17/01/2019
En faisant la manche avec des enfants
C'est pas drôle de se retrouver à la rue, surtout avec ses enfants. En août de l'année dernière, un de mes correspondants a photographié à Nancy un dessin, tracé peut-être avec une craie, à même le trottoir, par une certaine "Jess", visiblement destiné à atténuer la misère de la situation, et à tenter d'égayer les enfants qui accompagnaient cette mère à la rue. Voici ce que me dit ce correspondant:
"Durant quelques jours une femme faisait la manche avec ses enfants à cet endroit et a dû y laisser l'expression de son passage. Elle est quasiment effacée aujourd'hui."
Ça me fait repenser à ce que je me dis souvent. Pourquoi les gens qui font la manche sur les trottoirs ou dans le métro n'essayent pas plus souvent, comme certains qui font de la musique, de proposer à la vente des œuvres dessinées ou peintes (c'est silencieux en outre, et parfois, c'est pas du luxe, tout le monde ne maniant pas la musique avec talent...)?
Dessin sur trottoir, vu depuis les spectateurs, photo Jérôme Balezo, Nancy, août 2018...
...Et, retourné, vu depuis l' (les?)auteur(s?) du dessin, "Jess" et ses enfants, un cœur ailé, une tortue, des hirondelles, un croissant de lune, des fleurs... ph. Jérôme Balezo, Nancy, 2018.
Je ne connais qu'un cas de mendiant dessinateur, c'était dans le métro, du côté de Montparnasse, et il s'appelait Charles Daucin, dit "Charlemagne", sur qui Bernard Coste (du musée du Veinazès dans le Cantal) a écrit un bout de journal de sa rencontre avec lui vers 2001 (il faudrait que je le publie, ce texte, du reste) et dont le bulletin de Denis Lavaud, Zon'Art, parla vers 2002-2003 dans son numéro 8. Voici le genre de dessin qu'il faisait, avec des feutres ou un simple stylo à d'autres occasions (j'en ai déjà parlé si on veut bien se souvenir...):
Charles Daucin, sans titre, feutres sur papier, coll. Musée du Veinazès, ph Bernard Coste, 2001.
00:21 Publié dans Street art marginal (art de rue sauvage) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art de rue, dessins sur trottoir, manche et expression populaire, charles daucin, charlemagne, art de sdf, musée du veinazès | Imprimer
18/12/2013
Charles Daucin, l'art souterrain
Il y a quelques années, au début des années 2000, plusieurs amis et relations avaient attiré mon attention par leurs témoignages de rencontre avec un clochard qui hantait un certain couloir de correspondance à la station Montparnasse, entre les lignes 6 (Nation-Etoile par Denfert-Rochereau) et 13 (St-Denis-Châtillon-Montrouge). Ces témoignages campaient un clochard dessinateur qui vendait à l'occasion ses petites productions aux (apparemment rares) passants intéressés. Le fanzine Zon'Art de Denis Lavaud avait publié trois pages illustrées de quatre dessins qu'accompagnait un texte d'"Eric G." dans son n°8 (automne-hiver 2002-2003). Un dessinateur mendiant dans le métro parisien, je trouvais ça extrêmement rare -et je dois dire que cela fait des années que je me demande pourquoi on n'en rencontre pas plus étant donné que cela pourrait représenter une possible source de revenus pour ces personnes en difficulté, tout aussi valable que le fait de faire de la musique, forme d'expression ultra majoritaire dans le métro au contraire.
Charles Daucin, alias "Charlemagne", un couple et leur fille, un avion, une barque parachutée, des soleils partout..., 2002, coll. Musée du Veinazés (dans la Châtaigneraie cantalienne) ; à noter que la photo ne montre pas le dessin complètement, à gauche il y a vraisemblablement une bande violette qui entoure les saynètes centrales, constituant le cadre par lequel le dessinateur semblait toujours commencer son dessin
Charles Daucin, alias "Charlemagne", couple de part et d'autre d'une voiture, maison, 2001
Charles Daucin était le nom que donnait Eric G. dans Zon'Art. Ce dernier décrivait les dessins qu'il présentait comme étant "toujours vendus par 4". Cela semblait être des sortes de séries, représentant la plupart du temps sur deux niveaux les mêmes saynètes, des membres d'une famille se tenant la main, faisant la fête ("les verres n'étant jamais vides", fantasme indépassable du clochard), des véhicules, des arbres, des maisons, des intérieurs d'appartements avec postes de télévision (voir ci-dessus et ci-dessous des exemples).
Charles Daucin dit "Charlemagne", la maison idéale avec poste de télé, les verres jamais vides, le couple faisant la fête... 2002, coll. Musée du Veinazès
Je partis à la recherche de cet homme mais ne le rencontrai jamais, le divin hasard ne voulant pas me favoriser pour ce cas. Mais je ne l'oubliai pas. Le hasard me permit seulement, récemment (2013), les voies de ce dernier étant décidément impénétrables, de tomber sur Bernard Coste et son camarade Jean-Pierre, qui animent dans le Cantal le musée du Veinazès (Emmanuel Boussuge nous en a déjà entretenu si vous vous en souvenez) et passent aussi souvent par Paris. Ils avaient eux aussi dans ces mêmes années 2001-2002 rencontré le fameux Charles Daucin qui signait "malicieusement", écrit Bernard Coste, ses dessins "Charlemagne" (c'est le genre de blague en faveur chez les gueux qui se fabriquent aisément des titres bouffons en rapport avec des royautés imaginaires, inversées..., cela va parfois jusqu'à la sculpture de trônes). D'après les souvenirs de Bernard Coste, ce M.Daucin vendait ses dessins cette fois par 6 et plus par 4 comme à Eric G. Peut-être voulait-il plus rapidement s'en débarrasser. Il lui arrivait apparemment aussi de travailler d'après des commandes et des modèles (des reproductions de tableaux, Munch, une Madone...). Il semble qu'au-delà de 2002, on ne trouve plus de témoignage de la présence de Charles Daucin dans les couloirs du métro à Montparnasse. Sa présence paraît attestée seulement entre 1999 (Eric G.) et juin 2002 (Bernard Coste). Les dessins que je reproduis ci-dessus et ci-dessous (un dessin au sujet plus rare) appartiennent tous à la série de douze dessins acquis par Bernard Coste pour le musée du Veinazès (qu'il en soit donc chaudement remercié ici). Si des lecteurs avaient des informations complémentaires à apporter sur notre héros, qu'ils n'hésitent pas à nous faire part de leurs témoignages.
Charles Daucin, dit "Charlemagne", personnage seul (un fumeur), 2002, coll. Musée du Veinazès
Musée du Veinazès, Lacaze, 15120, Lacapelle del Fraisse (entre Aurillac et Montsalvy), tél. : 04 71 62 56 93 - 04 71 49 25 81. Le musée se visite en été tous les après-midis. Ajoutons que ces dessins de Charles Daucin ne sont pas actuellement accrochés dans les collections visibles du public.
10:10 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Fantastique social | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : charles daucin, "charlemagne", clochards, dessins de clochards, zon'art, eric b., bernard coste, musée du veinazès, châtaigneraie cantalienne | Imprimer