31/08/2013
Poésie en plein ciel (les épis de faîtage de la Creuse et autres créations populaires de plein vent)
Jusqu'au 22 septembre prochain, continue de se tenir l'exposition "Entre Terre et Ciel, les Epis de Faîtage en Creuse" à La Tuilerie de Pouligny (écomusée), en Limousin.
C'est Mme Andrée Clavaud qui paraît être l'inspiratrice souterraine de ce rassemblement basé sans doute sur sa collection, ses archives photographiques et autres. Elle avait déjà eu l'occasion de présenter une partie de ses collections dans un numéro ancien (le n°8 de juin 2004) du bulletin des Maçons de la Creuse, bulletin qui par ailleurs délivre régulièrement d'autres livraisons qui parlent de la créativité populaire en Creuse et au delà (voir par exemple ma note récente dans son n°15 sur les environnements populaires avant le Facteur Cheval et sur le petit musée de René Montégudet à Lépinas, articles rédigés par mézigue)¹.
Un gendarme perché sur un faîtage
Dans la balade proposée dans cet écomusée (dirigé par Pierre Veysseix), on prendra note entre autres de la reconnaissance affichée par les concepteurs de l'exposition à un potier de Mortroux dont on a gardé le nom, Henri Renty, créateur d'épis de faîtage anthropomorphes aux faciès et aux attitudes humoristiques et naïves. Andrée Clavaud dans son article du Bulletin des Maçons de la Creuse, de son côté, désignait amusée diverses représentations masculines pourvues sans fard de leurs membres virils et plantées au sommet de quelques maisons creusoises (voir ci-contre).
Mais sans focaliser outre mesure sur ces figurations humaines, on peut aussi admirer la poésie de ces épis outrepassant largement leur fonction originelle (ils étaient "placés sur le poinçon du faîte des toitures pour en garantir l'étanchéité", nous susurre un commentaire technique) en montrant par exemple des empilements de fruits, comme dans l'image ci-contre, devenus sculptures ou architectures baroques en plein ciel, incongrues sur le toit des maisons françaises, presque arcimboldesques, ouvrant l'esprit à d'autres perspectives quant au style de décors que l'on peut souhaiter pour son habitat. Ces fabricants d'épis de faîtage étaient des anti-fonctionnalistes avant la lettre.
Edition Lieux Dits
On aura tout intérêt à prolonger la recherche de cette poésie de plein vent en allant compulser l'instructif catalogue, Compagnons Célestes, qui accompagnait une autre exposition plus ancienne, intitulée "Compagnons célestes, épis de faîtage, girouettes, ornements de toiture", organisée à l'écomusée de Rennes du 10 avril 2010 au 3 juillet 2011. Si cet ouvrage est souvent très disert sur les techniques de couverture, et autres installations d'épis de faîtage en zinc, plomb ou terre cuite, dans un langage malgré tout accessible et clair, on découvre cependant au fil de ses pages toutes sortes de surprises. Les pièces photographiées sont essentiellement localisées en Bretagne, certaines provenant de collections publiques comme celle du musée du Vieux Château à Laval qui possède de fort belles girouettes peintes, rarement montrées faute de place (quelques-unes sont visibles dans ce catalogue). Un collectionneur privé, par ailleurs ancien couvreur, Yves Bellenger-Rouault, a aussi accepté de laisser photographier certaines de ses magnifiques trouvailles récupérées avant qu'elles soient jetées aux orties, semble-t-il. Voir par exemple "l'Allégorie de la Justice" en plomb ci-dessous particulièrement étonnante, en provenance d'un château de la région de Vitré:
Ph. Norbert Lambart, Service de l'Inventaire du patrimoine culturel, Région Bretagne
Le catalogue montre beaucoup d'épis de faîtage bien sûr, dont certains tout à fait inattendus (par exemple la Tour Eiffel ci contre installée sur le faîtage d'une maison de Plerguer en Ille-et-Vilaine qui relève presque de la catégorie des décors d'environnements populaires ; photo Norbert Lambart), mais aussi d'autres décors de toiture que l'on connaît infiniment moins (si j'en excepte mon érudit ami Régis Gayraud qui avait attiré mon attention il y a peu sur ce genre de décor extrêmement original), j'ai nommé les lignolets.
Lignolet sur un toit de maison à Le Mendy (hameau des Monts-d'Arrée), voir Glad, "le portail des patrimoines de Bretagne"
Connaissiez-vous les lignolets? Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à une date récente. Ce sont de petites découpures faites dans les ardoises au faîte de quelques rares maisons en Bretagne. Cela donne des frises qui doivent être très surprenantes quand on ne s'attend pas à voir à cet endroit des images en silhouettes noires se découpant sur le fond du ciel, à la limite de l'hallucination... Surtout qu'elles sont petites apparemment, et, généralement placées en hauteur, donc peut-être difficiles à détailler précisément. Les sujets ont l'air assez variés, des cortèges d'animaux, des blasons, des cavaliers, des scènes de chasse... Bref, une technique de décor narratif en plein ciel tout à fait originale, et inattendue. N'est-ce pas?
Ci-contre quelques images de lignolets tirées du catalogue "Compagnons célestes"...
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¹ Pour obtenir ces bulletins il faut écrire à: "Les Maçons de la Creuse", 2, Petite Rue du Clocher, 23500, Felletin. Tél 05 55 66 90 81 ou 05 55 66 86 37.
17:27 Publié dans Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andrée clavaud, tuilerie de pouligny, épis de faîtage, art populaire insolite, poterie populaire, lignolets, girouettes, musée du vieux château de laval, maçons de la creuse, compagnons célestes, écomusée de rennes, tour eiffel, régis gayraud | Imprimer