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Rechercher : la maison sous les paupières

Naissance de l'Homme Sauvage

    Voici une image qui est à verser au dossier de l'art involontaire, une catégorie qui flirte avec la poésie naturelle sur ce blog. Il m'est revenu qu'il y a plusieurs années une maison de la culture du côté d'Amiens avait concocté une exposition sur ce thème. Les épouvantails y tenaient peut-être une bonne place. Les empilements de bottes de foin y étaient représentés en tout cas à ce que l'on m'avait dit. J'ai eu déjà l'occasion de parler et de montrer des cas d'art involontaire ici, les doudous par exemple, ou certains objets emballés sans intention artistique. Cela n'est au fond qu'une variante des ready-made chers à Marcel Duchamp.

Naissance de l'Homme Sauvage, photo Bruno Montpied, 2008.jpg
Photo Bruno Montpied, Viry-Noureuil, 2008

    Cette apparition cornue paraît figurer la naissance d'un géant, quelque "Meurt-de-faim", quelque Otesanek (l'enfant-racine qui mange tout sur son passage dans le conte tchèque mis en film par le surréaliste Jan Svankmajer), réveillé par une effroyable faim... Il est sur le point de se soulever, il est encore à moitié enfoui dans la terre, c'est qu'il faisait frisquet ce matin d'octobre du côté de Viry-Noureuil, non loin de chez Bodan Litnanski, il se calfeutrait encore...

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15/10/2008 | Lien permanent

La route des Indes

« New Delhi, le 22 septembre 2008

Le drame avait éclaté au siège de la filiale indienne de Graziano Trasmassioni, une société italienne fabriquant des pièces détachées d'automobiles. L'entreprise est basée à Noida, une zone industrielle proche de la capitale qui héberge entre autres le japonais Honda et le sud-coréen Legend. Ce matin-là, 200 ouvriers font irruption dans l'usine, résolus à régler leurs comptes avec le patron Lalit Kishore Chaudhary, qui les avait licenciés deux semaines plus tôt pour vandalisme. Le contentieux a pour origine le refus du chef d'entreprise d'augmenter les salaires et de signer des contrats à durée indéterminée.

La situation dégénère rapidement. Les intrus agressent à coups de barre de fer les cadres et les dirigeants. Cinq consultants italiens de la maison mère se terrent dans les bureaux et doivent implorer la pitié des assaillants. M. Chaudhary, lui, n'est pas épargné : violemment frappé à la tête, il succombera quelques heures plus tard à ses blessures. Au total, 50 personnes ont été blessées. La police a procédé à 63 arrestations.

Du côté du gouvernement, seul M. Fernandes réagit. Mais à la surprise générale, il replace l'incident dans le cadre général des relations sociales dans l'entreprise. "Que cela serve d'avertissement aux directions, lance-t-il. Je les appelle à traiter les ouvriers avec compassion. Il y a des disparités de salaires entre ouvriers titulaires et contractuels. Les ouvriers ne devraient pas être poussés à bout." »

(Transmis par Les Loups Sont Fâchés ; pas de référence d'article)

 

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27/09/2008 | Lien permanent

Recoins n°2, Des fous de Tolbiac à Aubert d'Antignac

    Vient de paraître juste avant la grande migration estivale le n°2 de la revue Recoins qui se consacre, comme il est dit dans son sous-titre, aux arts, belles lettres et rock'n roll. Enfin, pas tout à fait seulement à cela. Cette revue, éditée à Clermont-Ferrand, et qui se qualifie aussi de "revue moderne d'arrière-garde", outre de nombreux articles sur le rock, la publication d'une bande dessinée, quelque détour vers la boxe pratiquée dans les rues du New-York du XIXe siècle, publie cette fois-ci (voir la recension succincte que j'avais déjà faite du n°1 dans mon Billet du Sciapode dans Création Franche n°26) plus d'articles concernant les sujets qui nous sont chers, à savoir le surréalisme, les environnements spontanés de bord des routes, et la littérature tournée vers les moeurs populaires qu'elle soit liée aux plus fous ou aux plus champêtres des figures du peuple.

Recoins n°2, juin 2008.jpg

   Au chapitre du surréalisme, Anna Pravdova nous donne une présentation instructive de Tita, jeune surréaliste tchèque qui a fait partie du groupe surréaliste de La Main à Plume, groupe de jeunes gens qui eurent à coeur de poursuivre vaille que vaille l'activité surréaliste dans la France occupée, pendant que leurs aînés, plus connus, avaient fui ou se cachaient, poursuivis ou menacés qu'ils étaient par le régime vichyste. Ces jeunes gens commencent désormais à mieux émerger de l'ombre où on les a longtemps tenus. A noter qu'un n° spécial de la revue Supérieur Inconnu, dirigée par Sarane Alexandrian et Marc Kober, et publiée tout récemment (printemps-été 2008, n° consacré à "la vie rêvée"), évoque elle aussi un autre membre de La Main à Plume, Marc Patin, en publiant deux récits de rêve avec leur analyse par l'auteur. Marc Patin, dont Tita illustra de dessins deux plaquettes de poèmes. Anna Pravdova nous révèle dans cet article la fin exacte de la jeune peintre juive qui fut arrêtée durant la tristement célèbre rafle du Vél d'Hiv, et déportée à Auschwitz via le camp de transit de Drancy.

Une solitaire dansant sur une piste de guinguette à Champigny-sur-Marne, photo Bruno Montpied, 1989.jpg
Une danseuse solitaire dans une guinguette de Champigny-sur-Marne, vue par B.Montpied en 1989 (pour s'associer avec l'évocation ci-dessous ; photo non éditée dans Recoins)

   "Quatre fous de Tolbiac", tel est le titre d'un texte absolument remarquable (et je vous prie de croire que ce n'est pas parce qu'il s'agit là d'un vieil ami que je dis cela) de Régis Gayraud sur des souvenirs (en réalité, plus que cela) relatifs à des figures de la rue parfaitement saisissantes, et angoissantes pour certaines d'entre elles. Il s'agit là, pour reprendre un terme cher à Mac Orlan et à Robert Giraud de pur fantastique social. Ecrit dans un style dépouillé (bien éloigné du style des années 80, que l'auteur qualifie lui-même de "maniéré", tout en phrases longues, et bourré d'excès divers, que je connais bien pour en avoir publié dans ma revuette La Chambre Rouge, vers 1984, quelques morceaux choisis, comme Faire chou blanc, plaquette tirée à part...), nous faisons connaissance avec quatre figures inoubliablement campées par Régis. Elles entrent de plein droit dans une longue tradition d'évocation littéraire des figures de la rue, qui nous est personnellement très chère.  Cela faisait fort longtemps que Régis Gayraud n'avait pas repris la plume de façon plus directement créative et surtout de façon publique. On le connaît en effet davantage comme traducteur de russe et essayiste, spécialiste du poète-éditeur Iliazd (comme le commentaire qu'il nous a laissé récemment le laisse deviner). On ignore -et c'est très dommageable- qu'il est un écrivain de première force, à la personnalité hors-norme et baroque, pourvue d'un humour parfois féroce...  Ce texte à lui seul vaut l'achat de ce n°2 de Recoins.

Maison de François Aubert à Antignac, photo B.Montpied, 2003.jpg
La maison de François Aubert à Antignac, avec l'entrée du musée minéralogique derrière la porte à tête de mort, photo B.Montpied, 2003 (reproduite dans Recoins

     Un autre texte vaut cependant également le détour, l'évocation documentée et fouillée par Emmanuel Boussuge (par ailleurs directeur de la publication) de la vie et de l'oeuvre du maçon créateur d'environnement spontané François Aubert à Antignac, dans le Cantal (agrémentée de quelques-unes de nos photos faites en accompagnant Emmanuel sur les lieux). Cette mini monographie, s'appuyant sur des souvenirs et des documents confiés par la fille de François Aubert, ainsi que des témoignages d'une érudite locale, Odette Lapeyre, restitue assez bien le cas Aubert. Ce dernier a laissé derrière lui une maison décorée de bric et de broc, avec des animaux en ciment armé de style naïf, un musée minéralogique (point commun avec le facteur Cheval qui comme on sait avait donné pour vocation à son Palais Idéal, dans les débuts, d'abriter un musée de pierres trouvées), une architecture employant des matériaux jurant les uns avec les autres, mariant l'intention farceuse au goût du désordre provocateur. Maison à vendre aujourd'hui et en péril (les statues ont été aujourd'hui cependant mises en lieu sûr, suivant la solution du "déplacement" -chère à Patricia Allio, voir le cas de Jean Grard- et sage décision si l'on se réfère à d'autres sites, comme ceux de Gabriel Albert en Charente, de Raymond Guitet en Gironde ou encore d'Emile Taugourdeau dans la Sarthe). Nous reviendrons personnellement, avec notre propre vision, sur le site de François Aubert à une autre occasion. Je renvoie pour l'heur les lecteurs à ce n°2 de Recoins décidément fort riche.

Maison de François Aubert, vue du côté droit, ph.B.Montpied, 2003.jpg
La maison de François Aubert, vue de la route, côté droit ; photo B.Montpied, 2003 (inédite)

Coordonnées pour acquérir la revue:

Sur Paris, on est sûr d'en trouver quelques exemplaires à la librairie incontournable de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, 18e arrondissement. Sinon on la commande à Recoins, 13, rue Bergier, 63000, Clermont-Ferrand. (Contact e-mail: revuerecoins@yahoo.fr). Prix au numéro: 6€, abonnement 4 numéros: 20€ (+ toujours le "formidable cadeau"...).

   

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Poèmes choisis du sciapode

    Le sciapode, dans les dîners en ville (comme on dit), fait souvent profession de ne pas aimer la poésie en vers. C'est bien sûr qu'il n'aime pas une certaine sorte de poésie contemporaine, abstruse, cérébrale, hermétique, y compris celle qui se complaît dans l'image détachée de toute référence au vécu, l'image pour l'image comme il y a de l'art pour l'art, exercice, gymnastique rhétorique tendant à l'abstraction (la soupe déshydratée dont parlait Benjamin Péret), toutes choses qui lui paraissent bien vaines...

    Alors, pourquoi ne pas tenter de dresser a contrario la citadelle des poèmes qu'il préfère, et qu'il considère comme le contraire de la poésie décriée ci-dessus? Et donc à partir d'aujourd'hui de commencer à élaborer un florilège poétique en vers de pièces choisies par le sciapode? Une nouvelle "catégorie" est née, "les poèmes choisis du sciapode", qui s'alimentera peu à peu. La maison, ne reculant devant rien, s'est payé le luxe d'embaucher un lecteur professionnel, à la voix bien rauque. Ecoutez ci-dessous :


podcast

L'Horloge de Charles Baudelaire 

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D'Alphonse Gurlhie à René Gregogna, une exposition à Beauchastel, patrie de Gurlhie le braconnier de l'art

    René Gregogna, j'ai eu l'occasion d'en parler plusieurs fois par le passé sur ce blog, était un artiste attachant, très varié dans son expression, alternant peut-être le pire et le meilleur, charriant toutes sortes de matériaux qui lui venaient sous les mains, repeignant une digue entière du côté de Pézenas, peignant les cailloux dans le lit des rivières... Dans sa jeunesse, il n'en faisait pas mystère, il avait rencontré un authentique créateur brut, Alphonse Gurlhie, qui vécut entre Beauchastel et Maisonneuve en Ardèche, actif des années 1920 à 1940, racontant ses exploits de chasseur et de pêcheur à travers des statues de ciment qu'il avait installées aux abords de ses deux différentes maisons. Et cette rencontre l'avait profondément marqué. Je l'avais croisé, lors de son passage à Paris pour l'avant-première d'un film d'Anne Desanlis sur lui, et l'avais interrogé sur ce rapport avec Gurlhie. Il est assez rare qu'on ait ainsi des aveux d'influence chez des artistes de l'art singulier, pourtant souvent impressionnés par les créateurs de l'art brut. Nul doute que ce rapport Gurlhie-Gregogna se trouve passablement explicité à l'occasion de l'exposition que montera à partir du 19 septembre l'association des Amis de Gurlhie. Ce sera peut-être aussi l'occasion de revoir les œuvres de Gurlhie qui sont conservées au musée de Beauchastel, qui était fermé aux dernières nouvelles.

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Darnish investit Notre-Dame-des-Landes

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     "Art singulier", "art singulier", comme vous y allez, chère "Maison du Sabotier" de Notre-Dame-des-Landes. Darnish, moi, je le rangerai plutôt du côté de l'art contemporain acceptable (l'A.C.A. contre l'A.C....), même si, au début, peut-être, j'ai dû le classer un peu en forçant dans l'A.S.... Mais, à force de mieux le connaître,  l'ami Darnish ne me paraît plus très adapté aux dits Singuliers. Trop de Beaux-Arts en lui, trop de références au cinéma dans ses ruines artistement agencées (je ne dis pas cela en mauvaise part). A St-Ouen, quand je l'ai exposé avec douze autres artistes récemment, c'était un des plus "citationnels", dans le genre plasticien contemporain inspiré se confrontant à l'histoire de l'art. On sent encore un peu l'école derrière son travail. Il n'est pas encore complètement détaché, comme par exemple mézigue, qui suis désormais totalement désamarré, voguant dans le "flow", au petit bonheur la chance, les rives de l'histoire de l'art se perdant pour moi dans la brume du passé. Cela me fait étrange d'aller dans une exposition ou un musée. Je suis "out" et je regarde les œuvres d'art consacrées comme si elles étaient accrochées dans un espace-temps parallèle au mien, ne me concernant plus... De ce point de vue, je me sens bien plus proche des créateurs populaires autodidactes que je collectionne et documente par mes livres et articles. Eux comme moi sommes dans le sans amarres...

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Eugen Gabritschevsky, dans le silence de l'été parisien

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     Importante nouvelle d'exposition à Paris, mais curieusement, selon moi, assez discrètement surgie, la Maison Rouge du boulevard de la Bastille dans le XIIe arrondissement parisien propose du 8 juillet au 18 septembre une rétrospective en 250 œuvres de cet extraordinaire visionnaire, et peintre autarcique, rangé dans l'art brut, nommé Eugen Gabritschevsky. Nom qui dérouta peut-être le public français et l'empêcha de se pencher plus avant sur cette œuvre, pourtant exceptionnelle (m'est avis que la même chose est arrivée au peintre danois de Cobra et du mouvement situationniste, Asger Jorn, au nom trop exotique pour être adoubé dans la mémoire du Français moyen). C'est une exposition prévue pour voyager ailleurs qu'à Paris, ce qui explique peut-être son installation initiale durant cet été dans la capitale (il doit être difficile de trouver des dates qui satisfassent chaque institution...). Elle devrait ensuite faire halte à Lausanne à la Collection de l'art brut, partenaire de l'exposition, du 11 novembre 2016 au 19 février 2017, pour enfin atterrir à l'American Folk Art Museum de New-York du 13 mars au 13 août 2017 (la conservatrice du département art brut du musée, Valérie Rousseau, signe du reste un texte dans le catalogue de l'expo).

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Eugen Gabritschevsky, collection ABCD

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E.G., extrait du blog Graffink

     On trouve beaucoup d'information de type biographique sur Gabritschevsky, son métier de chercheur en génétique, son origine russe, une femme mystérieuse nommé "la muse" qui apparut et disparut au même moment où il commençait de sombrer dans la maladie mentale qui devait le conduire dans un hôpital allemand du côté de Munich en 1930 (il fut mis à l'abri dans un lieu privé de 39 à 45, ce qui lui évita de subir le même sort que tant d'aliénés allemands "euthanasiés"), son talent d'artiste depuis l'enfance (qui ne l'amena pas pour autant vers une activité professionnelle). Ce qui me séduit avant tout, c'est son œuvre, parfaitement visionnaire, surréaliste sans l'étiquette, quoiqu'elle ait pu attirer vers elle plusieurs personnalités de ce mouvement (Max Ernst acheta des œuvres de lui à la galerie d'Alphonse Chave, l'homme qui fit beaucoup pour classer, répertorier et montrer Gabritschevsky depuis 1960, date à laquelle elle lui avait été révélée par Jean Dubuffet; Georges Limbour écrivit à son sujet un texte en 1965, centré sur les techniques qu'il employait ; et depuis 1967 également, on trouve Annie Le Brun qui se passionne pour lui et sa recherche d'un "déferlement de la vie").

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E.G., sans titre, 14x18 cm,  (n°1268 de l'inventaire de la galerie Chave), coll. privée, Paris, ph. Bruno Montpied ; on remarque sur cette petite peinture les étranges arbres en train de contempler l'étrave d'un bateau flottant sur un fleuve ou un bras de mer, on les croirait comme chevelus (avec pour tous une frange bien taillée sur la nuque), et l'on repère aussi avec perplexité les rubans rouges noués autour de leurs cous-troncs...

Eugen Gabritschevsky (2), sans titre, galerie Alphonse Chave (cat 98).jpg

E.G. sans titre, œuvre reproduite dans le catalogue de la galerie Alphonse Chave pour leur exposition de 1998 ; on retrouve là aussi des rubans noués autour des troncs de ces arbres qui ressemblent furieusement à des asperges géantes... ; ce paysage me fascine essentiellement en raison de ces fûts énigmatiques.

 

     L'entrée dans la période de maladie (de celle-ci, malheureusement, une fois de plus, rien ne nous est dit qui permette de comprendre exactement ce qu'elle était ; on nous parle d'angoisses qui empêchèrent Gabritschevsky de continuer son métier de biologiste) coïncide avec une extension sans précédent de ses travaux graphiques (dans les années 1920, il pratiquait avec prédilection le fusain, plusieurs dessins de cette veine sont montrés dans l'exposition de la Maison Rouge). Une extension qui ressemble fortement à un lâchez-tout de l'imagination picturale et graphique, tant les champs explorés, les expérimentations pratiquées, l'amènent à produire des images variées et toutes plus surprenantes les unes que les autres. Un "lâchez-tout" qui fait personnellement de lui (que l'on me pardonne cet aparté)  mon maître, tant son exemple correspond à ce vers quoi je me dirige en matière de peinture, me limitant comme lui aux petits formats (en majorité), parce que c'est dans ces espaces réduits qu'on a le plus de chances de capturer l'éventuelle poésie du hasard.

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E. G., sans titre, gouache et aquarelle sur papier calque, 1942, coll. privée, New-York (exposé à la Maison Rouge)

 

     L'œuvre de Gabritschevsky est protéiforme, parfois abstraite avec recherche de composition de motifs ornementaux proches de cellules vues au microscope et dansant une sarabande, parfois paysagère visionnaire, parfois aussi visant à un réalisme poétique comme lorsqu'il s'adonne à la peinture de bestiaire, avec des animaux aux étranges tatouages de petits points, des dinosaures aux corps se résolvant en flammèches.E G site de la coll d'art brut.jpg Des taches ressemblant à des tests de Rorschach (qu'on a pu lui proposer dans le cadre de son asile, comme dit Annie Le Brun) sont montrées à la Maison Rouge, visiblement précisées par le peintre dans un sens plus figuratif et moins informe, représentant des insectes pourvus d'une grande présence (celui que je reproduis ci-contre est emprunté au site web de la Collection de l'art brut de Lausanne).

EG num 5247, 21x22,5cm, gouache sur pap calque, 1942, galerie Chave, .jpg

E.G., sans titre, n°5247 de l'inventaire de la galerie Chave, 21x22,5 cm, gouache sur papier calque, 1942, Galerie Alphonse Chave.

    On n'en finit pas de voyager de fenêtres sur des paysages enchantés (pas toujours gais, parfois séjours enténébrés) en fenêtres vers d'autres landes à figures improbables. Comme si vous sautiez d'un caillou magique à un autre caillou magique pour traverser une rivière périlleuse.

    A signaler que la Galerie Alphonse Chave à Vence, de son côté, organise aussi une exposition Eugène Gabritschevsky du 27 juillet au 30 novembre 2016. A cette occasion, elle édite un nouveau livre (qui était en gestation depuis plusieurs années, confie-t-elle dans son carton d'invitation) qui fera 190 pages et comportera 300 illustrations. Il contiendra des textes originaux de Daniel Cordier, Florence Chave-Mahir, et Pierre Wat. On devrait aussi y retrouver divers documents d'archives de Georges Limbour, Dubuffet et Elie-Charles Flamand (encore un surréaliste celui-ci), des lettres d'Eugène et Georges Gabritschevsky (ces lettres, si elles sont de la même qualité et clarté que celles dont on peut trouver des extraits au gré des différents catalogues, seront fort éclairantes). Un film, joint en DVD aux 50 premiers exemplaires de cette édition, est également annoncé : Eugène Gabritschevsky, le vestige de l'ombre, de Luc Ponette et produit par Zeugma films (2013).

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Aventures de lignes (3): Migas Chelsky

Migas Chelsky

 

       Voici un deuxième instituteur (cf. note précédente  sur ce blog, du 24-10-2016), à la retraite aujourd’hui (nous avons trois retraités dans l’exposition), quoique très actif comme tout bon retraité qui se respecte. Migas Chelsky est un grand amateur de cinéma, en particulier de cinéma amateur. Il a fondé avec d’autres amis une cinémathèque dédiée à cette forme de cinéma spécialisé dans les formats 9,5 mm, 16 mm et super 8 (il y rassemble à la fois des pellicules et du matériel). Il a lui-même réalisé quelques films en Super 8 et organise à l’occasion des festivals avec des projections.

       A côté de cela, il pratique diverses techniques artistiques, peinture, collage et dessin principalement, ne dédaignant pas de créer avec d’autres artistes (il a fait partie d’un groupe sur Soissons). Il a exposé récemment une série d’œuvres sur le thème des maisons. C’est avant tout ses séries de dessins en noir et blanc qui me retiennent dans son travail (ainsi que ses recherches du côté du cinéma amateur). Son trait arachnéen fait preuve d’une virtuosité tout à fait étonnante, digne des plus grands dessinateurs visionnaires du moment. La relative discrétion et la modestie dont il s’entoure demandent des relais pour que soit davantage portée au public la révélation de son talent. C’est ce à quoi je m’emploie ici même, modestement comme il se doit…

         (Voir B.M., note du 9-7-2015 dans le Poignard Subtil)

migas chelsky,michel gasqui,collages,art visionnaire,dessin,cinéma amateurMigas Chelsky, sans titre,  encre sur papier, 29,7x21 cm, sans date, ph. M.C. (exposé à "Aventures de lignes", galerie Amarrage, 88 rue des Rosiers, St-Ouen du 22 octobre au 4 décembre).

 

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25/10/2016 | Lien permanent

Jeanne Devidal, ”La Dame de Saint-Lunaire”, le film d'Agathe Oléron bientôt en DVD

    Véritable parcours du combattant, le passage de son film en DVD est long et semé d'embûches pour Agathe Oléron, cette cinéaste sans fortune qui n'a pourtant jamais ménagé son énergie ni sa persévérance pour défendre la mémoire de cette étonnante femme, Jeanne Devidal, qui créa une maison sous carapace, comme un camp retranché, une barricade de matériaux reyclés à Saint-Lunaire la bien nommée, construite des années 1950 à la fin des années 1980. On peut retrouver une évocation de cette demeure hautement insolite dans mon livre Le Gazouillis des éléphants, paru fin 2017. Ainsi que sur ce blog en cliquant ici.

 

Bande-annonce du film La Dame de Saint-Lunaire.

 

    Pourtant, la dernière ligne droite pour la sortie du coffret DVD, avec livret et bonus (portrait de Savine Faupin qui s'est intéressée aux dessins inédits de Jeanne Devidal, souvenir d'enfance en Super 8 des enfants de la classe de CE1 de St-Lunaire qui avaient visité Jeanne Devidal, deux concerts en rapport avec le film, du rock et du classique), est en vue. On peut dès maintenant soit s'adresser directement à la société De Fil en films de Déborah Gillet pour commander la chose pour 20€ (film + frais de port), soit se rendre vers le système KisKissBankBank pour un financement participatif au choix. La sortie est prévue pour le mois de janvier prochain.

La Dame de St-Lunaire affiche du film.jpg

 

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La poésie aujourd'hui (1)

Cadavres exquis

 Darnish, Laurent Mahuas, Bruno Montpied

(séance de la nuit du 1er janvier 2016, vers 3h du matin)

 

1.

Et il s’est perdu.

 Oui, dans la boîte où étaient rangés les os de son père.

Pourtant, il était un modèle

Qui montrait de bien belles jambes.

J’aime les belles fesses, surtout les grosses.

C’est ce que tout le monde demande à Quentin.

 

2.

La barrière était trop mouillée pour un drapeau.

Elles levaient la main pour demander à ma femme de chanter à tue-tête.

Cela causait du tapage dans le garage de tous les jours,

Ton four rempli de grains de raisin qui fondent sur

Une grande maison pleine de singes qui grimpent aux rideaux en criant :

Je n’en peux plus !

 

3.

La couleur verte m’a longtemps ennuyé.

Elle est très belle, trop belle même

Mais je me sens un Superman.

A Concarneau, je pêchais le plus beau poisson du monde.

Certes !

Et on s’en ira vers le bord de mer des algues qui ressemblent aux cheveux, bien sûr !

Car je suis un cochon.

 

4.

(Laurent Mahuas, Bruno Montpied)

 

L’ourlet déchiqueté de sa jupe,

Je n’en ai rien à foutre.

Là, au fond de la trompe de l’éléphant,

Une petite chapelle inconnue

Baisse les yeux

Avec le temps.

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