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27/04/2014

Art brut à Taïwan (6): l'œuvre sculpté du paysan Lin Yuan, par Remy Ricordeau

Le parc de l'oreille de buffle:

l'œuvre sculpté du paysan Lin Yuan

 

      Lin Yuan  (1913 – 1991) est aujourd’hui internationalement reconnu comme un des grands noms de la création brute taïwanaise.

 

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Quelques exemples de peintures de Lin Yuan, photo extraite d'un catalogue chinois sur Lin Yuan, DR

 

      Si son œuvre graphique a pu faire l’objet de plusieurs expositions à l’étranger comme à Paris où l’une de ses peintures illustrait l’affiche de l’exposition collective 17 naïfs de Taiwan¹ organisée en 1997/98 à la Halle Saint-Pierre,environnements spontanés taïwanais,art brut à taïwan,lin yuan,art brut chinois,le parc de l'oreille de buffle,pu li,huang pinsong,hung tung,jean dubuffet,rochers sculptés,van gulik,amour et sexualité en chine son œuvre sculpté, tout au moins pour sa partie monumentale qui est la plus importante, est par contre moins connue du seul fait qu’elle ne peut pas être déplacée. Il faut se rendre en effet dans le parc dit de l’Oreille de Buffle, où elle est exposée, pour pouvoir en mesurer l’importance. Ce parc se trouve à Pu li, qui est la ville la plus proche du village de montagne dans lequel Lin Yuan a passé l’essentiel de sa vie. Il se situe à peu près au centre de l’île.

 

 

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La maison initiale de Lin Yuan avec sa manière personnelle de présenter ses rochers sculptés, ph. extraite d'un catalogue chinois sur ce créateur, DR

 

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Vue d'une partie du parc de l'Oreille de Buffle avec quelques rochers sculptés de Lin Yuan, transférés de leur emplacement d'origine ; ph. extraite d'un catalogue chinois sur Lin Yuan, DR

 

      Ouvrier agricole analphabète originaire du canton de Wuzhi, Lin Yuan est devenu veuf très tôt. La cinquantaine passée, ses enfants (cinq garçons et trois filles) devenus adultes, lui suggérèrent d’abandonner le travail des champs et lui proposèrent pour soulager sa vie trop solitaire et laborieuse de s’occuper de la garde de leurs propres enfants. Tout en accomplissant cette tâche, il s’amusa à leur confectionner des jouets à l’aide de divers matériaux de récupération. Il se prit au jeu de la création. Croisant un jour des voisins remontant des galets de la rivière toute proche pour quelques travaux de maçonnerie, l’envie lui vint d’essayer d’en sculpter. Il s’attaqua ensuite à des roches et des rochers de plus grande taille. Le bouche à oreille aidant,  une réputation d’artiste-paysan se mit à circuler sur son compte, laquelle fit l’objet d’un article dans un magazine local.

 

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Lin Yuan sur un de ses rochers peints, ph. extraite de la monographie sur Lin Yuan, DR

 

       Un banquier fortuné de la ville de Pu li  dénommé Huang Pinsong,  lui rendit visite et, fasciné par cette œuvre singulière, lui acheta la totalité de sa production. Lin Yuan, encouragé alors par l’enthousiasme de Huang, décida de se consacrer désormais sans relâche à ses activités créatrices. A partir de ce moment, et suite à sa rencontre avec Hung Tung, autre créateur autodidacte aujourd’hui également reconnu, il convint de diversifier ses travaux en s’initiant à la peinture et même à la broderie sur toile.

 

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Broderies de Lin Yuan, ph. extraite de la monographie sur le créateur, DR

 

       Soutenu par quelques intellectuels et artistes, la réputation de  Lin Yuan s’élargit alors au-delà des limites du comté. Quelques expositions furent organisées dans différentes villes de Taiwan et son protecteur Huang Pingsong contacta même Jean Dubuffet pour attirer son attention sur Lin Yuan.

 

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Lettre de Jean Dubuffet à Ping-Song Huang, 9 novembre 1982, reproduite dans la monographie sur Lin Yuan, DR

 

      Au milieu des années 80, ce même Huang Pingsong décida d’acquérir à Pu li un terrain pour présenter les œuvres de son protégé et lui permettre d’en créer de nouvelles en lui offrant de meilleures conditions de vie et un minimum de confort. Lin Yuan s’installa ainsi  dans une petite maison qui y fut alors construite à son intention (actuellement encore habitée par l’un de ses fils). Aujourd’hui le jardin qui comprend un petit musée et est agrémenté de ses sculptures les plus volumineuses, est devenu un lieu de promenade et de villégiature : après la disparition de Lin Yuan en 1991, son mécène fit construire une cafétéria et un ensemble hôtelier en bungalows pour recevoir des groupes de touristes et rentabiliser le lieu.

 

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Moufflon de Lin Yuan, photo Remy Ricordeau, 2014

 

     Les nombreuses sculptures en extérieur, malgré le peu de soins apportés à leur présentation et à leur conservation, sont impressionnantes par leur grande force expressive qui ne s’embarrasse pas de fioritures. Jamais peut être la notion de « brut » ne s’est aussi bien appliquée à une œuvre qu’à celle de Lin Yuan. Les traits grossiers, comme les coups de marteaux ou de ciseaux vont à l’essentiel. L’artifice est absent de cette œuvre que l’on sent convulsive, comme si elle avait dû être réalisée dans une urgence pour rattraper un temps perdu. Pendant les sept ans que dura son séjour à l’Oreille de Buffle, il aurait créé plusieurs centaines d’œuvres de tous formats et sur tout support afin d’alimenter ce qui allait devenir son musée. Une photo le représente assis sur une des roches  qu’il a sculptée dans l’attitude de celui qui vient de terrasser un monstre.

 

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Lin Yuan, Le Baiser, ph. Remy Ricordeau, 2014

 

       La sculpture semblait pour lui un combat ou un défi qu’il relevait chaque jour comme si l’enjeu était de parvenir à maitriser une matière brute qui ne cessait de lui résister. La lutte dût être si intense qu’en 1988 il tomba malade et dût être hospitalisé. Après cette crise, devant ménager ses forces, il privilégia des créations moins physiques comme la broderie ou la peinture.

 

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Lin Yuan, la femme de mauvaise vie, ph. R.R., 2014

 

       Si l’inspiration de Lin Yuan est fortement influencée par son milieu d’origine, ce qui l’amènera à représenter nombre d’animaux domestiques, d’élevage ou sauvages, il était également très porté sur des sujets que traditionnellement les Chinois ont plutôt tendance à occulter : l’amour et la sexualité (selon l’historien sinologue Van Gulik, la représentation amoureuse ou sexuelle dans l’art chinois a le plus souvent une visée didactique). Ces deux thèmes sont pourtant très présents dans l’œuvre de Lin Yuan, quelques-unes de ses représentations, sans aucune visée didactique, confinant même à une certaine pornographie comme cette femme de mauvaise vie exhibant les parties les plus intimes de son anatomie. Les attributs sexuels masculins, souvent de taille fort honorable, sont également très souvent représentés dans ses peintures comme dans ses sculptures les plus monumentales. Dans un pays de culture encore très pudibonde, cette partie de son œuvre fut interprétée de son vivant comme la conséquence de son veuvage précoce. Lui ne s’en expliqua jamais, s’amusant sans doute des explications délivrées en son nom et n’en continuant pas moins allègrement à représenter des personnages librement inspirés.

Remy Ricordeau



¹ A Taïwan et désormais en Chine où l’emploi du terme se diffuse dans les milieux intéressés, on emploie maintenant le vocable de Su ren yi shu pour désigner l’art brut que l’on pourrait littéralement traduire par l’art des hommes purs, contrairement à Tien zhen yi shu qui signifie art naïf, Tien zhen signifiant en l’occurrence naïf.

 

Commentaires

Intéressante présentation d'un créateur bien méconnu et à propos duquel on aimerait en savoir encore plus. Savez-vous par exemple si Dubuffet après avoir transmis à Lausanne les documents dont il évoque l'existence dans sa lettre a incité la collection d'art brut à acquérir des travaux graphiques de ce Lin Yuan ? La collection possède-t-elle d'ailleurs d'autres travaux en provenance de Taïwan car à lire cette série d'articles et au vu de l'exposition dont vous parlez qui avait été organisée à Paris, il semble que ce pays soit un véritable réservoir de créateurs d'art brut. On rêve d'une exposition qui en rendrait compte de manière un peu exhaustive et qui nous permettrait de sortir un peu des sentiers battus de l'art brut européen et américain. On avait certes découvert l'art brut japonais il y a quelques années à la Halle St Pierre, mais selon mon souvenir, les œuvres exposées étaient surtout le fait d'handicapés mentaux ou de pensionnaires d'institutions psychiatriques. Là, ce qui semble intéressant dans le cas de Taïwan c'est qu'apparemment, si j'ai bien compris, ce sont des créateurs populaires insérés dans la vie sociale qui se mettent spontanément à l’œuvre. Cela mériterait d'être mieux connu.

Écrit par : jean | 27/04/2014

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Sortir des sentiers battus de l'art populaire et brut européen et américain, vous affectez d'ignorer qu'il y a tout de même eu depuis plusieurs années de nombreuses informations concernant les créations apparentées dans les pays hors occident, que ce soit dans les pays du Maghreb, de l'Afrique noire, ou en Inde (pensez à Nek Chand). Ce que vous dite de l'art japonais est tout à fait vrai par contre, dans les différentes expos, il y avait surtout de l'art produit dans des ateliers d'art pour handicapés. La Collection de l'Art Brut de Lausanne paraît fort intéressée de découvrir d'autres créateurs en Chine, elle s'est montrée très réactive vis-à-vis de Guo Fengyi, c'est même grâce à elle que les amateurs (et sans doute parmi eux Remy Ricordeau) ont commencé de tourner leurs regards vers l'Extrême-Orient , où, étant donné le chiffre considérable de sa population, on peut imaginer que le pays abrite forcément de très nombreux créateurs...
Là où je vous rejoins davantage, c'est sur la question des environnements spontanés. C'est tout l'intérêt de la série d'articles de Remy Ricordeau de s'être avant tout penché sur la révélation de l'existence de nombreux environnements créés par des autodidactes dans un pays asiatique. Dans les expos sur l'art brut japonais, il n'en y avait que de très rares cas, et encore, pas terribles...
Les environnements spontanés, ou créations brutes et naïves d'habitants-paysagistes, comme en Occident (je souligne ce point), sont davantage tournés vers l'extérieur, car leurs créateurs sont davantage en posture de communication avec le voisinage immédiat. Leur création est du coup plus "sociale" c'est vrai (mais encore une fois cela n'est pas propre à l'Asie, c'est une attitude universelle, cela a été dit dans d'autres commentaires précédents sur ce blog).
Pour autant, personnellement, je garde toute mon affection aux œuvres et aux personnalités créatrices de l'art brut qui en raison de leur asocialité ont creusé parfois beaucoup plus profondément dans leur expression de mondes inconnus. C'est le bénéfice secondaire de l'asocialité qu'il ne faut pas oublier et qu'il faut continuer de prendre en compte.

Écrit par : Le sciapode | 27/04/2014

" Cela mériterait d'être mieux connu". Ce n'est pas moi qui vous contredirais. Pour le reste, je n'en sais rien. J'ignore tout à fait si la collection d'art brut de Lausanne possède ou non des œuvres de créateurs taïwanais. C'est vrai que si elle n'en possède pas elle devrait essayer d'en acquérir. Elle possède bien des rouleaux de Guo Fengyi qui est de Chine Populaire, elle n'est donc pas fermée à la création venant d’Extrême-Orient. Il y a aussi le LaM de Villeneuve-d’Ascq qui pourrait s'y intéresser. Mais peut-être n'est-ce pas si simple. Je sais par exemple que le fils de Hung Tung s'oppose à la vente de tableaux de son père et ne les prête que très ponctuellement pour quelques rares expositions (la dernière a eu lieu à Taïpei en 2011 qui a fait l'objet de l'édition d'un très beau catalogue). Concernant Lin Yuan ou Wu Li Yu Ge, une autre grande créatrice d'art brut taïwanais, j'ignore si leurs œuvres sont accessible sur le marché de l'art. Et si elles le sont, elles ne doivent pas être très bon marché. Le sciapode et à plus forte raison les responsables de la collection de Lausanne ou du LaM de Villeneuve d’Ascq en savent sans doute plus que moi sur cette question.

Écrit par : RR | 27/04/2014

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Le sciapode qui est censé selon vous, RR, tout savoir sur tout ce qui concerne l'art brut et apparentés, ce qui m'honore certes mais est largement exagéré en même temps, le sciapode (je parle à la troisième personne, voilà le résultat de votre compliment, je ne me sens plus), le sciapode tente tout de même de vous répondre.
Il existe mon cher une base de données fort précieuse concernant le patrimoine de la Suisse Romande (https://musees.lausanne.ch/), base qui contient un état numérisé des œuvres, des documents, des ouvrages conservés dans les musées romands, notamment dans la Collection de l'Art Brut qui vous, qui nous, intéresse davantage ici. Les œuvres conservées à la CAB de Lausanne ne sont pas encore toutes numérisées, il paraît même qu'il faudra attendre vingt ans pour y trouver tout... Et donc on n'est pas sûr de tout connaître de ce qu'il y a dans les réserves de la Collection du Château de Beaulieu. Pour les œuvres non répertoriées, bien sûr il faudrait renvoyer aux actuels responsables de la Collection. En espérant qu'ils veuillent bien prendre le temps de lire et de réagir à ce blog, ce dont nous ne sommes pas sûrs (j'écris avec le "nous" de majesté, encore un résultat de vos flatteries mon cher).
En attendant, voici ce que j'ai découvert en allant consulter ce matin la fameuse base de données. Il y a deux œuvres de Lin Yuan à Lausanne, une "grande broderie" et une peinture représentant des animaux. On peut supposer que ces pièces ont été offertes à la Collection suite au courrier de Dubuffet que j'ai reproduit ci-dessus pour illustrer votre article. Ce n'est qu'une supposition.
Ces œuvres sont conservées, c'est à noter, dans la collection anciennement appelée "annexe" devenue par la suite la Collection "Neuve Invention", où sont rangés tous les cas limitrophes à l'Art Brut proprement dit. Probable que la "jolie et vaste" maison dont parle Dubuffet dans sa lettre (avec peut-être un peu de malice cachée?), maison du mécène qui hébergea l’œuvre de Lin Yuan avec son auteur, ait pu influencer ce choix de l'orienter vers la Neuve Invention. Ce n'est qu'une hypothèse...
A propos de Hung Tung, je n'ai rien trouvé sur la base de données, hormis des références bibliographiques (notamment un catalogue de 2003).

Écrit par : Le sciapode | 27/04/2014

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Merci de ces informations. C'est en effet très étonnant d'avoir rangé Lin Yuan dans la "Neuve Invention" alors que la collection d'art brut proprement dit accueille des artistes qui relèvent plutôt à mon sens de l'art singulier ou "hors les normes" ou de je ne sais quelle autre appellation (Je pense par exemple à Verbana ou à Nedjar pour ne citer que ceux qui me viennent spontanément à l'esprit). Sans juger la qualité de leurs œuvres que l'on peut apprécier par ailleurs, cette question de la classification "art brut" me dépasse décidément. Car si Lin Yuan n'est pas considéré comme créateur brut, je me demande qui peut l'être alors.

Écrit par : RR | 27/04/2014

Ses sculpture sont impressionnantes je trouve.

Écrit par : voilesdoiseaux | 27/04/2014

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Je viens de découvrir qu'un site (en anglais) avait été créé à Taïwan pour présenter l’œuvre de Lin Yuan. Pour ceux que cela intéresse, on peut y voir l'intégralité de ses créations qui ont été numérisées.
On peut ainsi mesurer l'ampleur de son œuvre et la diversité des matériaux qu'il a utilisés:

http://artbrut.dyu.edu.tw/en/03_artist/index.php

Écrit par : RR | 22/02/2015

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Euh... "L'intégralité de ses créations", n'est-ce pas trop dire? Cela apparaît comme une sélection puisée dans ses diverses disciplines de création. Parmi celles-ci je trouve toujours que Lin Yuan était plus à l'aise avec la peinture, sur pierre ou sur support en deux dimensions que dans ses assemblages en divers accessoires réemployés ("mixed materials"), voire même que dans ses sculptures sur pierre ou sur bois plus convenues et courues. En peinture, c'est fort, immédiat, et simple à la fois.
A noter que les textes introductifs à l'art brut sont assez approximatifs, notamment quand ils veulent résumer les trois sections subdivisant l'art brut selon Dubuffet. Là on est dans l'amateurisme complet.
Et puis là aussi on nous parle "d'artiste" une fois de plus, alors qu'avec l'art brut on est toujours au delà ou en deçà de l'art pratiqué par les professionnels, toujours potentiellement assimilables à une caste à part.

Écrit par : Le sciapode | 23/02/2015

Le caractère approximatif des textes introductifs que vous notez justement est imputable à mon avis à la réception encore trop récente (à peine une vingtaine d'années) de l’œuvre de Lin Yuan. La notion d'art brut est encore en grande partie confuse pour beaucoup de Taïwanais et même pour certains de ceux qui s'y intéressent plus précisément car s'ils ont bien intégré la spécificité autodidacte des auteurs d'art brut, ils abordent encore souvent ce dernier comme un des multiples courants de l'art moderne ou contemporain.
Cela dit cette manière d'aborder l'art brut n'est peut être pas entièrement due à une incompréhension, elle est peut être également en partie le résultat d'une influence de l'Occident où le développement du marché de l'art brut entretient la confusion à dessein.

Écrit par : RR | 23/02/2015

Sinon, je ne partage pas du tout votre jugement sur le caractère convenu des sculptures sur pierre de Lin Yuan. (C'est vrai par contre que celles sur bois sont moins originales). Mais peut être est-ce parce que vous n'en avez pas vus in situ.

Écrit par : RR | 23/02/2015

Merci de ce lien, RR. On a ainsi, en effet, une vue d'ensemble très impressionnante.

Écrit par : Régis Gayraud | 23/02/2015

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Découvertes sur un blog, quelques nouvelles récentes concernant l'art brut en Chine. La notion d'art brut y semble encore plus confuse qu'à Taïwan où, à lire cet article, on le confond allègrement avec l'art primitif ! Nonobstant cette confusion assez incompréhensible, en cliquant sur les différents liens on peut cependant découvrir quelques très belles productions de créateurs dont j'ignorais l'existence.

http://cnkick.net/2014/12/17/de-lart-brut-en-chine/

Écrit par : RR | 17/03/2015

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Le primitivisme rapporté à l'art brut, c'est une longue histoire, qui est liée aussi aux rapports que l'on a pu voir à différentes époques entre primitivité et art naïf.
Il ne s'agit pas, je pense, dans la traduction des mots "art brut" en chinois qu'évoque l'auteur de l'article que vous avez mis en lien, du sens d'art primitif comme on parle plutôt aujourd'hui d'art premier.
Non, cela aurait plutôt à voir avec le sens de "primitifs modernes" tel qu'un critique d'art naïf connu comme Otto Bihalji-Mérin a pu en user dans le titre d'un de ses livres les plus connus.
A un moment de l'histoire des arts spontanés d'autodidactes, plusieurs auteurs voyaient dans les travaux des amateurs inspirés une sorte de permanence d'un regard vierge, proche de celui des enfants, qui était comme la survivance d'une tradition expressive venue de l'origine de l'humanité, une primitivité de l'art qui aurait survécu chez certains de ces autodidactes exceptionnellement doués.
Il me semble que pas mal d'historiens d'art du côté des pays communistes usèrent de ce terme et de cette notion, ce qui expliquerait son passage du côté des historiens chinois.
Je dois dire qu'entendue ainsi, cette primitivité est loin de me paraître une vue de l'esprit, et je reste quelque peu attaché à cette notion que je trouve très voisine de ce que j'essaye de mettre en avant avec ma notion d'art de l'immédiat.
Donc, je suis loin de considérer l'interprétation que vous mentionnez (merci de nous avoir communiqué le lien vers cet article) comme confuse et incompréhensible comme vous pourrez désormais vous en convaincre...

Écrit par : Le sciapode | 17/03/2015

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J'entends bien votre remarque, le problème en l'espèce est qu'en chinois (après vérification, comme vous l'imaginez) l'expression "yuan sheng" a bien le sens "ethnique" de primitif qu'on peut employer pour qualifier les peuples ou les arts dits premiers. Si donc cette expression veut faire référence à la notion de "primitif moderne" que vous évoquez, la traduction chinoise est fautive, il manque le "moderne" pour la distinguer du "primitif" tout court. Ces historiens de l'art chinois auraient par exemple pu traduire par l'expression "xian dai yuan sheng" (pour les sinisants, excusez-moi), ce qui n'est pas le cas. Je réitère donc ma remarque sur la confusion entretenue par cette traduction paresseuse.
Il ne vous aura par ailleurs pas échappé que selon cet article l'art brut en Chine semble pour l'essentiel circonscrit à la production graphique de déficients ou de malades mentaux, comme s'ils en étaient encore à la définition première de l'art brut à l'époque où Dubuffet faisait le tour des institutions psychiatriques. Ils ne semblent pas encore intéressés aux arts spontanés d'autodidactes. J'en viens à me dire que la réception de l'art brut en Chine est finalement plus influencée par l'approche japonaise telle que l'exposition de la Halle St Pierre sur l'art brut japonais en avait témoigné (créations de patients en institutions psychiatrique) que par l'approche occidentale qui s'est élargie à toutes les créations autodidactes (même si ces dernières ne relèvent pas toutes de l'art brut). A cet égard, et malgré les confusions que j'évoquais dans un message précédent, les Taïwanais se montrent plus modernes que les Chinois.

Écrit par : RR | 18/03/2015

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Bien, dont acte, en chinois on nous parle de primitif au sens "ethnique".
Mais cela au final importe assez peu. Cette notion de primitivité, que l'on peut comme Baptiste Brun trouver tout uniment "raciste" d'un certain point de vue (et elle a aussi été utilisée ainsi, les peuples dits sauvages étant vus comme des êtres inférieurs aux savoirs et aux arts rudimentaires), cette notion de primitivité, comme cela a été dépeint brillamment par l'historien de l'art Robert Goldwater dès 1938, avant l'apparition de la notion d'art brut, a été recherchée par différentes avant-gardes très tôt qui trouvaient leur besoin de simplicité et de fondamentalisme dans l'art dans différentes sources culturelles. Avant d'aller chez les populations africaines ou océaniennes, dans la première moitié du XIXe siècle on était allé chez les Orientaux satisfaire à ce besoin de simplicité, ou chez Ossian, ou chez les Etrusques, ou dans le Quattrocento et les Primitifs italiens (encore un autre primitivisme qui influença les Préraphaélites), ou bien encore dans l'art grec ancien de Mycènes et ses vases peints en aplats à décors de polypes et de méduses qui influencèrent l'Art Nouveau et le Jugendstil...
Souvenez-vous que pour Picasso, comme le souligne Goldwater dans son livre "Le primitivisme dans l'art moderne", le primitif c'était aussi bien l'art de la Côte d'Ivoire que la peinture de Henri Rousseau.
De là à voir l'art brut des fous ou des non-fous (les deux secteurs dès le début pour Dubuffet, au fait, se fondait en un tout qui ne prenait pas en compte la folie) comme une autre forme de primitivisme par nos amis critiques chinois, je persiste à penser que ce n'est pas si confus que cela. C'est seulement un peu inexact.
"L'art des hommes purs" à Taïwan est une étiquette, je trouve, assez proche d'art primitif, vu comme art pur, art originel (l'étiquette "art originaire" fut à une époque, dans les années 70, utilisée en France pour qualifier l'art produit par les handicapés mentaux...)
Cela dit, il est vrai que pour ce que nous en apprenons en ce moment, il semble que comme au Japon en effet, certains en Chine populaire, veuillent surtout voir dans l'art brut un art produit en atelier pour handicapés ou pour psychotiques.

Écrit par : Le sciapode | 18/03/2015

Vous tournez un peu en rond dans votre argumentation. L'emploi de l'adjectif "Primitif" dans le sens de primitivisme tel que ce dernier terme a été employé pour signifier l'idée d'origine, vous avez raison, mais le mot "primitivisme" a justement été créé pour détacher la notion de toute connotation ethnique. Le mot "primitivisme" a bien sûr été traduit en chinois, mais là en l’occurrence pour désigner l'art brut, en Chine contrairement à Taïwan, on n'a pas jugé utile d'inventer un nouveau mot pour faire la distinction, d'où je le répète, une confusion que, pour quelque obscure raison, vous vous obstinez à nier. Le problème est si réel qu'il semble que certains continentaux emploient également l'expression taïwanaise. Mais il est vrai que l'influence sur le continent du chinois parlé à Taïwan concerne tous les domaines, et pas seulement le domaine de l'art. Effet de mode et/ou volonté de se détacher du corpus linguistique hérité des années de maoïsme encore très présent dans les discours officiels et dans la bouche de leurs parents,, beaucoup de jeunes continentaux urbains se mettent aujourd'hui à parler comme les Taïwanais dans les tournures de phrases comme dans les expressions employées.

Écrit par : RR | 18/03/2015

Et pour enfoncer le clou, la traduction adoptée par les Taïwanais signifiant littéralement "art des hommes purs" me semble plus pertinente par la notion de pureté qu'elle contient pour désigner la permanence d'un regard vierge, proche de celui des enfants que vous évoquez.

Écrit par : RR | 18/03/2015

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Pourquoi pas « art virginal », pendant que vous y êtes. Ce serait mignon tout plein... Non, il n'y a rien à y faire, on ne trouvera jamais de pureté ou de primitivité ou de quoi que ce soit d'originaire dans les productions humaines. On rencontrera toujours un plus primitif que soi pour en revendiquer le titre. Quand on voit les peintures pariétales de Lascaux ou de la grotte Chauvet, on ne peut qu'être frappé par la maîtrise technique et la virtuosité du rendu des lignes et des aplats. Les Tintoret et les Picasso du paléolithique avaient sans nul doute eux aussi leurs primitifs et leurs autodidactes. Mais ce qu'il y a de sûr au moins, c'est qu'ils n'avaient pas un Buren ou un Jeff Koons pour donner une consistance monétaire au vide et à la médiocrité.

Écrit par : Félicie Corvisart | 18/03/2015

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Ce qu'il y a d'embêtant avec les pseudonymes, c'est que cela permet une fausse virginité des opinions. Mais certains vous reconnaîtront, Félicie aussi. C'est toujours vos mêmes professions de foi en la virtuosité, gage au fond de maîtrise, cette maîtrise qui vous fait frétiller de partout, n'est-ce pas? Souffrez cependant que d'autres que vous en pincent au contraire pour la maladresse, le manque de maîtrise, le lâchez-tout, l'ingénuité des procédés, l'immédiateté des tracés qui s'imposent, qui viennent tout seuls sans avoir été convoqués, concoctés... Parce que là dedans il y a de la vie, du touchant, du communicable, de l'émotion, bien davantage que chez vos virtuoses du violon qui moi m'emmerdent au delà de tout...

Écrit par : Le sciapode | 18/03/2015

Mais vous lisez toujours un peu vite, cher Sciapode... Je ne vante absolument pas la maîtrise ou la virtuosité technique, je les constate. Et si je fréquente assidument votre site et les exposions d'art brut, c'est bien parce que je suis touché au plus haut point par la naïveté, l'ingénuité, la spontanéité. La reconnaissance d'un art savant de haute teneur imaginative (et que je différencie clairement d'un art académique, n'ayez crainte) ne nous incite que d'autant plus à nous émerveiller devant les productions que vous qualifiez justement d'« immédiates ».

Écrit par : Félicie Corvisart | 19/03/2015

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Lecture rapide ou lecture immédiate?
Lorsque vous affirmez péremptoirement qu'"on ne peut qu'être frappé par la maîtrise technique et la virtuosité du rendu des lignes et des aplats [des peintures pariétales de Lascaux ou de la grotte Chauvet]", vous donnez une opinion, une interprétation personnelle. Ce n'est pas un constat. Et vous trahissez ainsi ce qui vous obsède.

Personnellement je n'ai jamais pensé à cela devant les peintures pariétales. Elles possèdent au plus haut point ce caractère de poésie immédiate que je recherche, rendue à travers des tracés imprégnés du vécu de cette poésie. L'œuvre est confondue avec le geste qui l'a produite et avec le vécu du référent auquel tous deux se rapportent (les animaux convoités par les chasseurs, symboliquement et matériellement).

Écrit par : Le sciapode | 19/03/2015

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Faites attention à ne pas devenir un idéologue de l'immédiateté, cher Sciapode, enclin à rabâcher mécaniquement des certitudes toutes faites, vite dissoutes dans des abstractions sans contenu (le «vécu» etc.). Par ailleurs, faut-il le répéter, le souci de maîtrise ne m'obsède pas du tout, pas plus que le souci de déprise de soi du reste, dont j'aurais plutôt tendance à exalter les vertus en matière de création.

Écrit par : Félicie Corvisart | 20/03/2015

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