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Cabane tatouée en Louisiane et délires de persécution en France
"Voici une photo provenant d'un vinyle de musique cajun. Il n'y a aucune explication sur la chose mais on peut supposer que cette construction se trouve (si elle a tenu le coup) en Louisiane..." (Darnish)
A verser donc au dossier des architectures tatouées d'inscriptions de persécutés et autres paranos aux hantises justifiées ou non. et en particulier à rapprocher par exemple des images ci-dessous faites par moi en 2006 d'après les inscriptions d'un parano dans le Limousin qui les traçait à tous les endroits de sa propriété où il voyait les preuves d'un vandalisme orchestré par une "cabale" menée contre lui de façon systématique (merci à François L. et Isabelle D. qui m'avaient fait découvrir ce lieu). Il qualifiait dans des inscriptions enflammées ces ennemis, probablement largement fantasmés (je n'ai pas pu –ni eu envie de...!– démêler le pourquoi du comment de cette affaire), de "bandes noires de son village", "d'assassins de la Seine-et-Marne" (pourtant tout cela se passait dans les Monts d'Ambazac loin de la région parisienne...), de "pègre", de "peste brune", de "chimistes de Pol Pot", de "terroristes", toutes engeances qui cherchaient selon lui à anéantir ses constructions et à le persécuter.
Inscriptions sur des feuilles de papier placées derrière des vitres, où sont soulignées en rouge les brisures faites, selon l'auteur, volontairement sur ses fenêtres, ph. Bruno Montpied, 2006
Acide chlorhydrique"..."Banditisme pur et dur"... "Matraquage, peinture"..., "Pour ceux qui veulent voir seulement"..., ph. BM, 2006
30/12/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
Du nouveau réalisme comme s'il en pleuvait
Restons dans les ready-made, voulez-vous? Car c'est bien ainsi qu'il faut qualifier ces morceaux d'affiches déchirées, lacérées, ces dessous d'affiche qui réapparaissent tels des palimpsestes le temps d'un chantier de rénovation d'une station de métro parisienne, avec leurs lettres en miettes, leurs tons passés, leurs agencements de formes et de couleurs aux nuances si subtiles qu'un peintre mettrait des mois pour les trouver sur sa palette, avec leurs messages d'un autre temps aussi, comme ici où les Pieds Nickelés reviennent nous faire un clin d'oeil...
Ready made, poésie trouvée que ces tableaux à la Villeglé, à la Raymond Hains, à la François Dufrêne (mon préféré) qui surgissent sur les bas-côtés des métros qui se refont une beauté ( une autre forme de beauté, mais qui risque fort d'être une fois de plus occultée), ready-made comme les dessins du hasard sur les vieux murs chers à Léonard, les pierres aux formes étranges, les taches des agates, les troncs torturés, etc. Poésie naturelle des villes qui prend plutôt la forme d'un lettrisme de hasard, d'un nouveau réalisme pour pas cher. Un clic, et on emmène le tableau éphémère chez soi, au lieu de le coller au musée où d'autres sont déjà, qui nous ont appris à les retrouver dans le décor de nos vies quotidiennes.
23/09/2007 | Lien permanent
Outsiders hybrides rue Jacques Coeur
Thierry Bobulesco, Xavier Jouannet, Ariane Khalfa Diallo, Philippe Lefresne, Fathi Oulad, Hélène Ritmixay, ces noms ne vous disent probablement pas grand chose.
Pourtant, au moins deux d'entre eux ont déjà été remarqués par le Poignard, ici et là, à l'occasion des expos "Exil" au Réfectoire des Cordeliers et "Essentiel" au Pavillon Carré de Baudouin, expo qui se paraît indûment, à mon avis, du label d'art brut.
Fathi Oulad, Popeye, 43x26x16cm, raku, 2011
Il s'agit de Fathi Oulad et de Philippe Lefresne qui reviennent donc avec d'autres petits camarades à la Galerie Beckel-Odille-Boïcos, près de la Bastille, pour une expo appelée "Outsiders!". A noter le point d'exclamation, semblant vouloir indiquer que les organisateurs se sentent informés de la relativité des étiquettes concernant les productions des pratiquants des ateliers de l'ESAT de Ménilmontant et de Personimages (associations requises pour cette expo), "artistes" qui, comme le dit le dossier de presse, avec les mots de Charles Myara, le commissaire de cette exposition (avec la collaboration de Christophe Boïcos), ont eu des "parcours de vie abîmés par un incident psychiatrique ou psychique", bref des personnes handicapées mentales ou psychiques (il semble qu'il faille mettre à part dans l'expo de la galerie B.O.B. le cas d'Arianne Khalfa-Diallo).
Fathi Oulad, Dieu de la Mort, 35x35 cm, raku, 2011
Fathi Ouled, Nicolas Sarkozy, 12x20 cm, raku
Fathi Oulad travaille dans un atelier où il pratique le Raku, une technique d'émaillage sur terre modelée dans le détail de laquelle je n'entrerai pas, n'y comprenant goutte. Il suffit de savoir pour le moment qu'il y a un encadrement technique pour ce monsieur. On aimerait bien sûr en savoir plus sur leur travail en commun (c'est comme pour les graveurs, on parle jamais de ceux qui font les tirages, ou en photo, idem, les tireurs jouent un rôle dans le résultat final). Qui a opéré le choix du Raku aussi, Fathi Oulad ou le personnel encadrant de l'atelier qu'il fréquente? En dépit de ces questions, on sent cependant une personnalité à l'oeuvre pourvue d'une inspiration singulière, qui nous fait regretter de ne pas voir ce qu'elle aurait produit dans un état de solitude complète, sans encadrement. Peut-être rien de plus, comme les enfants, qui, non sollicités, n'ont pas idée de dessiner ou de peindre. Mais peut-être aussi, il y aurait pu y avoir autre chose...
Philippe Lefresne, La Vache HLM, céramique, 2008, 48x54cm (la partie "HLM" qui est posée sur le dos de la vache est démontable)
Philippe Lefresne, c'est pareil, il fait de la céramique, dans le cadre d'un atelier, et ses réalisations sont très étonnantes, très élaborées comme dans le cas de deux "vaches" présentées tout au bout de l'exposition, au sous-sol, la "vache HLM" et la "vache de Claude François". Il y a de l'arlequin dans cet homme-là et dans ses compositions. La vache de Claude François a d'ailleurs deux pattes habillées de pantalon à carreaux (un souvenir des ânes culotte ?). Plusieurs niveaux de lecture opèrent en même temps sur ces pièces que l'on ne peut par ailleurs envisager sous un seul angle. Il faut impérativement tourner autour d'elles pour tenter de les saisir dans toutes leurs dimensions. Et même ainsi, on ne parvient que difficilement à les lire. Couleurs compartimentées, dessins de personnages se glissant entre les galbes, inscriptions disposées sans souci net de lisibilité, formes en puzzle, imagination générale passablement fantasque.
Philippe Lefresne, Vache de Claude François, 27x15x32 cm, céramique, 2012
La "vache de Claude François" a une queue de lion sortant d'un prose proéminent. A la différence avec sa consœur, la vache HLM, qui porte un chapeau entre ses cornes, sa tête est ici flanquée d'un crucifix plutôt qui montre à l'avers un homme jouant de la guitare et au revers un crucifié. Ses oreilles ont en guise de boucles d'autres croix du reste. Il y a des inscriptions, des personnages placés un peu partout, n'importe comment dirait-on comme s'ils escaladaient ou rampaient sur cette vache prise par eux pour une montagne. Ces sculptures en céramique me donnent l'impression d'avoir –par ses pièces de puzzle figurant globalement une vache semblable à un dragon chinois, avec malgré tout, simultanément, un fort sentiment d'éclatement des formes– réussi le pari de fixer le processus d'association qui est à l'œuvre, par exemple, dans les créations automatiques des surréalistes.
Philippe Lefresne, Le cheval porte-bonheur, 100x81 cm, acrylique sur toile, 2011
Philippe Lefresne a fini de me convaincre cette fois-ci, c'est un créateur affirmé, à suivre (né en 1962, il a commencé à créer en entrant à l'ESAT en 1982, il n'est donc plus un débutant...), comme Fathi Oulad (né en 1983, il a commencé à l'ESAT en 2002.
Exposition du 10 mai au 2 juin 2012. Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous. Galerie Beckel-Odille-Boïcos, 1, rue Jacques Cœur 75004 Paris. Métro Bastille (sortie boulevard Henri IV). Tél. 01 40 27 89 30. bob@gmail.com et www.galbob.fr
17/05/2012 | Lien permanent
Plein Chant débarque sur internet...
Je n'ai pas beaucoup de mérite sur ce coup-là. J'ai recopié l'info directement de L'Alamblog, le blog d'Eric Dussert. Effectivement, comme il l'écrit, ça, c'est de l'information! Les éditions Plein Chant ont désormais un site internet. Tout arrive. Il s'agit a priori d'un catalogue, d'une vitrine des activités de la maison, qui comme on sait édite depuis les années 1970 entre autres une des meilleures revues littéraires qui ait jamais été publiée dans ce beau pays de France, la revue Plein Chant, où j'eus le bonheur de publier trois textes dans le passé, ce dont je ne suis pas peu fier. Mais grâce à cette vitrine, les internautes qui voudront se renseigner plus rapidement que d'ordinaire (en ramassant par exemple les catalogues dans les salons où par ailleurs l'éditeur se faisait de plus en plus rare je trouve) pourront être mieux satisfaits. C'est l'occasion pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cette bonne maison de découvrir l'éventail de ses titres, dont je prise particulièrement les rééditions de chroniqueurs du singulier du XIXe siècle, comme Lorédan Larchey, Champfleury, Charles Yriarte ou Théodor de Wyzewa. Voici donc le lien pour aller tout droit à Bassac: http://www.pleinchant.fr/
23/07/2010 | Lien permanent
Brassée automnale de ”visionnaires et créateurs dissidents”
Huit créateurs à mettre du 25 septembre au 28 novembre prochains sur le devant d'une scène depuis plus de vingt ans dédiée à la création autre, j'ai nommé le Musée de la Création Franche, comme chaque automne, les yeux qui restent curieux se tournent vers Bègles.
Parmi ces huit, je fais mon choix et j'en retiens trois. Un que j'aime bien pour ces divinations devant des pommes de terre où il aperçoit des îles pleines de projections inconscientes, Serge Paillard. Le voici enfin exposé parmi les créateurs francs, juste récompense d'un travail particulièrement original (voir l'article que je fis sur lui dans SURR n°5 à l'automne 2005).
Serge Paillard, "Et elle rêva que viendraient des Temps Lumineux", encre sur papier, 30xx24 cm, 2006
Deux, Giuseppe Barrochi, présenté ici par l'institution de la Tinaia à Florence en Italie, dont le catalogue montre trois dessins remarquables aux crayons de couleur, mélanges d'images et de mots paraissant inspirés des actualités journalistiques et des sentiments personnels du dessinateur.
Giuseppe Barochi, sans titre, 50x70 cm, 2009
Et trois, les dessins étranges, originaux de Huub Niessen, venu des Pays-Bas, ancien journaliste ayant abandonné le métier pour cause de "troubles psychologiques" et présenté par le galeriste passionné d'art outsider Nico Van der Endt.
Huub Niessen, "St-Franciscus" (Saint-François?), 16,6x23,3 cm, 2009
Cela fait trois bonnes occasions de venir faire un petit tour à Bègles le week-end prochain.
21/09/2010 | Lien permanent
André Robillard continue la tournée
André Robibi, comme l'appellent certains décidément très familiers, continue à faire son cabotin. Cette fois il est, toujours en compagnie de ses amis les Endimanchés (Forestier, Ranson and co), au Théâtre de l'Echangeur, à Bagnolet, autant dire qu'il revient tout prés de Paris dans sa course sans fin pour Tuer la misère... Ce sera du 25 mai au 5 juin prochains.
M.François Legrand, du théâtre en question, propose, c'est vraiment gentil de sa part, le prix à tarif réduit de 7 euros pour tous ceux qui oseront sussurer devant la caisse du théâtre où se produisent André Robillard et ses amis qu'ils sont des lecteurs du Poignard Subtil. Si,si, puisque je vous le dis... ça, c'est vraiment tuer la misère tant morale que matérielle...
Veuillez noter que comme récemment à Bègles il y aura une exposition des oeuvres de Robillard en parallèle dans le théâtre. C'est pas au Théâtre de la Bastille qu'ils auraient eu cette idée-là...
13/05/2009 | Lien permanent
MASSIF EXCENTRAL (14): Soulier, Masseboeuf, Canis et Mamelle
Clermont-Ferrand, ville des prédestinants, pourrait-on ainsi l'appeler? Notre correspondant Régis Gayraud y chasse pour nous depuis quelque temps déjà ce que d'autres sur d'autres sites ont appelé des "aptonymes" et que je me contente d'appeler des noms prédestinants. Quel régal, qu'on en juge...
Notre correspondant naguère nous avait aussi envoyé un entrefilet sur une affaire de "chiens écrasés" (paru dans La Montagne du 17 janvier 2002), comme on dit en argot journalistique, ou plutôt en l'occurrence de chiens volés... Ce n'était pas les noms des jeunes prévenus dans l'affaire qui faisaient réfléchir mais bien le patronyme de leur avocat, le bien nommé Maître Jean-François CANIS... Ce qui, pour nos lecteurs non latinistes, veut dire "chien". Normal, dés lors, qu'il ait tenu à défendre ces amoureux trop zélés des animaux?
Régis, enfin (tout au moins dans le cadre de cette note...) lit le Monde avec attention et y déniche certaines perles à la rubrique nécrologique... Comme au sujet de cette Nicole Mamelle, "chercheuse engagée au service de la santé périnatale", hélas décédée en novembre 2005:
20/05/2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Sortie nationale de ”Recoins” n°5...
Ah, ça faisait longtemps qu'on l'attendait ce nouveau numéro des amis de l'Auvergne absolue. Art, belles-lettres et rockn'roll doivent être toujours au programme, I presume...? Je "présume" parce que le silence a été bien gardé jusqu'ici sur la statue qui ne paraît pouvoir être dévoilée que le jeudi 11 avril prochain à la Cale Sèche (je ne sais même pas ce que c'est que cette Cale Séche, où je présume, là encore, que cette cale ne reste pas longtemps séche et qu'il faudrait plutôt l'appeler la Rue de la Soif...) à partir de 19h... au 18 de la rue des Panoyaux dans le XXe arrondissement à Paris. Voir l'affiche ci-dessous.
Qu'y aura-t-il au sommaire? Eh bien, je présume, je présume, qu'il y aura au moins ma contribution, un article développé sur le site d'art brut étourdissant de Madame C. en Normandie, auteur décédé en 2009 qui a laissé un jardin étrange entourant une villa aux terrasses barricadées de voiles de ciment et autres silex et nains de jardin incrustés, tapissé en son for intérieur de murs ressemblant aux parois d'une grotte en dentelle de plâtre et papier mâché (on en a parlé dans Bricoleurs de paradis et dans Eloge des Jardins Anarchiques). Et il y aura sans doute aussi la suite du texte fort énigmatique de Régis Gayraud dont il avait entamé la publication dans le numéro 4. Et à part ça? Mystère et boules de gomme... François Puzenat est toujours l'émérite maquettiste de cette revue discrète et prometteuse. Emmanuel Boussuge et Franck Fiat en sont toujours quelques-uns des animateurs assoiffés. Rendez-vous jeudi donc pour en découvrir davantage...
05/04/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
La chasse aux caviardages d'affiches électorales est ouverte
Bénies les périodes d'élection pour le photographe à l'affût des plus belles affiches surchargées et caviardées. Naguère, je m'étais régalé des pliages de candidats dus aux supports cannelés de certaines palissades de chantier. J'en avais trouvé d'autres que je n'avais pas encore mises en ligne comme celles-ci...
Ponpon-Craignan... Paris, novembre 2015, ph. Bruno Montpied.
La Crépaisse qui fait la dégoûtée, Paris, novembre 2015, ph.B.M.
J'étais tombé aussi, il y a plus longtemps, sur des affiches déchirées à la suite de coups de griffes rageurs, ce qui avait donné un résultat plutôt esthétique, je trouve...
Les candidats mystère, unis dans la réprobation, Paris, septembre 2011, ph.B.M.
Et puis voici les caviardages aux traits de pulvérisateur plus grossiers qui ne donnent pas beaucoup de latitudes aux caviardeurs, mais qui parfois, tout de même atteignent à une certaine efficacité... C'est François Asselineau (et non pas Charles, comme je l'avais d'abord écrit par étourderie littéraire...) qui en a fait les frais, avec sa proposition principale qui elle-même a été raccourcie pour qu'elle lui soit retournée sèchement...
Ph. B.M., Paris, mars 2017.
15/04/2017 | Lien permanent | Commentaires (3)
Un gouffre en plein ciel, le jardin de rocailles de St-Cyr au Mont d'Or
Emile Damidot, posant devant une de ses chapelles pour une des cartes postales qu'il vendait aux touristes
Samedi 16 avril à 16h à la Salle des Vieilles Tours (rue des Ecoles) à S-Cyr au Mont d'Or, je viendrai pour une conférence dans le but de situer le jardin de rocailles de l'Ermitage du Mont-Cindre, créé entre 1878 et 1913 par un ermite appelé "Frère François", alias Emile Damidot, dans le contexte plus large des rocailleurs et, surtout, des environnements spontanés bâtis par d'autres inspirés, qu'ils soient religieux, laïcs ou athées. Cette causerie sera illustrée d'une centaine de photographies et de cartes postales anciennes tirées de mes archives.
Conférence de B.Montpied : samedi 16 avril à 16h, salle des Vieilles Tours, Saint-Cyr au Mont d’Or. info@montcindre.fr / Tél : 06 32 39 94 73. Entrée 4 euros (ce tarif vise à aider les caisses de l'Association qui cherche à conserver et restaurer le jardin de rocailles d'Emile Damidot). Il y aura la possibilité ce jour-là de visiter l'ermitage et son jardin de 14h à 15h30 OU de 17h30 à 18h30, c'est-à-dire, avant ou après ma conférence.
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Afin de documenter les lecteurs sur ce jardin de rocailles, je mets en ligne ci-dessous la notice sur le jardin d'Emile Damidot qui figure dans le tapuscrit de mon prochain ouvrage sur les environnements d'autodidactes populaires , ouvrage actuellement en projet d'édition :
"Emile Damidot, dit « Frère François » (?-1913), jardin de rocailles de l'Ermitage du Mont-Cindre, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Non visitable en dehors de journées exceptionnelles de visite du patrimoine. A l’époque de mon passage, plusieurs chapelles en rocaille étaient en réfection sous des coffrages en tôle ondulée. L’entrée était étayée, et on ne pouvait accéder au belvédère à cause de la fragilisation des structures.
Vue sur le jardin de rocaille et son belvédère depuis le bas, ph. Bruno Montpied, 2014
Ce frère François, installé après tant d’autres dans l’ermitage du Mt-Cindre[1], d’où l’on embrasse un vaste paysage avec vue imprenable sur la métropole de Lyon, fit des aménagements considérables durant son séjour de 1878, date de son arrivée à l’ermitage, jusqu’en 1910[2], à la fois sans doute pour des raisons d’édification religieuse, mais aussi probablement pour s’occuper. Il recourut surtout à l’art de la rocaille qui, importé d’Italie, visait l’imitation de la nature par un usage du ciment en trompe l’œil. On réalisa, essentiellement au XIXe siècle, dans maints jardins privés et parcs publics, des balustrades en faux rondins ou de fausses grottes.
Par delà le paysage de rocaille, on aperçoit à l’horizon la ville de Lyon que domine le Mont-Cindre, ph. B.M., 2014
Par-dessus une grotte, créée auparavant par un confrère appelé Grataloup, il bâtit un belvédère en ciment de 12 mètres de haut. Amassant des pierres sur les chemins environnants, se servant de parties rocheuses qui avaient été à une époque plus ancienne une petite carrière, il maçonna et bâtit, par-dessus une multitude de faux rochers, des petites chapelles dédiées à des figures vénérées qu’il peupla de statues, apparemment[3], d’allure saint-sulpicienne, Jeanne d’Arc, le Christ, François d’Assise, le curé d’Ars, etc. Trois croix dans un angle étaient chargées de figurer le site du Golgotha.
Le belvédère au sommet du jardin de rocailles de l'Ermitage du Mt-Cindre, ph. B.M., 2014
Un chemin de prières fut également dessiné parmi des fleurs et toutes sortes de plantes qui constituaient de fait un jardin botanique qui disparut malheureusement par la suite. « Lavandes, mélisses et romarins, mêlant leur parfum aux roses, lys blancs, hémérocalles et iris émergeaint d’un tapis de pervenches, fraises des bois ou lierre rampant. Les buis et les lauriers forment maintenant des touffes imposantes » (Marie-Chantal Pralus). Plusieurs cartes postales furent éditées, popularisant grandement le lieu. C’était alors un moyen de diffusion à la portée de l’homme du commun soucieux de sa publicité, à une époque où il y avait très peu d’autres média[4].
L’aspect quelque peu foisonnant, baroque et naïf, la technique illusionniste de la rocaille, avec ses effets faussement naturels mêlée à de véritables végétalisations, méritent d'être associés à d'autres types d'environnements d'autodidactes qui parfois en procèdent également. Lorsque l’on se trouve plongé dans ce décor semblable à celui d’un théâtre en plein air, on se sent submergé par l’aspect fantastique du lieu, assez proche d’une gorge ou d’un gouffre en réduction (et on oublie bien vite les surdéterminations religieuses qui présidèrent à sa constitution). C’est d’autant plus renversant que, paradoxalement, ce « gouffre » est placé au sommet d’un mont dans un beau défi à la logique géographique."
Le jardin de rocailles en cours de (laborieuse) restauration ; on note la rupture de style frappante entre le bourgeonnement rocailleux et la chapelle voisine, ph. B.M., 2014
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[1] Sa fondation officielle remonterait à 1341.
[2] Au même moment se bâtit dans la Drôme, non loin de là, le Palais Idéal du Facteur Cheval et se sculptent sur la côte de Rothéneuf les rochers à figures de l’abbé Fouré. Le curé Paysant dans l’Orne à Mesnil-Gondouin décore pour sa part les murs intérieurs et extérieurs de son église jusque vers 1920.
[3] J’écris « apparemment » parce qu’elles ont disparu, soit volées, soit détruites à la suite du vandalisme ou des intempéries.
[4] Ce que comprirent aussi de leur côté l’abbé Fouré (en Bretagne), le curé Paysant (en Normandie), ou le Facteur Cheval (Rhône-Alpes).
10/04/2016 | Lien permanent | Commentaires (1)