26/06/2019
A. Dumas? En réalité: Antoinette Dumas
Le 9 février 2018, je m'étais fait l'écho d'une rencontre avec les toiles d'une certaine A. Dumas ("une naïveté toute en rousseurs", titre de ma note...) dont la signature était la seule trace que j'avais trouvée pour identifier l'auteur de peintures d'assez grand format, dénichées sur un trottoir des Puces, et ma foi, qui avaient capté mon regard. A l'époque, on avait bien cherché un peu sur internet, et on n'avait rien trouvé, Régis Gayraud et moi-même.
Antoinette Dumas, sans titre (une cueillette de champignons - des cèpes?), 90 x 105 cm, huile sur toile, entre 1963 et 1977, photo (2019) et coll. Bruno Montpied.
Et puis, l'autre jour, encore aux Puces, chez le même marchand que l'autre fois, je suis retombé sur trois autres tableaux nouveaux de cette Mme Dumas... Le premier, ci-dessus, avec ses troncs laiteux hallucinés, a des teintes de coulis à la fraise, surtout pour le sol de son sous-bois où les paysans de Mme Dumas cueillent des gros champignons que je crois identifier comme des cèpes, très stylisés, autant que les personnages, qui sont tous dessinés d'après deux modèles uniques, masculin et féminin, répétés de tableau en tableau, comme par exemple dans cet autre ci-dessous, avec son cortège de couples clonés (il n'y a que les robes qui sont diverses, par la couleur, cette dernière étant visiblement la grande affaire de la peintresse).
Autre tableau sans titre d'Antoinette Dumas (un cortège de mariage apparemment), env. 90 x 100 cm, huile sur toile, entre 1963 et 1977, ph. B.M., 2019.
Il ne faut jamais se décourager avec internet. Certaines informations y apparaissent parfois en différé, comme si les moteurs de recherche moulinaient, frustrés de ne pas nous avoir fourni tout de suite ce que nous cherchions la fois précédente avec nos mots-clés. Peut-être aussi que certaines données sont numérisées progressivement. Cette fois-ci, c'est le camarade Régis Gayraud qu'il faut louer d'avoir été persévérant avec cette A. Dumas. Il a en effet trouvé une notice, d'un Dictionnaire biographique peu connu, le Delage des arts plastiques modernes et contemporains, qui était tout à coup visible pour tout lecteur qui demandait "A . Dumas art naïf". Je la résume et l'adapte, ce qui nous permet de disposer d'une première identification de notre peintresse :
« DUMAS, Antoinette, née le 30 décembre 1888 à Saint-Laurent-de-Belzagot, Charente (16). Meurt le 20 octobre 1977 à Saint-Laurent-de Belzagot. A commencé à peindre en 1963 [donc à 75 ans]. Auteur d'art naïf, sur toiles de grand format récupérées sur des sacs. Elle commence tardivement à peindre des scènes qui mêlent des figures à des frondaisons de couleur rouille ‒ La Promenade au bois (s.d) qui figure au musée du Vieux Château de Laval ‒ ou dorées, Les Foins en Charente (s.d.). [Il existe une autre toile au Musée du Vieux Château de Laval, la Clairière, selon la Base Joconde du Ministère de la Culture]".
Antoinette Dumas, sans titre (les paons), env. 90 x 100 cm, huile sur toile, entre 1963 et 1977, ph.B.M., 2019.
Curieuse peintre, il me semble, qui commence très tardivement la peinture – 75 ans, c'est attendre bien longtemps pour s'y mettre, tout de même... – et décide de ne faire que des grands formats, apparemment toujours des toiles, assez fragilement fixées sur des châssis de fortune, et de surcroît pas très tendues. Durant les quatorze dernières années de sa vie. La touche ne cherche pas la netteté, les compositions sont parfois peu élaborées, les personnages se ressemblent tous, stéréotypés, les troncs des arbres la fascinent, tandis que leurs frondaisons servent de motifs de remplissage, aux limites d'une ornementation abstraite décorative qui fait songer à de la tapisserie... On aimerait en apprendre encore davantage sur cette Antoinette Dumas dont deux toiles, de 1969, sont conservées au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval depuis cette année-là justement (offertes par l'auteur).
15:30 Publié dans Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : a.dumas, antoinette dumas, art naïf, charente, saint-laurent-de-belzagot, musée d'art naïf et d'art singulier du vieux château de laval | Imprimer
Commentaires
Très beau, très intéressant ! Cependant, attention : ne confondez pas des ceps (de vigne) et des cèpes (des bolets). Et compliments pour cette découverte picturale !
Écrit par : collignon | 26/06/2019
Répondre à ce commentaireOups! Petite étourderie. Vous avez bien raison de relever cette déplorable bévue. Je corrige de ce pas, et laisse la correction en rouge, pour que chacun prête attention à ce genre de confusion possible. Ce sera le rouge qui m'est monté au front en vous lisant, en même temps.
Écrit par : Le sciapode | 26/06/2019
Bonjour,
Une expo en 2010, un lien avec Sao Paulo dans un dictionnaire de charentais... De petits indices trouvés pour collaborer à votre enquête...
https://www.sudouest.fr/2010/09/14/le-genie-barbezilien-aux-journees-du-patrimoine-184249-1179.php
http://journaldoc.canalblog.com/archives/2009/03/03/12792669.html
Écrit par : Claudia | 26/06/2019
Répondre à ce commentaireOui, merci Claudia, j'avais vu les divers petits indices sur internet au sujet d'Antoinette, car je vais moi aussi googuéliser, vous savez... Mais je trouvais qu'il n'y avait là rien de très passionnant.
Espérons que quelque Charentais concerné soit éveillé par la note ci-dessus.
Écrit par : Le sciapode | 26/06/2019
Bizarre, bizarre, la correction n'est pas passée : les cèpes sont toujours des ceps. Ce qui me fait penser qu'il y aura peut-être un jour des cèpes de vigne, comme il y a des pêches de même.
Écrit par : Félicie Corvisart | 27/06/2019
Répondre à ce commentaireCette Antoinette a une manière de représenter les troncs d'arbre qui est tout à fait étonnante. Mélange de cotonneux (les fonds blancs) et tourmenté. On a l'impression qu'elle éprouve une véritable passion à figurer les nœuds et les trous que forment les attaches de branches tombées. Elle en crible toute la hauteur des troncs, du pied au sommet, et on la sent heureuse de nous montrer comme elle sait bien y faire. Et bien sûr comment de pas trouver dans ces orifices ombrés et ourlés d'un gros rebord luisant une image de la matrice de la Dame nature primordiale.
Écrit par : Isabelle Molitor | 29/06/2019
Répondre à ce commentaireA Saint-Laurent-de-Belzagot, Antoinette Dumas est une célébrité. Je découvre qu'il y a un petit square qui porte son nom.
Écrit par : Régis Gayraud | 30/06/2019
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