24/10/2017
Après le Gazouillis (1): Le Jardin du Cuirassier, à B. de Clément V. (a)
Mise à jour du 13 août 2021, motivée par la visite finalement rendue, quatre ans après la note ci-dessous, à ce jardin (grâce à une faveur spéciale). Les habitants m'ayant gentiment demandé de ne pas les localiser, afin de repousser les visites fatigantes à leur âge. Le jardin n'est pas accessible de la rue, c'est une propriété privée.
Le Gazouillis des Eléphants, mon inventaire des environnements populaires spontanés en France n'est pas encore diffusé en librairie (c'est officiellement pour le 2 novembre), mais me démange l'envie de parler d'un site récemment découvert, à travers un petit morceau de papier de 10 x 15 cm, appelé communément carte postale, que j'ai chiné ces jours-ci. Encore un site dont je n'avais jamais entendu parler (et pourtant, je vous prie de croire que je suis bien documenté sur le sujet...).
Ce site fera à n'en pas douter partie de mon futur supplément au Gazouillis.
Clément V. (1877-1952), "Le jardin du cuirassier", à B.
"Curiosités régionales : le jardin du cuirassier", cp, éditions R. Guibout, Combleux.
Situé près d'Orléans, soit non loin de la propriété excentrique de Marcel Lambert (voir Le Gazouillis des éléphants dans la région Centre) et de la petite maison du sculpteur et dessinateur brut André Robillard à Fleury-les-Aubrais, ce village de B. possède un site curieux qui ne m’a été révélé, dans un premier temps que par une unique carte postale, paraissant dater des années 1950-1960 étant donné ses bords dentelés caractéristiques de ces périodes.
On y découvre un jardin structuré apparemment autour d’une allée principale, au bout de laquelle on repère la statue du cuirassier qui donna sans doute son nom au jardin. D’autres statues de style plutôt naïf se laissent également voir ça et là au milieu des plantes, de même que des socles supportant deux chiens de grandes dimensions, des vasques, des jarres, des maquettes, et des jardinières, le tout le plus souvent recouvert de coquillages et de bouts de faïence. De part et d’autre de l’allée, on distingue deux autres statues, des enfants. Les deux personnages ont la tête couverte, celui de gauche portant une casquette à grande visière et l’autre un chapeau rond. Les symboles des cartes à jouer paraissent avoir de l’importance pour l’auteur de ce décor. On découvre en effet un losange en forme de carreau dessiné par des fils placés en l’air, et un trèfle dessiné par un évidement au sein d’un support placé par-dessus un énorme vase installée comme à la croisée d’allées, à un point central du jardin. Enfin, tandis qu’à droite de l’image on note la présence d’une pompe antique, à gauche, on devine un tonneau à demi dissimulé derrière un tronc d’arbre ou un pan de mur.
Hormis le surnom du jardin et le nom de la commune, on ne trouve sur la carte aucune indication qui donne le nom de l’auteur de cet environnement, la date de sa création, les significations qui s’attachent à ces sculptures. L’idée de représenter un cuirassier me paraît insolite dans les années 1940-1950. Ce type de soldat, faisant partie de la cavalerie, exista au moins jusqu’à la guerre de 1914-1918. La cavalerie devenant progressivement blindée au XXe siècle, le terme fut conservé ici et là pour certains régiments, mais l’uniforme traditionnel avec la cuirasse disparut en même temps que les chevaux. La statue que l’on devine au fond de l’allée, au torse pourvu d’une armure et la tête, semble-t-il, coiffée d’un casque à plumet, se réfère visiblement aux cuirassiers anciens, probablement à ceux qui furent engagés durant la première guerre. Peut-être est-ce un souvenir d’un vétéran de ce conflit qui, sur ses vieux jours, le dressa pour mémoire au milieu de son jardin ?
*
J'en étais là de mes réflexions sur ce site, ne trouvant pas d'informations Google sur l'existence préservée de nos jours quand Régis Gayraud m'affirma que si!... On trouvait un article de 2015 de la République du Centre signalant que le site existait toujours. Par quel miracle cet article avait-il pu faire son apparition sur le moteur de recherche alors qu'il y a quelques jours encore on ne trouvait rien? La première mise en ligne de la présente note avait-elle repêché et relié l'article? C'est fort possible. En tout cas, on apprend que le site, créé en 1940, existe toujours, protégé apparemment par les héritiers de Clément V. – l'ancien vigneron qui fut son auteur – sa petite fille Ginette et son mari Robert. Il avait bien représenté – mon intuition ci-dessus est bonne – son petit-fils et sa petite-fille (les enfants chapeautés) dans le jardin, cette dernière étant sans doute la dame que l'on voit sur la photo ci-dessous, à 80 ans passés... Cette même photo en faible résolution qui montre aussi que le fameux cuirassier est toujours debout.
Photo Jean-Paul Huber
12:03 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : le jardin du cuirassier, environnements populaires spontanés, cavalerie, armée, régiment de cuirassiers, gazouillis des éléphants, cavalerie blindée, trèfle, carreau, jeux de cartes, clément v. | Imprimer
Commentaires
Est-ce que ce site existe encore?
Écrit par : louise | 24/10/2017
Répondre à ce commentaireC'est grâce à votre question (inquiète?), Louise, que nous avons cherché, Régis et moi, et que nous avons trouvé que le site existait encore. Grâce vous soit rendue...! Je n'y croyais pas au départ, tant les cartes en noir et blanc donnent toujours l'impression d'un passé révolu. Et en outre, il est rare que des héritiers se mobilisent pour préserver un jardin naïf et peu commun durant soixante ans.
Écrit par : Le sciapode | 24/10/2017
Répondre à ce commentaireJ'ajoute que Régis me signala en privé sa découverte de l'entrefilet, remonté des profondeurs de Google, et non pas, comme d'autres commentateurs familiers de ce blog se seraient empressés de le faire, en taclant lourdement ma note initiale qui affirmait, avec vérité pourtant à l'heure où elle fut écrite (la Toile est un paysage fort mouvant), que l'on ne trouvait rien sur le Jardin du Cuirassier sur internet....
Je suis persuadé que la mise en ligne d'un sujet nouveau réactive d'anciens articles ou références, qui avaient eu tendance à disparaître au fond des moteurs de recherche, du fait du lien qui les unit à la nouvelle note mise en ligne. Et comme me l'a indiqué Régis, toujours en privé, cette remontée peut également s'effectuer du fait de nombreuses recherches sur le même thème qui ont pour effet d'exciter le robot Google dans le sens de la mise en réseau d'informations analogues.
Écrit par : Le sciapode | 24/10/2017
Répondre à ce commentaireOn dirait quand même, entre les deux photos, que pas mal d’objets ont disparu. Mais c’est peut-être seulement une question d’angle de vue.
Écrit par : Isabelle Molitor | 24/10/2017
Répondre à ce commentairePas nécessairement. Le cuirassier se trouvait au fond du jardin d'après la carte. Il ne paraissait rien y avoir autour de lui, ni derrière lui.
Écrit par : Le sciapode | 25/10/2017
Bruno,
j'ai deux autres cartes de cet endroit.... si tu souhaites les rajouter dans l'article, tu me dis.
Cette carte faisait partie d'un ensemble que j'avais prêté pour l'expo "Oh My God" à Liège en 2014.
http://jmchesne.blogspot.fr/2014/03/oh-my-god-la-bip-de-liege.html
A plus JM
Écrit par : jean-Michel chesné | 25/10/2017
Répondre à ce commentaireBine sûr que cela m'intéresse. Je n'avais pas vu ta note sur l'expo dont la thématique ne m'excitait guère. Pourtant ta note en effet montrait déjà cette carte, plus d'autres montrant deux sites du reste parfaitement inconnus de moi ( la dernière à la fin de la note m'a récemment été signalée par un correspondant, un site incroyable dans l'Aveyron : la carte est effacée au bas, tu préserves tes sources!). Rien ne t'échappe décidément!
Merci de ta proposition, je te contacte en parallèle.
Écrit par : Le sciapode | 25/10/2017
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