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Rechercher : l'autre de l'art

”Les Cahiers de l'Institut” n°1 est paru

    Prévu pour février (voir ma note du 24 novembre 2007), le n° 1 des Cahiers de l'Institut, émanant de l'IIREFL (Institut International de Recherche et d'Exploration sur les Fous Littéraires, etc...) est finalement paru en juin de cette année.

Les Cahiers de l'Institut, n°01,2e trimeste 2008.jpg
Couverture du n°01 avec un collage d'André Stas, intitulé "Naufrage de la pensée" (2007)

   Diffusé a priori essentiellement sur commande, on peut l'obtenir grâce aux coordonnées que j'affiche au bas de cette note. Disons-le tout de suite, c'est une superbe revue, écrite de façon tonique et claire, apportant du neuf sur le petit monde des fous littéraires,  popularisé avant cet "Institut" par Nodier, Queneau et Blavier. La revue ne se limitant pas aux excentriques littéraires, elle se permet aussi des incursions vers certains cas d'art brut, ou des créateurs simplement atypiques de l'art.

    Par exemple, dans ce n°1, nous trouvons un long article passionnant de Frédéric Allamel (p.110) sur l'environnement à la fois littéraire et architectural de Billy Tripp, situé aux USA (Marc Décimo l'a également fait figurer dans son récent livre sur les Jardins de l'Art Brut, éd. Les Presses du Réel), à Mindfield dans l'ouest du Tennessee. "Les correspondances abondent et laissent transparaître un at total dessinant un art de vivre faisant l'éloge du local". Billy Tripp illustre assez bien la fusion du fou littéraire et du créateur d'environnement poétique, ce qui est un cas unique à ma connaissance. Un détail du site de Billy Tripp à Brownsville (Tennessee, photo publiée dans les Jardins de l'Art Brut de Marc Décimo)).jpgLa revue a la bonne idée également de republier un article de Marcel Réja (qui, comme on le sait depuis Michel Thévoz, cachait le nom de l'aliéniste Paul Meunier, collaborateur du Dr Marie et ami traducteur d'August Strindberg), datant de 1901, L'Art malade: dessins de fous, texte anticipant sur le livre que publia par la suite en 1907 Réja. Assurant la transition avec la principale préoccupation de la revue qui reste avant tout l'univers des fous littéraires, un article de Michèle Nevert et Alice Gianotti (p.94) traite de la conservation miraculeuse de nombreux manuscrits d'aliénés de l'asile de Saint-Jean-de-Dieu à Montréal, qui sont donc autant de textes que l'on qualifierait du côté des amateurs d'art brut d'"écrits bruts" (Les anonymes du siècle, Manuscrits asilaires de Saint-Jean-de-Dieu: première traversée ; cependant, il est à noter que les extraits publiés par les auteurs de l'article sont avant tout des lettres de patients à leurs médecins et qu'ils sont écrits dans une langue sans grande invention, à la différence des écrits bruts rassemblés par Thévoz). On connaissait déjà certaines recherches de Michèle Nevert qui avaient été publiées dans les actes du colloque Indiscipline et marginalité édités par Valérie Rousseau dans le cadre de la Société des Arts Indisciplinés en 2003 au Québec.

Dessin de fou, coll Dr.Sérieux, servant à illustrer un article de Marcel Réja dans le n°01 des Cahiers de l'Institut.jpg
"Dessin de fou, collection du Dr. Sérieux", légende publiée dans ce n°01 des Cahiers de l'Institut pour illustrer l'article de Marcel Réja

    Bien d'autres sujets sont évoqués dans les colonnes de cette revue grosse de 145 pages. Marc Décimo, le rédacteur en chef, de son côté, s'évertue (p.22) à recenser les traces laissées chez divers auteurs  par Jean-Pierre Brisset (connu pour avoir voulu démontrer par des séries de calembours étourdissants que l'homme descendait de la grenouille). S'ensuivent quelques extraits caractéristiques des écrits de Brisset. On trouve encore dans ces Cahiers un article d'Allen Thiher, professeur à l'université du Missouri, intitulé Folie et littérature (p.56). Au sein d'un assez long développement, M.Thiher avance cette étonnante remarque: "La littérature dans presque tous les sens du mot n'est-elle pas précisément une expression directe d'un petit accès psychotique, c'est-à-dire, une extériorisation d'une hallucination qui vise à se substituer au monde soi-disant réel -réel dans le sens le plus banal du terme"... Jean-Jacques Lecercle, dans son Eloge des fous littéraires (p.10), estime que les fous littéraires de façon inconsciente mette en avant une autre philosophie du langage. Michel Criton présente les cas d'un certain nombre de mathématiciens fous (p.64). Paolo Albani (p.73) étudie l'usage de la contrainte littéraire librement employée (à la façon des écrits de l'Oulipo) à l'intérieur même de certains écrits de fous littéraires (il cite par exemple le cas de Jean-François de Mas-Latrie, (1782-?) qui pratiqua le lipogramme, ce jeu qui se propose d'éliminer une ou plusieurs lettres volontairement dans les textes à produire). Il cite aussi le cas de ce roman destiné aux plus jeunes, de Mary Godolphin (alias Lucy Aikin), un Robinson Crusoe en mots d'une syllabe...

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Une peinture d'Emilie-Hermine Hanin, 1929, reproduite dans le n°01 des Cahiers de l'Institut

    La revue ne s'arrête pas aux articles ci-dessus mentionnés, elle fourmille d'érudition sur les loufoques de partout, avec le ton humoristique et pince-sans-rire que l'on connaît aux Pataphysiciens, jamais éloigné d'une certaine propension à la malice et à la supercherie. Au détour d'un article ou l'autre, il sera loisible au lecteur de s'arrêter sur la découverte qui le concernera plus particulièrement. J'ai personnellement fait mon miel d'une note relative -dans le cahier central de la revue imprimé sur papier jaune, consacré aux notes de lecture et aux fragments bibliographiques- à un ouvrage appartenant à l'Institut. Son titre: Super-despotes et son auteur, Emilie-Hermine Hanin. Si l'ouvrage est essentiellement consacré à la défense et à la vengeance du père de l'auteur, inventeur malheureux d'un calendrier perpétuel, il permet également de faire découvrir que cette femme était aussi peintre (et souffrait d'une tendance au délire de persécution). L'oeuvre Le piège à avions (du nom d'une invention d'Herminie Hanin), reproduite dans ces Cahiers de l'Institut, révèle un talent naïf/brut de fort bon aloi, qui fait un peu penser aux tableaux naïfs de la collection Courteline. Je me permets de le reproduire ci-dessus. A noter que Jean Selz a publié dans Les Lettres Nouvelles (Les Cahiers de l'Institut ne donnnent pas la référence exacte du numéro) le récit de ses deux rencontres avec cette dame. André Blavier l'a également cité dans son anthologie.

Pour acquérir la revue:

Adresser sa commande (25€ le numéro, 50€ pour deux numéros par an, 140 pages illustrées en noir et blanc) à:

I.I.R.E.F.L., 1, rue du Tremblot, 54122 Fontenoy-la-Joûte, France. Règlement par chèque bancaire à l'ordre de I.I.R.E.F.L. Virement bancaire Société Générale compte n°30003 01463 00050336469 22. Paypal (iirefl@orange.fr). Abonnement étranger: En raison des frais bancaires, des frais de change et des frais de port, l'abonnement est fixé au prix de 70€. Règlement par virement bancaire international par IBAN et BIC. IBAN FR76 3000 3014 6300 0503 3646 922. BIC SOGEFRPP. Paypal (iirefl@orange.fr).

Il est également possible de trouver la revue à la librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le 18e ardt à Paris.

 

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20/06/2008 | Lien permanent

La cathédrale intime, de Mark Greene à Justo Gallego

     Un genre qui se développe toujours, c'est le livre semi documentaire, semi fictionnel, sur un auteur d'art brut (ou apparenté). Plusieurs créateurs ont ainsi déjà fait l'objet d'ouvrages de qualités variables : Picassiette, Richard Dadd, l'abbé Fouré, Jeannot et son plancher gravé, etc. Voici qu'est paru il y a peu un petit ouvrage bien écrit, dû à Mark Greene, Comment construire une cathédrale, sous titré "récit", dans une collection intitulée "Les invraisemblables", chez l'éditeur Plein Jour.

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    Pour bien nous montrer qu'on est ici dans la littérature,  entre autres raisons, aucune illustration n'accompagne cette digression, cette réflexion à propos de Justo Gallego. L'homme – 92 ans cette année – construit quasi seul (avec le temps, il s'est concilié deux ou trois aides en appoint, dont un certain Angel qui promet de continuer après Gallego ; et  depuis peu, il semble que soient organisées aussi des journées pour l'aider avec plusieurs volontaires...), depuis le 12 octobre 1961, nous dit Mark Greene, une cathédrale de son invention dans les environs de Madrid (exactement à Mejorada del Campo). Justo Gallego 10 Cartographie.jpg Pour voir l'objet, l'éditeur renvoie en note à un site internet où est proposé un dossier iconographique, mais j'ai eu beau chercher, cela reste introuvable. Pour se faire une idée du bâtiment, on ira plutôt au hasard sur la Toile, où les photos pullulent (une cathédrale, c'est tellement connu, tellement admis par le peuple des moutons qui ont besoin de pasteurs, ça permet d'utiliser le mot  "spirituel", dont on adore se gargariser, la bouche en cœur...).

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La cathédrale en éternel chantier de Justo Gallego Martinez, photo Paco de Casa.

 

     Pourquoi une cathédrale, me suis toujours dit, à propos de cette construction à l'entreprise certes folle, tenant du défi et de l'exploit, et pas autre chose de plus original (comme un Palais Idéal new look)? Comment peut-on penser librement à l'ombre d'une cathédrale? Justo Gallego ne se prendrait-il pas pour une autre sorte de messie s'auto crucifiant en créant son édifice interminable?

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Une projection en 3D de José Luis Manteca de ce à quoi devrait ressembler la cathédrale une fois achevée? ; En hait, à droite, la vue aérienne fait ressembler l'ensemble architectural de cette "Cathédrale de la Fe" à une sorte d'usine...

 

     Mark Greene dans son petit récit – dont il rappelle vers la fin qu'il a procédé pour l'écrire d'une façon analogue à la manière dont Justo Gallego a bâti sa chimère, son "monstre", en mettant un pied l'un après l'autre, empiriquement, intuitivement – rappelle que Gallego n'eut jamais de plan (du moins au début), qu'il bâtit sans permis de construire, de façon tout à fait illégale, sur un terrain qui lui appartenait. Il accomplit une lente dérive à travers un projet plus grand que lui, chargé sans doute de le faire tâtonner jusqu'à quelque  chose qui ressemblerait à ce qu'il conçoit comme un dieu...

        Les architectes professionnels semblent partagés à son sujet. Norman Foster est passé sur le chantier, et, peut-être un zest démago, a trouvé que c'était "la chose la plus extraordinaire qu'il ait jamais vue" (il n'a pas vu grand chose, alors, soit dit entre nous...). Par contre, Andrés Cánovas, un professeur à l'école supérieure d'architecture de Madrid, pense que la cathédrale est "d'une simplicité qui défie les lois de la construction. En outre, elle enfreint toutes les normes de sécurité actuellement en vigueur. A commencer par le port du casque. Un jour quelqu'un va se tuer."  Justo Gallego utilise des briques qu'on a rejetées et Mark Greene écrit: "S'il me fallait conserver une photographie, une seule image de la cathédrale, ce serait le plan rapproché d'un mur de briques. Ces briques rouges qu'on trouve un peu partout en Espagne. Seigneuriales quand ce sont celles du Prado ou du palais d'Aranjuez, banales lorsqu'elles ont nourri le boom immobilier de la dernière décennie (on parle, pour qualifier la crise du bâtiment, de crisis del ladrillo, de la brique) et qui montrent ici, un visage altéré, méconnaissable. Ces briques impossibles, tordues, si profondément dérangées..." . Le diocèse local, auquel Gallego voudrait léguer le bâtiment de plus de 6000 m², est plus que réservé... Il calcule les sommes qu'il faudrait débourser pour achever et entretenir une telle énormité hors cadres. On insinue plutôt qu'il faudra inévitablement démolir. Comme le souligne Mark Greene, ce mot plane de façon menaçante autour de la cathédrale.

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Briques de la cathédrale de Justo Gallego, posées d'une façon très peu "catholique"... Voulait-il créer des nichoirs? Il a en effet bien cherché, et réussi, à faire venir des cigognes sur ses tours...

 

        Cet ancien moine, rescapé d'une maladie grave, nous dit encore Mark Greene, s'est attelé à une tâche énorme, infinie, comme pour dépasser sa finitude. L'histoire des bâtisseurs autodidactes d'environnements regorge de cas similaires, où la motivation se greffe sur le dépassement d'un handicap, ou d'une douleur quelconque, comme celle qui découle de la perte d'un être cher. Gallego a une mémoire exceptionnelle, il a lu beaucoup de livres techniques. Il n'a pas besoin de mesurer, il a le compas dans l'œil. Comme l'écrit Greene, Justo Gallego "donne à penser, c'est l'une de ses principales qualités"... Il cherchait la vérité et il l'a trouvée, incarnée dans un bâtiment interminable auquel il a fondu sa vie, pour mieux arrimer celle-ci à celle-là. Les créateurs populaires d'environnements anarchiques ne font pas autrement. Le livre de Mark Greene éclaire en retour ces derniers, auxquels je suis personnellement davantage attaché, parce que plus profanes, naïfs et merveilleux.

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Basilique de Saragosse, grosse pâtisserie architecturale, ph. Bruno Montpied, août 2015.

 

         Car son bâtiment n'a esthétiquement rien d'extraordinaire, il a de vagues airs de la basilique de Saragosse (voir ci-dessus), ou Gallego a fait des séjours, entre parenthèses. Il fait également écho, bien entendu, à la Sagrada Familia d'Antonio Gaudi, par son côté entreprise folle (mais pas par son aspect, bien moins délirant et ne défiant pas l'imagination comme l'édifice de Gaudi qui engendre un sentiment de vertige). Curieusement, une rue qui passe devant la cathédrale de Justo Gallego s'appelle justoment la Calle Antonio Gaudi... (baptisée ainsi avant ou après le début du chantier de Gallego, je ne sais...?).

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Mark Greene, Comment construire une cathédrale, collection Les Invraisemblables, éditions Plein Jour, 2016. 12 €.

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12/03/2017 | Lien permanent

Emile Jouve et René Rigal, deux artistes rustiques modernes de plus

   "La peinture rustique moderne", c'est un terme inventé par Gaston Chaissac dès 1946¹, pour qualifier sa propre peinture, avant de connaître Dubuffet et son Art brut². C'était pas mal trouvé, du point de vue de ce que ça signifiait. Un peu moins du point de vue publicitaire. L'"art brut", certes, cela a une autre allure sur le plan de la "communication" (pour quelque chose, le brut, qui ne se préoccupait pas spécialement de communiquer, comme le soulignait autrefois avec délectation Michel Thévoz). Exactement comme le "réalisme intellectuel" pour l'art naïf, terme inventé par Georges-Henri Luquet et repris par Georges Schmits, très précis dans ce qu'il voulait désigner mais peu aisé à mémoriser. Cette nécessité d'être repérée facilement, immédiatement, du public est souvent cause que telle ou telle invention conceptuelle, désignée de façon trop précise, est négligée et, peu à peu, tombe dans l'oubli.

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Gaston Mouly (1922-1997), peinture sur bois (acrylique ou huile), ph. B.M. 1989 (chez Gaston Mouly), non localisée actuellement (peinture exécutée, donc, avant que l'auteur ne se mette à systématiquement dessiner aux crayons de couleur après une demande de Gérard Sendrey pour sa galerie Imago qui préfigura le Site, puis le Musée, de la Création Franche à Bègles) ; Mouly, ancien entrepreneur en maçonnerie d'origine rurale, marqué par la fréquentation d'artistes modernes qui avaient été ses clients (Bissière, Zadkine), à la retraite, se mit à peindre sur bois et sculpter le ciment, puis par la suite à dessiner ; il était conscient d'être un autodidacte, de culture rurale occitane, mais se piquait de faire "moderne" dans ses œuvres, adoptant une posture indubitablement artistique, se confrontant à d'autres formes d'art( lorsqu'il "montait" de sa région lotoise jusqu'à Paris par exemple ; je peux en témoigner, l'ayant souvent accompagné dans des galeries ou musées de la capitale).

 

     Pour Chaissac – et cela peut s'appliquer à d'autres (Gaston Mouly par exemple, actif entre 1982 et 1997, alors que Chaissac était disparu depuis 1962) – il s'agissait de créer dans le respect d'une certaine tradition populaire, avec des naïvetés, des raccourcis expressifs, des couleurs franches, etc., tout en cherchant à faire nouveau (un sens de la composition encore plus affranchi du réalisme que dans l'art naïf, par exemple). Ce désir de novation s'enracine dans une imitation de l'attitude observée chez les artistes modernes, cherchant à s'affranchir des valeurs établies de leur temps.

     Dans mon Gazouillis des éléphants, consacré à des créateurs œuvrant essentiellement en plein air, entre leur habitat et la route le bordant, on pouvait ainsi découvrir deux cas de créateurs populaires influencés par l'art moderne, Maurice Guillet à Olonne-sur-Mer (Vendée) – un ferronnier mêlant du démarquage de Calder à de l'imitation de nouveaux réalistes sans oublier une pratique de la sculpture allégorique ou symbolique – et François Llopis, de Céret (en pays catalan français), qui a produit des sculptures et autres bas-reliefs ou mosaïques, influencé par l'exemple des artistes qui fréquentaient autrefois sa ville comme Braque ou Picasso, mais surtout par des exemples artistiques plus lointains (les mosaïques de Ravenne, voire des croix de chemins de sculpteurs régionaux).

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Chez Maurice Guillet, à l'arrière de sa maison, à Olonne sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2008.

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François Llopis, une Vierge inspirée semble-t-il des Madones de croix de chemin du Massif Central, Céret ; ph. B.M., 2014.

 

      Mais on peut également songer à rallier à ce corpus de l'art rustique moderne ("art", parce que cela ne se limite pas à la peinture, mais englobe aussi la sculpture) deux autres cas, d'origines ouvrière ou rurale.

      René Rigal tout d'abord, ancien cheminot originaire de Capdenac, qui arrivé à la retraite se prit d'amour pour les branches choisies parmi les plus filiformes d'entre elles, qu'il écorçait scrupuleusement et interprétait ensuite en leur trouvant à chaque fois une incarnation. C'était une sorte de Giacometti populaire, qui pouvait en sculptant enfin se permettre, loin des trains où il avait bossé toute sa vie, de "dérailler" en toute liberté. C'est du reste ce qu'évoque le titre de l'article que j'ai publié à son sujet dans le n°36 de la revue Création Franche en juin 2012 : « René Rigal, hors des rails ». Certes, on peut lui trouver des ressemblances avec d'autres sculpteurs populaires travaillant comme lui à partir de la forme des arbres et arbustes ( par exemple Michel Maurice à Cornimont, dans les Vosges, voir le "Musée des Mille et une racines" dont j'ai aussi parlé dans le Gazouillis des éléphants et dans Création Franche n°45, en décembre 2016), mais il a un style qui lui est propre, avec ses figures systématiquement longilignes (voir ci-dessous). Cette signature plastique proche d'une certaine forme d'"abstraction" est peut-être la cause de son adoption par les galeries aveyronnaises, comme celle de la Menuiserie, de Jeanne Ferrieu, à Rodez, qui l'ont régulièrement exposé au milieu d'artistes contemporains. Peu d'amateurs d'art populaire ou d'art brut ont su le repérer jusqu'à présent. Personnellement, je le découvris grâce à un film de messieurs Pennet et Macary, "René ne tape pas la belote" (2000),  vu au Festival de cinéma autour des arts singuliers organisé par l'association Hors-Champ à Nice. En projetant ce film dans un contexte de documents autour des arts spontanés, les animateurs de ce festival réintroduisaient malicieusement (et peut-être sans y penser plus que ça?) René Rigal parmi les créateurs spontanés, où est sa véritable place, à mon sens.

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Salle d'exposition dans la maison de feu René Rigal, ph.B.M., 2012.

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Livret de "petites histoires et anecdotes" (des témoignages des uns et des autres qui ont connu René Rigal) paru aux éditions La Menuiserie en juillet 2016, archives B.M.

 

     Cela faisait plusieurs années que, par ailleurs, j'avais entendu parler d'Emile Jouve, sculpteur et peintre autodidacte qui habitait St-Côme d'Olt dans l'Aveyron et qui était né plus haut, en Aubrac, à Laguiole, ville célèbre pour un excellent fromage souvent associé au Cantal même s'il est fabriqué dans l'Aubrac voisin. Jean Estaque, le sculpteur de la Creuse, m'avait évoqué ce Jouve, connaissant mon goût pour ces créateurs de l'ombre venu des milieux populaires, mais sans pouvoir me montrer des images de ses œuvres. Il avait été éleveur de bovins la plus grande partie de sa vie, les bovins qui sont une autre spécialité de Laguiole où un fier taureau trône sur la place du village, spécialité qui ne doit pas faire oublier cependant l'autre produit qui a fait la renommée du lieu, le couteau avec son célèbre design...peinture rustique moderne,art rustique moderne,chaissac,gaston mouly,maurice guillet,françois llopis,rené rigal,emile jouve,galerie la menuiserie,art naïf,art singulier,le gazouillis des éléphants,croix de chemin,poésie naturelle interprétée,association hors-champ

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Emile Jouve, sans titre (il me semble), 50x0cm, technique mixte, coll. privée (Aveyron), ph. B.M..

Emile Jouve, ss titre, 40x60cm, technique mixte,, coll Alain Christofle_edited (2).jpg

Autre tableau d'Emile Jouve, sans titre (il me semble), pastel ou craie sur bois, 40x60cm, coll. privée (Aveyron), ph. B.M.

 

    Je finis par tomber sur deux de ses tableaux par hasard, chez un sympathique amateur de bonne chère et de vie au grand air, habitant tout près de Marcillac (Aveyron encore), au secret d'une gorge oubliée...

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    Là encore, cet artiste autodidacte avait été exposé (plusieurs fois, semble-t-il) à la galerie La Menuiserie  de Jeanne Ferrieu. Mais, loin de Rodez, comment le savoir? Il aurait fallu scruter tous les jours la presse régionale du coin, où de rares magazines relayant l'information artistique en province (comme Artension, dont c'est un des principaux mérites). La femme de René Rigal, Micheline Rigal, intervint opportunément en me prêtant le catalogue que là encore la Menuiserie avait édité sur ce créateur d'origine populaire (édition de 2001).

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Catalogue consacré à Emile Jouve par la galerie La Menuiserie, Rodez, 2001.

 

    L'ouvrage contenait, un peu comme dans le cas du livret récemment édité sur Rigal (voir ci-dessus), de nombreux témoignages et surtout plusieurs illustrations en couleur, de peintures mais aussi, ce qui achève de permettre de se faire une opinion favorable sur les talents de ce monsieur Jouve, de sculptures peintes réalisées à partir de bois trouvés et de bois flottés qui sont, à mon goût, ce que Jouve a fait de mieux, dans l'état actuel de mon information. On sent chez cet homme de pleine nature un appétit évident pour les recherches formelles qui l'apparente aux élaborations sophistiquées d'artistes des villes.

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Emile Jouve, Le Dragon du Golfe, 30cm de hauteur ; reproduit (en image compressée) d'après le catalogue de la Menuiserie.

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Emile Jouve, Brigitte Bardot et les animaux, 20 cm de hauteur. Extrait du catalogue de la Menuiserie (image compressée).

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¹ Cf. Gaston Chaissac, "Peinture rustique moderne", paru initialement dans le n°3 de la revue Centres, 1946, et réédité dans Je cherche mon éditeur, Rougerie, 1998.

² Dubuffet enrôlera, au début de sa collection, Chaissac dans l'Art Brut avant de l'en retirer, à juste titre si l'on se rapporte à ses critères (art brut = inventivité hors des milieux artistiques), pour le verser dans la collection annexe rebaptisée "Neuve Invention" par la suite. Chaissac lui était apparu au fil du temps trop en contact avec les milieux littéraires et artistiques (avec lesquels cependant Chaissac pratiquait des rapports relativement réservés). Cela n'empêchait pas ce dernier de développer, selon moi, une expérimentation à tout va, et de déployer une grande inventivité plastique et littéraire.

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20/11/2018 | Lien permanent

5 L'auteur des ”Barbus Müller” démasqué ! (5e chapitre) ; une enquête de Bruno Montpied, avec l'aide de Régis Gayraud

Les Barbus Müller s'ancrent définitivement à Chambon-sur-Lac...

 

       Comme le fil d'une tapisserie que l'on détricoterait, je continue de rechercher d'autres informations mises en ligne dans le secret d'archives insoupçonnées. Internet est une caverne d'Ali-Baba pour les chercheurs autodidactes et indépendants dans mon genre, surtout s'ils s'arment de bonnes intuitions.

       Les mots-clé "Antoine Rabany le zouave" vont m'apporter de nouvelles pistes via Google, sous la forme d'articles parus dans des bulletins de société archéologique, des actes de congrès archéologiques, articles qui dormaient avec leurs révélations depuis soixante-dix ans... Je ne donnerai pas ici la chronologie exacte de mes découvertes, mais plutôt les présenterai dans la chronologie des dates de parution de ces articles.

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Léon Coutil, autoportrait de 1930 figurant sur la notice qui lui est consacrée sur Wikipédia ; un barbu certes, mais pas Müller...

Couverture Congrès1908 (2).jpg      Le plus ancien d'entre eux est celui de l'archéologue Léon Coutil¹. Sa date est très ancienne, par rapport à tout ce que l'on savait jusqu'à présent de la première occurrence de Barbus Müller apparus chez des antiquaires (à Lyon en 1934, comme je l'ai déjà mentionné): 1908-1909 ! Il a paru dans le Compte-rendu de la Quatrième Session du Congrès préhistorique de France, tenu à Chambéry en 1908 cependant, quoique publié seulement en 1909.

    Je le reproduis ci-dessous :

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Coutil, Bustes et statuettes de forme archaïque en lave d'Auvergne 2, cong pré de chamb 1908 _edited.jpg

Article de Léon Coutil rédigé en 1908.

 

     Ce texte est à prendre avec des pincettes. L'auteur, qui est avant tout un archéologue désireux de dénoncer les fabricants de fausses pièces archéologiques, paraît y mêler allusions à de vraies fausses pièces (au tournant des deux derniers siècles, il est vrai que le marché des faux objets archéologiques était florissant, et pas seulement à Clermont-Ferrand, comme l'avance Coutil) et évocations de statuettes créées par le "fabricant, nommé le Zouave ou père Rabagny (sic)", qui est le même que notre Antoine Rabany, surnommé le Zouave à Chambon-sur-Lac. Rien ne nous assure véritablement que les statuettes qu'il a trouvées chez un antiquaire d'Evreux – dont la description pourtant paraît correspondre à celle des Barbus ("yeux proéminents", "mesurant 0m30 à 0m40") – aient la même origine que les "statuettes" que possède un antiquaire de Murols qui lui donne l'adresse du "père Rabagny". Au passage, il met ces sculptures dans la même catégorie que des "haches fausses" que les "bourgeois" préfèrent acheter au même antiquaire, dont on remarquera au passage que Coutil nous avoue que c'est ce dernier qui les fabrique... Le lecteur en retire l'impression que, logiquement, les statuettes elles aussi sont des pièces "fausses". Un croquis accompagne l'article, visant à donner une idée de ces statuettes, mais reflétant l'interprétation de Léon Coutil, à savoir une vision ambiguë. La statuette – dont Coutil nous avoue, simultanément et contradictoirement, qu'elle provient d'une collection située à Flers, et qu'elle possède une caractéristique (des colliers) qui l'éloigne des "Barbus" –  y est plus proche d'une statuaire antique, assez éloignée du style nettement plus rugueux et "brut" des sculptures du zouave Rabany.

     On retiendra surtout de cet article – témoignage écrit le plus ancien qu'il m'ait été donné de trouver jusqu'à présent – que l'archéologue nous confirme (une deuxième fois après le souvenir de Maurice Busset que j'ai évoqué dans le quatrième chapitre de cette enquête) l'existence d'un Rabany, zouave, sculpteur à Chambon-sur-Lac en 1908. La présentation de ce sculpteur comme un "faussaire" est intéressante à noter, même si, selon moi, elle procède d'une erreur d'interprétation, à laquelle on peut cependant, peut-être, trouver une justification... N'est-elle pas l'indice d'une difficulté, de la part d'un spécialiste de l'art antique, à envisager comme un art à part la sculpture non utilitaire, non religieuse, d'un paysan autodidacte (Rabany à cette époque avait pour raison sociale "cultivateur", rappelons-nous la mention du recensement de 1911) rencontré dans un contexte de traque aux fausses pièces archéologiques qui plus est? On retiendra aussi l'hypothèse d'une ressemblance avec l'art des Canaques, hypothèse "primitiviste" qui reviendra chez d'autres commentateurs des Barbus dans les décennies suivantes du XXe siècle.

     En continuant de chercher par index de mots-clés, je vais  tomber sur deux autres articles, plus récents, puisque datant, pour le premier, de 1929 et pour le second, de 1930. Celui de 1929 est dû à un collègue de Coutil, Albert Lejay², archéologue comme lui, tandis que celui de 1930 est de nouveau un article du même Léon Coutil, répondant en quelque sorte à l'article de Lejay. Tous les deux sont publiés dans des bulletins de la Société préhistorique de France, et disponibles en se connectant au site Persée (pour le premier, intitulé Une collection d'objets faux, Bulletin de la Société préhistorique de France, tome 26, n°12, 1929, voici le lien ; et pour le second, de Coutil, Les figurines en granit et en lave de Chambon (Puy-de-Dôme), daté de 1930, tome 27, du Bulletin de la Société préhistorique de France n° 6, voici l'autre lien du site Persée). Je reproduis ci-dessous l'article de Lejay qui a une importance capitale, grâce aux clichés qu'il contient, montrant les fameuses statuettes trouvées à Chambon-sur-Lac par des antiquaires (en 1912), les mêmes que ceux évoquées par Léon Coutil en 1909, ce que ce dernier confirme dans son article en 1930. L'une d'entre elles en particulier ne peut que frapper les amateurs des Barbus.

 

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Les trois pages de l'article d'Albert Lejay de 1929.

 

     L'archéologue Lejay, dans la dernière phrase de son article, ne nous adresse-t-il pas un clin d'œil par-delà les décennies, lorsqu'il commente "ces épreuves qui permettront un jour de reconnaître et d'identifier ces bustes fabriqués il y a près de vingt ans"...? Je pourrais le croire tant il se montre prophétique.... A cette nuance près que "l'identification" que j'opère ici ne qualifie plus ces "bustes" comme des faux archéologiques, mais reconnaît en eux ce que Dubuffet identifia comme un art populaire original, si original qu'il fallait l'appeler d'un nouveau nom, et c'est ainsi que naquit... l'art brut en 1945. Ces épreuves photographiques qu'il eut la bonne idée de prendre montrent – on les reconnaît sans peine – une tête au milieu de la "figure 2" que l'on connaît bien (voir ci-joint la couverture du fascicule Dubuffet de 1947, sculpture aujourd'hui au Musée des Confluences à Lyon)...

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 ....et une autre tête, à droite de la même figure 2, qui paraît bien être la même que celle que  l'on peut aujourd'hui voir dans les collections du LaM à Villeneuve-d'Ascq (voir photos ci-dessous).

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      Sur ces "figures", ou planches, 1 et 2 de l'article de Lejay, on peut reconnaître également d'autre Barbus. Par exemple, la première statuette à gauche sur la figure 1 ressemble fortement à un Barbu appartenant à la collection d'Audrey B. Heckler  et exposé au LaM à l'occasion de l'exposition L'Autre de l'art (voir ci-dessous).

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Barbu Müller, collection Audrey B. Heckler, catalogue L'Autre de l'art, LaM de Villeneuve-d'Ascq.

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Sculpture du Chambon-sur-Lac à gauche de la figure 1 de l'article d'Albert Lejay de 1929.

 

    De même, la statuette centrale sur cette même "figure 1" ressemble trait pour trait à un Barbu Müller de The Museum of Everything.

 

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    N'est-ce pas évident ? L'article de notre archéologue jurassien, grâce à ces photos, permet de répondre à notre deuxième question des chapitres 3 et 4 de cette enquête : les statues photographiées à Chambon-sur-Lac, par un photographe non identifié jusqu'à présent, sont bien les mêmes que Dubuffet appela Barbus Müller en 1947, et elles furent créées par le ciseau d'un cultivateur, sculpteur autodidacte, nommé Antoine Rabany, dit "le Zouave", né en 1844 et décédé en 1919.

    Léon Coutil, cité dans l'article de Lejay, réagit en 1930 dans un autre article de ce même bulletin de la Société préhistorique de France. Il renchérit sur l'interprétation des sculptures vues comme des faux par les deux archéologues mais en même temps, il permet au chercheur de vérifier que les sculptures photographiées par Lejay en 1912 sont bien les mêmes que celles que Coutil avait vues en 1908 à Chambon et chez des antiquaires dans d'autres villes, où, dès le début du siècle donc, elles avaient commencé de migrer. Il répète dans son témoignage  sur celui qu'il appelle curieusement le "zouave algérien Rabagny" des souvenirs qu'il avait déjà rapportés dans son ancien texte .

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Léon Coutil, texte paru dans le Bulletin de la Société préhistorique de France n°6, tome 27, 1930.

      Augmentons la taille de l'extrait qui nous intéresse plus particulièrement...

 

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     Ce qui est curieux, c'est l'accentuation de l'hypothèse sur l'entreprise de faussaire attribuée à Rabany, désormais dénoncé comme fabricant de fausses haches aussi. On peut se demander si Léon Coutil ne mélange pas tout en 1930. Son article comporte une coquille sur la date de la trouvaille de son collègue Lejay: 1912 et non pas 1922. De plus, si Rabany est bien décrit comme "zouave" (un corps de l'armée française créé pendant la conquête de l'Algérie en 1830 dont le recrutement fut majoritairement européen, semble-t-il, à partir de 1842, hormis une brève période entre 1942 et 1945), il n'était pas "algérien" mais bien auvergnat, né à Chambon-sur Lac. En cherchant davantage, je suis du reste tombé sur sa fiche de renseignement dans le registre matricule (archives militaires) mis en ligne sur le site des archives départementales du Puy-de-Dôme. Il fit partie de la classe 1864, et dès cette époque était considéré comme un militaire puisqu'engagé volontaire. Il fut versé à cette date dans le 20e  bataillon de chasseurs à pied. Peut-être fit-il partie des soldats qui se battirent en 1870 contre les Prussiens. Et peut-être est-ce vers cette période qu'Antoine Rabany fut versé dans le corps des zouaves. En 1911, lors du recensement, il était alors mentionné comme "patron cultivateur". D'où lui vint ce surnom de "zouave", encore attaché à lui en 1908? Portait-il sur lui, comme me l'a suggéré mon camarade Régis Gayraud, quelques pièces de son ancien uniforme de zouave, une culotte rouge, un gilet festonné, un foulard dans les ch

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Les constructeurs de Babel, bienvenue à un nouveau site sur les environnements ”visionnaires” italiens

      Je reçois de Gabriele Mina, anthropologue italien, la référence de son site, intitulé costruttori di babele et consacré aux environnements visionnaires de son beau pays. L'insertion de ma note ancienne sur Marcello Cammi m'avait fait croiser sa route. Je ne parle guère l'italien, mais j'arrive à peu prés à déchiffrer entre les lignes ce dont il est question, tant nos langues sont proches.

Marcello Cammi, Pinocchio, ph.Bruno Montpied, 1990.jpg
Marcello Cammi, Pinocchio, ph. Bruno Montpied, Bordighera, 1990
      Si l'on retrouve sur ce site de riches ensembles d'images sur Cammi (dont mes photos floues datant de 1990, voir album en colonne de droite), notamment des photos de ce même environnement dûes à feu-André Escard, on ne peut que rester interloqué devant un autre environnement mentionné sur le site (parmi d'autres), celui de Mario Andreoli.
     "La colline des lumières", est située en Ligurie à Manarola, près de La Spezia. Andreoli, qualifié par Mina de "land-artist autodidacte", en recyclant divers objets, a dressé prés de trois cents figures (anges, bergers, dauphins, châteaux...) sur environ quatre mille mètres carré. Cela serait déjà un tour de force insolite en soi, mais il ne s'est pas arrêté là (et heureusement, car ces figures restent par trop schématiques, limitées à leurs silhouettes, et pour cause, comme on va le voir). Sa véritable invention est ailleurs. Il a en effet conçu un véritable spectacle à partir d'elles, réalisant une scénographie abstraite lumineuse, qui vue de loin compose un tableau chatoyant et changeant d'année en année aux dimensions d'une colline entière... Il semble que ces jeux de lumière se tiennent entre le début décembre et la fin janvier. 
Mario Andreoli, la colline des lumières, photo site web i costruttori de babele.jpg
Mario Andreoli, photo empruntée au site i costruttori di babele
Mario Andreoli, ph Gabriele Mina, 2007.jpg
Mario Andreoli installant une de ses figures schématiques, ph. Gabriele Mina, 2007

     Le terme de land-art s'applique bien en l'occurrence, plus que le terme d'art paysagiste dont il est un proche parent. Je vois une distinction entre ces deux formes d'intervention artistique, car le land-art est davantage la création d'un tableau prenant pour support un territoire donné, alors que l'art du paysage serait plutôt un territoire qui fait recours à des conceptions artistiques dans la réalisation de son dessin. Les deux vont à peu prés à rebours l'un de l'autre... Et c'est vrai qu'un terme en langue étrangère s'est imposé là parce qu'il n'y avait pas de terme équivalent en français.

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21/07/2010 | Lien permanent

Postérité des environnements (8): Marcel Dhièvre hier et aujourd'hui, un petit vent de vitrification

    Je suis enfin passé à Saint-Dizier, hélas en coup de vent, luttant de vitesse contre le soleil qui se couchait menaçant ainsi de me priver de ses lumières (grâces soient rendues au conducteur, Régis Gayraud, qui, en dépit des limitations de vitesse qui donnent désormais à tous les conducteurs des allures de sénateurs cacochymes, a réussi à arriver in extremis devant la fameuse maison peinte et mosaïquée du naïf Marcel Dhièvre, intitulée "Au Petit Paris").

    Je fis des photos à toute berzingue, gêné qui plus est par les voitures garées devant (la mairie ne pourrait pas promulguer un arrêté interdisant les quelques places de parking devant la maison, on le ferait bien pour d'autres monuments, non?). Ce qui eut pour résultat de m'empêcher de faire une photo bien en face de la devanture de cette ancienne boutique de confection reconvertie si j'ai bien compris en petit musée Marcel Dhièvre (quoique rien ne le signale sur la façade). La façade sur mon cliché apparaît de ce fait de biais. Cela ne m'empêche pas de vous la soumettre, avec le besoin de la mettre en parallèle avec l'ancienne photo, de 1977, que Jacques Verroust avait faite très peu de temps avant la disparition du créateur. Cette photo-là peut donc servir d'étalon parfait à l'aune duquel on établira des comparaisons avec la façade restaurée d'aujourd'hui. Je rappelle que la restauration est désormais achevée, du moins en ce qui concerne les murs extérieurs. Elle est due à M. Renaud Dubrigny, employé municipal ayant travaillé sous les supervisions des deux architectes, l'un des Bâtiments de France pour la Haute-Marne (département où se trouve St-Dizier) et l'autre étant architecte de la ville. Ce restaurateur a repris l'ensemble de l'oeuvre de Dhièvre, murs extérieurs et intérieurs de son ancienne maison, ainsi que certaines peintures et sculptures détachées qui sont actuellement conservées au musée municipal de St-Dizier (ville qui aura à n'en pas douter fait tout ce qui était en son pouvoir pour conserver en son sein ce patrimoine populaire, ce dont on ne saurait trop la louer).

 

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"Au Petit Paris", photo Jacques Verroust dans Les Inspirés du Bord des routes, 1977

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"Au Petit Paris", après restauration de 2011, ph. Bruno Montpied, 2013

    On pourrait s'amuser à jouer au jeu des "sept erreurs" si prisé des enfants. Il semble cependant à première vue que ce soit surtout sur la question des couleurs que mon attention en premier lieu se portera. Il paraît évident que le jaune moutarde choisi par le restaurateur est assez différent du jaune qui paraissait plutôt orangé chez Dhièvre. D'autres différences dans le traitement des couleurs sont à noter en comparant les deux images, les médaillons au ras de la chaussée ne sont pas traités de la même manière par exemple. Un des trois oiseaux sculptés sur un faux arbre à l'angle de la maison (idée géniale de Marcel Dhièvre que cet envol permanent d'oiseaux à l'angle de ses fenêtres) est peint en bleu alors que chez Verroust tous trois étaient blancs. Le bleu choisi par le restaurateur apparaît aussi plus soutenu. Et plus généralement la façade actuelle paraît plus claire, plus aérée que dans la photo de Verroust où elle apparaît plus fourmillante, plus "mosaïquée" du coup aussi.

    Sur ces photos, on ne voit pas la seconde façade qui s'enfonce dans la "voyotte" (ruelle de St-Dizier) à droite. Cette dernière aujourd'hui apparaît très brillante (les flash des appareils photo s'y reflètent d'ailleurs, ce que je ne suis pas sûr qu'ils auraient fait du temps de Dhièvre).

 

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Ici l'on voit le deuxième mur peint et sculpté en relief avec des brillances satinées dues selon moi à la restauration, ph BM, 2013

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Le flash se reflète sur l'étendue brillante des jolies fresques de Marcel Dhièvre, ph BM, 2013


    On dira, je sais... "Que voulez-vous? C'était ça ou rien..." Oui? Est-on bien sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative? Surtout quand on sait que les municipalités devant rendre des comptes de l'emploi de leurs deniers auprès des contribuables et des électeurs sont conduites à rendre durables les restaurations qu'elles engagent. Rendre durable une réalisation qui fut conçue de façon précaire et éphémère (c'est là une différence avec les oeuvres d'art monumentales des artistes professionnels)... Comment voulez-vous qu'on ne risque pas en conséquence de tomber dans un zeste de vitrification muséifiante...?

    Bon. Ceci dit, moi qui n'avais jamais pu voir la maison du temps de Dhièvre, je reste cependant heureux d'avoir pu voir quelque chose qui me la rappelle, quelque chose qui de plus a été très honnêtement étiquetée, il faut le souligner, "restaurée" (avec les noms de ceux qui ont aidé à sauvegarder l'ensemble) et non pas présentée comme le monument original.


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Pour servir à l'histoire de Marie-Louise et Fernand Chatelain (3): la poésie envolée

   

Fernand Châtelain,personnage à double tête, photo Clovis Prévost, années 70 (Les bâtisseurs de l'imaginaire.jpg
Fernand Chatelain, personnage à deux têtes, années 70, ph.Clovis Prévost

    Pour conclure le feuilleton Chatelain, j'ai envie de mettre en parallèle une ou deux images d’œuvres d'avant et d'après restauration. En tentant de comparer ce qui peut l'être. Je devine que la manière de poser les couleurs notamment, chez Chatelain, constitue une grande différence avec celle des restaurateurs du site actuel, nettement plus lourde, sans nuances. Un peu comme des peintres en bâtiment sont ces "restaurateurs"...

Fernand Châtelain,le personnage à deux têtes (après restauration), ph Rémy Ricordeau, sept 08.jpg
Après le passage de la patrouille de restauration, 2008 ; photo Rémy Ricordeau
Fernand Châtelain, personnage à deux têtes, 1983, photogramme Les jardins de l'art immédiat, Bruno Montpied.jpg
Le personnage aux jambes en tire-bouchon en 1983, il est placé de l'autre côté de la barrière de la propriété, les couleurs, les lignes, rien n'est fermement appliqué, une impression de fragilité se dégage... ; photogramme Les Jardins de l'art immédiat, B.Montpied

    Le personnage à double tête, sorte de Martien, aux nez emmêlés, aux bouches en zig-zag, aux jambes vrillées pathétiquement, peint sans uniformité et sans lissage particulier dans les années 70, se retrouve en 2008 particulièrement bien peinturluré, au point de ressembler à un décor d'aire de jeux pour enfants. Comme si on avait cherché à masquer une vérité qui dérange (et comme on a refait l'intérieur des statues en enlevant les matériaux anciens, jugés de mauvaise qualité, du grillage et du bourrage de vieux papiers de journaux, pensez donc... Là, on a voulu bâtir pour la durée, 150 000€, c'est pas donné...).

Fernand Châtelain,le lièvre fantastique, en ruine, 2002, ph.B.Montpied.jpg
Bugs Bunny, en ruine,  2002, photo B. Montpied
Châtelain, ph Rousseau, 1969, extrait du blog Animula Vagula.jpg
Le même en 1969, photo Rousseau, voir le blog Animula Vagula ; cette photo est en effet précieuse car elle est prise très prés des débuts de la création du site de Chatelain ; si l'on constate que Chatelain, finalement, pouvait bien lisser quelque peu ses matières, il utilisait les couleurs sans lourdeur, le résultat ressemblant au coloriage d'un crayon de couleur, d'une craie, d'un pastel ; les formes sont délicatement modelées de même

     Celui qui est appelé Bugs Bunny, personnage particulièrement impressionnant avec sa gueule découvrant des incisives carnassières, ses bras partis encore en vrille, ses yeux exorbités, ses immenses oreilles de lièvre, a été passablement "arrangé" lui aussi en 2008.

Fernand Châtelain, Le lièvre en 2008, ph.Rémy Ricordeau.jpg
On notera au jeu des 7 erreurs les couleurs changées et en plus moche, le mouchetis des animaux sur les jambes beaucoup plus grossièrement appliqué, l'air abruti du lapin, la forme moins large de sa tête, le nez planté différemment, les oreilles plus molles, les spires plus ratatinées... ; photo Rémy Ricordeau, 2008

     Une autre saynète achèvera peut-être de convaincre tout un chacun de la main lourde des restaurateurs, c'est le char de "Pégase" avec le chien au chapeau conique (et comique) qui tient les rénes.

Fernand Châtelain (1983) photogramme Jardins de l'Art immédiat Bruno Montpied.JPG
Fernand Chatelain, Pégase, en 1983, photogramme extrait de Les Jardins de l'art immédiat, B.Montpied ; le chien apparaît loufoque, le cheval est gentil et de bonne volonté... De plus il vole...
Fernand Châtelain,Pégase,ph.Rémy Ricordeau, 2008.jpg
Le même ? Il paraît poser par terre, inerte à présent, Pégase se dresse mollement, le conducteur, au chapeau trop régulier ressemble désormais à Pif le chien, et, comme le lièvre, arbore une expression de parfait simplet, pour ne pas dire plus... La scène est complètement figée

     Le chien était encore drôle en 1983 lorsque je le filmai en Super 8, suspendu plus en hauteur grâce à des cageots et des étais plus longs, ce qui lui donnait l'air de voler (logique puisqu'il était tracté par le cheval ailé Pégase). En 2008, décidément la poésie s'est envolée. Ferlaure Chatevanne est passé par là. Et pourtant, on a essayé de se documenter un peu (contrairement à ce qui a pu être affirmé). Mais il faut croire qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve... Ou bien, que tout dépend de la sensibilité de celui qui tient le pinceau et de sa plus ou moins grande empathie avec le créateur d'origine. La documentation n'est pas tout, la philosophie de la conduite de vie d'un Fernand et d'une Marie-Louise Chatelain doit être aussi comprise. Un film comme Séraphine, de Martin Provost, sorti sur nos écrans ces jours-ci, est là pour nous prouver que l'empathie avec une créatrice, pourtant aussi rare que Séraphine Louis, même à tant d'années de distance, est possible. Chatelain a eu moins de chance, voilà tout. Peut-être alors, comme l'avait laissé entendre Clovis Prévost, à la journée d'études de Villeneuve-d'Ascq sur les habitants-paysagistes le samedi 10 décembre2005, faudra-t-il se résoudre un jour à songer dérestaurer une si calamiteuse"intervention"...

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15/10/2008 | Lien permanent

Sirènes, quelques images de plus, pour répondre à Darnish et pour ajouter un codicille au vagabondage d'Emmanuel Boussug

      Il n'y a pas beaucoup d'avantage au fait de vieillir, et je ne sais pas si on ne doit pas y ajouter le phénomène des amis qui sont ravis de vous faire découvrir quelque chose que vous aviez déjà vu il ya longtemps, en l'occurrence, il y a très exactement 28 ans... Il faut faire comme si on ne savait pas, pour leur laisser le plaisir de la révélation qu'ils vous offrent.  Mais à de certains moments, on ne peut s'empêcher de se conduire en malotru, et de se moquer grassement du jeune cuistre. Qu'il nous en excuse donc, c'est ici un moment de ce genre... Le pilier de l'église de Varengeville, sculpté d'une sirène affleurant du granit - une des plus touchantes ondines qui se puisse voir dans une église - ... n'a visiblement pas changé depuis 1989, lorsque, avec une étudiante de Dieppe, Laure Lemarchand, qui m'y avait mené pour voir le singulier pilier décoré de sujets profanes placé au beau milieu du sanctuaire, je le photographiai (à l'argentique). Je saisis sous mon objectif  la sirène, la coquille St-Jacques (signalant sans doute aux pèlerins que le bâtiment pouvait les héberger), et les profils ultra naïfs qui entouraient l'ondine archaïque (probablement des portraits de donateurs ?). Darnish en 2015 me confirma que le pilier était bien toujours  en place. J'étais venu visiter l'église de Varengeville uniquement pour ce pilier sculpté ; Braque... Je ne m'en souviens pas... Il faut avouer qu'à l'époque, je m'en moquais éperdument. Et je crois bien que je n'aie guère changé depuis...

Pilier sculpté 2 église de Varengeville, 1989, détails, sirène, profils, coquille st-j.jpg

Pilier sculpté de l'église de Varengeville, ph. Bruno Montpied, 1989.

Sirène église de Varangeville (2), ph Darnish 2015.jpg

Sirène du pilier, plus près, ph. Darnish, 2015.

*

    Bon, ceci dit, après avoir fait mon vieux schnock, revenons à l'Auvergne, ses sirènes bicaudales (pas très poétique tout de même ce dernier adjectif, même si il est très précis) et autres ondines en pleine terre. Il n'y a rien de surprenant à en trouver en de tels endroits. Outre le fait que, comme le dit Emmanuel dans son texte, l'imagination a bien le droit de disposer des thèmes mythologiques comme bon lui semble, il faut se rappeler que les croyances se portaient aussi vers les sirènes d'eau douce.

       Je voudrais ajouter ici un exemple de sirène non repérée par Emmanuel, cette fois hors d'une église, en plein milieu du plateau de l'Aubrac, dans le village de Saint-Urcize, qui, malgré son apparente austérité et sa solitude au milieu d'un pays resté somme toute encore assez sauvage, m'est inexplicablement cher (je n'y suis passé que deux fois dans ma vie).

St Urcize, Fenêtre avec sculptures (recadré) (2).jpg

Fenêtre d'un maison fort ancienne (Moyen-Age?) à Saint-Urcize (Aubrac), ph. B.M., 2016.

St-Urcize, Sirène (2) sur une fenêtre.jpg

Détail de la fenêtre précédente, la sirène, en train de jouer d'un instrument probablement à cordes (un plectre?) ; à noter que de l'autre côté de la fenêtre est sculpté un personnage jouant lui aussi de la musique ; peut-être que la maison était celle d'un musicien et que ces motifs fonctionnaient comme des enseignes ? ph. B.M., 2016.

 

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L'OR AUX 13 ILES, pour un numéro 3 au cœur de l'été, on souscrit!

     C'est pas une date dira-t-on pour sortir une revue, surtout quand on l'attend depuis un bail... Jean-Christophe Belotti, son animateur, se moque de ce genre de problématique car il compte sur le bouche à oreille, sur le réseau des lecteurs qui avaient déjà repéré les deux numéros précédents. Et puis, il sera toujours temps de le faire connaître par les librairies à la rentrée. Et puis encore, la revue est tellement intéressante que peu importe le moment où on la sort...

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La couverture du nouveau numéro de L'Or aux 13 îles

      Pour ceux qui n'ont pas déconnecté de leurs petits écrans internet en ce mois de juillet, j'annonce donc la parution de ce troisième opus de cette revue toujours aussi soigneusement présentée (elle est à l'impression pour le moment). La couverture du numéro est peut-être la plus belle des trois parues. Pour souscrire, il faut cliquer sur ce lien au bout duquel vous trouverez un bon de commande avec quelques pages de la revue reproduites en vignettes. Pour ceux qui ne connaissent pas -ou ne voient pas j'en connais, du côté de Clermont-Ferrand...-  ce que j'appelle un lien, ils pourront toujours écrire à l'adresse de la revue: Jean-Christophe Belotti, 7, rue de la Houzelle, 77250 Veneux-les-Sablons en envoyant un chèque de 22€ + 4,50€ de frais de port (pour le numéro 3 ; mais on peut aussi acheter les deux numéros précédents: 30 €+ 4,50 de frais pour les deux). Et ils pourront aussi consulter le sommaire que la revue nous a gentiment communiqué:

 

Page 1 sommaire.jpg

L'Or aux 13 îles n° 3, le sommaire ; l’œil dans l'oreille c'est peut-être pour souligner le rapport à la musique qui s'est invité dans ce numéro à travers deux contributions, dont un CD qui est joint au numéro

     On notera l'importance du dossier consacré à Alan Glass, surréaliste créateur entre autres de poèmes-objets qui vivait au Mexique, ami de Léonora Carrington, dont des dessins furent publiés en leur temps par André Breton et Benjamin Péret et qui a fait l'objet d'un film d'art dans la collection de documentaires sur des artistes surréalistes de la série Phares Seven Doc.

     Ce numéro contient aussi des contributions de Joël Gayraud et de Mauro Placi (des habitués des commentaires de ce blog), un scénario inédit, Les Insectes, de Jan Svankmajer, et divers compte-rendus consacrés à d'importantes publications parues ces derniers mois (sur l'univers de Svankmajer, sur Krizek, sur Laurent Albarracin, et sur Stanislas Rodanski).

 

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Deux pages de la revue consacrées au début du texte de Bruno Montpied sur "Les Bouteilles Malicieuses des époux Beynet"

 

       Enfin, je ne peux passer sous silence ma propre contribution visant à dévoiler quelque peu l’œuvre atypique et naïvo-brute de deux autodidactes auvergnats, les époux Beynet, qui dans les années 80 de l'autre siècle produisirent en secret, pour leur plaisir intime, près de deux cent bouteilles peintes sur leurs pourtours de saynètes drolatiques. Je suis très fier de cette découverte faite à un moment où les bouteilles en question étaient sur le point d'être dispersées. J'en ai ainsi récupéré près d'une centaine que l'on voit ci-dessous, en partie, accrochées à mes plafonds, dans un dispositif qui ressemble à celui qu'adoptaient chez eux dans leur musée secret à Auzat-sur-Allier les Beynet:

 

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Louis et Céline Beynet, 9 bouteilles peintes, coll. et ph. Bruno Montpied, 2014

 

   Une fois la période de souscription passée, je suppose qu'on pourra trouver la revue à Paris à la librairie de la Halle St-Pierre par exemple.

      

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Une histoire de racines en l'air (Chaissac/Jesuys Christiano)

      Gaston Chaissac, certains le savent, a écrit en 1946 dans la revue Centres pour René Rougerie qui, alors âgé de 20 ans, y collaborait, chargé de repérer de nouveaux talents, un merveilleux texte, intitulé Surréalisme!!!. Je recopie ci-après deux extraits qui m'ont toujours plu :

   "Nous avons des littérateurs, des peintres surréalistes, et ils ont fait des trouvailles indéniablement intéressantes, utiles.

     Demain ce sera des artisans, des ouvriers, des paysans surréalistes que nous aurons aussi ; d'eux nous avons un besoin urgent, et leurs trouvailles également intéressantes et utiles changeront la face du monde.

     Le bon travail est devenu chose rarissime et pour le réapprendre il nous faut des novateurs.

      Quand nous verrons des artisans construire de chariots avec des roues carrées et des paysans planter des choux les racines en l'air ce sera de bon augure ; car ces hommes, enfin plus esclaves des exigences d'autrui, feront à leur idée en hommes libres, en surréalistes, et retrouveront les secrets qui permettent de faire du bon travail honnête. Cela dans la joie, car le travail libre c'est la joie, celle qu'on ne saurait trouver à courir après la fortune ou simplement gagner beaucoup d'argent (en étant l'esclave d'autrui) pour satisfaire des vices. (...)

    "Sœur Jeanne de là-haut ne vois-tu rien venir? - Je vois à l'horizon des surréalistes accourir avec des pelles, des rabots, des fourches ,des enclumes et bien d'autres outils".  (...)"

         Revue Centres n°3, 1946.

 

        Cette histoire de planter des choux les racines en l'air m'a toujours marqué.... Quelle ne fut pas ma surprise en lisant l'autre extrait de texte ci-dessous, publié récemment dans le catalogue de l'excellente récente exposition (terminée le 17 juillet dernier) de cette extraordinaire découverte brute qu'est l'œuvre du Brésilien nommé – probablement un surnom – Jesuys Christiano (Jésus-Christ, en somme), à la galerie Christian Berst (passage des Gravilliers, à Paris, le catalogue doit y être toujours disponible, du moins à partir de la rentrée de septembre) Jesuys Chirstiano,couv catalogue Berst.jpg :

    "(...) Son objectif était d'ériger un nouveau monde, l'ancien devait donc être inversé – c'est ainsi qu'il arrachait des fleurs et des plantes pour les enterrer afin que les racines pointent vers le ciel. Pour que les voix qu'il entendait chaque jour se taisent, que les vers qui lui rongeaient le crâne se calment, que la peur de la persécution et du châtiment s'éloigne de lui. (...)"

       Thilo Scheuermann (hôtelier allemand installé au Brésil ayant découvert en 2011 les dessins tracés par Jesuys Christiano sur les murs du quartier miséreux de Malhado à Ilhéus ; il s'occupa alors de lui jusqu'à la mort de ce dernier survenue en 2015).

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Jesuys Christiano, sans titre, graphite sur papier, 42x59 cm, 2013. Extrait du catalogue d'exposition à la galerie Christian Berst "Jesuys Christiano, A contrario".

 

    Etonnant  parallèle, n'est-ce pas? Entre le cordonnier de Vendée et le pauvre hère brésilien qui bien entendu n'a jamais entendu parler du premier... A signaler que Jesuys Christiano est allé plus loin que Chaissac, en plantant réellement ses végétaux les racines en l'air... Mais bon, chez le cordonnier, il est plutôt question d'une métaphore, d'un appel au monde à l'envers, un thème cher à la culture populaire.

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