13/10/2024
Après le Pont Travesti, le Galion évanoui...
Je continue à vous parler des lieux poétiques que l'on fait disparaître sans coup férir...
Il y a pas mal d'années (40 ans?), je me souviens d'avoir découvert un peu par hasard un restaurant au décor poétique, sa thématique étant incontestablement maritime. Il s'appelait, me semble-t-il, le Galion, et tout dans sa décoration était en rapport avec ce type de navire. Il y avait des gros filins et cordages en guise de rampes, des sortes de hublots donnant sur la mer (en photo), des ancres peut-être, des voiles, des tentures. Le patron n'était pas pour autant un pirate et il n'y avait pas de malle au trésor cachée dans un coin, même si mon imagination a tendance à en rajouter pour combler les trous dans mon souvenir incertain du lieu.
J'aime toujours ce genre d'endroits, comme le bistrot A l'Éléphant qui se trouvait Boulevard Beaumarchais, non loin de la Bastille, dont le décor était aussi assez obsessionnel, systématiquement en rapport avec le pachyderme (appliques en forme d'éléphant, photos d'éléphants, éléphants sculptés en frise au-dessus du bar – l'ai-je rêvé ? –, éléphants minuscules sur les serviettes?, etc.). Je ne sais ce qui avait motivé les propriétaires, un mixte de la légende (ou de la véridique anecdote?) de l'éléphant s'étant échappé d'un cirque (le Cirque d'Hiver tout proche?) et de l'éléphant ayant autrefois existé, en plâtre, éphémère, sur la place également toute proche de la Bastille, ce même éléphant à l'abri duquel Gavroche se cache dans les Misérables de Victor Hugo... Il a été effacé en tout cas, lui aussi.
Ces lieux à thème décoratif poétique ont tendance décidément à disparaître, emportés par un asséchement imaginatif caractérisé propre aux nouveaux commerçants dont les mentalités volent au ras des pâquerettes. Le Galion, qu'en reste-t-il aujourd'hui? Rien du tout. Un restaurant turc a pris sa place et je gage qu'on y rêve beaucoup moins... C'était rue du Faubourg Saint-Denis, dans le 10e arrondissement...
Le Galion était à l'emplacement de l'actuel Grill Istanbul, sur la gauche de la photo (sous la flèche), tout près de la Gare de l'Est. Photo Bruno Montpied, octobre 2024.
18:27 Publié dans Art immédiat, Paris populaire ou insolite, Questionnements, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : le galion, restaurants parisiens aux décors poétiques, obsessionnalité, éléphants, thème maritime, a l'éléphant, boulevard beaumarchais, bastille, cirque, évasion d'animaux, décors poétiques, imagination en berne | Imprimer
30/11/2019
Info-Miettes (35)
Dominique Lajameux à la Fabuloserie-Paris
Dernière exposition à la Fabuloserie de la rue Jacob (qui se termine le 7 décembre, dépêchez-vous...), une dessinatrice de première force, très sensible, très acharnée, inconnue de moi jusqu'à présent. Elle a déjà été exposée dans le cadre de différents festivals d'art singulier, chez Hang-Art ou à la galerie Polysémie notamment. Le carton d'invitation sur le web ne nous en dit pas grand-chose, en dehors d'un beau texte poétique de l'artiste. A voir et à découvrir en tout cas.
D.Lajameux
La compagnie l'Excentrale...
Le terme de "Massif excentral" que j'avais inventé naguère pour une série de notes sur divers lieux, facéties et créateurs insolites du Massif Central a été repris, avec mon blanc-seing, par de jeunes musiciens auvergnats qui se sont réunis, en plusieurs groupes, dont un, les Tzapluzaires, fait également écho à une autre de mes anciennes recherches, et sous la bannière, si j'ai bien compris d'une seule compagnie, l'Excentrale. Plus de renseignements sur leurs concerts, les groupes, les tournées, voir ce lien...
Par ailleurs, les Tzapluzaires collaborent de temps à autre avec le violoniste Jean-François Vrod, dont j'ai eu l'occasion de citer son intérêt pour diverses formes d'art brut ou singulier populaire, dans une note de ce blog, en 2012...
Mariage musical avec une taille de bois...
Un surréaliste peu connu d'après-guerre, Pierre Jaouën
J'ai rencontré il y a plusieurs années Anne-Yvonne Jaouën, qui était une amie du critique d'art Charles Estienne. Elle avait été amenée à héberger dans sa maison de famille à Ploudalmézeau certains des artistes (notamment Krizek) qu'Estienne, critique d'art proche des surréalistes, invitait à séjourner dans la région finistérienne chez lui à Argenton. Des artistes (ceux que je préfère) tels que Toyen, Krizek, Fahr-el-Nissa Zeid, ou Marcelle Loubchansky, ou bien (je les goûte moins) René Duvillier, Jean Degottex, Serge Poliakoff, tous visiteurs que certains historiens de l'art moderne ont rangés par la suite sous l'étiquette d'"Ecole des Abers", du nom de ces bras de mer qui découpent la côte dans cette région. Anne-Yvonne, après m'avoir montré des peintures magnifiques qu'elle possédait de Toyen (des vues des bords de mer appelés estrans revisités par l'imagination picturale de l'artiste tchéque), me parla de son frère qui était peintre, mais elle ne me montra aucune reproduction de son œuvre. Un jour, simplement, en feuilletant la revue Le surréalisme même (n°2, 1957), je suis tombé sur un dessin (encre?) de ce frangin, prénommé Pierre.
Je la trouvais intéressante, mais si seule, oubliée ainsi dans un coin de la revue, n'ayant pas nécessité plus de prolongement, du coup, je ne m'appesantis pas davantage. Voici que l'occasion est donnée d'en apprendre plus sur le talent de cet artiste discret, peu mis en lumière par l'histoire de l'art moderne (cependant, on lira l'intéressante notice insérée sur Wikipédia, très complète, qui parle de lui et des peintres défendus par Charles Estienne). Il fait un peu partie de cette famille de peintres ou poètes qui vivaient dans le sillage du surréalisme après-guerre, abritant leur talent dans une ombre nécessaire, comme Jacques Le Maréchal, ou Yves Elléouët, ce dernier étant un proche de Jaouën, comme me l'a signalé Marc Duvillier, spécialiste des artistes d'Argenton apparemment...
Une page extraite du livre d'artiste Mélusine d'emmanuelle k. (pseudonyme voulu sans majuscules) et Pierre Jaouën, image copiée du film Mélusine (38 min.).
La galerie Hébert en effet, 18, rue du Pont Louis Philippe, près du métro Saint-Paul à Paris, héberge une exposition des planches d'un livre commun d'emmanuelle k. et de Pierre Jaouën (disparu en 2012), dont le texte a donné également lieu à un "oratorio pop" avec la participation des jazzmen Emmanuel Bex, Simon Goubert et François Verly (il existe un coffret avec DVD d'un film sur le livre, CD de cet oratorio et un livret). Ce livre est une réussite dans le domaine du livre d'art, ne serait-ce que par l'harmonie, la fusion de la disposition typographique avec les structures portantes, aquarellées, de Pierre Jaouën, qui rappelle, quoique dans un autre ordre d'idées au point de vue thématique, les livres de Guy Debord et d'Asger Jorn. Mais, même s'il est donné ici d'en voir un peu plus sur cet artiste qui se révèle, par prédilection semble-t-il, un paysagiste "abstrait", on aimerait que la même galerie ait l'idée de nous proposer par la suite une exposition entièrement et seulement consacrée à lui.
Expo du 27 novembre au 15 décembre 2019.
Un nouveau label dans le genre "prise de tête", les arts "situés"... A traduire du belge
"COLLOQUE : PENSER LES ARTS SITUÉS, 04, 05 & 06 décembre 2019. Cité Miroir - Espace Francisco Ferrer - ULiège - Accès libre"... voici l'annonce que j'ai reçue ces jours-ci en provenance de l'anciennement nommé MadMusée de Liège. Car ce musée, décidément pris d'une fièvre onomastique incontrôlée, a décidé aussi de se débaptiser et de s'appeler désormais Trinkhall... Pourquoi pas? D'autant qu'ils ont désormais un nouveau bâtiment avec 600 m2 de surface pour exposer au mieux les oeuvres (souvent fort intéressantes) produites par différents handicapés mentaux (et trinquer dans le hall?). Mais pourquoi ce nouveau label d'"art situé"? Totalement ésotérique, si ce n'est parfaitement creux? Voici le laïus qui est servi par le musée pour expliciter, si possible le nouveau label:
"La notion d’arts situés définit la politique muséale du Trinkhall. Elle repose sur un mode de perception et de compréhension des œuvres qui intègre la dimension fondamentale de leurs environnements : une œuvre d’art est un système de relations localisées dont l’expression esthétique est le moyen et l’effet. Toute œuvre d’art, en ce sens, est située. Mais certaines, plus que d’autres, étant donné leur apparente singularité ou leur relative marginalité, font entendre plus fortement la voix de leur situation."
4e Biennale de l'Art Brut: Théâtres, à la collection de l'Art Brut à Lausanne, avec entre autres Ni Tanjung...
Du 29 novembre 2019 au 26 avril 2020, prend place une 4e biennale thématique à Lausanne, après "Corps", "Véhicules" et "Architectures". Cette fois, c'est le "théâtre" au sens de "performances", analogies avec les marionnettes, voire déguisement... La référence en creux au théâtre d'ombres indonésien du Wayang kulit a par exemple incité les commissaires d'exposition à y exposer Ni Tanjung à laquelle le LaM avait déjà pensé dans le cadre de son exposition "Danses".
Georges Bréguet, l'anthropologue suisse qui s'est instauré protecteur de Ni Tanjung, la faisant connaître en Occident, 28 novembre 2019.
Anselme Boix-Vives en visite en Suède
Information tardive! Boix-Vives n'en finit pas de voyager à travers le monde. Une exposition lui a été consacrée du 26 mai au 15 septembre dernier avec la complicité du Centre Vendôme pour les arts plastiques au musée d'art d'Uppsala, en Suède donc... La manifestation comprenait 140 peintures et dessins ainsi que – chose inédite – quelques œuvres de ses petits-enfants Philippe et Julie Boix-Vives.
Julie Boix-Vives, la danse des échelles ; on est loin de l'œuvre du grand-père...
Et Anne-Marie Vesco, vous connaissez?
Anne-Marie Vesco, Tête de profil, A-M.Vesco, huile et pastel sur paper, 78 x 63 cm, 2003.
Cette artiste dessine fort bien les éléphants. C'est déjà un bon point pour elle. Elle expose bientôt du 3 au 15 décembre dans une galerie, Le Génie de la Bastille (126 rue de Charonne dans le XIe ardt parisien), des petits formats. Vernissage samedi 7 décembre de 16 à 20 h et finissage dimanche 15 aux mêmes horaires. La Bastille...? Il y a encore un rapport avec les éléphants en plus (voir Hugo et son Gavroche).
Anne-Marie Vesco, des mini formats...
20:34 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art singulier, Musiques d'outre-normes, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lajameux, fabuloserie-paris, l'excentrale, tzapluzaïres, massif excentral, pierre jaouën, arts situés, trinkhall, ni tanjung, collection de l'art brut, biennale théâtres, georges bréguet, boix-vives, anne-marie vesco, éléphants, toyen, krizek, fahr-el-nissa zeid, charles estienne | Imprimer
23/12/2018
Paradis perdus, une énigme iconographique
Je ne crois pas avoir déjà fait une note sur le tableau naïf anonyme ci-dessous, acquis il n'y a pas si longtemps à la défunte Foire de la Bastille qui était partie au Champ de Mars, puis derrière le château de Vincennes, avant d'être virée pour de bon (merci, Mme Hidalgo...)...
Anonyme, Adam et Eve chassés du paradis, avec Dieu qui joue du balai avec une branche (c'est en fait un chérubin, voir commentaire), des inscriptions bibliques: "Le serpent t'écrasera la tête", "tu enfanteras dans la douleur", "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front"...), un poisson collé en bas à gauche, placé donc en dehors du paradis, sans explication..., huile sur toile, 23 x 41 cm, sans date ; coll. et photo Bruno Montpied.
Il y avait un éléphant violet au paradis donc, m'étais-je dit, en le contemplant. J'aime bien le rendu simplissime des personnages, la vision du jardin riant d'où le père Dieu en robe blanche chasse les deux amants sans ménagement, et eux qui ont l'air de gambader, plutôt que d'accuser le coup...
Et je l'avais rangé dans ma collection d'œuvres naïves anonymes, un beau spécimen, trouvé-je... Jusqu'à ce qu'aujourd'hui, en fouillant dans des publications liées à ce qu'on appelait, autour des années 1950, "l'art psychopathologique", à une époque où les médecins cherchaient à mettre en évidence des caractéristiques stylistiques inférées par les différentes maladies mentales chez leurs patients s'exprimant artistiquement, je finisse par tomber, stupéfait, sur une œuvre que j'avais oubliée, un dessin aux crayons de couleur, splendide, dû à un certain "Louis G.B.", comme l'appelle Robert Volmat dans ses livres, comme par exemple L'art psychopathologique, paru au moment de la grande exposition de Ste-Anne consacrée à l'art asilaire international, ou bien dans un de ces fascicules édités par les laboratoires Sandoz sur tel ou tel dossier interrogeant les rapports entre l'art et la maladie mentale... C'est dans un de ces fascicules, précisément, que se trouvait la reproduction de l'œuvre en question.
Louis B.G., Adam et Eve chassés du Paradis terrestre. Extrait du fascicule Sandoz sur les Expressions plastiques de la folie, 1956 (le nom de l'auteur n'est pas donné dans le fascicule mais dans le livre de Volmat paru en 1950) ; si l'on compare avec notre première image, les paroles bibliques sont recopiées comme dans l'autre tableau ; l'objet que Dieu brandit ressemble davantage à une sorte de rayonnement qu'à une "branche" (en réalité, si l'on s'en rapporte au récit de la Genèse, il s'agit une épée flamboyante que tient un chérubin, voir commentaires ci-après, c'est vrai qu'on discerne la poignée et la garde de l'épée...) ; le style est plus graphique que pictural ; le personnage en haut à droite, qui paraît s'enfoncer dans le sol, dit:"Regrets éternels" (comme un commentaire, de l'auteur du dessin lui même?)... Le dessin n'est pas daté, il provenait à l'époque de la collection du Dr. Jourdran (de Saint-Egrève, en Isère) et avait donc pu être exécuté longtemps avant les années 1950.
Et voici, au verso de la reproduction, la notice de Robert Volmat au sujet du dessin et de Louis B.G. (1956).
Très frappante – non? – est la confrontation avec le tableau que je possède donc. On se dit dans un premier temps que l'un a copié sur l'autre (plutôt le mien, du reste ?). Ce pourrait être, me dis-je même, un autre cas de démarquage d'une œuvre naïve par un autre Naïf, comme j'en ai déjà rencontré un exemple avec cette version ultra réduite (comme on dit d'une tête qu'elle a pu être réduite par les Jivaros, ou réduite à la cuisson...) de la Carriole du père Junier du Douanier Rousseau, que j'ai un jour acquise avec amusement auprès d'un camarade brocanteur.
Anonyme, la Carriole du père Junier, copie simplifiée d'après Rousseau (notamment avec une réduction de personnel)..., sans date, peinture sur bois, ph. et coll B.M.
A comparer avec ...
Henri Rousseau, dit "le Douanier", La Carriole du père Junier, 97 x 129cm,1908 ; Musée de l'Orangerie.
Mais à bien y réfléchir, on finit par se dire que ce serait tout de même très étonnant qu'il ait pu y avoir rencontre entre ces deux individus, dont l'un était enfermé dans un asile (depuis 1917), souffrant d'une maladie de la persécution (selon Volmat). A moins qu'on imagine un infirmier, tâtant du pinceau en amateur, et s'inspirant du dessin aperçu par dessus l'épaule de son patient... Très improbable... On se représente la rareté de la situation. Ou alors, pourrait-on imaginer un peintre naïf passant en 1950 à la célèbre exposition de Ste-Anne et recopiant en croquis d'abord, puis en peinture, le dessin aux crayons de couleur de Louis B.G....?
Mais il me paraît plus plausible d'imaginer une source iconographique commune aux deux compositions. Reste à trouver laquelle. J'ai un peu cherché, mais pour le moment je suis revenu bredouille. Encore une énigme à faire démêler par les lecteurs, s'il en croise encore par ici...
Et, ci-dessous, voyez ces deux autres dessins de "Louis B.G.", qui ont aussi l'air tous les deux d'être tracés aux crayons de couleur, en dépit des reproductions en noir et blanc, et toujours d'inspiration religieuse, thématique qui paraît être une marque de fabrique de l'auteur...
Louis B.G, Le Sacré-Coeur de Jésus, crayons de couleur sur papier (probablement), sd, sans dimensions, reproduit dans l'Art psychopathologique de Robert Volmat, 1950 ; à noter en bas un détail reproduisant les paysans de l'Angélus comme chez Millet...
Louis B.G, Vive le Christ-Roi, crayons de couleur sur papier (probablement), sd, sans dimensions, reproduit dans l'Art psychopathologique de Robert Volmat, 1950 (alliance du sabre et du goupillon?).
21:01 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art naïf | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : anonymes naïfs, art brut, art psychopathologique, robert volmat, hôpital ste-anne, expressions de la folie, louis g.b., le douanier rousseau, la carriole du père junier, foire de la bastille, adam et eve, paradis, dieu, éléphants | Imprimer
05/06/2017
Ce blog a dix ans jour pour jour ce 5 juin : grand rassemblement d'éléphants de tous poils pour fêter l'événement, et en hommage précoce à un certain "Gazouillis" à venir bientôt...
Les éléphants sont étonnants. Les éléphants sont intrigants.
Ils ont des nez très longs, des airs pachydermiques (et pour cause), des grosses pa-pattes avec des gros ongles et le dessous des pieds plat. Deux grandes quenottes qui leur sortent des deux côtés de la bouche, que toute une série de gens mal intentionnés veulent leur arracher. Des portugaises comacs pour ceux d'Afrique, mais plus riquiqui pour ceux d'Asie, qui me font penser à des feuilles de choux.
André Robillard, un éléphant dafrique (sic ; cette bête-là a dû être coupée avec un cocker on dirait), env. 40x50cm, coll. et ph. Bruno Montpied.
Sandy Calder, un éléphant de bronze en mobile, 1973.
Ils ont la peau rugueuse, paraissant avoir des milliers d'années, comme une peau fossile. Des airs de vieux, vieux sages revenus de tout. Il ne faut cependant pas leur courir sur le haricot, ils s'énervent facilement. Et en même temps, ils sont attentionnés avec leurs cornacs, qui leur peignent dessus parfois (c'est du plus bel effet, ils devraient être tout le temps peints).
Ils marchent avec des airs balourds, l'air grommelant de traîneur de savate.
L'éléphant fascine petits et grands. Il y eut Babar bien sûr (voir ci-contre un exemplaire par le sculpteur naïvo-brut Joseph Donadello (en Hte-Garonne), ph. B.M., 2008). Et des jouets (voir ci-dessous un à roulettes ayant appartenu à un rassemblement d'objets du brocanteur Philipe Lalane), des éléphants de dessin animé et de publicités improbables...
Poupée-éléphant, peut-être d'origine ukrainienne, ph. et coll. B.M.
Le Jardin d'Acclimatation, Constructions enfantines, cadeau du magasin Le Bon Marché (merci à Guillaume pour la permission de photographier la chose), ph.B.M.
Vu à Lille dans une brasserie, reproduction d'une ancienne affiche publicitaire, où l'éléphant chasse les moustiques en courant, ph.B.M.
Affiche de Capiello reproduite sur le blog Les Beaux dimanches de Laurent Jacquy
Affiche "l'orchestre des éléphants", F Appel, 1890.
L'éléphant est tellement sympathique et fort, avec une réputation de mémoire légendaire que les publicitaires et inventeurs de logos ont bien souvent songé à lui...
Cherchez-le, ici en logo d'une société de transport (en Lorraine?) qui cherche à donner une image de force et de puissance, ph. B.M.
Mais ceux qui ont adoubé le pachyderme qui hante nos rêves restent avant tout les artistes, les créateurs anonymes et populaires, naïfs, les enfants aussi qui adorent "croquer" les éléphants, et puis, au bout de la chaîne, ceux qu'on a appelés tour à tour inspirés du bord des routes, habitants-paysagistes ou créateurs d'environnements spontanés. Ces derniers en sèment très souvent dans leurs jardins, soit dans un recoin de l'espace dont ils disposent entre habitat et route, soit en majesté avec toute la lumière désirable braquée sur eux... Tant et si bien, que, dans le volumineux livre que je vais faire paraître aux Editions du Sandre en octobre prochain, intitulé de façon cohérente Le Gazouillis des Eléphants, qui est une tentative d'inventaire des environnements populaires spontanés d'hier et aujourd'hui en France (voir projet de couverture actuel ci-contre), je suis souvent amené à publier de nombreux exemples de cette étrange mascotte des inspirés.
L'éléphant qui gazouille, formule démarquée d'une stèle installée dans la "Seigneurie de la Mare au Poivre" d'Alexis Le Breton à Locqueltas dans le Morbihan, y servira de virgule visuelle, et de métaphore programmatique du propos de l'ouvrage : une défense et illustration de l'imaginaire gracieux des plébéiens bien souvent perçus et méprisés par l'intelligentsia comme des lourdauds et des bourrins de l'art...
Dessin d'enfant d'environ 7 ans, 2011.
Dessin d'Idriss Bigou, un éléphant dont la trompe ressemble à une paille...
Marionnette à fil africaine, coll. Joëlle et Jean Veyret, ph.B.M., 2016.
Cyrille Augeard, Les éléphants, feutres sur papier, 32x45 cm, 2012, atelier La Passerelle, Cherbourg.
Un éléphant représenté sur un vase "aux Chinois", dû à l'artisan Pierre-Innocent Guimonneau de La Forterie, vers 1786, musée de la Reine Bérengère, Le Mans, ph.B.M.
Jean Bertholle, silhouettes en tôle découpée et peinte, montées sur girouette, parc de la Fabuloserie, ph.B.M., 2011.
Eléphant (détouré) du Facteur Cheval, couloir intérieur du Palais Idéal, Hauterives (Drôme), ph.B.M., 2011.
Morris Hirschfield, éléphanteau avec jeune garçon, env. 44 x 22 cm, 1943.
Chez André Hardy, outre une baleine bleue, et divers autres bestiaux, il y avait ce magnifique pachyderme à l'œil extatique, ph.B.M., 2010.
Anonyme, éléphants de la fontaine à Cléon d'Andran (Drôme), ph. B.M., 1994.
Marie-Louise et Fernand Chatelain (Fyé, Sarthe) posant devant l'objectif de Clovis Prévost ; derrière on reconnaît les éléphants de la fontaine de Chambéry, celle des "4-100-Q".
L'éléphant de la fontaine de Chambéry, en effet dépourvu d'arrière-train...
Quelquefois, c'est la nuit qu'ils surgissent, travestis en buissons, et arpentant la ville comme des fantômes...
Art topiaire à Londres en nocturne, photo sans référence transmise par Julia (merci à elle).
Même sur les sablières des églises bretonnes, il arrive qu'on en rencontre...
Sablière d'une chapelle Saint-Pierre (pas plus de référence...).
Le "yarn bombing" (si je ne me trompe pas d'orthographe), cet enrobage de formes en plein air (mobilier urbain, troncs d'arbre...) par d'habilles mains tricoteuses, s'en prend aussi aux pachydermes...
Yarn bombing en Espagne, pas plus de références...
L'homme, à l'évidence, entretient un rapport fusionnel à l'éléphant, qu'on en juge avec cette statue funéraire consacrée à un dompteur et à un dompté :
Tombe d'un dresseur-dompteur au cimetière de Méza Kapi, Riga, ph André Chabot.
Et un éléphant par Yves d'Anglefort, qui se dit "artiste d'art brut" (dans son cas, le terme paraît coller) ; 32x41 cm, technique mixte sur Canson, coll. privée, Grenoble.
Les éléphants sont innombrables. Il faut bien conclure (provisoirement? La suite du feuilleton se proposera-t-elle au prochain anniversaire décennal ?). En attendant cet hypothétique et beau jour, voici un enregistrement où nos héros ne gazouillent pas vraiment... (capté à la Fondation Cartier, enregistrements de Bernie Krause) :
Et encore, un cadeau en sus, la reproduction d'une carte postale peu connue (je ne pense pas que les autres amateurs cartophiles, collectionnant les autodidactes inspirés, à supposer qu'ils la connaissent, l'aient mise quelque part en ligne...) :
L'auteur de ces sculptures sur sable paraît se nommer Winter Duerec (ou Duérée? Ou bien, peut-être plus probablement Querée? Voir ci-dessous dans les commentaires l'hypothèse de Régis Gayraud) : "Artiste autodidacte, modeleur de bêtes sauvages Attention à la nouveauté", est-il proclamé sur la banderole tendue derrière la scène sculptée ; Winter Querée est sans doute l'homme accroupi au centre des animaux féroces (au moins trois félins avec un éléphant, un homme étant sur le point de se faire dévorer...).
00:28 Publié dans Art Brut, Art de l'enfance, Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Photographie | Lien permanent | Commentaires (33) | Tags : éléphants, pachydermes, le gazouillis des éléphants, environnements spontanés, art enfantin, art brut, bestiaire, bruno montpied, inventaire des environnements populaires spontanés, fontaine des 4-100-q, art topiaire, sablières bretonnes, yarn bombing, sculpture sur sable, cartes postales art insolite, winter duerec | Imprimer
11/09/2016
Si Cobra avait connu ce placard publicitaire, il en aurait fait ses choux gras...
Publicité murale, Metz, ph. Beurk-Petersen
Ceci dit, les publicitaires ne sont pas avares d'emprunts au bestiaire, en particulier lorsqu'il s'agit de défendre les vaporisateurs anti-bestioles plus ou moins piqueuses. A côté du cobra, il y eut aussi ce petit éléphant tonique gambadant partout la bombe à la main... Peut-être capable de gazouiller?
Affiche "Geigy", photographiée dans un bar de Lille
16:56 Publié dans Art insolite, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cobra, publicité murale, coïncidences, hasard objectif, affcihes, néocide, éléphants, moustiques | Imprimer
28/07/2016
Le jardin de Tom, Athènes
Photos prises fin juillet 2002 à Athènes. Le jardin de Tom, qui se dit réfugié politique nord-irlandais, est situé dans une petite rue du centre d’Athènes, à Plaka, en retrait de la partie touristique du quartier (Joël Gayraud).
Curieux foutoir, n'est-ce pas? Qui me confirme que se répand de plus en plus la tentation de laisser proliférer autour des lieux d'habitations traditionnels des espaces encombrés de matériaux et d'objets de rebut, plus ou moins organisés (plutôt moins...). L'art s'est perdu en milieu prolétaire. On goûtera cependant l'humour (involontaire?) de la proclamation affichée: "Keep Athens clean"... Et aussi cette autre inscription qui personnellement me ravit, moi qui suis amateur du gazouillis de ces pachydermes : "Parking for elephants only"...
Photo Joël Gayraud, Athènes, 2002.
00:06 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jardin de tom, joël gayraud, athènes, environnements spontanés grecs, environnements accumulatifs, éléphants | Imprimer
26/11/2010
Tristan Bastit, oupeinpien
Je ne connais pas trop les oeuvres de Tristan Bastit, mais je subodore que cela pourrait être intéressant, d'autant que l'Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle) m'ayant toujours éveillé la curiosité, je suppose que l'Oupeinpo (OUvroir de PEinture POtentielle) peut en faire de même. Le dernier carton d'invitation que j'ai reçu pour une de ses expos, intitulée "Saler la soupe", est appétissant. Vernissage demain samedi de 18h à 21h à la galerie associative l'Usine, 102, boulevard de la Villette à Paris.
L'expo ne dure pas longtemps. Elle se clôt le 4 décembre avec un vernissage de fermeture, où viendra officier Pascal Varejka, pour parler d'éléphantologie ; on le sait déjà éminent spécialiste des "éléphants d'Europe"...
Moi aussi j'aime beaucoup le thème des éléphants, il m'arrive même de les entendre gazouiller plus souvent qu'à mon tour...
Stèle gravée par Alexis Le Breton, Bretagne, ph. Bruno Montpied, 2010
10:39 Publié dans Art moderne ou contemporain acceptable | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tristan bastit, galerie l'usine, oupeinpo, peinture avec contraintes, pascal varejka, alexis le breton, éléphants | Imprimer