujets? Il semble qu'il ait en tout cas insisté sur l'animation. "Les personnages et animaux s'animent dans un joyeux bordel en tapant quelquefois sur des timbres", m'écrit M. Tireau. Un point sur lequel il faut revenir, c'est l'aspect schématique des silhouettes peinturlurées franchement, et la part envahissante prise par les grossières pièces de mécaniques, pales, écrous, vis énormes, montants métalliques, qui font penser à un jeu de Meccano particulièrement conçu pour un malvoyant.

 

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Exemple de pièces de mécanique très voyantes, jouant un rôle esthétique dans la composition de la pièce ; les divers éléments sont constitués de matériaux recyclés, ph. et coll. M. Tireau

 

    Le dessin des silhouettes (il en est peu de face, voir exception ci-dessous) est réduit au minimum, tirant celles-ci vers une tendance à l'abstraction géométrique colorée, où les éléments mécaniques joueraient un rôle esthétique (probablement involontaire).

 

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Personnage présenté de face, visage noir et tout de jaune vêtu, avec des sabots semble-t-il, ph. et coll. M. Tireau

 

   D'autres pièces seraient conservées dans d'autres parties de sa famille. Avis aux curieux...

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Dirk Geffers au Madmusée de Liège

    Et ça y est, c'est reparti pour une nouvelle brassée d'expositions de "rentrée". Tout le monde a fourbi ses armes, on sort les trouvailles et c'est un festival de découvertes sans doute, des petits nouveaux et des grands anciens, tandis qu'à côté de cela se préparent les expositions qui aident le marché de l'art à se fournir en viande fraîche (il y aura bientôt l'Outsider art fair décentralisé à Paris à l'Hôtel le A près des Champs-Elysées, quartier modeste comme on sait, et parallèlement à l'expo des 25 ans de Gros Vison, pardon Raw Vision, à la Halle Saint-Pierre).

       Le Poignard Subtil, fidèle à ses tropismes, cherche plutôt du côté de ce que l'on ne voit pas forcément tout de suite, ce qui est la vraie façon d'avoir "une longueur d'avance". Et donc, je ne sais si l'on parlera beaucoup ici des Anglo-saxons qui viennent sur notre vieux continent faire augmenter la cote des marchandises esthétiques brutes d'Outre-Manche (même si les Américains ont le chic pour être réactifs avec une remarquable efficacité, le marché a toujours une longueur de retard). Je préfère de loin mettre le projecteur sur des créations discrètes, qui ont de fortes chances de passer inaperçues, parce qu'elles n'ont pas forcément les media de leur côté (ces derniers préférant toujours s'adresser au plus spectaculaire, au sens debordien du terme, au plus couru, au plus ressassé, au plus visible, sans jamais prendre le temps de rechercher la valeur intrinsèque). Par exemple, dans cette note, je pointerai Dirk Geffers, créateur de l'atelier Geyso20 à Braunschweig (c'est entre Hanovre et Berlin au nord de l'Allemagne), qui me paraît produire de magnifiques œuvres où l'écrit se mêle harmonieusement et très librement à l'image comme on s'en convaincra ci-dessous. C'est dans un atelier allemand que cette œuvre est produite, ce qui me confirme dans l'intuition qu'il y a beaucoup de créateurs intéressants en Allemagne (comme me l'avait appris Jean-Louis Faravel qui prospecte souvent par là-bas et a déjà fait pas mal de belles découvertes ; qui saura nous monter une bonne exposition des créateurs handicapés mentaux produisant en Allemagne? Une idée que je lance en l'air...).

 

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Dirk Geffers, Le canard Dräyhta voon Saydte se baigne dans un bassin orange et se fait chasser par le jardinier Schorse Spittel, Madmusée, Liège


     Il est exposé à partir du 14 septembre, jusqu'au 23 novembre, au Madmusée (Parc d'Avroy, 4000 Liège, chez nos voisins belges), en compagnie d'un autre créateur, Fred Bervoets que personnellement j'apprécie moins (je ne me base que sur l'image du carton d'invitation, je m'empresse de le préciser). Sur l'exposition, intitulée "Chronique", voir le dossier de presse.

     

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Elixirs et poudres de perlimpinpin bizarroïdes...

    En cheminant buissonnièrement à travers le maquis d'internet, je suis tombé sur ces fioles alignées sur le rayon d'un quelconque musée de l'apothicairerie à Beaune (Côte-d'Or).

 

beaune, apothicaires, étrangetés, inscriptions curieuses

   Ne dirait-on pas que quelque sorcier secret s'est blotti au fond d'une boutique d'apothicaire du temps jadis pour continuer d'y pratiquer clandestinement ses tours de passe-passe et autres confections de mixtures magiques? J'aime particulièrement "l'élixir de propriété", réalisé sans nul doute à partir d'un quelconque domaine, princier ou bourgeois n'importe, qui, après avoir été méthodiquement éradiqué de son propriétaire, a été non moins systématiquement pilé, et réduit en poudre aux fins de rendre tout SDF qui passe capable par magie de se trouver un toit salvateur...


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De traverse... MASSIF EXCENTRAL (7)

     Au cimetière de Murat (Cantal), je traîne derrière E.Boussuge qui quadrille consciencieusement tout le pays à la recherche des traces d'art populaire dans les pierres ou ailleurs (je fais semblant de traîner derrière, j'épie autant que lui).

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(Photo B.Montpied, juillet 2007)

    Je tombe en arrêt devant cette tombe. La famille De Traverse... Et je me dis que si une alliance se fait avec une famille nommée Chemin, avec la mode de garder les deux noms pour les descendants, cela donnera la famille Chemin-De Traverse. Qui aura à son tour une tombe...

     Et certains alors riront en sifflant entre leurs lèvres: je vous l'avais bien dit qu'on enterrait les chemins de traverse...

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Les latrines de Chaissac monuments historiques

     Il me semble que ce sont les premiers urinoirs classés monuments historiques. Il y avait bien eu le précédent de la "fontaine" de Richard Mutt, alias Marcel Duchamp en 1917 à New York, urinoir décrété objet d'art parce que signé, et refusé à la Société des Artistes Indépendants. Mais depuis... Sans doute quelques excentricités de l'art contemporain singeant ce geste dadaïste duchampien?  Duchamp, 3e réplique Fontaine MNAM.jpg

Fontaine, R.Mutt (Marcel Duchamp), 1917 ; ici c'est la troisème réplique datant de 1964, figure au MNAM du Centre Georges Pompidou

         En tout cas, y avait-il eu classement par les Monuments Historiques de latrines champêtres comme celles que Gaston Chaissac graffita à l'époque où, habitant avec sa femme dans l'école publique de Ste-Florence de l'Oie en Vendée dans les années 50, il s'exerçait à toutes sortes d'expérimentations, avec des enfants du patelin, avec des jets de serpillière mouillée dont il observait et reportait ensuite les empreintes, des interprétations de planches aux contours irréguliers qui devinrent des totems, des collages de morceaux de papier peint, etc.? Je ne crois pas. Mais c'est chose faite désormais. Le losange des Monuments Historiques trône imparablement sur le ciment grisâtre des chiottes sacrées. Je ne sais trop pourquoi j'ai trouvé que les bonshommes dessinés par Chaissac (j'aime surtout le personnage ventripotent ci-dessous) avaient l'air, à mon passage, de vouloir s'excuser devant une telle labélisation.

 

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Les fameux gogues divinisés... Ph. Bruno Montpied, mai 2012

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Ce personnage ventripotent m'a tout l'air d'une représentation caricaturale de prêtre (voyez le chapeau), si bien qu'on peut facilement en déduire que placé ainsi sur le mur des latrines, il était destiné par Chaissac à ce que les enfants le souillent sans cesse en effigie... Manière de se venger des avanies infligées par les grenouilles de bénitier du patelin? Ph.BM

       Sans compter que l'école de l'autre côté de la petite cour a été métamorphosée dans le même souffle, on y a créé un espace Gaston Chaissac où l'on a scénographié la vie et l'œuvre du grand homme que la mairie, sous l'influence d'une nouvelle génération d'hommes et de femmes plus respectueuse de Chaissac que celle des années 50-60, a reconnu in fine opportunément, oubliant les persécutions et les moqueries des bigots et des péquenauds de Ste-Florence du vivant de Chaissac et de sa femme Camille, institutrice de l'école laïque dans une région où l'on envoyait les gosses en majorité dans les écoles dites "libres". On ne pourra s'empêcher de se dire qu'il est toujours, hélas, plus facile de reconnaître les artistes quand ils sont morts que lorsqu'ils vivent parmi nous.

 

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"L'Espace Gaston Chaissac"... Ph. BM

          Si l'on veut retrouver les autres créations de Chaissac, sortant de là, on aura tout intérêt à pousser jusqu'aux Sables d'Olonne où le Musée de l'Abbaye Sainte-Croix a eu la bonne idée de nous sortir pour l'été des pastels de Gaston, technique peu repérée il me semble dans l'œuvre du "Morvandiau en blouse bocquine". Ce musée conserve par ailleurs une documentation (des correspondances) et des oeuvres de l'artiste qui sont de première importance.

Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, exposition Gaston Chaissac - Pastels, du 29 avril au 10 novembre 2012.


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Histoires de voir, à voir...

     L'exposition ainsi intitulée à la Fondation Cartier à Paris veut nous entraîner du côté de "l'art naïf", à ce que dit le catalogue ("conçu comme un prolongement de l'exposition"). Après visite de l'expo, j'eus la forte impression que le terme n'avait pas le même sens pour moi que pour les organisateurs de la manifestation – ou, plus exactement, pour les auteurs du catalogue (je pense notamment à son texte liminaire dû à Laymert Garcia Dos Santos). C'est comme si on avait affaire à une conception venue d'ailleurs, d'une région du monde où les mots ont cheminé avec d'autres réseaux de sens (les commissaires de l'expo que je ne connaissais pas comme s'intéressant depuis longtemps aux arts naïfs – mais je suis bien loin d'être informé de tout – sont Hervé Chandès, Leanne Sacramone, assistés de conseillers comme André Magnin – plus connu lui par rapport aux arts populaires africains – ou encore Hervé Perdriolle (l'Inde) et Patrick Vilaire (Haïti)).

 

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Le catalogue avec un dessin d'Isaka sur la couverture (dessinateur Huni Kuï (ou Kaxinawá) d'Amazonie brésilienne)

 

    C'est pourtant bien à un décentrement de perspective que l'on nous invite, sans que cela s'étende a priori à la notion même d'art naïf. On invite avant tout dans le discours de l'exposition tel qu'on le trouve par exemple sur le site de la Fondation à remettre en cause les idées arrêtées professées par les amateurs d'arts savants vis-à-vis des arts pratiqués par des autodidactes naïfs ou "primitifs". Ce qui n'est pas un message absolument nouveau, on en conviendra (même s'il mérite toujours d'être réitéré). 

    "Art naïf" jusqu'à présent, en France, c'était plutôt réservé à un ensemble de peintures, et de sculptures, exécutées par des autodidactes d'origine populaire (souvent des déracinés) tentant de s'égaler aux plus grands des peintres et qui produisent un art autre cependant, où les éléments représentés sont proportionnés en fonction de la réalité affective, psychologique, sentimentale, etc., que leur accorde l'inconscient de chaque artiste (ce qui conduisit G-H.Luquet au début du XXe siècle à parler pour sa part de "réalisme intellectuel"). Certaines incapacités devant les volumes et la perspective les conduisent bien souvent vers des solutions plastiques inédites qui ravirent par exemple Picasso lorsqu'il découvrit certain tableau de Rousseau, dont les visages peints avec des repentirs lui parurent préfigurer ce qu'il créait lui-même dans sa période dite cubiste. L'art naïf, cela reste figuratif et se référant à la réalité perçue de façon rétinienne. C'est Bauchant, Rousseau, Vivin, Peyronnet, Lagru, Trouillard, Jean-Jean, Préfète Duffaut, Orneore Metelli, Ligabue, Dietrich, Trillhaase, Alfred Wallis, et toutes sortes d'anonymes, les ex-voto aussi...

Vidéo disponible sur le site de la fondation Cartier

     Les créateurs, venus d'un peu partout (l'Amérique du Sud, l'Amérique Centrale, l'Afrique, l'Inde, l'Asie), à la fondation Cartier, dans une expo qui au fond semble faire un lointain écho à cette autre manifestation plus ancienne de 1989, Les Magiciens de la Terre,¹ ne me paraissent pas relever de cette définition traditionnelle de l'art naïf (à part peut-être le mièvre Hans Scherfig, ou l'intriguante céramiste brésilienne Isabel Mendes Da Cunha). On nous propose là plutôt des formes d'expression cherchant, sous des dehors archaïsants, ou s'efforçant de l'être, une forme d'immédiateté hésitant entre stylisation, décoratif et art pauvre. Le tout me laissant l'impression d'une recherche à la fois cultivée et de style enfantin, préférant parfois les formes sommaires aux limites du dégrossi (José Bezerra), recherche et parcours présentés dans une atmosphère douce et colorée comme du papier à bonbons (la muséographie d'Alessandro Mendini n'y étant pas pour rien, ses œuvres personnelles – que font-elles là? – étant par ailleurs particulièrement fades).

 

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Exposition Histoires de Voir, image extraite du site de la Fondation Cartier


     On a du mal à identifier ce qui appartient aux créateurs présentés et ce qui relève de la muséographie. Sont également mêlées les unes aux autres des expressions simples et des expressions fouillées (parmi ces dernières, citons les filets de pêche de l'Indien Jivy Soma Mashe qui parvient à des compositions complexes, tombant là aussi dans le décoratif, à l'aide d'éléments géométriques basiques comme le triangle, le rond et le carré ; les céramiques de la famille Ortiz au Mexique ; les drapeaux vaudou d'artistes haïtiens choisis en fonction de leur dimension à la fois stylisée, en apparence archaïque et encore décorative, alors qu'il en existe d'autres en Haïti bien plus figuratifs et narratifs dans ces mêmes supports). Ces expressions fouillées, voire complexes, sont là pour démontrer, semble-t-il, que l'art naïf et populaire n'est pas synonyme de simplet, ce que tout bon connaisseur du champ sait depuis longtemps. Mais la complexité proposée dévie trop souvent du côté d'un décoratif stylisé propre à séduire les designers contemporains. Tout cela est un peu trop raffiné, trop propret, il manque une certaine âpreté, une certaine rugosité.

   

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Jean-Baptiste Jean Joseph, Pieuvre, 2001, drapeau en paillettes brodées sur tissu, 108x105,4 cm


     Il y a du déchet aussi dans cette sélection: pourquoi avoir sélectionné par exemple le Scherfig déjà cité, et Mamadou Cissé, avec ses villes imaginaires ennuyeuses parce que sérielles et répétitives comme des circuits imprimés, pâle copie de Bodys Isek Kingelez (révélé en Europe voici prés de 25 ans dans les Magiciens de la Terre là encore), voire proche du Français récemment exposé au Pavillon Carré de Baudouin à Paris, Marcel Storr? Pourquoi avoir choisi aussi cet artiste japonais, Tadanori Yokoo (ci-dessous un portrait de Loti truffé de cigarettes), qui ouvre le bal au rez-de-chaussée de la Fondation avec des pochades d'étudiant, des Douanier Rousseau parodiés, qui intéressent surtout les enfants amateurs du jeu des 7 erreurs)?Tadanori Yokoo.png

     On se sert aussi de la caution de Mme Nina Krstic, "directrice du musée des arts naïfs et marginaux" de Jagodina en Serbie, pour nous faire avaler la pilule de l'art naïf qu'on veut ici nous vendre, alors que les connaisseurs ont depuis longtemps la conviction que ce dernier musée rassemble des autodidactes en tous genres, la plupart très artistes bien plus que véritablement "naïfs" (comme c'est souvent le cas dans les pays slaves, où la confusion art populaire/art brut/art naïf/art singulier/art contemporain règne en maître). L'artiste qu'elle nous présente, Dragiša Stanisavljevic, "qui fait partie d'une famille d'artistes renommés du XXe siècle", comme elle dit, attire l'attention dans le catalogue et moins de visu dans l'expo, pratiquant une sculpture fort stylisée tendant au signe pur tant il cherche à réduire le nombre de ses lignes structurantes, mais on est là dans une recherche de simplicité qui laisse indifférent par manque d'émotion peut-être.

 

H de voir, Ciça, masque 2003.JPG

Ciça, exposée dans Histoires de Voir, encore une nouvelle façon de faire les visages...


   Par ailleurs certaines oeuvres également présentes dans cette expo fourre-tout sont en réalité des récits ou des représentations mythiques (exemple des dessins yanomanis fort passionnants comme ceux de Taniki par exemple), comme on les connaît chez les Aborigènes australiens, ou chez certains Amérindiens, ou Inuits (cela aussi est à rapprocher des Magiciens de la Terre où je me souviens que l'on pouvait voir, à la Grande Halle de la Villette, l'expo étant distribuée sur deux espaces, Beaubourg et La Villette, des dessins mnémotechniques supports de récits chamaniques). Cela fait un certain temps que les spécialistes ont repéré de ces images qui servent de support à des visions chamaniques, cosmologiques, étiologiques (les peintures indiennes en rouleaux verticaux comme supports de contes), voire médicinales (je pense aux rouleaux-remèdes éthiopiens qui avaient été montrés à l'expo Le roi Salomon et les maîtres du regard, Art et Médecine en Ethiopie, au regretté musée des Art Africains et Océaniens de la Porte Dorée).

     Signalons aussi la présence d'un sculpteur d'origine incontestablement populaire, brésilien, Nino, surnom de Joao Cosmo Félix Dos Santos, dont les animaux ultra stylisés, à peine dégagés du bois informe dont ils furent tirés, retiennent l'attention du visiteur au sous-sol de l'expo, je pense à un éléphant notamment, tellement réduit à sa plus simple expression qu'il finit par ressembler à une espèce de molaire. On est  là avec lui aux confins de l'art brut et de l'art populaire. A noter que des bustes de lui font également partie de la collection d'art brut ABCD à Montreuil.

 

Nino, joao cosmo félix dos santos, ds ABCD.jpg

Bustes de Nino (Dos Santos) sur le site d'ABCD ; non exposés à la Fondation Cartier

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1. Une autre exposition qui se tint au Grand Palais à Paris, Brésil, Arts populaires, en 1987, paraît être aussi une source de cette expo à la Fondation Cartier. Y étaient notamment présents Nino et Ciça (dont un masque servait d'illustration au catalogue édité dans la revue L'Internationale de l'Imaginaire, n°8-9, printemps 1987).

L'exposition dure jusqu'au 21 octobre

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Faute de grive, on mange du pou

     On va encore dire qu'on est des pouilleux à Ménilmuche, mais c'est tout à fait faux. Là-bas, on n'en trouve plus, car on a trouvé le moyen de les accommoder, les poux (mais pas les joujoux, hiboux, choux, cailloux), en filet ou en cuisse par extraordinaire, témoin l'énigmatique enseigne de rôtisseur ci-dessous, vue ces jours derniers au sortir du métro (qui me permet de commencer une nouvelle catégorie "enseignes fautives mais suggestives")...

 

Cuisse et filet de pou, ménilmontant, jan 12.jpg

Ménilmontant, janvier 2010, "cuisse, filet, aile de pou" (saviez-vous que les poux avaient des ailes comme les anges?)... et pou-vez-vous me dire ce que fait là cette araignée sous verre? Photo Bruno Montpied

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