25/08/2021
La maison de la rue Bénard, XIVe arrondissement, à Paris
En complément de ma note précédente sur des maisons simples décorées de motifs mythologiques ou grotesques, situées à Cholet, Douarnenez, et au Blanc, voici une petite mention d'une façade curieuse du XIVe arrondissement parisien, relative à la maison du 43 rue Bénard.
Maison ornée de mascarons et autres figures composites ou grotesques, rue Bénard, ph. Bruno Montpied, 2021.
Elle date visiblement d'une époque plus ancienne que les bâtiments qui la jouxtent, tentant même d'empiéter sur elle comme si elle gênait (l'immeuble situé à sa droite mord sur elle en effet – à tous les sens du terme, presque –, de façon incroyable (comment a-t-on pu le permettre?), à tel point qu'on en a mal pour elle...). Si les immeubles pouvaient parler, on entendrait perpétuellement cette objurgation: "Ôte-toi de là que j'm'y mette...".
C'est tout juste si l'avancée de la maison d'à côté n'est pas venue obstruer la porte du 43.... ; à signaler un dragon ailé au sommet de l'épi de faîtage (en zinc sans doute), en haut sur le toit, à droite, à la fin du cortège des fleurs de lys surplombant la gouttière ; ph. B.M.
Si on passe un peu trop vite, on ne remarque pas l'aspect peu fréquent des motifs qui animent assez joyeusement cette façade plutôt rare à Paris aujourd'hui. Il y a des têtes, certes, une chouette aussi, mais en outre des figures plus composites, un chat à tête d'homme avec un corps serpentin au-dessus de la porte d'entrée, un monstre ailé en haut à gauche au sommet de la gouttière de descente, et des figures à la limite du visionnaire surgissant de la masse des feuillages surplombant la porte (où l'on a malheureusement fiché une lampe assez disgracieuse)...
Sur cette composition au-dessus de la porte d'entrée de la maison, on aperçoit deux êtres fantastiques, dont l'un à tête humanoïde, surgissant de l'amas des rameaux de feuillages, ceux-ci composant même un masque fantastique (involontaire?) ; ph. B.M.
Sur cette maison, on découvre ainsi, aussi, une décoration sculptée assez fantaisiste, analogue à celles des maisons que j'ai mentionnées en Bretagne, Pays de la Loire et Centre Val de Loire, avec une même apparence de personnalisation atypique, fort rare dans une agglomération comme Paris, terriblement sage (vide) du point de vue de l'ornementation de ses façades, si l'on excepte les rares vestiges d'architecture de type Art Nouveau (comme le Castel Béranger d'Hector Guimard dans le XVIe arrondissement ou l'immeuble de Lavirotte, avenue Rapp), si souvent menacées elles-mêmes, cela dit...
00:47 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Architecture insolite, Art immédiat, Art insolite, Art visionnaire, Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : rue bénard, ornementations des façades parisiennes, paris insolite, ornementation visionnaire, grotesques, mascarons, dragons, épis de faîtage, monstres | Imprimer
Commentaires
Une rapide recherche m’a permis de tomber sur une liste des protections patrimoniales issue du Plan Local d’Urbanisme du 14e arrondissement, qui, au 43 rue Bénard, indique :
"Maison individuelle en pierre de taille, de style néo-gothique, réalisée en 1893 par l'architecte Eugène Petit et présentant une façade composée d'un étage sur rez-de-chaussée et de deux travées. Façade en habillage de pierre, dominée par les baies vitrées, ornementée de frises aux retombées sculptées en mascarons, fronton, colonnes cannelées, ferronneries et fausse gargouille en attique, meneau à colonnette, linteaux en accolade terminés par des culots représentant des têtes. Réalisation exemplaire d'une architecture historiciste cohérente"
Écrit par : Wood | 25/08/2021
Répondre à ce commentaireRecopier ce PLU n'apporte pas grand-chose, je trouve, Wood(y Woodpecker?)... Ça ne me fait pas autant songer que cette autre hypothèse, émise par l'ami Régis G., si je me souviens correctement, selon laquelle cette maison aurait servi de maison close autrefois...
Écrit par : Le sciapode | 25/08/2021
Cher Sciapode, cette hypothèse concernant une éventuelle maison close provenait tout simplement d'un processus d'assimilation à un autre immeuble à la façade de style néo-gothique qui est celui du 9, rue de Navarin (IXe ardt) qui est effectivement, lui, une ancienne de ces petites maisons. Je me posais simplement la question : "Puisque cette maison de la rue de Navarin était un ancien bordel, ne pourrait-on imaginer que toutes les maisons à décorations de style néo-gothique à Paris le fussent" (ce qui inclurait pas mal de maisons qui sont en fait d'anciennes demeures d'érudits ou d'artistes de la fin du XIXe ou du début du XXe - sises notamment à Montmartre, comme la jolie villa de l'impasse Marie-Blanche ou la maison Delachaux de la rue Durantin - dont le parangon est peut-être l'incroyable immeuble gothique du 23 ter boulevard Berthier (dont l'intérieur à mi-chemin entre une atmosphère de confessionnal et de château hanté - car pour l'avoir visité, je peux en témoigner - est resté dans son jus). C'était un jeu de l'esprit et ni moins ni davantage que cela, mon cher, mon délicieux ami. Ce néo-gothique est assez contemporain du style rocaille et de l'art nouveau. Tous les trois tendent vers un échevelé qui nous complait, et certes, nous cédons parfois à l'a tentation d'associer à cet échevelé-là l'échevelé des bordels.
Écrit par : Régis Gayraud | 27/08/2021
« Si les immeubles pouvaient parler… » Il faut absolument, cher Sciapode, que vous lisiez le court roman de Dostoievski « Les nuits blanches », ou au moins le début avec les immeubles de St Petersbourg qui se poussent du col et discutent comme des commères. Et d’ailleurs je vous conseille même de le lire en entier. C’est un chef d’œuvre qui devrait complaire un visionnaire comme vous…
Écrit par : Régis Gayraud | 25/08/2021
Répondre à ce commentairePas si sage que cela, l’ornementation des façades à Paris. Il y a un peu partout des pépites.
Écrit par : Régis Gayraud | 25/08/2021
Répondre à ce commentaireTout de même... Pour une pépite, comme vous dites, combien de façades ennuyeuses...
Écrit par : Le sciapode | 25/08/2021
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