27/09/2015
Marcel Vinsard déterritorialisé à Lyon
Du 28 septembre (demain lundi) au 16 octobre prochain, quelqu'un a eu l'idée de proposer à Marcel Vinsard, l'ex-coiffeur auteur d'un jardin habité d'un millier de sculptures taillées principalement dans le polystyrène qu'il peint ensuite de couleurs vives, dont j'ai déjà parlé sur ce blog, de présenter plusieurs de ses sculptures à Lyon dans une MJC. Cela s'inscrit probablement dans le cadre de la prochaine Biennale Hors-les-Normes qui régulièrement (tous les deux ans donc) présente dans plusieurs locaux éclatés un peu partout dans la ville des expos, conférences et autres projections ou manifestations diverses sur le thème des arts bruts et apparentés ("outsiders" pour parler comme les Américains). Si j'ai le temps, je tacherai d'y revenir, car d'autres expos cette année là-bas méritent qu'on en parle et peut-être aussi qu'on s'y transporte.
Marcel Vinsard lisant studieusement un ouvrage d'art, ph. Bruno Montpied, 2013
Marcel Vinsard est un cas à part parmi les créateurs d'environnements. Moi qui n'aime pas trop employer le terme d'artistes à tort et à travers en évoquant les auteurs populaires de jardins naïfs et fantastiques, puisqu'ils ne sont pas des professionnels de l'art, n'en vivant pas, ne se situant pas par rapport à ce qui se fait dans le spectacle et l'histoire de l'art, participant d'une culture autre, relevant en fait de la culture de masse (télé, bd, pubs, media) où surnagent parfois des bribes des anciennes traditions rurales, avec Vinsard, je dois reconnaître que ce recordman de la quantité de statues installées dans un jardin entre habitat et route aime à se confronter à certains artistes reconnus. Il l'annonce sur des divers panneaux autour de sa maison, chez lui, on trouvera du Braque, du Picasso (voir ci-dessous une "poupée" d'après Picasso), du Giacometti, des Uriburu (qui est nettement moins connu celui-ci) qu'il expose comme des articles destinés à prouver la dextérité de son insolite artisanat. Il ne fait pas que ça, loin de là, puisqu'il en était en décembre dernier à 1000 pièces, mais il ne dédaigne pas de se laisser photographier en train de feuilleter un livre d'art, l'air de rien...
Le voici donc extrait de son jardin de Pontcharra en Isère, ses œuvres légères du fait de leur matériau à la fois ductile et peu dense le permettant tout à fait, et le suggérant même, même si ce ne fut pas le mobile premier de leur réalisation. Lorsque je l'ai visité en 2013, il avait des difficultés à donner un prix possible devant mon désir d'acquérir une de ses pièces. Qu'en sera-t-il à la MJC de Monplaisir (la bien nommée)?
Cependant, que voici un drôle d'artiste, que j'aimerais bien voir au milieu des cénacles de rapins lyonnais. Il y aurait des chances que, toutes proportions gardées bien entendu (faut pas exagérer en effet), ce genre de réunion risquerait de tourner en eau de boudin, du genre banquet du Bateau-Lavoir avec Picasso (justement) recevant le Douanier Rousseau, avec peut-être quelques malentendus à la clé...
Marcel Vinsard, De Gaulle perdu dans la foule des "modèles" de l'ex-coiffeur, ph. et coll. BM, 2013
Exposition Marcel Vinsard, MJC Monplaisir, 25, ave des Frères Lumières, Lyon 8e ardt, tél: 04 72 78 05 75. Gratuit, ouv tlj de 9h à 21h.
17:17 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art singulier, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marcel vinsard, environnements spontanés, art sans artistes, mjc monplaisir, biennale hors-les-normes de lyon 2015, picasso, uriburu, culture de masse, giacometti, de gaulle | Imprimer
03/02/2015
Marcel Vinsard de Pontcharra, le site aux mille "modèles"
Site de Marcel Vinsard, épris de gigantisme à la Giacometti, et boulimique de la déco brute de jardin, ph. Bruno Montpied, 2013
Marcel Vinsard, dont j'ai visité avec un camarade en juillet 2013 l'environnement bourré de statues en majorité taillées dans le polystyrène et violemment colorées, avait alors atteint le respectable chiffre de 650 "modèles" comme il dit, et comme il le proclamait sur des panneaux multiples en devanture de sa propriété, visibles des passants sur la route. Je me doutais qu'il allait bien vite atteindre les mille vu l'allure soutenue qui était la sienne...
Panneau à l'entrée du site de Marcel Vinsard, ph. BM, 2013
Eh bien, c'était chose faite fin décembre 2014, comme il me l'a fièrement annoncé par téléphone. Car c'est un homme qui aime les records comme du temps où léger comme une plume il escaladait en vélo les cols de sa région en cyclotouriste conséquent.
Chez Marcel Vinsard, ph BM, 2013
Le mot de "modèles" lui vient apparemment de son ancien métier de coiffeur ("coiffeur qui rase les murs et frise la neurasthénie", comme il est inscrit sur un panneau en bordure de son chemin d'exposition - voir ci-dessus), car il lui servait d'exemples de coupes à proposer à ses clients. Seulement, en l'espèce, avec sa galerie en plein air de trognes et personnages hétéroclites, figures connues de lui dans sa région ou vedettes du cirque audio-visuel, c'est à une autre sorte de modèles qu'on se trouve avoir affaire, une fois qu'on a pénétré dans sa propriété, où ils s'exposent en une longue perspective à peine tempérée par la présence de grands arbres ou de massifs de fleurs, de la route jusqu'à son habitation, un chalet en rondins comme dans les alpages... Sans qu'on sache si l'auteur nous les propose en exemples (des modèles... de vertu?) à copier, ou simplement en effigies faites pour amuser (cette deuxième hypothèse restant la plus probable).
Marcel Vinsard, skieur et autre épouvantail, soleil, figures fantaisistes diverses... Ph BM, 2013
Ce créateur a été très peu repéré jusqu'ici. Bien sûr on le connaît localement, des télés régionales sont venues le voir (on sait que ce sont les journalistes localiers qui repèrent toujours en premier les faiseurs d'environnements insolites). Aujourd'hui, internet a pris le relais de surcroît, YouTube ou Dailymotion y vont de leurs vidéos plus ou moins abouties techniquement. A tel point qu'en restant chez soi, sans sortir de son fauteuil (bonjour les tours de taille qui s'arrondissent du coup!), en se servant de cet outil merveilleux mais aussi diabolique qu'est l'ordinateur (avec Google Street par exemple, on peut se balader virtuellement un peu partout ; plusieurs sites y sont mentionnés et visibles, de façon volontaire ou involontaire), on peut trouver les mêmes environnements d'art brut ou naïf qu'on aurait dû mettre auparavant des années à découvrir en parcourant la France avec ses petits pieds et sa voiture.
Marcel Vinsard, Gérard Depardieu, la photo de référence et l'œuvre qui en a dérivé, muséographie souvent réitérée dans le décor de la vie de Vinsard, ph BM, 2013
Marcel Vinsard, Einstein..., ph BM, 2013
Marcel Vinsard est un personnage survolté, affable, en recherche de visiteurs. Il ne cesse de faire sa publicité par tous les moyens. Il appelle à tour de bras, sans craindre à un âge pourtant avancé de voir un jour l'affluence des amateurs en tous genres l'envahir et le submerger... Il ne cesse de produire une œuvre aux thématiques variées. Il se présente capable de produire du "Giacometti", du "Uriburu" (connais pas...), du "Braque", du "Moligliani", qu'il ne néglige pas de signaler, au cas où on en aurait douté, comme des "copies"... Bien sûr, le tuyau télévisuel qui cascade dans tous les logis de France ne l'a pas épargné, et comme ailleurs lui fournit une matière abondante pour son inspiration. Hommes ou femmes politiques (François Hollande - voir ci-contre - Sarkozy, l'abbé Pierre, Bernadette Chirac, le président chinois Hu Jintao), vedettes du show-business (Coluche, Gérard Depardieu), personnages du cinéma (Shrek), vedettes des arts ou de la science (Einstein -voir ci-dessus- une poupée de Picasso, la Joconde... qu'il a installée dans son propre lit...), des figures populaires (l'homme le plus grand du monde, l'homme le plus petit...), qu'il mêlera volontiers à l'évocation de figures d'amis ou de proches de sa famille.
Dans la cuisine de Marcel Vinsard, évocations de sa famille dont celle de sa femme avec sa photo incrustée dans la sculpture (derrière le buste de "Kiki Vinsard") et placée tout près de la photo de Marcel son époux, ph. BM, 2013
Et parmi ceux-ci, au premier rang, trône dans son cœur le souvenir de sa femme disparue trop tôt, blessure affective inguérissable. Dans sa cuisine, bourrée comme les autres pièces de sa maison de statues proliférant sans contrôle, la figure de sa femme, sa photo et sa statue, apparaît posée sur un buffet telle une icône vénérée sur un autel d'église. On sent bien que cette perte l'a touché cruellement, et l'on ne peut s'empêcher de penser que la foule des statues colorées, pleines de joie de vivre, a accouru chez lui, dans son jardin et sa demeure, pour lui faire escorte, et plus encore, pour le soutenir dans son deuil et pallier à sa solitude, boucher le manque...
Marcel Vinsard, l'entrée du châlet, la foule des œuvres... Ph. BM, 2013
Et tiens, pour conclure ici provisoirement, une question. En combien de temps ce site que je vous révèle ici va se retrouver sur les blogs d'Henk van Hes et de Sophie Lepetit, hein? Top départ (mais y a rien à gagner)...
10:35 Publié dans Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marcel vinsard, environnements spontanés, pontcharra, isère, polystyrène, cyclotourisme, giacometti, modèles, hu jintao, bernadette chirac, coluche, gérard depardieu, einstein, culture de masse, coiffeur | Imprimer