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05/08/2012

Pierre Sourisseau sculpteur de souvenirs en chemin creux

     J'ai découvert un nouveau site de création en plein air dû à un autodidacte encore en Vendée, dans le même département que celui d'André Pailloux, ce bon Pailloux qui est en passe de devenir célèbre désormais depuis que ses coordonnées ont été jetées  en pâture au public (inconsidérément, je ne le répéterai jamais assez).

 

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Autoportrait du créateur Pierre Sourisseau en chef de chantier, ph. Bruno Montpied, 2012

         Le monsieur qui l'a créé depuis déjà quelque temps, depuis qu'il a pris sa retraite de maçon (encore un), s'appelle Pierre Sourisseau. Ses terrains où il a semé diverses sculptures et peintures, ainsi que des textes,  se situent dans la région des Herbiers, dans les terres donc. On peut donner son nom, car son travail, son œuvre, qui tiennent à la fois du mémorialiste et de l'artiste, tantôt naïf, tantôt réaliste (au point d'en être ici et là presque kitsch), sont assez particuliers pour qu'on tente de leur faire un peu de publicité. De plus, il a déjà fait l'objet d'une courte évocation dans un magazine diffusé à l'intention des retraités "entre Sèvre et Loire", le magazine Racines (article n°221 de juillet 2011 dû à Yvelise Richard).

 

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Vue d'une partie du petit musée de Pierre Sourisseau, 2012, ph. BM

 

         Grosso modo, il y a trois zones d'intervention. La première est en intérieur, il s'agit d'un petit musée où dans deux pièces, situées dans un petit bâtiment en annexe de son habitation principale, on trouve des peintures, des sculptures, et des objets divers, des textes visant à fixer les souvenirs de l'auteur, notamment de sa participation à la guerre d'Algérie durant un an, dans l'Oranais. L'autre grand sujet qui fascine M. Sourisseau étant les guerres de Vendée, ainsi que les filiations qu'il entretient via la lignée de sa femme avec les acteurs vendéens de ces conflits de l'époque révolutionnaire, notamment avec un certain Charles Deslandes. Il a établi l'arbre généalogique de sa famille en lien avec cette histoire (arbre illustré d'un tableau naïf).

 

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Pierre Sourisseau, peinture dans son petit musée, scène de la guerre de Vendée, ph.BM, 2012

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Pierre Sourisseau, souvenir de la guerre d'Algérie

 

      Un parallèle curieux entre ces deux séries d'événements s'est esquissé par la suite en moi lorsque je revisitai les photos que j'ai faites de ces œuvres. C'est étrange comme les soldats républicains venant menacer les paysans vendéens dans certaine peinture de Sourisseau paraissent ressembler aux soldats français face aux Arabes d'Algérie. Il s'agit de semblables affrontements de soldats de l'état républicain face à des populations indigènes qu'il s'agit de mettre au pas. Pourtant, dans l'esprit de M. Sourisseau, ce parallèle est loin d'être patent, m'a-t-il semblé, Quoiqu'il ne m'ait pas donné son opinion à l'égard de la guerre à laquelle il avait participé ("sans tuer personne", ajouta-t-il tout de même, et fréquemment, pendant nos entretiens).

 

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Le jardin de M. Sourisseau, au premier plan Charles Deslandes, l'ancêtre de la famille, le cavalier à l'arrière-plan, le Chevalier du Landreau, autre personnage historique régional et au loin, les bustes de Sarkozy et de sa femme Carla Bruni... Ph BM, 2012

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Pierre Sourisseau, Sarkozy et sa Carla, qui paraît représentée telle un pesant fardeau, ph. BM, 2012

 

     La deuxième zone concerne le jardin qui entoure sa maison et longe la route, d'où l'on peut apercevoir, si l'on ne passe pas trop vite, de la voiture, les quelques statues, point trop nombreuses, qui l'agrémentent avec sobriété.pierre sourisseau,environnements spontanés,archéologie naïve,guerres de vendée,guerre d'algérie

De haut en bas sur l'image ci-contre, Mitterrand, De Gaulle, Chirac, Sarkozy, Giscard, Pompidou, ph. BM, 2012

     La troisième zone s'étire sur près de 500 mètres, tout au long d'un chemin creux d'âge respectable, dont l'histoire fait rêver grandement l'auteur, qui passe devant sa maison et s'enfonce dans le bocage en direction d'une ancienne gare où allaient s'embarquer les appelés militaires, où passèrent aussi, à une époque encore plus ancienne, les Vendéens insurgés. Pierre Sourisseau, qui nous en fit faire la visite, tel un guide de monument historique, paraît toujours peu ou prou entendre les cliquetis des faux, ou des baïonnettes, ou les cris des hommes se pressant sur l'étroit et profond chemin chargé d'une histoire invisible à tout autre oeil que le sien.

 

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Pierre Sourisseau devant sa "hutte gauloise" sur le chemin creux, ph. BM, 2012

 

      Le chemin égrène sur une très grande longueur (originalité unique à ma connaissance) des statues, taillées directement dans le bois des arbres (naïves et visionnaires) ou modelées dans l'argile (très, trop, réalistes), des installations du genre écomusée, bricolées en plein air par cet historien autodidacte, des panneaux explicatifs, des installations plus ludiques aussi à l'intention de ses petis enfants (une fusée qui décolle à la manivelle un peu plus bas dans le chemin). On y évoque pêle-mêle les Gaulois, des saints chrétiens (St-Roch), les guerres vendéennes encore et toujours, des figures politiques (Sarkozy, Ségolène Royal, séquelles de la campagne présidentielle de 2007), certaines plus régionales (des maires locaux). De temps à autre, comme émergeant du fond d'une mémoire ancestrale plus païenne, des figures féériques ou fantastiques, hélas trop rares, poussent vers le spectateur leurs trognes ou leurs corps de racines, ce qui je dois bien l'avouer m'enchante davantage que tout le reste.

 

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Pierre Sourisseau, figure fantastique dans un arbre creux, ph.BM, 2012

 

      Pierre Sourisseau paraît ainsi hésiter, comme bon nombre d'autres autodidactes point trop sûrs de leur langage et déférents envers l'art savant, entre un réalisme de santons et un art naïf qui paraît d'emblée, en ce qui le concerne, correspondre pourtant à son langage naturel. Dans l'épaisse brochure de souvenirs qu'il a laissée derrière lui en 2008, il se recommande, comme pour asseoir une légitimité d'artiste qu'on pourrait lui contester puisqu'il n'a pas fait d'école, de l'enseignement et de l'appui d'un sculpteur local de monument aux morts, Yves Guiberteau. Parler de lui sur ce blog, qui est comme on sait acquis aux langages plus ingénus qui nous touchent davantage que les langages pompiers, pourra peut-être aider ce créateur original à choisir une voie plus en accord avec la langue féérique de la nature qui visiblement l'interpelle et nous enchante comme lui.

 

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Pierre Sourisseau, au bout du chemin creux, avec son "Tractosaure", voiture-arbre... qui fleurit encore, ph.BM, 2012

 

Commentaires

Ce tractosaure est, à mon goût, l'œuvre de M. Sourisseau qui parle le plus poétiquement à mon imagination. Je vois dans ce véhicule rivé au sol par ses racines, mais maintenu par elles dans le mouvement même de la vie, comme l'illustration de la notion de «dialectique à l'arrêt» chère à Walter Benjamin. Et aussi comme un écho naïf et involontaire à «la locomotive de grande allure qui eût été abandonnée durant des années au délire de la forêt vierge», qu'André Breton, dans L'Amour fou, prenait pour emblème de la «beauté convulsive».

Écrit par : L'aigre de mots | 05/08/2012

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On peut aussi s'asseoir dessus (le siège est le rondin que l'on voit en son milieu), et si je me souviens bien, il y a même un avertisseur, ou du moins quelque dispositif qui fait du bruit. Cela se conduit symboliquement donc.

Écrit par : Le sciapode | 05/08/2012

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Concernant la notoriété d'André Pailloux, il est à craindre qu'il soit désormais importuné par le flux de trop nombreux visiteurs puisque suite à la divulgation de ses coordonnées, deux articles lui sont consacrés cet été dans la presse nationale quotidienne avec mention du nom de son village: Le Parisien/Aujourd'hui et la Croix. L'article paru il y a 2 ans dans Ouest-France concernant le site de Mr Le Breton près de Vannes qui mentionnait également sa localisation précise, avait alors occasionné selon sa fille un afflux de visiteurs auquel l'association qui préserve le lieu ne s'était pas préparée. Dans une telle situation on peut facilement imaginer qu'un homme seul puisse en être déstabilisé.

Écrit par : RR | 06/08/2012

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