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06/11/2009

Une marine cruelle

     Curieux, curieux tableau acquis voici quelques années auprés d'un antiquaire de la Foire de la Bastille suite à l'indication de l'ami Philippe Lalane...

     Sur une mer où ne frise qu'une seule vague, un homme semble appeler à l'aide dans un geste alangui et grâcieux, bizarrement étant donné la meute des poissons, aussi affamés que des murènes, qui se jette sur lui avec voracité. Son corps est couvert de plaies sanguinolentes, et son sang commençe à teindre les flots bouillonnant autour de lui. Il ne paraît pas encore mort puisqu'il agite le bras (il a un côté Saint-Sébastien, je trouve)... Si l'on fait abstraction de ses persécuteurs aquatiques, on observe que son corps adopte la position d'un nageur de 100m dos!

L.Plé,tableau sans titre, peut-être XIXe siècle, coll.Bruno Montpied.jpg
L.Plé, sans titre, 22 x 33,5 cm, huile sur toile, XIXe siècle? Photo Bruno Montpied

     Au loin à droite, on aperçoit un trois-mâts battant pavillon français. Un canot approche, chargé de deux rameurs et d'un homme barbu debout les bras en l'air, dans un geste d'affolement face au spectacle qu'il découvre. L'ensemble de la scène fait penser aux ex-voto représentant des événements tragiques, bien qu'ici on ne trouve nulle invocation à un quelconque saint ou dieu. Le tableau est signé en bas à droite "L.Plé". Amusant du reste ce patronyme, je le note au passage, étant donné le nombre de...plaies sur le corps de la victime au premier plan. Je n'ai jusqu'à présent trouvé aucune référence à ce peintre dans les dictionnaires spécialisés en peinture naïve. L'enquête est donc ouverte.

Commentaires

Je me lance....
Je pense que ce que vous ressentez assez justement comme un ex-voto (mais qui n'en porte pas la trace) relate un accident de pêche (cf. les nombreux poissons). Le Plé, je ne connais pas, mais il ne faut pas être grand sorcier pour voir chez lui l'âme d'un Breton, fils de la mer.
Je pense sérieusement qu'il nous rapporte là un souvenir douloureux d'un pêcheur tombé à l'eau au cours d'une "grande pêche" c'est à dire une pêche à la morue au large de Terre-neuve. En effet, le trois-mâts (qu'on dirait bien hunier) est assez loin du pêcheur plutôt tombé de son doris, celui-là même qui vient lui porter secours. Comme il était sur le banc où grouillent les poissons, il en est la victime.
J'ai dans une autre vie avec mon défunt pote Jean Mahé, enregistré de ces anciens pêcheurs du côté de Plouer sur Rance qui nous ont chanté des "chansons du banc" (sauf erreur, le seul disque du genre en France : Terres-neuvas:Chansons du banc, Dinan, 1976 N°3 - La Guédenne)) et narré plusieurs de ces accidents. Le doris s'éloigne du bateau au moment de la pêche, souvent dans la brume et les accidents étaient relativement fréquents.
Cette interprétation s'impose à la seule lecture de votre "trouvaille".
Quant à l'esthétique, la position du pêcheur assimilée à celle d'un nageur, fait de cet homme accidenté à la fois la victime des poissons, mais aussi en même temps son appartenance au règne des vivants de la mer... avec lesquels il finira par se confondre, ce qui est déjà bien avancé, au grand dam, à la grande douleur du témoin, bras au ciel (l'ex-voto marin) qui assiste impuissant à la scène.

Écrit par : michel Valière | 06/11/2009

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Merci, merci de cette interprétation qui fait évidemment sens. Je m'y connais très peu en bateaux, mais je peux assurer que le peintre a dessiné avec soin le trois-mâts au loin, montrant par là toute l'importance qu'il lui accordait.
J'ai ajouté depuis votre commentaire une phrase supplémentaire dans ma note, car je ne m'étais pas immédiatement avisé de ce que le nom de "Plé" jouait aussi de façon prédestinante dans ce tableau...
Autre remarque, la vision de ces poissons voraces est tout de même largement fantasmatique, ne pensez-vous pas? Bien en rapport avec la méfiance de certains riverains des océans à l'égard de tout ce qui s'agite au fond des noires liquidités marines, "les monstres marins" comme disait une amie bretonne qui ne se baignait jamais dans l'eau de la mer, au bord de laquelle pourtant elle était née et avait grandi. Les poissons ne se jettent pas ainsi sur des hommes vivants tombés à la mer, ils attendent pour ce faire qu'ils soient réduits à l'état de cadavres.

Écrit par : Le sciapode | 07/11/2009

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