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Oskar Panizza était un créateur de l'art brut
Je ne suis pas un théoricien, ni un philosophe, ni ne suis porté vers les grandes idées. Je ne peux prétendre devenir un jour un quelconque historien d'art calé en esthétique. Mais j'ai des intuitions, un peu de flair. Ce dont on ne me créditera aucunement une fois fait mon temps. On viendra prendre dans le tas. Et pourtant, il y aurait des indications à retenir de la façon dont les choses découlent les unes des autres. C'est pourquoi je fais le maniaque, réclame sans cesse qu'on se rappelle que j'étais là le premier, que c'est moi qui ai planté le drapeau sur ces lunes-là qui étaient bien sauvages et vierges de tout passage humain...Quitte à en agacer souverainement certains qui aiment à jouer aux sages détachés de tout...
Ouh là, là, où est-ce que je suis en train d'aller, où veut-il en venir? Eh bien, bizarrement à Oskar Panizza sur qui je suis retombé il n'y a pas très longtemps, l'été dernier, en revoyant mon vieil ami Pierre Gallissaires qui finissait une traduction à son sujet (les éditions Agone se sont mises en tête de sortir les oeuvres complètes de Panizza, et de faire en conséquence compléter certaines anciennes traductions). Cet écrivain connu pour le Concile d'amour cher à André Breton, cette pièce de théâtre qui fit scandale à Munich en 1895 valant à son auteur un séjour en prison en raison de sa façon de camper Dieu le père, vieillard cacochyme, Jésus, Marie, le Diable, les anges et la famille des Borgia avec un pape violeur et débauché à leur tête, deux enfants incestueux, les fameux Lucrèce et César Borgia, le tout dans une bouffonnerie échevelée d'une audace invraisemblable, cet écrivain décida de lui-même, au début des années 1900, de se rendre dans un hôpital psychiatrique.
Ce que l'on sait peu, c'est qu'il y continua d'écrire vers 1904-1905 des textes qui paraissent intéressants comme ce Dialogue entre un prêtre et un aliéné que m'a signalé Gallissaires. On sait qu'il rédigea en 1904 peu après son internement une autobiographie (disponible dans l'édition Pauvert du Concile d'Amour) où il paraît révéler qu'il souffrait de délire de persécution (c'est peut-être pour cela que je suis retombé sur lui!). Il va rester hospitalisé jusqu'à sa mort survenue en 1921. En Allemagne est paru en 1989 un ouvrage qui a montré que Panizza aimait aussi dessiner ("Oskar Panizza Pour Gambetta", éd.Belleville, Munich). Mais nous ignorons ce fait en France. Peut-être la notoriété grandissante de l'art brut, et conséquemment de tous les champs de l'histoire de l'art qu'elle entraîne derrière elle, notamment l'histoire de "l'art des fous", pourrait aider à faire mieux connaître cette partie de l'oeuvre et de la vie de ce grand blasphémateur.
En effet, des dessins de Panizza, à ce que me révéla Pierre Gallissaires cet été-là, sont conservés dans la collection Prinzhorn à Heidelberg. Oui, des dessins de Panizza, à côté des dessins d'August Natterer, si prisés par Max Ernst, ou des sculptures de Karl Brendel. Cela en fait un créateur de l'art brut du coup! On n'avait pas pensé à cela... Je ne l'avais pas remarqué, pourtant je possédais depuis longtemps un catalogue des années 80, en allemand, lié à une exposition de la collection Prinzhorn qui s'était promenée dans divers endroits en Allemagne. Une page mentionnait quelques dessins de Panizza, et je ne l'avais pas repérée... L'édition française des Expressions de la folie en 1984 ne le mentionne pas, sauf erreur de ma part. On en voit ici quelques-uns, histoire de se faire une idée. Nul doute que cette information devrait intéresser quelque chercheur... Non?
16/02/2009 | Lien permanent | Commentaires (2)
Eloquentes obsessions
En marge de l'exposition sur l'art des outsiders british qui termine son séjour à la Halle St-Pierre à Paris (clôture le 1er août), Mr Roger Cardinal qui passait ces jours-ci par Paris nous a glissé une petite carte annonçant une autre exposition à venir cette fois, et se tenant dans les faubourgs de Londres à Twickenham, sans doute le même Twickenham que pour le rugby. "Eloquent obsessions", cela s'appelle, et c'est organisé à la Orleans House Gallery, à Riverside, Twickenham (vous trouverez bien tout seul où ça se situe exactement à Londres). La manifestation est organisée conjointement avec la Henry Boxer Gallery basée à Richmond. Le carton n'est pas très bavard sur les créateurs que l'on devrait retrouver dans ce lieu, et je ne suis pas encore arrivé à dénicher sur la Toile une référence à cette expo. C'est peut-être trop tôt. Le vernissage est pour le 3 septembre, et c'est prévu pour durer du 30 août au 19 octobre. Comme je sens que je vais oublier d'en reparler, je l'ai casé ici tout de suite. Comme ça vous aurez le temps de réserver le très cher TGV pour l'Angleterre (c'est le genre d'expo pour la jet set de l'art brut ; qui ne sait plus où placer ses sous en matière d'art moderne ou contemporain). On va y retrouver des noms bien connus, Henry Darger, Madge Gill (prononcez "Guill", m'a recommandé Roger) ou Scottie Wilson, ainsi que quelques oeuvres des pensionnaires de Gugging en Autriche.
On devrait aussi, surtout, y trouver un créateur peu connu de ce côté-ci du Channel, à savoir le dessinateur obsédé de la race féline, le dénommé Louis Wain, que je ne connais guère autrement personnellement qu'à travers le portail internet de la galerie Henry Boxer. La notice de la galerie nous signale que le monsieur fut d'abord un grand illustrateur célèbre spécialisé dans les dessins de chats, avant de sombrer dans la psychose (on parle de schizophrénie à son sujet). Interné, il continua à représenter les êtres qu'il affectionnait entre tous, mais ses images prirent des allures qualifiées de "kaléidoscopiques".
Ses chats devinrent psychédéliques, se fragmentant en dizaines, centaines d'éclats colorés qui les font rejoindre les images de dragons tels qu'on peut en voir dans l'art d'extrême-orient. Cela les rapproche aussi d'autres célèbres chats de l'art naïf, ceux de Van Der Steen.
Souhaitons que nous ayons l'occasion de voir des oeuvres de Louis Wain un de ces jours prochains en France.
L'expo British Outsider Art, si elle nous a tout de même permis de découvrir les rares dessins d'Andrew Kennedy ou encore les compositions visionnaires hallucinantes de Vonn Ströpp, a raté l'occasion de nous montrer un ensemble plus vaste concernant le champ des créateurs spontanés autodidactes britanniques, et notamment a loupé l'occasion de nous présenter donc quelqu'un comme Louis Wain.
Elle n'a traité qu'une petite partie du champ. La collection Musgrave-Kinley par exemple (désormais prêtée sans limitation de temps au musée d'art moderne de Dublin) n'a pas été associée au projet (pour des raisons qui n'ont pas été évoquées), pas davantage que ses organisateurs n'ont souhaité nous présenter quelques oeuvres de l'étrange Richard Dadd, pourtant fort peu connu en dehors de la Grande-Bretagne. Dommage, dommage...
30/07/2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Fondation de la collection de monographies ”la Petite Brute”
La Petite Brute, collection que je dirige, répond à une demande de l'éditeur de l'Insomniaque qui souhaitait qu'on lance une série de titres sur des créateurs d'art brut, ou d'art naïf inventif, ou d'environnements populaires du type de ceux dont je parle dans Eloge des Jardins Anarchiques (éditions l'Insomniaque, 2011), voire sur des thèmes en liaison avec les arts de l'immédiat (poésie naturelle, figures du fantastique social dans la rue, anonymes de l'art populaire, etc.). Chaque titre devant comporter un texte rédigé de façon primesautière, non universitaire, plutôt poétique et littéraire, suivi d'un album de reproductions.
Le choix des auteurs se portera avant tout sur des sujets choisis en dehors des circuits commerciaux de l'art, puisqu'il s'agit de mettre en lumière une créativité éparse dans la population, qui ne se destine pas nécessairement à faire l'objet d'un marché, mais qui se déploie plutôt dans le désir d'embellir la vie quotidienne, en la magnifiant, en l'enchantant, voire au passage en la critiquant, miroir installé sur le bord du chemin de la vie comme disait (à peu près) Stendhal...
Les deux premiers titres sortent cet automne. Mardi 13 octobre (l'ouvrage est du reste d'ores et déjà disponible à la librairie de la Halle Saint-Pierre), on trouvera en librairie Visionnaires de Taïwan de Remy Ricordeau, consacré à une demi douzaine d'environnements découverts par l'auteur dans l'île de Formose, en différents points de cette terre. On y rencontrera dans la neuve perspective proposée par Ricordeau notamment les œuvres de Lin Yuan qui avait été exposé il y a quelques années dans l'expo "17 Naïfs de Taïwan" à la Halle St-Pierre. Mais à côté de lui, se déploient également différentes autres créations parfaitement inconnues et inédites, prouvant s'il en était besoin que la création spontanée est une pratique des plus répandues dans le monde, les territoires de l'Asie n'en étant pas épargnés, et commençant à largement intéresser les amateurs et les chercheurs d'art brut (dont bien entendu les marchands toujours à l'affût et attentifs à être les premiers à poser le pied - et la griffe - sur les nouvelles œuvres découvertes).
Bestiaire de Wu Tanlai, ph. Remy Ricordeau, 2014
Le deuxième titre est de Bruno Montpied, votre serviteur, Andrée Acézat, oublier le passé. Il sera disponible en librairie à la mi novembre (le diffuseur de l'Insomniaque est désormais Les Belles Lettres). Acézat, j'en ai déjà beaucoup parlé sur ce blog, était une peintre secrète qui produisit durant une cinquantaine d'années dans la région bordelaise (elle vivait à Talence avec son mari Lino Sartori, devenu sur le tard et par contagion un sculpteur et peintre singulier autodidacte ; le livre montre également quelques-unes de ses œuvres) des tableaux d'une facture banale relevant de ce que l'on appelle la peinture de genre, nus, natures mortes, paysages du bassin d'Arcachon, etc. Elle se décida, peut-être par contrecoup d'un cancer, sur le tard à 70 ans, à tout rejeter pour se mettre à créer un cortège de figures grotesques, caricaturales inspirées des personnages qu'elle croisait dans sa vie quotidienne. Ses peintures prirent alors un aspect expressionniste naïf très singulier.
Andrée Acézat, sans titre renseigné, 65 x 50 cm, peinture sur toile, 1996, coll. privée, région bordelaise, ph. Bruno Montpied
A signaler: les deux auteurs, Remy Ricordeau et Bruno Montpied signeront leurs livres respectifs, tout en dialoguant avec les amateurs, dans le cadre de l'Outsider Art Fair, sur le stand tenu par la librairie de la Halle Saint-Pierre le samedi 24 octobre à 15h à l'Hôtel du Duc, rue de la Michodière, dans le IXe arrondissement de Paris.
(Si vous ne trouvez pas les livres chez votre libraire habituel, n'hésitez pas à le commander, le diffuseur étant les Belles Lettres)
11/10/2015 | Lien permanent | Commentaires (6)
Sculpture lippue, sculpture désabusée ?
Anonyme, tête sculptée, h 41 cm, sans date, collection privée.
01/10/2018 | Lien permanent | Commentaires (3)
Causerie pour situer François Michaud parmi les autres environnements spontanés
"François Michaud, première trace des environnements spontanés populaires. Sa proximité avec les autres créateurs autodidactes de son temps, et ses successeurs au XXe siècle. L'environnement spontané, un art de l'immédiat à part entière, illustré par de nombreux exemples choisis en France", tels sont le titre et les sous-titres de la causerie que je vais être amené à faire à la Maison de la Pierre, à Masgot même, dans la Creuse, berceau de l'oeuvre de ce tailleur de pierre, créateur du plus ancien des environnements spontanés qui nous aient été conservés en France, puisque commencé dans les années 1850-1860 et achevé sans doute avec la mort de son auteur en 1890 (il était né en 1810, ce qui en fait un phénomène de longévité en ce XIXe siècle impitoyable pour les gens de peu). Cela aura lieu le samedi 9 mai prochain à 20h30.
Je donne à la suite le plan que j'ai rédigé pour l'association des Maçons de la Creuse, animée notamment par Roland Nicoux, afin qu'on se fasse une petite idée de la tournure de cette conférence (que devraient accompagner pas moins de 190 photos... Mais j'ai sans doute compté trop large!):
François Michaud
Premier d'une tradition de créateurs autodidactes d'environnements en plein air
Il s'agit de resituer le décor du village de Masgot du tailleur de pierre François Michaud dans le contexte général des environnements populaires spontanés qui ont fleuri en France depuis deux siècles au moins. Ces créateurs d'environnements sont parfois aussi appelés « Inspirés du bord des routes », « bâtisseurs de l'imaginaire », ou encore « habitants-paysagistes ». L'environnement de Michaud, avec ses statues exposées sur les clôtures autour de ses maisons, est actuellement le plus ancien de ce type à avoir été conservé en France.
La causerie, constamment illustrée d'images numérisées (190 au total) s'attachera d'abord à présenter les environnements ou les sculptures populaires qui ont été repérés avant la période où fut décoré Masgot, grottes sculptées, croix de chemin, chapelle naïve d'un sculpteur solitaire prés de Gap, linteaux rustiques, bas-relief, sculptures par d'autres tailleurs de pierre et hommes du peuple, etc...
Nous glisserons ensuite vers la présentation de quelques œuvres de Michaud histoire de se les remettre dans l'œil avant de montrer un ensemble aussi vaste et varié que possible d'autres pièces créées dans des jardins d'inspirés et d'originaux en tous genres. Dans un premier temps, la causerie se focalisera sur des thématiques, les « Barbus Müller », ou le thème de la sirène par exemple, présente dans l'œuvre de Michaud et souvent traitée dans plusieurs autres environnements apparus au XXe siècle (chez Fernand Châtelain dans la Sarthe, Hippolyte Massé aux Sables d'Olonne, René Escaffre dans le Lauragais, Martial Besse dans le Tarn-et-Garonne, René Jenthon dans l'Allier, Alfonso Calleja sur le bassin d'Arcachon, ou Remy Callot dans le Nord).
Napoléon est un autre thème très présent à Masgot, il rejoint la légende napoléonienne telle que l'ont illustrée de nombreux sculpteurs populaires, anonymes ou non, au XIXe siècle (comme le sabotier Jean Molette dans le Rhône par exemple). Cette façon d'afficher ses admirations pour des personnalités célèbres en sculptant leurs effigies dans le décor de sa vie quotidienne se rencontre chez nombre de créateurs d'environnements, et ce de tous temps (voir les environnements de Gabriel Albert en Charente, Emile Taugourdeau dans la Sarthe, Raymond Guitet dans l'Entre-Deux-Mers). Il est à noter que de nombreux sculpteurs autodidactes ont aussi taillé des monuments aux morts, de façon naïve, comme Michaud lorsqu'on lui passa commande d'un buste de Marianne pour la mairie de Fransèches. Une sélection de quelques monuments aux morts naïfs sera ainsi présentée.
Une petite parenthèse sera ouverte pour présenter également les sites naïfs ou bruts réalisés par des ecclésiastiques excentriques, contemporains de François Michaud, comme l'abbé Fouré dans l'Ille-et-Vilaine, ou l'abbé Paysant dans l'Orne. On les rapprochera de l'humble mystique que fut Raymond Isidore, dit Picassiette, au siècle suivant.
Le Palais Idéal de Ferdinand Cheval dans la Drôme sera l'occasion de montrer que les autodidactes inspirés ont su aussi s'attaquer à des projets plus nettement architecturaux. S'inspirant parfois les uns des autres, comme dans le cas de Charles Billy dans le Rhône qui, inspiré par le facteur Cheval, dressa autour de sa villa un vaste collage de maquettes en pierre imitant des bâtiments célèbres du monde entier. L'architecture excentrique populaire peut parfois revêtir des aspects tour à tour muséaux (exemple du Castel Maraîchin à Croix-de-Vie en Vendée avec ses moulages à vocation pédagogique et encyclopédique, ou la maison de François Aubert dans le Cantal avec son musée minéralogique), ludiques (Camille Jamain en Touraine, ou Ludovic Montégudet dans la Creuse, créateurs de parcs de loisirs bricolés naïvement avec attractions faites main), parfois farceurs (Alphonse Gurlhie en Ardèche).
Parmi les créateurs d'environnements, la causerie a choisi de se concentrer sur les créateurs de statues puisque Michaud en a lui-même réalisé un certain nombre. Ces hommes simples rassemblent sur des terrains plantés d'arbres et de fleurs, dans une scénographie étudiée, pêle-mêle, hommes célèbres ou personnifications de métiers, comme chez André Hardy dans l'Orne, Charles Pecqueur ou Léon Evangélaire dans le Nord, Marcel Debord dans le Périgord.
Puis la causerie se déplacera insensiblement vers des environnements aux styles plus caractérisables dans le sens de ce que l'on appelle l'art brut, permettant au public de se faire une idée des distinctions possibles entre ces catégories aux limites poreuses que sont l'art naïf, l'art populaire et l'art brut. On verra ainsi des pièces venues des sites d'André Morvan dans le Morbihan (souches d'arbres et branches assemblées de manière anthropomorphe dans un style arcimboldesque), Jean Grard et ses manèges, statues et maquettes colorées et enfantines en Bretagne, Arthur Vanabelle dans le Nord avec ses canons et ses chars construits avec des matériaux recyclés afin semble-t-il d'exorciser le souvenir de la guerre vécue lorsqu'il était enfant, les statues de silex collés de Marcel Landreau à Mantes dans les Yvelines, le jardin de déchets accumulés de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, le jardin aux girouettes et vire-vents de Monsieur P. en Vendée, le jardin du forgeron Maurice Guillet faisant de l'art moderne en autodidacte, ambition originale, ou encore le jardin de bidules emberlificotés d'Yves Floch en Normandie. Pour finir, seront présentées quelques sculptures d'Auguste Forestier qui en dépit du fait qu'elles sont rangées usuellement dans le corpus de l'art brut présentent de forts rapports de cousinage avec l'art populaire.
28/04/2009 | Lien permanent
Les Amoureux d'Angélique (1)
Note dédiée à Pierre Gallissaires
Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu parler en France d'un nouveau musée d'art brut, ou naïf, ou simplement d'art populaire contemporain (étiquette qui en l'espèce correspond assez bien).
L'Aracine verra bientôt on l'espère ses collections présentées en un espace bien défini et distinct de l'art moderne dans les nouveaux espaces du musée de Lille-Métropole à Villeneuve-d'Ascq dans le Nord. La Fabuloserie, et ses collections d'"art-hors-les-normes" (dont pas mal d'oeuvres récupérées d'environnements spontanés qui allaient être détruits, exemple assez réussi de sauvetage et de déplacement de fragments d'environnements qui devrait faire taire les puristes toujours prompts à taxer ce genre de solution d'"ânerie" ou de "ridicule", cf Belvert et "J2L"), la Fabuloserie tient bien le coup dans l'Yonne à Dicy. Le Petit Musée du Bizarre (de tous, celui qui s'apparente le plus au musée dont je veux vous entretenir) semble perdurer en Ardèche à Lavilledieu, près de Villeneuve-de-Berg (on aimerait avoir des nouvelles fraîches de l'endroit, si un lecteur de ce blog passe par là...), premier musée sur la question en France (car créé en 1969). Nous avons également des musées d'art naïf de qualité (à Laval, collection ouverte au public au Musée du Vieux-Château depuis 1966 ; à Nice, musée construit à partir de la collection d'Anatole Jakovsky, depuis 1982). Un musée consacré à la création singulière (un zeste d'art brut, un peu d'art naïf, un soupçon de surréalisme et beaucoup de singuliers, alias des créateurs marginaux et autodidactes de l'art contemporain), le Musée de la Création Franche, créé par Gérard Sendrey depuis 1988, existe également à Bègles en banlieue de Bordeaux. Le Musée International d'Art Modeste de Di Rosa et Bernard Belluc à Sète montre aussi des oeuvres relevant davantage de l'art populaire manufacturé, comprenant parfois des créateurs aux limites des collections précédemment citées. Sans compter les divers musées d'art populaire ou écomusées, privés ou publics, qui contiennent également nombre de créations relevant de ces mêmes champs, l'art brut, l'art naïf, les environnements spontanés...
La découverte du musée des "Amoureux d'Angélique", fondé par l'association Geppetto, qu'animent Martine et Pierre-Louis Boudra au Carla-Bayle en Ariège, une cinquantaine de kilomètres en dessous de Toulouse, non loin de Pamiers, je la dois à un petit dossier qu'avait publié naguère Denis Lavaud à partir des notes et des photos de Bernard Dattas dans le bulletin Zon'Art (n°14, automne-hiver 2005). A dire vrai, ce dossier était avant tout centré sur l'évocation de divers sites et environnements bruts/naïfs de la région de Toulouse, sans trop insister sur les Amoureux d'Angélique, qui pourtant avaient indiqué aux auteurs les sites en question.
Pierre-Louis et Martine, chercheurs modestes mais acharnés de la poésie populaire cachée (du Sud-Ouest au Massif Central sans oublier la Région Parisienne dont ils sont originaires), sont à l'origine de nombreuses découvertes, ou de sauvetages de créateurs tout à fait insolites et intéressants. Installés depuis huit ans au Carla-Bayle (soit donc vers 2000, à l'orée du nouveau siècle), ils y ont aménagé une bâtisse sur plusieurs niveaux où finalement ils commencent déjà à manquer de place tant les oeuvres conservées et sauvegardées pullulent. La maison est rustique, la muséographie est simple et bon enfant, sans chichis, semblant inséparable d'une visite guidée en compagnie des propriétaires. Les portes, aux heures d'ouverture au public (mieux vaut téléphoner avant de venir), sont ouvertes dans la plus grande des confiances. Des chats, des chiens font la visite avec vous. Le village ressemble à un de ces villages d'artistes perchés sur une colline comme on en connaît du côté de la Provence par exemple, le snobisme et l'apprêt en moins. De ses remparts, par beau temps, on aperçoit la chaîne des Pyrénées au loin.
Chaque été, en sus de la collection permanente forte d'une dizaine de créateurs, Pierre-Louis et Martine organisent une petite exposition temporaire. Si la saison dernière, ce furent des "jouets" de Pierre et Raymonde Petit (venus de deux collections privées), l'été 2008 est consacré à Roger Beaudet, créateur ouvrier de la région de Roanne, où il sculpte des jouets, des maquettes, et des personnages organisés en saynètes dans un local exigu. Les Boudra indiquent qu'au début ces oeuvres étaient destinées aux enfants, et que par la suite des collectionneurs sont arrivés pour lui en acheter. Beaudet oeuvre à la commande paraît-il, étant capable sur la foi d'une photographie de reproduire, passée bien sûr au tamis de son imagination et de ses déformations, l'image du collectionneur et de sa femme par exemple.
La collection permanente, à l'image des oeuvres de Roger Beaudet, est fortement marquée par l'empreinte de l'enfance. Que ce soit dans les dessins de Thierry Chanaud, qui ressemblent à des imagiers enseignant le vocabulaire aux enfants quoique réinventés par leur auteur, ou dans ses sculptures archaïsantes, dans les peintures de Gilbert Tournier, ancien maréchal-ferrant (spécialisé dans les chevaux d'hippodrome) découvert par les Boudra du côté de Champigny-sur-Marne (une de leurs premières découvertes, je pense) qui dessinait le nez collé sur le support, ou d'autres sculpteurs comme Joseph Donadello -par ailleurs auteur d'un environnement remarquable dans la région sur lequel je ferai bientôt une note à part- ou le fils de tzapiuzaïre (faiseur de copeaux, selon P.Mamet dans Les Artistes Instinctifs, Almanach de Brioude, 1924...) Denis Jammes en Haute-Loire. Les attelages d'Henri Albouy, par leur côté miniaturisé, eux aussi font penser à des maquettes et à des jouets. Les statues d'Honorine Burlin, elles aussi venues d'un environnement de la région à côté de Cintegabelle, à Picarou, ont quelque chose de fortement candide.
Pourrait-on forger pour ce petit musée fort sympathique l'étiquette d'art populaire enfantin? Pourquoi pas... Cependant, au coeur de ce musée, existe aussi une autre salle consacrée à un autre créateur à qui l'étiquette ne colle pas tout à fait... Mais cela, je vous en parlerai dans un épisode suivant...
Contacts:
Les Amoureux d'Angélique, 09130, Le Carla-Bayle, tél: O5 61 68 87 45, e-mail: amoureuxanges@hotmail.com
Pour le moment, pas encore de catalogue sur place, seulement des cartes postales et des mini-dépliants comme ci-dessous (merci à Pierre-Louis et Martine Boudra pour m'avoir laissé prendre toutes les photos que je voulais):
09/08/2008 | Lien permanent | Commentaires (5)
16e festival du film d'art singulier à Nice
C'est reparti demain 31 mai et ce samedi 1er juin à Nice, vendredi après-midi à la bibliothèque Louis Nucéra (les films plus longs, quoique) et à la libraire Masséna (une nouveauté) et le samedi à l'auditorium du MAMAC (les films courts), pour la nouvelle programmation de cinéma documentaire autour des arts spontanés concoctée par Pierre-Jean Wurtz et ses acolytes de l'Association Hors-Champ.
Je ne donne pas tout le programme, on le retrouve sans problème sur le site web de l'Association sus-dite. Je distinguerai seulement quelques films dont l'annonce me dit quelque chose.
Le vendredi, sera projetée par exemple la bande-annonce (3 min seulement, voir ci-dessous, on peut la retrouver sur le site de la maison de production Poekhali) d'un nouveau film de Renée Garaud et Lilian Bathelot, sur l'univers de Guy Brunet qui s'appelle La Fabuleuse Histoire de la Paravision. L'un des auteurs m'a permis de voir la totalité du film qui m'a paru ma foi excellent. Il s'agit de rendre hommage en quelque sorte à Guy Brunet, à la fascination de ce dernier pour le cinéma d'une certaine époque qui semble s'arrêter dans les années 60 de l'autre siècle. On sait que Guy Brunet, je l'ai déjà évoqué dans ce blog, se consacre depuis plusieurs années à créer des décors de cinéma, des affiches, des silhouettes peintes d'acteurs et de producteurs, des dioramas, etc. dans le but de les faire converger dans les films qu'il tourne de façon totalement bricolée dans son antre de Viviez près de Decazeville. Il manipule ainsi ses silhouettes comme des marionnettes, les faisant parler devant sa caméra, faisant toutes les voix, étant tour à tour réalisateur, acteur, scénariste, dialoguiste, producteur, démiurge intégral en somme... Le film a été tourné chez lui (exploit de gymnastique pour le caméraman) et aussi à Villefranche-sur-Saône lors de l'exposition que lui avait montée Alain Moreau récemment. Grâce à ce film on comprend enfin mieux la recherche de Guy Brunet et ce qu'il fait quand il filme. A ma connaissance, c'est la première fois que cela est explicité de façon aussi concrète.
Bande-annonce
Le film Mur murs d'Agnès Varda, projeté aussi ce vendredi (78 min), m'intrigue quelque peu. Le programme (c'est un reproche que l'on peut faire aux programmateurs) ne commente jamais le contenu des films présentés, ce qui rend leur raison d'être programmés dans un festival centré sur l'art dit singulier fort abandonnée aux conjectures de ceux qui ne peuvent aller à Nice. On sait que Varda, en dehors de la problématique générale de ses documentaires souvent liée au hasard objectif, aux coïncidences, s'intéresse à la créativité errante, ce qui l'avait amenée entre autres à faire apparaître Bodhan Litnianski dans son film Les Glaneurs et la Glaneuse.
Vue partielle du "Manège" de Petit-Pierre dans le parc de la Fabuloserie, ph. Bruno Montpied (par courtoisie de la Fabuloserie), 2011
Le vendredi soir à la librairie Masséna sera projeté Le Manège de Petit-Pierre de Philippe Lespinasse. Le programme annonce 15 minutes de projection. C'est en effet le premier court-métrage que l'on relève aussi sur le DVD intitulé Le Manège de Petit-Pierre, quatre petits films de Philippe Lespinasse produit par Lokomotiv Films et sorti en 2012 (dénichable à la Halle St-Pierre et à la Fabuloserie à Dicy dans l'Yonne). Très utile documentaire sur cette réalisation d'un vacher disgracié par la nature, Pierre Avezard, qui prit sa revanche sur la vie en construisant une merveilleuse machinerie de personnages et véhicules automatisés faits de bouts de tôle et de fils de fer qu'il faisait danser pour le plaisir de ses visiteurs à la Fay-aux-Loges dans le Loiret primitivement, avant que, son placement en hospice de personnes âgées ayant été rendu nécessaire, la Fabuloserie, grâce à une chaîne d'entraide due à d'incroyables bénévoles, réussisse à sauver le "Manège" en le remontant dans son parc, et en le faisant même re-fonctionner. Le film de Lespinasse a d'ailleurs ce mérite insigne de donner un visage et une parole à l'ouvrier passionné qui contribua principalement à la renaissance de ce prodige de poésie fragile et d'ingéniosité mécanique. On y retrouve des archives inédites, notamment des bouts de documentaires tournés dans le lieu d'origine du Manège à la Fay-aux-Loges.
André Pailloux quelques vire-vent... Ph BM 2010
Autre film de Lespinasse présenté, André Pailloux, les vire-vents, annoncé de 15 min. Je le verrais bien comme un hommage au film que nous avons coécrit, Remy Ricordeau et moi (Bricoleurs de Paradis, le Gazouillis des Eléphants, 2011) il y a deux ans, dans lequel André Pailloux faisait un numéro qui n'a semble-t-il pas laissé le public indifférent, et parmi les spectateurs, particulièrement Philippe Lespinasse qui n'a pas traîné pour filer dare-dare en Vendée faire à son tour un brin de causette avec notre Pailloux virevoltant. Je n'ai pas encore eu le privilège de voir l'opus lespinassien, mais je peux tout de même faire remarquer au réalisateur qui apparemment n'a pas bien lu mon ouvrage sur les "Jardins Anarchiques" (chapitre "André Pailloux est très mobile") que "vire-vent" au pluriel ne prend toujours pas de "S", comme il est indiqué dans le programme du festival (la faute a été laissée dans le titre du film ? J'espère que non, c'est nos amis canadiens qui seront mécontents, eux qui emploient plus ce mot que nous qui n'avons que nos bonnes vieilles girouettes à fourguer à la place).
Un autre film de Philippe Lespinasse sur un dessinateur de machines à coudre (Ezechiel Messou) présenté par Lucienne Peiry comme une nouvelle découverte d'art brut ne m'intrigue par contre que modérément, vu que les reproductions que j'ai vues sur le site de la Collection de l'Art Brut (une sorte de journal de bord de Mme Peiry) ne m'ont pas passablement enthousiasmé. Il faut dire que je commence à en avoir un peu marre de tous ces dessinateurs qu'on nous présente comme bruts parce qu'ils alignent en rangs d'oignon et sur des étages des cortèges de bidules, machines à coudre, trains, rapaces, fers à repasser et j'en passe et repasse... Oui à Massou, non à Messou.
Je ne dirai rien du film Yvonne Robert, une femme qui vient de l’ombre de Mario del Curto et Bastien Genoux, (28’), parce que je viens d'acheter le DVD où il figure à côté de Henriette Zéphir, le souffle des esprits des mêmes, et parce que j'en ferais bien la critique, moi qui aime beaucoup les Robert. J'en profite pour dire que l'on devrait faire un film ensemble M.Genoux et moi, rien que pour le plaisir de marier ses genoux et mon pied (c'est comme avec la galerie Soulié à Paris).
Yvonne Robert, La chatte à Hortense s'appele Vanille, 2007, ph et coll. BM
Que dire d'autre de ce programme en salade niçoise? Je suis un peu intrigué aussi par l'annonce: "Les cahiers de la vis (extrait) de Christine Thépenier (10’), En présence de la réalisatrice". Cahiers de la "vis"? Ou de la "vie"? Parce que des cahiers consacrés à une vis, à part un reportage sur le bricolage façon Leroy et Merlin, je ne vois pas...
Ah si, Laurent Danchin va présenter un nouveau médium. Histoire que le XXIe siècle soit bien spirituel (ou ne soit pas). Un peu de poudre mystique, ça fait toujours bien dans le décor de l'art brut vu par notre spécialiste incontournable.
Guy Brunet à l'Hôtel Impérial à Nice durant le 15e festival Hors-Champ, s'essayant dans un rôle d'assassin psychopathe (arme du crime un vase de fleurs) sur la personne du photographe, ph.BM, 2012
30/05/2013 | Lien permanent | Commentaires (8)
Les aventures de Napoléon dans le Tour de France
Je dois confesser mon amour des retransmissions du Tour de France cycliste, n'en déplaise aux mauvais esprits qui ne voient que le cirque médiatico-commercial qui l'accompagne, il est vrai de manière passablement parasite. La popularité du Tour, qui existe depuis plus de cent ans, est cause de cette exploitation éhontée par les marchands de saucisson et autres journalistes de télévision vendant les temps de cervelle des fans de vélo aux publicitaires en tous genres (cf. les flashs de pub ne cessant d'émailler les retransmissions). Tous les chimistes (on ne parle plus de dopage, mais qu'en est-il au juste? Il es toujours là, plus puissant que les contrôles anti-dopage ; il est instructif de suivre le site web d'Antoine Vayer: cyclisme-dopage.com) et journalistes s'en mêlent, et notamment les cultureux de service de France Télévision, les Franck Ferrand et autres Florent Dabadie qui profitent eux aussi de la fascination pour les forçats de la route (pas trop mal payés, cela dit, lesdits forçats ; c'est pas les salaires mirobolants des footballeurs, mais c'est tout de même conséquent, voir les montants sur le site Top Vélo) pour nous bassiner avec leurs églises et leurs châteaux de grands aristos et autres capitaines d'industrie dont visiblement ils adorent lécher les derrières, quand ce n'est pas l'occasion de nous tartiner les oreilles et les yeux avec leurs clichés relevant d'un insolite de pacotille, et des spécialités régionales incontournables (encore le saucisson).
Caricature d'Espé, site cyclisme-dopage.com
Il y a les "à côté du Tour", comme ils disent, et quand on parle de culture, il n'y en a que pour les superstitions et les architectures religieuses, l'art ne pouvant sans doute être que d'essence divine. Ferrand, causant avec sa cuillère d'argent dans la bouche, son style "Marie-Chantal" en extase perpétuelle devant les absidioles et autres arcs-boutants, donne une idée de la culture qui est ultra ringarde et scandaleusement unilatérale. Les "à côté du Tour" ne sont jamais pour l'art populaire, les créations véritablement singulières et inventives que le parcours du Tour pourtant relie bien souvent les unes aux autres. A tel point que je me prends à rêver devant mon poste de TV à d'autres chroniqueurs qui nous rafraîchiraient en nous présentant à chaque étape l'auteur d'art brut ou naïf situé dans un des endroits fréquentés par les coureurs durant l'étape.
Le Palais Idéal du Facteur Cheval,à Hauterives (Drôme), carte postale moderne (années 1980).
Cela viendra peut-être un jour, par le retour d'un nouveau Pierre Bonte (qui l'autre jour fut cité du reste parce que le Tour passait par chez lui), qui régala les auditeurs pendant longtemps de ses émissions sur la France dite "profonde", intitulées "Bonjour Monsieur le Maire", qui sait? Il y a deux ou trois ans, on vit ainsi le Palais Idéal du Facteur Cheval surgir vu d'une caméra embarquée sur un drone (Ô, cet œil dronesque qui court au-dessus de la France et de ses magnifiques paysages – là encore, on retrouve une exploitation, à des fins touristiques cette fois –, personnellement, c'est ce qui me retient le plus durant ces retransmissions, surtout lorsque la compétition se révèle morne). Et l'année dernière, je crois, ce fut au tour du LaM de Villeneuve-d'Ascq d'apparaître à l'écran un bref instant, le Ferrand prout-prout s'écorchant la bouche à prononcer le mot d'"art brut" que visiblement il rencontrait pour la première fois. Cette année, à Brantôme, on vit, l'espace d'un bref instant, le splendide bas-relief du Triomphe de la Mort – œuvre insolite et naïve d'un moine semble-t-il – au fond de la grotte qui se situe en marge de l'abbaye, abbaye qui fut bien entendu la seule à bénéficier de l'extase du Ferrand entré quasi en lévitation à ce moment-là. Tout à côté de cette grotte, en outre, se niche également un musée consacré au dessinateur médiumnique Fernand Desmoulin. Le Ferrand rance ignore bien entendu de telles références qui le dépassent.
Napoléon Ier par Jean Molette fils, "sabottier" (1819-1889), au Col des Echarmeaux, photo Bruno Montpied, 1995.
Pierre Martelanche, un exemple de ses sculptures naïves sauvées de la destruction: "L'exploitation par l'Eglise et les patrons", Musée Déchelette à Roanne.
Chaque fois, que le peloton passe dans telle ou telle ville, j'arrive à citer de mémoire dans mes conversations par sms avec un bon camarade d'exploration des lieux bruts les sites qu'on peut y trouver. Et hier, dans la 13e étape, un autre ami m'avait prévenu: le Tour, parti de Roanne (où l'on aurait pu citer les curieuses sculptures en terre cuite de Pierre Martelanche, récemment entrées dans le Musée Joseph Déchelette de la ville), passait, dans les Monts du Lyonnais, au Col des Echarmeaux, situé sur la commune joliment nommé Poule (-les Echarmeaux), fermant les confins de la vallée de l'Azergues.
Installation "artistique" à base de vélos entassés, dans une composition qui fait penser aux "mâts des élus" ; à gauche dans le fond on voit le Napoléon et sa "jaunisse" ; Col des Echarmeaux, photo Jean Branciard, juillet 2023.
Le Napoléon sous camisole jaune ; ph. J. Branciard, juillet 2023.
Et voilà-t-y pas que le maire (ça doit être lui, le "coupable") avait eu la brillante idée de vêtir le Napoléon Ier, qui trône sur la place centrale du village, dû au sculpteur-sabotier Jean Molette (cf. mon Gazouillis des éléphants où j'ai parlé tant et plus de lui et de ses sculptures sur pierre ou sur bois, ainsi que sur ce blog du reste), d'un... maillot jaune! Cela lui allait aussi bien qu'une camisole. A laquelle cette vêture ressemblait passablement du reste, puisqu'on n'avait pu la lui faire enfiler par les bras, ceux-ci étant solidaires du tronc. Derrière ce travestissement, se lit aussi la désinvolture qui marque les animateurs de l'endroit. Il y a quelques années, existait encore une maison de Jean Molette, où devaient être conservés diverses œuvres et documents relatifs à cet artiste populaire autodidacte, sabotier bonapartiste naïf. Une dispersion eut lieu à une date non précisée, puisqu'il m'advint de découvrir – et d'acquérir –, à Paris, dans une foire à la brocante, un magnifique panneau sculpté en relief qui provenait probablement de cette maison et de ce village (je l'ai reproduit dans diverses publications, notamment dans mon Gazouillis des éléphants) tout à la gloire de l'empereur Napoléon III, écrasant de sa gloire (de looser de la guerre de 1870 sans doute), tous les rois de France, présents sous forme de médaillons, autour de lui en train de caracoler. Molette sculptait la pierre (il existe d'autres statues de lui sur place, notamment une Madone géante et aussi un Napoléon III, cette fois en pierre, voir ci-dessous) et le bois aussi, sans doute en premier ce dernier, logiquement puisque son métier de sabotier le lui avait rendu familier.
Jean Molette, Napoléon III, carte postale XXe siècle (merci à Julien Gonzalez (et non pas Rodriguez) qui me l'a signalée), coll. B.M.
Exploit: la capture d'écran du moment où la télévision française a montré – Ô combien subrepticement! – les coureurs échappés passant devant le carrefour au Napoléon naïf et enjaunifié (voir en arrière-plan la statue à côté des panneaux de signalisation)... ; bien entendu, il n'en fut nulle part question dans les commentaires cultureux du jour... : ph. B.M., 2023.
14/07/2023 | Lien permanent | Commentaires (7)
Les Amoureux d'Angélique publient un catalogue
Ils avaient fait jusque là une flopée d'affichettes, confectionnées à l'occasion des petites expos temporaires qu'ils consacraient à leurs trouvailles en matière "d'art brut, naïf et populaire" dans leur charmante maison du Carla-Bayle en Ariège. A chaque fois, ils mettaient quelques lignes et quelques photos harmonieusement mises en pages. J'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises sur ce blog et aussi dans la revue Création Franche (n°32 de mars 2010), où je signalais entre autres qu'il nous manquait un catalogue pour garder après la visite quelques souvenirs des créateurs protégés dans ces lieux.
Or donc, voici que ce catalogue vient d'être à son tour réalisé par les Amoureux (alias l'Association Geppetto de Martine et Pierre-Louis Boudra). Certes, les atours de cette brochure reliée comme un simple cahier à spirale restent modestes (à l'image des créateurs mentionnés dedans bien entendu), mais l'on dispose là à présent de quelques éléments documentaires non négligeables.
Les auteurs ont choisi de mettre l'accent avant tout sur certains créateurs emblématiques de leur primesautière collection: Gilbert Tournier, l'excellent Thierry Chanaud (dont personnellement je préfère surtout les dessins aux sculptures archaïsantes), Henri Albouy, Angelo Conficoni (dont on apprend qu'il a construit un musée dédié à ses propres réalisations en Aveyron), Henri Virmot, Sylvain Blanc, Joseph Claustres, le prolifique Joseph Donadello, Antonio de Pedro, Severino De Zotti, Honorine Burlin, la collection Yode d'art populaire en bouteille, Joseph Redini, Eric Hordas, Roger Beaudet, Raymonde et Pierre Petit, Louis Buffo, Denise Chalvet, les frères Jammes, Horace Diaz (comme Donadello et Burlin, créateur d'environnement), etc., etc.
Ne sont pas oubliés non plus les anonymes que la collection prise aussi bien. Il ne faut donc pas hésiter à acquérir ce document indispensable aux amateurs de terra incognita, de poésie des sans-grade de l'histoire de l'art.
Musée Les Amoureux d'Angélique, Carla-Bayle, Ariège, 05 61 68 87 45, amoureuxanges@hotmail.com. Catalogue 15€.
Thierry Chanaud, dessin "Des cerises, des arbres...", collection les Amoureux d'Angélique
14/08/2010 | Lien permanent | Commentaires (17)
A la recherche de la Mare au Poivre
L'ami Ricordeau me signale un curieux parc de sculptures situé à Locqueltas, au nord de Vannes (tout près de cette dernière agglomération), que s'est employé à dresser sous le ciel, pendant vingt-trois ans (en secret semble-t-il, au moins dans un premier temps) un personnage plein d'humour et haut en couleurs appelé Alexis Le Breton. Des informations complémentaires peuvent se trouver sur la Toile, sur le site de Ouest-France et sur celui du Télégramme. Le créateur de ce parc où sont dispersées sur cinq hectares environ 200 sculptures sur bois et pierre parmi des arbres et autres essences rares (le parc est aussi un arboretum) est malheureusement disparu à l'automne dernier (à l'âge de 80 ans). C'est sa fille, Mme Marie-Thérèse Pasco, animatrice d'une association vouée au lieu et à la mémoire de son auteur, qui a repris le flambeau des visites du parc. Ces dernières peuvent se pratiquer le week-end selon ce qui en est dit sur le site indiqué ci-dessous et dans les articles déjà cités.
Alexis Le Breton paraît d'expression naïve et populaire, son inspiration est variée, empruntant à la fois aux références bibliques (Jacob sur un buffle) et à l'actualité récente (la jungle des FARC en Colombie). Original, il aimait à recevoir en tenue traditionnelle bretonne ses visiteurs. Il paraissait avoir un faible pour les jeux de mots aussi, son village de La Mare au Sel lui a sans doute donné l'idée d'appeler l'étang qui est au coeur de son parc originellement marécageux la Mare au Poivre (voici aussi ce qu'écrit Nathalie Jay, auteur de l'article du 30-04-10 sur Ouest-France que m'a signalé Remy Ricordeau: "Titres, rébus, épitaphes apposés aux sculptures peints sur des bouts de bois récupérés ou gravés dans de la pierre sont souvent humoristiques, parfois sulfureux, avec ici ou là quelques connotations sexuelles"). Peu d'images se trouvent sur internet pour montrer à quoi ressemble cet endroit. Celles que je mets ici sont empruntées aux sites ci-dessus nommés. Et en voici une dernière, trouvée à la fin de ma rédaction de cette note, jolie photo signée d'un monsieur Erwan, sur le site Bretagne.com.
Donc, pour en apprendre davantage, chers lecteurs du Poi.Sub., comme disait l'autre, lâchez tout, et partez sur les routes....
La Mare au poivre, à Locqueltas, route de Bignan. Ouvert tous les samedis et dimanches de 14h à 18h. Tarif: 1 EUR (en août 2009). Renseignements au 02.97.45.94.10 ou sur http://www.landes-de-lanvaux.com/associations_locqueltas....
30/04/2010 | Lien permanent