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Le Griffonneur de Rouen, petit addendum

    David a eu la gentillesse de nous adresser une mise à jour de l'adresse URL du blog consacré au "Griffonneur de Rouen", blog toujours intitulé "Playboy Communiste". Nous l'avions évoqué dans notre note du 21 juin 2008. Grand merci à lui et avis à tous ceux que ce personnage hors du commun, ainsi que ses inscriptions, intéressent.

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Graffiti d'Alain R., Rouen, photo B.Montpied, octobre 2005

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Alain R., Rouen, photo B.M. octobre 2005

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09/01/2009 | Lien permanent

Des petites nouvelles du musée de Laduz

    Dans ma boîte aux lettres ce jour m'attendait la Lettre du Musée que m'adressait l'équipe du musée rural de Laduz à l'égard duquel je garde mon affection intacte. Malgré l'égrenage des mauvaises nouvelles, le compte des amis du musée qui disparaissent, l'âge ne reculant pas, hélas... Malgré la difficulté d'obtenir des subventions qui s'accentue chaque année davantage, et contre laquelle il faut d'ailleurs se mobiliser pour aider le musée en adhérant à l'Association des Amis (membre de soutien 25€, membre bienfaiteur 150€, à l'orde de l'Association des Amis du Musée, 22, rue du Monceau, 89110 Laduz, l'adhésion devant indiquer les nom, prénom, adresse, tél et éventuellement e-mail, la date et la signature). Plus que jamais, ce splendide musée et son parc, qui ressemblent à une petite partie d'Eden, ont besoin d'aide.

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Une installation d'Hélène Soubeyran

    Cette année deux nouveautés, l'expo de l'été continue du côté des artistes contemporains spécialisé dans  le textile. Ce sera "Du souffle de la terre", émergence de plis et de couleurs, avec Hélène Soubeyran, sculpteur textile, et la participation de Simonne Pheulpin et de Gérard Lognon, plisseur haute couture. Voci ce qu'écrit  Jacqueline Humbert du travail d'Hélène Soubeyran: "En 1993, inspirée par les coupes de bois pétrifiés et des prélévements de sol, Hélène Soubeyran décide "d'immortaliser" ses oeuvres plissées du passé en les emprisonnant. Ce fut un long travail de préparation: d'enveloppes en baluchons, elle empile ses tissus chronologiquement. Il en résulte un bloc destiné à être induré puis il est scié dans une marbrerie en neuf piliers et en lames minces où apparaît, en strates colorées, le contenu des tissus plissés des années 1974 à 1994."

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Le DVD sur le musée de Laduz, bientôt édité

     La deuxième nouveauté, c'est l'édition d'un DVD d'une durée de 30 minutes consacré aux collections de la famille Humbert. Bientôt disponible, et que l'on peut déjà commander au prix de 20€+1,50€ de frais de port.

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Le DVD, 4ème de couverture

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17/02/2009 | Lien permanent

Quid du jardin de Michel Nivon?

    Tiens, je suis retombé sur un entrefilet que m'avait envoyé l'ami André Bernard en 1992. J'ai plusieurs fois rêvé d'aller vérifier l'information auprès de l'homme dont il cause, un certain Michel Nivon qui, à Montchenu (c'est dans la Drôme juste à côté d'Hauterives où se trouve le célèbre site du facteur Cheval qui a probablement eu une influence sur M.Nivon), en 1991, venait de commencer de décorer son jardin de "pierres bizarroïdes". Je m'étais dit, voilà un exemple d'environnement en formation. Laissons-lui un peu de temps et allons voir. Dix-sept ans après, si les petits cochons ne l'ont pas mangé, il pourrait être intéressant d'aller vérifier comment a évolué ce site en herbe. Si le coeur vous en dit, chers lecteurs du Poignard, je vous missionne pour...

Article de D.Thiot paru dans le journal

     En attendant, voici la reproduction de l'article paru dans le journal régional Le Peuple Libre en octobre 1991.

" L'HERITIER DU FACTEUR CHEVAL

     En décorant son jardin de pierres aux formes insolites, Michel Nivon ne pensait pas provoquer une telle vague de curiosité. Sans avoir jamais visité le Palais idéal, il est parvenu à être considéré par certains comme le digne successeur du célèbre préposé hauterivois.

      C'est avec philosophie et un amusement non dissimulé que Michel Nivon réagit à sa célébrité croissante. La presse écrite visite depuis quelques semaines son domicile et l'on parle de la venue prochaine à Montchenu d'une équipe de FR3. Cela n'entame pas la modestie de celui qui se définit tout juste comme un "artiste des champs".

      Les champs, c'est là que Michel Nivon a trouvé la quasi totalité des pierres bizarroïdes qui ornent les alentours de sa maison d'agriculteur, si l'on excepte quelques "spécimens" découverts dans la Limone et les bois de pins de Cabaret-Neuf. Ramenés à l'aide d'une remorque et d'un tracteur (la brouette du facteur Cheval est dépassée!), ces rocs, dont le plus lourd atteint 50 kg, ont la particularité de représenter des formes précises. C'est donc un personnage assis, une tête souriante, un minaret... qui sont ici ou là imaginés par le visiteur.

      Aucune des pierres scellées sur d'étranges murettes n'a été retaillée depuis ce jour du 6 septembre 1989 où Michel Nivon s'est lancé dans son aventure décorative. Ce chantier a occupé tous les moments de loisirs de ce célibataire endurci, à l'exception de 4 journées consacrées à un autre travail ayant rapport avec la roche: la restauration d'une croix en pierre détériorée par l'érosion et les vandales.

      Après un mois de juillet particulièrement productif, où une murette composée de pierres extraordinaires, ornées de coquillages et de ferronneries, s'est allongée de cinq mètres sous les coups de truelle de M.Nivon, ce dernier envisage de se reposer jusqu'à la fin de l'année, en attendant de nouvelles réalisations issues d'une imagination pour le moins fertile... comme le laissent présager les amas impressionnants de galets au fond du jardin, sorte de "rocs en stock" attendant leur heure!

       D.Thiot "

       Une petite remarque pour conclure, "artiste des champs", le terme employé par Michel Nivon me fait beaucoup penser à "l'art rustique moderne" de Gaston Chaissac. Sans se connaître, ces deux-là sont sur la même longueur d'onde...

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10/05/2008 | Lien permanent

La rivière a coulé sous les géants de Robert

   Petite note au passage, mais parce que c'est urgent à signaler. Je ne connaissais que de nom la Chaussée des Géants à Alas, près de St-Girons dans l'Ariège (région du Couserans). Ce sont des statues et des patchworks de pierres assemblées qui ont été dressés en travers d'une rivière (la ou le Lez). Il me semble qu'un film, diffusé il y a quelques années sur Arte, montrait le site, parmi d'autres jardins ou créations de bord des routes.

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   L'auteur, Robert Mathey,mathey_id.jpg nous a quittés il y a environ deux mois. Je tiens l'information de Martine et Pierre-Louis Boudra du musée d'art brut Les Amoureux d'Angélique. Il y a urgence pour tous ceux que le site intéresse. Les détériorations ont déjà commencé. Les vandales sont à l'oeuvre. Plus personne ne défend l'endroit, site peut-être voulu éphémère par son auteur, puisque bâti sur l'eau, comme un mirage et un défi au temporel. Mais qui a dit que nous ne pourrions pas faire durer cette poésie éphémère, comme un défi plus grand d'être relevé collectivement?

    J'espère pouvoir revenir bientôt sur la question avec des images plus éclairantes à la clé. En attendant, on peut aller voir quelques photos supplémentaires sur le site d'Archi Libre.

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Le retour perpétuel de Matija Skurjeni

   

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Matija Skurjeni, oeuvre illustrant l'exposition Un Skurjeni inconnu et figurant sur le site du musée international d'art naïf de Croatie, Zagreb

    J'ai appris avec retard la nouvelle d'une exposition de la collection du surréaliste Radovan Ivsic d'oeuvres du merveilleux peintre naïf Matija Skurjeni qui s'est ouverte le 18 octobre au musée international d'art naïf de Croatie à Zagreb et qui était prévue pour s'achever aujourd'hui 18 novembre (titre: Un Skurjeni inconnu)...

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Matija Skurjeni, Les cerises, 1960 (illustration provenant de La peinture naïve yougoslave de Boris Kelemen, Zagreb, 1969)

     Je suis un inconditionnel de ce peintre qui au sein de la peinture naïve yougoslave m'a toujours paru à part, ainsi que quelques autres comme Emerik Fejes, ou Ilija Bosilj.

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Matija Skurjeni, illustration pour le bulletin surréaliste Bief (1960), "Oui à la paix, non à la guerre"

     Tous trois font partie des cas-limites entre naïfs et bruts, au point qu'on devrait créer une catégorie-tampon à leur usage personnel (on y rangerait ainsi aussi bien Séraphine Louis et ses splendides gerbes de vulves-calices, que Pietro Ghizzardi, ou Henri Trouillard, Célestine, Nikifor, ou encore Morris Hirshfield...; on pourrait aussi y ranger des créateurs qui sont actuellement classés soit dans les collections d'art brut, soit dans la collection Neuve Invention de Lausanne par exemple).

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Matija Skurjeni, Le jardin des prêtres (ou la Cathédrale de Zagreb, selon Albert Dasnoy), 1958, extrait du livre déjà cité de Boris Kelemen

     Dans le cas de Skurjeni, en dehors d'une palette, d'un dessin et de moyens techniques lui permettant de rendre le moindre des ses natures mortes ou paysages comme illuminé secrètement de l'intérieur, faisant rayonner toutes ses images faites d'après des motifs pris dans la réalité rétinienne d'une lumière véritablement surréelle, c'est le recours répété à l'activité onirique comme sujet d'inspiration de plusieurs de ses toiles qui le fait classer à part du reste de la peinture yougoslave qui, il faut bien le dire, vieillit mal (elle n'était pas déjà, du temps de son apparition, bien vaillante, trop léchée et vitrifiée qu'elle était et qu'elle reste aujourd'hui). Skurjeni apparaît du coup, du moins dans une partie de ses oeuvres connectée fortement à l'inspiration surréaliste, comme un cas assez patent de surréalisme ingénu.

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Matija Skurjeni, Gorgone, 1968, extrait du catalogue Naivi 77 (exposition à Zagreb)

    Le poète, essayiste et dramaturge Radovan Ivsic, qui soutint en France dès 1960 (voir son petit texte, Un nouvel ami, dans Bief, Jonction surréaliste, n°spécial 10-11, 15 février 1960) le peintre, puis rédigea pour lui plusieurs préfaces à des catalogues d'exposition qu'il l'avait aidé à organiser à Paris puis à Cologne, Radovan Ivsic ne s'y est pas trompé en axant ses analyses d'abord sur cette activité de rêve chère au surréalisme comme on sait. Il vient d'y revenir dans le n°53 de la NRF (octobre 2007 ; merci à Emmanuel Boussuge de me l'avoir transmis), avec un texte de souvenirs intitulé  Mon grand ami Matija Skurjeni, le mineur des rêves (apparemment, Skurjeni travailla comme mineur de fond dans un premier temps -ce qui l'apparente aux activités professionnelles d'un Augustin Lesage- avant de devenir cheminot). Il y rappelle, dans une volonté d'homologation de ses services parfois un peu trop insistante, les liens qui l'unirent très instantanément à la personne et à l'oeuvre de Skurjeni (Ivsic nous apprend que ce patronyme se traduit par"Brûlés" en français). Il  l'hébergea à Paris dans son petit appartement près de Notre-Dame dans les années 60. Il relie certaines des toiles que Skurjeni exécuta alors, notamment celle qui s'intitule A deux pas de la Tour Eiffel à des faits dont il fut le témoin il y a désormais plus de quarante ans.

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Matija Skurjeni, Rêve d'un serpent s'attaquant à moi, dessin extrait du site du musée international d'art naïf de Zagreb   
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Matija Skurjeni, La vie en Afrique, dessin extrait de la même source que celle citée ci-dessus

     L'exposition du musée d'art naïf croate de Zagreb est tout entière constituée d'oeuvres qui sortent de sa collection: dix-huit peintures, vingt dessins et plusieurs estampes. Un catalogue monographique écrit par Radovan Ivsic paraît également à cette occasion.7ba8ae2c87b00bb3e34b6b895ec06ea4.jpg

    Signalons qu'il existe aussi un musée consacré à Matija Skurjeni dans la ville où il a vécu, à Zapresic. On peut aller sur son site, où une musique traditionnelle peut parfois s'y révéler, certes par suite de manips multiples peut-être erronées, assez vite obsédante et angoissante (les temps des divers phases mélodiques se recouvrant les unes et les autres, ce qui crée cette atmosphère étrange citée précédemment, probablement de façon involontaire de la part du créateur du site).58e4fd2f8507d3f27370ec9d8245ca52.jpg Ce musée a une architecture curieuse lui aussi, il ressemble à un bureau géant, pourvu d'un toit sous lequel on aperçoit des fenêtres qui font penser à des poignées de tiroirs (ce qui est finalement adéquat pour un musée).

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Matija Skurjeni, Studij, 1972, oeuvre reproduite dans le catalogue de l'exposition Naivi 77, Zagreb

    Radovan Ivsic a fait paraître plusieurs recueils de ses textes ou pièces de théâtre ces temps-ci chez Gallimard (Poèmes, Théâtre). Dans le recueil de textes consacrés à divers sujets d'ordre artistique ou politique, Cascades, on peut également retrouver un de ses textes plus anciens consacrés à Skurjeni.

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Radovan Ivsic (à g.) et Matija Skurjeni (à d.), Paris, années 60, extrait du catalogue Naivi 77

 

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18/11/2007 | Lien permanent

Le boucher de la rue du Chemin Vert

"Je crois que, dans une grande ville surtout, il faut que les tueries et les boucheries soient dispersées. On peut en apporter une infinité de raisons ; mais celle qui me frappe le plus est tirée de la tranquillité publique. Chaque boucher a quatre garçons ; plusieurs en ont six ; ce sont tous gens violents, indisciplinables et dont la main et les yeux sont accoutumés au sang. Je crois qu'il y auroit danger à les mettre en état de se pouvoir compter ; et que si on en ramassoit onze à douze cents en trois ou quatre endroits, il seroit très difficile de les contenir et de les empêcher de s'entrassommer. Mais le temps amène même des occasions où leur fureur naturelle pourroit se porter plus loin..."

Diderot (cité par François Cali dans Dictionnaire Pittoresque de la France, éd. Arthaud, 1955)  

 

   Le boucher de la rue du Chemin-Vert n'avait pas le visage classique des bouchers tels qu'on se les représente spontanément (tête massive, joues couperosées, lèvres charnues et sensuelles, yeux injectés de sang et vaguement porcins, gueule de tueur).eed9b08fc32988bc319654e23d6eaaa4.jpg Il avait plutôt la tête d'un intellectuel, et plus précisément la tête d'un artiste. C'est-à-dire une tête déroutante et originale. Il en est de léonines, avec des crinières perpétuellement soufflées par des tempêtes cérébrales (Eisenstein, Beethoven), des chevelures électrisées (Chagall), il en est avec des crânes hypertrophiés (Verlaine), etc. Ce sont là têtes d'artistes appartenant aux clichés de la célébrité.
   Mais il y a aussi les têtes des artistes plus ordinaires, plus besogneux. Celle du boucher de la rue du Chemin-Vert faisait partie de ces dernières.
   Elle ressemblait à une tête d'écrivain connu, celle de Jacques Laurent, tête assez malingre en vérité, tête d'employé de bureau ou d'épicier, mais d'un épicier qui aurait mené une double vie, celle d'écrivain précisément, en cachette de l'épicerie.
…Voilà, c'était ça, mon boucher menait une double vie. Son visage en portait les stigmates. Sans doute même avait-il dû souffrir davantage que Jacques Laurent. Deux rides profondes, deux ravines plutôt, séparaient son nez de ses joues. Ses yeux étaient cernés. On le sentait animé d'un désir patient et passionné. Quel en était l'objet?  
   La présentation la plus raffinée et la plus parfaitement nettoyée de la viande qu'il vendait ! Il fallait voir comme il tranchait, taillait, disséquait ses carcasses avec dextérité, précision et méticulosité. Sa rigueur faisait merveille. On le sentait amoureux surtout de précision. Peut-être avait-il raté sa vocation. Il aurait dû être horloger ou orfèvre. Le diamant qu'il taillait quotidiennement, c'était tel ou tel quartier d'entrecôte. Quelle satisfaction discrète et modeste se peignait alors sur son visage lorsqu'il posait la pièce préparée avec soin pour son client sur la feuille de papier rose qu'il posait à son tour sur la balance, jugeant l'aiguille de cette dernière comme si elle était chargée de lui communiquer la mesure de son talent ! 
   C'était une sculpture poursuivie morceau après morceau. Son travail d'équarrissage, légèrement obsessionnel, qui consistait à réduire une tranche de viande aux harmonieuses proportions de gras et de maigre qui feraient d'elle le chef d'oeuvre attendu par le client, ce travail avait à son tour modelé son visage. L'amour des synthèses et de la stylisation s'y laissait désormais deviner, creusant de fines rides tourmentées. Le boucher poursuivait les mêmes buts que l'artiste qui cherche d'année en année à parfaire la maîtrise de son art : trouver l'expression la plus profonde et en même temps la plus dépouillée, la plus épurée. Un peintre va ainsi souvent vers un langage de plus en plus sobre au fil des années. Jusqu'où peut aller un boucher ? Jusqu'où peut-il épurer son beefsteak ? Jusqu'à la dernière fibre ? Le plus pur des tendons ? Et exposer sur un socle tendu de papier rose la forme la plus aboutie de son travail acharné d'élagage,  cet ultime fil de chair écarlate prêt à vibrer sous l'archet de notre appétit carnivore comme la corde de l'arc sous l'archet de la flèche qui  va filer vers le gibier ? Peut-être qu'une fois retourné à sa solitude, après la fermeture de son magasin, loin des clients, le boucher continue son travail, pour son seul plaisir. Et qu'il sculpte dans les chairs pantelantes. Son visage d'artiste méconnu.
   (1982-1993-2007)
  

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Les noirs dessins de Béatrice Soulié

   Du 13 mars au 12 avril se tient une exposition de dessins, en noir et blanc donc, rassemblant chez Béatrice Soulié (sa galerie se trouve au 21, rue Guénégaud, 75006 Paris) les oeuvres de six créateurs dont Isabelle Jarousse, Joël Lorand, Louis Pons et Ruzena (les deux autres étant Bernard Pruvost et Denis Pouppeville).

    Isabelle Jarousse est connue pour ses dessins touffus sur papiers fabriqués par elle où s'emmêlent au sein d'une jungle inextricable nombre de personnages humains, souvent nus, avec des animaux .

Isabelle Jarousse, encre sur papier sans titre, 17, 5 x 17, 5 cm, vers 2002, photo Bruno Montpied.jpg

    Ruzena a un univers qui lui est proche, là aussi comme une jungle, mais une jungle pour chutes d'anges rebelles, dessin raffiné qui dialogue parfois avec le collage incrusté au milieu des compositions. Ci-dessous, je montre un de ses tout premiers dessins, vu à sa première exposition au Musée de la Création Franche à Bègles en 2001, on y décèle comme une réminiscence de visions graphiques provenant du monde expressionniste d'Europe Centrale (la grand-mère de Ruzena est comme par hasard tchèque).

Ruzena, dessin au crayon noir sur papier sans titre, datant à peu près de 2001, 25 x 31 cm, coll.privée, photo Bruno Montpied.jpg

    Joël Lorand fait un parcours assez fulgurant. On me signale que ces jours-ci serait paru un article sur lui dans la revue Cimaise. Consécration? En tout cas, il s'agit là aussi de mondes touffus, à l'image du ressenti de notre époque sans doute. Un monde plus tourmenté encore que les deux imaginaires précédemment évoqués. Je n'ai pas de reproductions en noir et blanc sous la main, et  je préfère cette image-là...

Joël Lorand, Histoire de coeur, technique mixte sur carton, 50 x 65 cm,2003, coll.privée, Photo Bruno Montpied.jpg

...datant d'une époque picturale déjà dépassée, mais pour laquelle j'ai gardé un faible, sans doute parce qu'y subsistait encore une certaine naïveté moins présente par la suite.

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Quizz de nouvel an avec Guy Brunet

    Pour commencer l'année avec un nouveau cadeau, j'offre le catalogue récemment paru de la Collection de l'Art Brut à Lausanne.Laure_couverture.jpg Oui, mais il faut trouver qui se cache derrière les silhouettes peintes par Guy Brunet que je mets en ligne ci-dessous... Ce sont des vedettes de cinéma, de celles qui font les délices de Guy Brunet concernant le Hollywood de la grande époque et le cinéma français d'avant la Nouvelle Vague.

    Je vous en soumets huit. Il faut les identifier toutes. Si les huit ne sont pas trouvées, le vainqueur sera celui qui aura le plus identifié de vedettes correctement (attention, le délai dans lequel arriveront les réponses compte aussi pour l'obtention du livre). Il y a des vedettes françaises, des vedettes américaines, une vedette autrichienne, une anglo-française (pour ces deux dernières, j'aide un max, je trouve)... Prêts? Un, deux, trois, partez...

 

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N°1

 

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N°2

 

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N°3

 

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N°4

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N°5

 

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N°6

 

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N°7

 

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N°8 

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”Le Plancher” de Perrine Le Querrec

    Est-ce un roman? Est-ce un poème de voyante? Je pencherai pour la deuxième hypothèse.

    Edité par une petite maison d'édition, Les Doigts dans la Prose (1, rue du Port, 72000 Le Mans), Le Plancher de Perrine Le Querrec s'essaie à restituer en une centaine de pages le cheminement du fameux Béarnais "Jeannot" qui, s'enfermant sans cesse plus étroitement dans le nœud inextricable d'une famille elle-même sans cesse plus retranchée du monde, en arriva à se laisser périr d'inanition près de la tombe de sa mère, sur un plancher qu'il grava, en 1971, d'une kyrielle d'imprécations contre l'Eglise. "L'EGLISE A FAIT LES CRIMES ET ABUSANT DE NOUS PAR ELECTRONIQUE NOUS FAISANT CROIRE DES HISTOIRES ET PAR CE TRUQUAGE ABUSER DE NOS IDEES INNOCENTES...". Ce n'est qu'un extrait de ce texte qu'on ne retrouva incisé sur le plancher qu'une fois le dernier habitant de la ferme familiale mort à son tour et que la maison fut mise en vente ; ce fut le Dr. Guy Roux qui s'en fit le propagateur dès lors, publiant divers témoignages¹ auxquels le livre de Le Querrec emprunte sans doute ses éléments biographiques - du moins est-on conduit à le deviner, car le livre n'indique (malheureusement?) pas de sources, se contentant de reproduire deux photos du plancher exposé à la Collection de l'Art Brut à Lausanne en 2004. LE-PLANCHER_LDDP_LIVRE.jpg

     Je me suis fait déjà l'écho dans le passé de ce blog de l'exposition en plein air, dans un sarcophage de verre et métal assez atroce, toujours en place aujourd'hui rue Cabanis le long de l'Hôpital Sainte-Anne dans le XIVe arrondissement à Paris, du fameux plancher gravé par "Jeannot". Les lecteurs qui voudraient voir cet immense graffito horizontal (présenté du coup rue Cabanis à la verticale ce qui fausse la perception du phénomène) sont invités à s'y reporter.

 

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Détail du plancher vu à travers la vitre qui le recouvre rue Cabanis, photo Bruno Montpied, 2007


     Perrine Le Querrec met ses pas et sa plume, son âme même dirait-on, dans une sorte d'empathie terrible avec l'esprit de cette famille refermée sur elle-même comme une huître, progressivement enfoncée de plus en plus profondément dans le déni des autres, de la haine du voisinage, de la terre entière, de tout ce qui n'est pas la famille, entraînée en cela par un père du genre fou furieux, qui commit probablement un inceste sur la personne de sa fille. Ceci est assez fortement suggéré dans le texte de Le Querrec, comme ne l'est pas par contre l'inceste qui a pu également être commis par le fils Jeannot avec sa soeur Paule, mais que l'on se demande s'il n'a pas été lui aussi commis tant cette famille paraît la proie d'un tourbillon de confusion des rôles, victime de l'autarcie dans laquelle elle s'enfermait, et dominée en même temps par le double jeu du fils - ce que met bien en lumière Le Querrec (et aussi le Dr. Roux avant elle) - fils qui joua à remplacer le père, une fois celui-ci suicidé en se pendant dans sa grange, tout en montrant qu'il ne voulait pas de ce rôle, puisqu'il laissa péricliter totalement l'entreprise familiale, laissant le bétail périr sur pieds, ne travaillant plus, laissant la végétation envahir les bâtiments et plus généralement tout pourrir autour de lui, y compris le cadavre de sa mère qu'il se refusa dans un premier temps à enterrer...

 

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Le mot "MAQUIS", l'étrange gravure trouée de Jeannot, photo BM, 2007


     L'inceste, sur lequel on n'insiste pas outre mesure, car bien entendu il y a quelque chose de profondément voyeur à se pencher sur les secrets de cette famille déballés au grand jour (mais aussi, il y a là quelque chose d'instructif, d'édifiant à nous mettre ainsi sous le nez l'exemple de cette famille s'auto-reproduisant - il semble que la fille avorta d'un foetus de père "inconnu"...), l'inceste peut avoir comme conséquence de verrouiller totalement les enfants au sein de la famille, ne leur offrant plus d'autre horizon que cette dernière, les anéantissant qui plus est, ce qui dans ce cas mena ses membres à la lente dégringolade dans la dégénérescence et la déchéance, d'autant plus que personne dans les autorités constituées autour du village n'osa intervenir, laissant même le fils enterrer sa mère sous le plancher de l'escalier de la ferme, laissant cette famille folle imploser lentement.

    Perrine Le Querrec émet cependant l'hypothèse dans son texte, à la tonalité plus poétique qu'analytique, que le fils Jeannot en gravant son plancher de son imprécation contre l'Eglise s'élevait en réalité contre ce père dictatorial et violent, dans un testament au ton certes paranoïaque mais révolté en même temps, car en ravageant le bois de la ferme, Jeannot s'attaquait à la matière même de l'entreprise qu'avait fait prospérer son père. Et tentait de s'évader enfin de cette famille asphyxiante, hélas, par la mort seule.

    Elle publie à cette occasion un texte puissant qui par sa dimension visionnarisée², quoique certainement étayée en sous-main par une documentation de première main, permet au lecteur d'approcher au plus près la réalité des trois membres de la tragédie familiale finale, la mère Joséphine, le fils Jeannot et la fille Paule. La réalité de cette destinée en impasse apparaît d'autant plus fortement qu'elle est restituée par le détour d'une empathie visionnaire.

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¹ Je possède quant à moi deux sources principales, une brochure éditée par Bristol-Myers Squibb avec un texte du Dr.Roux, suivi d'un livre de ce dernier, Histoire du plancher de Jeannot (sous-titré Drame de la terre ou puzzle de la tragédie), photographies de Françoise Stijepovic, éditions Encre et Lumière (avec une préface d'Alain Bouillet). Dans la première brochure comme dans le livre, on trouve le texte intégral de Jeannot, alors qu'il n'est pas reproduit dans le livre de Perrine Le Querrec, qui vise sans doute un autre but qu'établir une édition "scientifique".

² N'est-ce pas à cette dimension visionnaire qu'appartient l'évocation, p.56, du frère et de la soeur se livrant à un étrange rituel s'apparentant à une forme de magie noire personnelle, proche d'un vaudou pyrénéen, une sote de procès magique dans les bois d'où ils seraient revenus, passant devant leur mère "deux corps empalés sur une fourche posée sur l'épaule"? On se demande dans quel témoignage a puisé ici l'auteur, si témoignage il y a, ou si ceci n'est pas plutôt le résultat d'un processus de voyance...?

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17/05/2013 | Lien permanent

Fanto-bonhommes de neige

      Max T. ne m'envoie plus de photos de ses bonshommes de neige, alors je prends le relais. Sur le bord de ma fenêtre, se sont dressés des petits personnages aux bras écartés qui avaient simultanément tout l'air d'être aussi des fantômes. Ils paraissaient cogner à la vitre pour que je leur ouvre. Mais moi, sans pitié, je les ai laissés à leur glaciale atmosphère. J'ai assez de revenants en moi. 

    Ce sont de bons exemples d'art immédiat et éphémère en tout cas, qui ne sont pas de mon seul ressort, si l'on s'en réfère à l'espèce de Père Ubu écroulé sur le capot d'une voiture rue de Nevers, hier, et reproduit ci-après.

 

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Fanto-bonhomme de neige, photo et façonnage Bruno Montpied, 19 janvier 2013

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Deuxième mini bonhomme de neige, ph. et façonnage BM, 20 janvier 2013

Bonhomme de n d'un anonyme, rue de Nevers 2, jan 13.jpg

Rue de Nevers, 19 janvier 2013 (les petites canailles à droite ne sont pas les auteurs), ph BM

bonh de n rue de nevers 6e ardt, jan 13.jpg

Le même, passablement écroulé, ph BM

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