02/06/2011
Les rêves du soldat Goupil
La dispersion du fonds du peintre secret Armand Goupil (voir ma flopée de notes précédentes sur le cas) continue son petit bonhomme de chemin si je puis dire. Mais il continue de m'arriver parallèlement quelques renseignements. Je dois à Mme Martineau, heureuse passionnée du cas Goupil, la communication de nouvelles peintures inconnues du sieur Armand. Une d'entre elles en particulier m'a tapé dans l'oeil, sa propriétaire dit qu'on pourrait l'appeler le "Rêve du prisonnier". Voici l'image:
Armand Goupil, 1917, 23-II-60, coll et ph. N.Martineau
L'homme redressé sous la couverture grise probablement militaire, à cause de sa barbe semble bien être une évocation du peintre lui-même qui, comme je l'ai rappelé dans une de mes dernières notes, grâce aux souvenirs de son fils Armand Goupil (junior), par ailleurs auteur d'un ouvrage traitant de Jules Verne, a été fait prisonnier pendant la bataille de Verdun en 1916. La peinture porte le titre de 1917, date à laquelle Goupil était encore prisonnier (il ne fut libéré qu'en 1918). Il rêve peut-être, ou il a une vision, c'est du pareil au même. Une jolie succube vient le visiter dans les airs au dessus de sa couche, le buste suggestivement penché en avant. Si on le compare à d'autres peintures, on s'aperçoit qu'Armand Goupil paraît priser les corps féminins en train de se balader en apesanteur dans les airs. Voir ci-dessous cette image très cosmique.
Armand Goupil, 20-XII-59, rassemblement Philippe Lalane ; photo BM
On m'a également communiqué depuis peu une autre peinture de Goupil, représentant un soldat de la guerre de 14 en train de crapahuter, le matricule 146 frappé au coin de sa vareuse et de son képi. Le soldat est-il un autoportrait là encore? On peut le supposer. La date dans le coin gauche inférieur de la peinture indique mai 1915. La date de l'oeuvre nous signale également qu'elle a été réalisée 13 jours avant celle du "rêve du prisonnier"...
Armand Goupil, mai 1915, 10-II-60, ph. BM
Si on retourne ce carton, on a la surprise de découvrir au verso, plus secrète, une esquisse représentant... Evidemment une femme, en train de danser semble-t-il le charleston... Un paraphe, ce qui paraît rare, accompagne l'esquisse, avec l'indication "Le Mans".
15:25 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : armand goupil, art de brocante, art naïf, figuration populaire insolite, art immédiat, art populaire militaire | Imprimer
Commentaires
Il est à noter que cette gracieuse apparition semble laisser de marbre notre prisonnier. Mais la censure devait être sourcilleuse au stalag, qui tolérait peut être les représentations de nudités féminines mais non point celles, jugées sans doute plus scabreuses, de vits au garde à vous.
Écrit par : RR | 02/06/2011
Répondre à ce commentaireA signaler, cher Roger Rabbit, que la "représentation de nudité féminine" en question ne date pas de la guerre de 14, mais de 1960. Donc pas de possiblilté de "censure de stalag". Armand Goupil peignait cela dans le secret de sa maison, son épouse ayant après la disparition de son mari (1964) conservé ses oeuvres dans un meuble à l'écart.
Pour revenir à l'homme couché, notez tout de même la position de la main gauche semblant vouloir cacher quelque chose qui commençait peut-être à se dresser.
Cela dit, représenter une érection, en 1960, même dans le secret d'un atelier dont on pense que les peintures ne sortiront pas, tout du moins du vivant de l'artiste, pour un peintre modeste comme Goupil, c'est beaucoup lui demander. Son érotisme est plus discret, gentiment voyeuriste (et c'est pourquoi personnellement il me plaît).
Écrit par : Le sciapode | 05/06/2011
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