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Deux anciennes artistes d'”Aventures de lignes” se manifestent cet été : Marie Audin, Caroline Dahyot

    A l'automne 2016, j'avais rassemblé quelques artistes à part dans une galerie associative de St-Ouen, la Galerie Amarrage, dans une expo que j'avais intitulée "Aventures de lignes" (titre inspiré d'un texte d'Henri Michaux). Parmi eux, quelques-uns continuent d'exposer, je ne signale pas tout le temps quand ni où. Une fois n'est pas coutume, je vais en rassembler deux qui exposent durant cet été en deux points distincts du territoire.

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     Marie Audin a été repérée par la directrice du Musée d'arts naïfs et d'arts singuliers de Laval, Mme Le Falher, durant l'exposition que j'avais montée à Saint-Ouen avec d'autres artistes. Je n'en suis pas peu fier... Une fois une donation effectuée dans ce musée en bonne et due forme (une vingtaine d'œuvres), deux ans plus tard, voici que le MANAS (cet acronyme vous a des allures de ville amazonienne, je trouve...), lui consacre une expo en insistant (à juste titre) sur ce qui fait la singularité de cette artiste autodidacte (au départ dermatologue) : la technique originale qu'elle s'est bricolée en solo, le pricking (piquage à l'aide d'une aiguille dans le support, dessous, dessus...) avec broderie, peinture à l'encre et à l'aquarelle (cette technique provient bien entendu de son métier). Rappelons que c'est le Musée de la Création franche, à Bègles, qui avait exposé en premier Marie Audin (alors nommée Marie Adda), c'est d'ailleurs là que je l'ai à mon tour découverte (puis que j'ai publié un article sur elle dans la revue du musée, au titre éponyme de Création Franche). Je n'ai fait au fond que le passeur.

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Marie Audin, sans titre, mai 2014, ph. et coll. Bruno Montpied ; dans les travaux de Marie Audin, j'ai une préférence pour ses compositions semi abstraites, semi figuratives, dans des compositions poussées.

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Marie Audin (sans références) ; ici on rencontre en une seule image un ensemble de techniques mises au point par l'artiste: pricking, aquarelle, broderie, dessin... Marie Audin n'est pas toujours allée aussi loin dans ses œuvres ultérieures que dans l'œuvre ci-dessus. 

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Caroline Dahyot, un travail récent (et à chacun ses marqueurs, moi, je n'utilise pas ceux que l'on voit sur cette table).

 

     Autre femme à avoir exposé avec nous à St-Ouen, Caroline Dahyot. Elle sera tout l'été au Petit Casino d'Ailleurs (en compagnie du photographe – et cinéaste – Jean-Marc Gosse). On suppose qu'on y retrouvera ses peintures sur papier, sur tissu, ses reliquaires à poupées démantibulées, et ses appels à aimer dont elle n'est pas avare (voir les cœurs en escadrille ci-dessus). C'est ouvert sur rendez-vous et le mercredi matin au moment du marché...

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Plutôt qu'une nécrologie: je me souviens de mes rencontres avec Marie Jakobowicz

     Alors, c'est ainsi, je n'aurai plus jamais l'occasion d'entendre le téléphone sonner et à l'autre bout du fil résonner la célèbre entame " Allôôô...? Céééé Mâââ-rie...", m'annonçant l'inévitable monologue que Marie Jakobowicz, d'un ton un peu désabusé, comme refusant d'avance toute phrase qu'on pourrait lui rétorquer, s'apprêtait à débiter. Ça durait un petit moment, tellement, que j'en lâchais parfois l'écouteur, posais le téléphone et allais vaquer à d'autres occupations. Je revenais cependant bien vite, de peur qu'elle croit qu'on lui avait raccroché au nez... Et invariablement, je constatais qu'elle était toujours en train de parler à l'autre bout. Puis elle rompait brusquement la conversation, disait: "Bon, eh bien, au revoir...", tout à trac, sans que rien ait pu le laisser prévoir. Je me faisais avoir à chaque coup.

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Marie Jakobowicz au Musée de  la Création Franche à Bègles, pour l'exposition que le musée lui consacrait en 2016 ; ph. archives du Musée de la CF.

 

     Marie Jakobowicz (1934-2020) est  morte il y a un an, dans le XVe arrondissement de Paris. Je l'ai appris avec retard, grâce au Musée de la Création franche, à qui elle avait fait donation d'une centaine de ses œuvres ces dernières années (d'autres collections ont conservé de ses oeuvres, la collection Cérès Franco et la Fabuloserie). Nous n'étions que des connaissances, nos relations les plus suivies ayant existé surtout au début des années 1980. Pas vraiment ce que l'on appelle des amis, plutôt des complices, des collègues... Plus âgée que moi, d'une vingtaine d'année, j'étais tombé sur elle à la suite d'une petite annonce dans Libération. Un monsieur qui s'appelait André Chamson (si ma mémoire ne me trompe pas sur l'orthographe de ce patronyme), comme l'écrivain, invitait à exposer dans sa "galerie" du côté de Louveciennes. Je m'y étais rendu pour découvrir avec dépit qu'il ne s'agissait que d'un garage... Mais il m'avait donné le contact d'une personne qui s'intéressait à l'art brut et avec qui j'avais peut-être des points communs. J'ai alors dû lui téléphoner, et, un jour Marie a débarqué dans l'appartement que je partageais avec Christine, ma bonne amie de l'époque, dans le Xe ardt. Elle eut, je pense, toujours de l'intérêt pour les gens plus jeunes qu'elle. Elle donnait des cours particuliers de dessin à des enfants dans son appartement du XIIe arrondissement, très curieuse de ce qui allait provenir d'eux...

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Marie Jakobowicz, sans titre, dessin à l'encre, 21 x 29,7 cm, vers 1984; ph. et coll. Bruno Montpied.

 

       De qui ou de quoi parlâmes-nous? D'art brut sans doute, que je venais de découvrir à travers quelques fascicules du même nom, sans bien en comprendre les limites. Elle non plus je pense ne savait pas exactement à quoi s'en tenir (et je pense qu'elle ne s'en est jamais vraiment souciée davantage par la suite)... Nous étions désireux d'explorer la possibilité de montrer ce que nous dessinions et peignions, et l'art brut – on l'imaginait – paraissait pouvoir accueillir des gens comme nous, non issus des écoles d'art. Ce n'était pas de l'arrivisme de notre part, seulement un besoin naturel de confronter ce que nous créions à un public de gens extérieurs, puisque l'on concevait l'art comme un autre langage, plus essentiel, allant au cœur des choses. Elle me parla d'un ami, Jean Couchat, qui avait envoyé des dessins et avait été pris par la Collection de l'Art Brut à Lausanne (ouverte au public en 1976). C'était donc simple, il suffisait de faire comme lui, et d'envoyer des dessins. C'est ce que je fis. J'expédiais quelques photocopies de mes dessins à Lausanne, que je me vis prestement retourner avec une lettre de refus de Michel Thévoz, quoique bienveillante. Il m'écrivit – avec un mot dont il usait abondamment à l'époque –  qu'il ne voyait pas assez de "jubilation" dans mes dessins. En 1983, au Forum des Halles, devant les animateurs de l'Aracine, qui avaient monté leur deuxième exposition dans une salle louée au niveau -3 de ce centre commercial, mes dessins n'eurent pas plus de succès. On me répondit que j'étais trop "décoratif", que cela faisait "BD"... Bref, ça n'était pas pour eux (mais ce fut dit avec une certaine sévérité, bien différente du ton plein d'urbanité de Thévoz). Et  c'est vrai que je n'avais au fond rien à voir avec l'art brut, que Madeleine Lommel recherchait. Je le compris mieux plus tard.

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Bruno Montpied, le genre de dessin montré en 1983 aux collectionneurs d'art brut, comme ceux de l'Aracine ou de la Collection de l'Art brut ; ph. B.M.

 

      Je ne peux pas leur en vouloir. De plus, les dessins que j'avais choisis de montrer,  étaient très cernés, un peu figés. J'étais bien naïf de vouloir à tout prix les montrer. Et peut-être que je m'étais trompé de destinataires, qui plus est... Marie Jakobowicz, à cette époque, ne recueillait pas plus de suffrages. Cela changea avec le temps.

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La jaquette dépliée de la pochette de notices (en simples photocopies) ayant servi de catalogue pour la première exposition de l'association L'Aracine, à Aulnay-sous-Bois, "Jardins Barbares", 8 janvier-14 février 1982 ; archives B.M.

 

     L'Aracine, c'était Marie Jakobowicz aussi qui m'en avait parlé la première (en avait-elle entendu parler à la fac' de Vincennes, que Madeleine Lommel, la principale animatrice de l'association, fréquentait aussi?), en me prévenant en particulier de la première expo que l'association monta en région parisienne à la Maison de la Culture de la Seine Saint-Denis, à Aulnay sous-Bois en 1982. Cela s'appela "Les Jardins Barbares", expo mythique de l'association l'Aracine. Celle-ci réussit le tour de force de faire entrer dans un musée national, celui du LaM à Villeneuve d'Ascq, à côté de Lille, la collection d'art brut qu'elle avait rassemblée en à peine 15 ans. Soit dit entre parenthèses, les trois animateurs de l'Aracine (Lommel, Nedjar et Teller) obtinrent ainsi d'inclure  une collection d'art brut dans un musée d'art moderne et contemporain, ce que Dubuffet pour sa part avait décliné hautement, suite à la proposition du ministre de la Culture de l'époque, Michel Guy, au début des années 1970. Selon Dubuffet, l'art brut n'avait pas à être mélangé à l'art moderne. A Lausanne, la collection a trouvé un espace à elle seule dévolue, et c'est aussi bien.

    Au LaM, cela dit, la collection d'art brut jouit tout de même d'un espace indépendant, ce qui est étrange lorsque l'on se rend là-bas. L'art brut irradie des ondes qui le séparent des autres collections plus contemporaines et modernes, montrant bien qu'il est quelque chose d'autre, n'en déplaise à certains marchands et critiques d'art actuels.

     Autre aussi se sentait Marie Jakobowicz alors. Elle avait des préoccupations, des hantises bien légitimes (quand je l'ai rencontrée, elle ne savait pas encore de façon assurée ce qui était arrivé à son père, dont elle n'ignorait pas qu'il avait été déporté par les Nazis, tandis qu'elle et sa mère, plus un cousin, avaient été cachés par la concierge de leur immeuble à la cave, la veille de la rafle du Vel d'Hiv' ; elle apprit véritablement le sort de son père – tué par les Nazis à Auschwitz – seulement au début des années 1990). J'étais assez différent, polarisé sur d'autres motifs, et issu d'une famille de Français ordinaires. Critiques vis-à-vis de la société, nous l'étions tous deux, mais sans être de la même génération. En 1966, année de la mort d'André Breton, elle était dans le public du colloque sur le surréalisme à Cerisy-la-Salle (on retrouve ses interventions dans les actes du colloque dans certaines discussions suivant les conférences, actes qui ont été republiés chez Hermann en 2012). Moi, en 1966, j'avais 12 ans et j'ignorais tout de ces sujets, n'en ayant jamais entendu parler dans ma famille qui était globalement ignorante des événements culturels. 1968 arrivant derrière, Marie, qui avait 34 ans, fut touchée en profondeur par les événements, les nouvelles problématiques, les libérations des mœurs surgissant alors. Sur moi, qui n'avais que 14 ans au même moment, les événements provoquèrent aussi une onde de choc, quoique atténuée dans la gangue de coton où m'enfermait ma famille.

     Notre rencontre,  vers 1980 ou 1981, a tenu donc du hasard objectif. Par elle, j'entendis parler de Michel Nedjar, d'Art Cloche, d'Ody Saban... Qui relevaient plutôt des "Singuliers de l'Art" (Nedjar seul y figurait du reste), terme qu'Alain Bourbonnais et Suzanne Pagé avait mis à la mode au moment de l'exposition du même nom en 1978 au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. marie jakobowicz,fabuloserie,collection de l'art brut,collection cérès franco,bruno montpied,colloque cerisy-la-salle sur le surréalisme,art singulier

   Après "les Jardins Barbares", je ne lâchai plus l'Aracine jusqu'au début des années 1990, me plongeant dans les problématiques de l'art brut de mon côté sans fin, tandis que Marie restait plus distante vis-à-vis de ces sujets. Elle se sentait plus concernée par la politique, les minorités opprimées – ou plutôt les minorées, si l'on pense aux femmes elles-mêmes –, par les migrants, et cela s'accentua à partir de 2000. Cela se déduisait de nos quelques échanges, mais je l'ai compris davantage en relisant la petite monographie que lui édita André Rober en 2015.

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Marie Jakobowicz, dessins, peintures, sculptures, écritures, éditions K'A, février 2015.

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Marie Jakobowicz, sans titre (?), dessin au pastel sur papier Canson noir, 50 x 65 cm, collection Cérès Franco.

 

     Quad je l'ai rencontrée elle était en plein dans la création de dessins au pastel ou à l'encre de Chine. Il semble que cette période ait duré de 1980 à 1985 (d'après une notice biographique parue sur le site web de la Collection Cérès Franco). Par  la suite, elle se mit à relativiser cette production (et l'abandonner, à mon avis une erreur ; elle disait même que cela lui venait trop facilement), préférant insister sur le fait qu'elle s'était mise à la sculpture, voulant avec ostentation montrer qu'une femme, même fragile comme elle (elle souffrait alors de vertiges de Ménière qui la faisait s'écrouler dans les lieux où elle restait trop longtemps debout), était capable de se colleter à des matériaux lourds, a priori peu maniables par une "faible" femme... Elle voulut aussi par la suite, au fil des années, me démontrer que l'art pour elle se devait de s'engager au service de causes politiques, en l'occurrence celle des Palestiniens, ou des migrants, ou de l'anti racisme. Je comprenais fort bien, étant donné son histoire personnelle, la tragédie familiale dont elle et sa parentèle avaient été victimes, qu'elle subissait une pression mentale terrible de ces côtés-là. Mais je n'étais pas d'accord avec cette mise sous tutelle de l'expression créative, et lui répétais, à chaque fois que je la voyais, que sa période des pastels était ce que je trouvai de plus fort dans sa production. En témoignage d'amitié, après l'exposition collective que Danielle Jacqui m'avait laissé le loisir d'organiser dans une salle, avec 16 artistes ou créateurs que j'avais sélectionnés, dans le cadre du 9e Festival d'art singulier d'Aubagne, elle finit par m'offrir un des dessins sur papier Canson qu'elle y exposa, en format raisin, le genre de format qu'elle affectionnait.

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Vue de la salle "carte blanche à Bruno Montpied" dans le 9e festival de l'art singulier d'Aubagne (2006) ; au premier plan, des sculptures de Bernard Javoy, et de Roland Vincent, au fond, de gauche à droite:  Marilena Pelosi, Michel Boudin, Marie Jakobowicz, Olivier Jeunon et Pierre Albasser ; ph. B.M.

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Marie Jakobowicz, sans titre, pastel sur papier Canson noir, 50 x 65 cm, ph. et coll. B.M.

 

     Je n'ai en effet quasiment jamais choisi (à quelques exceptions près au début de ma production) de plier l'inspiration qui préside à l'expression graphico-picturale à la défense ou l'illustration d'une cause politique ou idéologique. L'art à mon sens n'est jamais plus fort que lorsqu'il se déploie sans autre but que le message inconscient qu'il cherche à délivrer.

 

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Bruno Montpied, Portrait de Marie Jakobowicz, 30 x 30 cm, 2021.

 

 

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René Rigal à la Maison du Tailleu, chez Michelle et Jean Estaque

Expo Rigal à la Maison du Tailleu en 2016.png

Exposition René Rigal à la Maison du Tailleu du 1er août au 4 septembre 2016 (La Maison du Tailleu : Place de l'Église, 23000 (la Creuse), Savennes, France)

    "Jean et Michelle Estaque seront heureux de vous recevoir pendant la durée de cette exposition tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez-vous au 05 55 80 00 59".

     L'exposition dont il est question dans le petit message ci-dessus concerne l'œuvre de René Rigal, cet ancien cheminot de Capdenac qui sculpta des personnages filiformes dans de longues branches durant des années. Il chercha à les exposer dans des locaux et galeries de sa région, comme par exemple à la galerie La Menuiserie de Rodez, mêlant ainsi son œuvre d'autodidacte rustique – on pourrait aisément le ranger dans l'art rustique moderne avec Gaston Chaissac, qui inventa le terme, ou Gaston Mouly – à celles d'artistes contemporains provinciaux.

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René Rigal, Eve enlacée par le serpent, sans date, coll. privée Capdenac, ph. Bruno Montpied, 2012

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René Rigal, détail d'un bouliste, coll. privée Capdenac, ph.B.M., 2012

    Ses œuvres, dont bien des exemples sont conservés par sa femme au prénom – prédestinant pour un mari cheminot – de Micheline, sont variées et originales, recherchant l'audace dans leur conception.

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René Rigal, groupe de pèlerins de Saint-Jacques, coll. privée, ph. inconnu, archives famille Rigal

 

   Même parmi les nombreux cas de transformateurs de branches en figures fantastiques ou réalistes, il fait figure de novateur. Le plus proche de lui étant peut-être Emile Chaudron qui dans la Haute-Marne, à Prez-sous-Lafauche, sculptait les brindilles, les branchettes d'épines ou de mirabelliers, créant comme une écriture arachnéenne proche des idéogrammes asiatiques. Ce dernier, qui était sculpteur sur meubles à la base, naïf malgré tout, exposa dans des salons parisiens ou régionaux, tout en se constituant un petit musée personnel qu'il ouvrit au public à partir de 1961 dans son village.

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Emile Chaudron (disparu en 2014), autre sculpteur sur bois, rayonnages où sont désormais présentées ses œuvres dûment légendées dans le petit (et nouveau) musée "aux branches" municipal de Lafauche, ph. B.M., 2016

 

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18/08/2016 | Lien permanent

Jean Estaque

    Jean Estaque est une des figures déjà anciennes de l'art dit singulier. Sous ce terme, j'entends les créateurs quelque peu en marge des courants principaux des arts plastiques contemporains et qui font preuve d'une belle fidélité à une expression synthétique, voire enfantine, primitiviste si on veut, proche des arts populaires dont par ailleurs Estaque recueille chez lui certains exemples pris dans l'art brut et autres.  C'est un petit cousin de Chaissac, pourrait-on dire (n'oublions pas que Gaston était originaire du Limousin), qui a débuté dans la sculpture sous l'influence de l'art roman, nous dit un dossier de presse. C'est un amoureux de la Creuse où il vit (c'est là que je l'ai rencontré voici plusieurs années déjà, à Savesnes, où il a aménagé depuis quelque temps une salle vouée à exposer des créations qui lui plaisent -on aimerait pouvoir en faire autant...), après être né dans l'Ariège en 1945.

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Carton d'une exposition ancienne à la galerie Les Oiseaux Rares à La Rochelle en 1991

   Il expose jusqu'au 11 mars, plus que quelques jours donc, à la galerie lyonnaise A.Del Gallery (nom un peu tirebouchonné, n'est-il pas?), au 33, rue Auguste Comte, dans le 2ème arrondissement. Des oeuvres inspirées des personnages vus dans les nouvelles de Guy de Maupassant. C'est un tailleur de bois qui aime en outre la polychromie, mais il saura utiliser à l'occasion d'autres matières et supports, cartons et papiers (découpés, déchirés, dessinés...), faisant recours plus souvent qu'à son tour aux techniques de la gravure. Ses oeuvres ont parfois  fort à voir avec certains jouets, et débouchent à d'autres moments sur les reliquaires. Des oeuvres monumentales ont pu lui être commandées, comme ce fut le cas au Lac de Vassivière.

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Image sur le site d'A.del Gallery

     Contrairement à tant d'autres artistes uniquement préoccupés de leur nombril, il sait se tourner vers les autres créateurs, notamment les plus modestes et les plus discrets d'entre eux, les créateurs populaires. C'est lui qui me signala l'existence de Pierrot Cassan, comme je l'ai déjà dit, mais c'est aussi avec son aide que je pus retrouver la trace des oeuvres de Ludovic Montégudet conservées par sa famille à Lépinas (toujours en Creuse), ce qui ouvrit la voie à une exposition des oeuvres sculptées naïves de ce dernier au Moutier d'Ahun à l'été 1992. En fait, il semble qu'entre l'art populaire et Jean Estaque ce soit un continuel va-et-vient, comme dans le phénomène des vases communicants. Tout ce qui me vient d'Estaque me maintient toujours en alerte.

La Montagne, sur Jean Estaque, expo à Lyon 2009.jpg
Extrait d'un article de La Montagne du dimanche 4 janvier 2009, transmis par Roland Nicoux que je remercie de m'avoir informé de l'exposition actuelle de Jean Estaque 

 

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06/03/2009 | Lien permanent

Jean Galeani

     Ah, formidable initiative que celle de Régis Gayraud que d'être allé surfer sur internet en tapant le nom de Galeani, ce peintre dont j'avais mis en ligne il y a quelques années une toile retrouvée chez deux collectionneurs (ayant préféré rester anonymes). Brillant effort, que je suis toujours réticent à pratiquer personnellement, préférant la découverte de hasard, et peut-être sans doute, parfois trop vieux (et trop paresseux surtout) pour ce genre de recours...

     En cherchant à ce nom de Galeani, Régis a donc déniché l'interview de Pierre Dumayet mis en ligne sur le site de l'INA. Incroyable... On voit Dumayet, dont mes lecteurs fidèles se rappelleront que j'avais déjà signalé (en 2009) une autre interview, consacrée celle-ci au créateur d'environnement Frédéric Séron (toujours sur ce même site de l'INA), on voit Dumayet s'entretenir avec le peintre Jean Galeani, en 1955, alors octogénaire, sur le seuil, de son appartement puis dans son atelier, où il habitait depuis le début du XXe siècle en haut d'une cage d'escalier où faute de place et sans doute de meilleures conditions d'exposition il exposait certains de ses tableaux (l'Aigre de Meaux de son côté, toujours en commentaire de ma note sur le tableau Victoire, défaite de 1919, et après les révélations de Régis, a retrouvé l'adresse exacte où habita Jean Galeani, au 74, rue de Turenne dans le Marais à Paris, adresse qui est donnée dans un compte-rendu par le journal Le Petit Parisien en 1913 de l'affaire d'un autre tableau refusé de Galeani, intitulé La Justice ; on y apprend par ailleurs que le peintre était originaire de Montpellier). Il faut croire que Pierre Dumayet développait dans ces années 50 de l'autre siècle une sympathie récurrente pour les Naïfs et les créateurs autodidactes. Question à creuser...

Interview de Jean Galeani par Pierre Dumayet, 8 avril 1955, site de l'INA

 

    Comme en ont débattu les divers commentateurs qui se sont succédés après la révélation de Régis (voir donc ma note du 10-06-2011), les propos de Galeani dans cette interview paraissent refléter la position qui devait être celle des tenants de la révolution parmi beaucoup d'hommes du peuple à l'époque (avant la fin des années 30, avant les procès de Moscou), à savoir une indifférenciation entre communistes à la Lénine, que Galeani dit avoir "rencontré" (il montre dans le sujet une sculpture où l'on voit Lénine en forgeron) et anarchisme (certains des tableaux présente un christ "vivant" dont Galeani retient surtout l'injonction pacifiste "aimez-vous les uns les autres", tandis qu'un autre plus allégorique présente l'Autorité comme un pied géant venant écraser la foule ; cette critique de l'autoritarisme est au fondement même de l'anarchisme). Cela dit, il semble que Galeani, homme simple, ait gardé de l'affection même à Staline dont l'interview indique à un moment qu'il lui consacra un tableau, sans doute parce qu'il ne s'encombrait guère d'information, ou bien qu'il avait évolué au fil du temps de l'anarchisme au communisme, préférant se concentrer avant tout sur l'attitude anti-capitaliste (il paraissait détester l'argent, dont il se moquait, en lui consacrant un billet  encadré sous-verre telle une icône). A noter aussi la mention que Galeani avait été "parrainé" par Louise Michel qu'il avait également rencontrée lorsqu'il était plus jeune.

 

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Jean Galeani traînant sur une charrette son tableau La Justice du côté du Grand Palais où avait lieu le Salon d'Automne où le tableau avait été refusé ; photo 1913, agence Rol, source Gallica.bnf.fr

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Le même Galeani, alors bien plus jeune qu'à l'époque de l'interview de Pierre Dumayet, en 1913, posant à côté de la charrette chargée de son tableau ; on devine les vers de La Fontaine en bas à droite du tableau ; photo Agence Rol, site Gallica.bnf.fr 

 

     Avec ce film, Régis a pu nous donner d'autres liens également vers un reportage et des photos présentes sur le site Gallica de la BNF, photos faisant partie du domaine public, donc reproductibles à la seule condition d'en indiquer les références et la source, relatant l'affaire d'un autre tableau de Galeani refusé en 1913 par le jury du Salon d'Automne, tableau allégorique inspiré de La Fontaine, et intitulé la Justice, un juge sur le tableau étant campé par un loup brandissant la tête décapitée d'un âne, le coupable  qu'il avait condamné. Les vers de conclusion de La Fontaine (extrait de la fable "Les animaux malades de la peste") étaient reproduits en exergue sur le tableau (visibles à demi sur la photo ci-dessous): "Selon que vous serez puissant ou misérable,/Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".

     On aimerait savoir bien entendu ce que sont devenus les tableaux de Jean Galéani. ils étaient nombreux, si l'on s'en réfère au mur que détaille à un moment de l'interview le vieux peintre pour Pierre Dumayet. Qu'est devenu ce grand tableau de 1913 La Justice, refusé comme la version plus grande de Victoire-défaite de 1919, lui l'ayant été au Salon de la Nationale (Galeani, naïvement, croyait qu'il aurait des chances dans de tels salons académiques, à moins qu'il n'ait été sûr de s'en faire jeter et que cela lui donnerait l'occasion de le faire savoir, là aussi naïvement ; c'est plutôt dans ces tentatives de communication, charrette à bras défilant dans Paris, inscription pour mémoire au verso de sa mouture réduite de Victoire, défaite, que l'on doit en effet remarquer qu'il se faisait pas mal d'illusions sur ses chances d'être entendu)? Qu'est devenu en particulier aussi le tableau montrant la roulotte où Galeani à une époque de sa vie (après les années 20?) décida de trimballer ses œuvres "de Cherbourg à la Bretagne"? Il y organisait paraît-il des "loteries" où l'on pouvait gagner ses œuvres... Ce qui nous indique que sans doute ses œuvres de l'époque partirent entre les mains de collectionneurs peut-être moins fortunés qu'à l'accoutumée. D'où elles purent continuer secrètement leur chemin vers les brocantes. Je n'ai pour l'instant pas retrouvé dans ma documentation imprimée de mention de ce Jean Galeani. C'est du reste à cause de cette absence de référence dans les ouvrages consacrés à l'art naïf que je n'avais pas cru bon de chercher sur internet. Erreur...! Il faut se rendre à l'évidence, beaucoup de peintres et de créateurs ont été oubliés des ouvrages d'Anatole Jakovsky, Albert Dasnoy et autres Bihalji-Merin. A nous aujourd'hui de les réhabiliter en clamant haut et fort, peut-être tout aussi "naïvement", que ces peintures et ces messages picturaux alliant naïveté (immédiateté) et anarchisme nous concernent. 

 

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Jean Galeani rigolard, photo Agence Rol, éditée en 1914 (mais datant probablement du même jour que la balade en charrette du tableau La Justice)

 

 

 

 

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Des morts, toujours des morts...

       Mort récemment, Jean-Marie Massou  (1950-2020) à Marminiac, sans que je sache comment, si, par exemple, comme Molière, il a fini en scène, c'est-à-dire, en ce qui le concerne, en chantant ses cantiques personnels au fond de la terre (voir vidéo ci-dessous) creusée amoureusement toute sa vie, au départ, avec le prétexte d'une recherche de civilisation préhistorique. (En fait, si, on peut savoir comment il est mort: affaissé au pied de son lit, découvert par son ami – et protecteur - l'ancien maire de Marminiac, André Bargues). Voici, parmi d'autres souvenirs de M. Bargues évoqués sur le blog d'un certain Lenous, qui a utilisé sans vergogne un de mes photogrammes sans citer sa source, bonjour le sans gêne ; c'est la photo qui sert pour illustrer la vidéo ci-dessous justement), ces propos prêtés à Massou: "Il est grand temps d’arrêter de procréer, mieux vaut adopter. L’apocalypse est bientôt là. Nous sommes plusieurs milliards sur cette terre. Les enfants, c’est fini. Ils n’ont plus d’avenir. Plus de travail. L’ozone décortiqué, le soleil blanc qui commence, plus aucun avenir à attendre. Si vous voulez faire l’amour, embrassez-vous dans une glace ou alors prenez la photo d’une copine."

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Jean-Marie Massou est parti explorer le royaume des ombres, photogramme du film d'Antoine Boutet, Le Plein Pays.

Jean-Marie Massou, photogramme Bruno Montpied, extrait du film Super 8 que je lui ai consacré en 1987 ; dans le document sonore, il chante un des "cantiques" de son invention.

 

      Mort encore, tout récemment, José Leitao (1938-2020) que j'avais évoqué dans mon Gazouillis des éléphants, après l'avoir rencontré à Ailly-sur-Somme, grâce à l'ami Laurent Jacquy. Que vont devenir ses sirènes, ses mains de Fatma, ses pions de jeux d'échec? D'ores et déjà, comme Laurent me l'a signalé, on pourra disposer un jour, au moins, de l'ensemble de ses oeuvres photographiées par Jacquy (si ce dernier songe à les léguer à quelque documentation de musée), à défaut de la sauvegarde de son œuvre, qu'il ne vendait pas.

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José Leitao (à droite) expliquant en 2011 sa technique à Laurent Jacquy, ph. Bruno Montpied.

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José Leitao, une de ses nombreuses sirènes, ph. Laurent Jacqy.

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José Leitao, Tu vois ça Oh non, sculpture en bois peint, ph.B.M., 2011 ; Un poing fermé, symbole du combat communiste...

 

       Et enfin, troisième évocation, celle de Yann Paris (1964-2020), pas très connu non plus, mort trop jeune (54 ans...), en laissant derrière lui, me prévient Laurent Jacquy, qui était son grand ami, près de 300 sculptures empreintes d'un esprit enfantin perpétué à l'âge adulte, traitant avec une naïveté assumée aussi bien des artistes, des musiciens (de rock ou de blues), des écrivains connus (Breton...) que des figures admirées des bandes dessinées de sa jeunesse.

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Yann Paris, André Breton entouré de ses poupées hopi "Kachina"

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Yann Paris, Bodan (sic) Litnianski, 1913-2005, le chef surmonté de figurines d'Indiens et de billes, quelques éléments emblématiques de son jardin Viry-Noureuil dans l'Aisne. Ph.B.M., 2011.

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Yann Paris, Le professeur Tournesol, ph. .M., 2011.

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Yann Paris, Captain Beefheart. Ph. B.M., 2011.

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Yann Paris, des héros de Marvel.

 

 

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Le Plein Pays continue sa route, jalonnée de prix...

    Bon, ça ne vous aura pas échappé sans doute mais le Plein Pays, le formidable film d'Antoine Boutet consacré à Jean-Marie Massou, est sorti en salle, et a reçu plein de prix. Il est également passé sur Arte apparemment le 15 novembre (voir commentaires), et il est diffusé sur le site web de la chaîne. La prochaine diffusion sur la chaîne si j'ai bien compris sera pour le mercredi 24 prochain à 5h00... Faudra programmer ou être bien matinal...

    Si vous voulez savoir où passe le film sur grand écran, et particulièrement s'il passe prés de chez vous, veuillez cliquer sur cette liste que l'on trouve sur le site des Films du Paradoxe, cela va jusqu'en février il me semble...

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Jean-Marie avec une photo de jeunesse où il brandissait une icône personnelle..., ph Antoine Boutet, site web des Films du Paradoxe

 

 

    Pour les Parisiens, et les habitants de sa périphérie, il y aura bientôt une occasion de le revoir, en présence (présumée) du réalisateur, dans une soirée organisée par Nicolas Reyboubet au cinéma Kosmos à Fontenay-sous-Bois, et consacrée aux personnages singuliers. Un autre film sur Chomo, d'Antoine de Maximy, plus ancien (1985), sera projeté en même temps, lui aussi en présence du réalisateur. Le tout aura lieu samedi 18 décembre à 21h.

Cinema Kosmos. 243ter Avenue de la République. 94120 Fontenay-sous-Bois.

 

 

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L'idiome du village, une exposition proposée par le musicien Jean-François Vrod

"Inauguration en musique de l'exposition 'L'Idiome du village", art brut, populaire,
avec le Trio la Soustraction des Fleurs 

Jean-François Vrod, violon, voix - Frédéric Aurier, violon, voix -  Sylvain Lemêtre, zarb, voix - Sam Mary, lumières
11 octobre 2012 à 18h30
Maison des arts plastiques Rosa Bonheur - 94550 Chevilly-Larue

renseignements : 01 56 34 08 37"

     Tel est le message quelque peu laconique que l'on trouve sur le site web du violoniste à la fois traditionnel et contemporain Jean-François Vrod (en cliquant sur le lien vous trouverez une bio particulièrement synthétique sur son parcours). J'avais déjà entendu parler d'une exposition organisée à partir de sa collection personnelle de créateurs bruts et populaires, expo qui s'était tenue en banlieue parisienne au sud, je ne me souviens plus de la commune (Les Ulis?), il y a quelques années (2004?). Je l'avais loupée, à mon grand dam. D'autant que j'appréciais le musicien jusque là pour certains de ses enregistrements particulièrement poétiques (notamment un disque de 1996, "Voyage" édité chez le label Auvidis, absolument enchanteur, puis un disque solo édité chez Cinq Planètes). Je suis assez amateur de musiques traditionnelles à mes heures. Apprendre donc que ce musicien a tressé des passerelles entre musiques traditionnelles, improvisation et arts populaires est plutôt captivant.


podcast Extrait (les Miroirs) du Cd "Voyage" (1996) de Jean-François Vrod, C. Declercq, et C. Joris

    En fait, il a conçu dès 1999 cette exposition comme une sorte de manifestation en perpétuel chantier, au gré de ses découvertes, sous le titre générique de "L'idiome du village". Voici sur son site ce qu'il en dit: "... le musicien de tradition orale y est envisagé comme membre de la grande famille d'artistes en marge de l'histoire de l'art (Bruts, aliénés, enfants, primitifs contemporains...)."

 

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Jean-François Vrod tenant une statuette en bois de style naïf (auteur anonyme), trouvée sur une brocante en Vendée


     Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir comment s'articule exactement la musique de Jean-François Vrod avec les objets ou les œuvres exposées par lui. L'exposition d'une centaine de pièces qui se monte à partir du 11 octobre, et qui durera jusqu'au 10 décembre, à la Maison des arts plastiques Rosa Bonheur à Chevilly-Larue tombera donc à point nommé pour vérifier ce détail. A priori seront présentés "pêle-mêle" (ce sont les mots de l'artiste) des bruts (Yvonne Robert par exemple), des populaires et des contemporains du genre marginalisé. Voici les noms que j'ai pu obtenir auprès de Jean-François Vrod: "pas de noms vraiment connus: Slimane Houalli, (sculpture animaliére à base de coquilles d'huitres), André Poirson, sculpteur sur bois ; Yvonne Robert, paysanne-peintre de Vendée; Robert Battefort, dessinateur naïf ; Pierre Diet et Philippe Durand, sculpteurs lozériens, Jeanine Suchet-Roux, peintre; Roland Vincent, sculpteur sur pierre creusois; Joseph Bouton sculpteur du Bourbonnais, Denis Simmonet sculpteur sur bois flottés de L'île de Noirmoutier ; Frédéric Le Junter plasticien et musicien... Hormis Roland Vincent, sculpteur sur pierre et poudre de granit, que j'ai déjà évoqué dans ce blog (et que j'ai exposé moi-même dans un Festival d'Art Singulier à Aubagne en 2006), je ne connais pas grand-monde dans cette liste. Le nom de Jeanine Suchet-Roux me dit quelque chose, elle fut exposée au Printemps des Singuliers voici quelques années à Paris, il s'agit d'une artiste dite singulière et non pas populaire ou naïve. Les amateurs d'art populaire devront se rendre sur place pour y retrouver les leurs...jean-françois vrod,musiques traditionnelles,musiques d'outre-normes,yvonne robert,roland vincent,chapluzaïres,art populaire,art naïf,art singulie,l'idiome du village,maison d'arts plastiques rosa bonheurr

     J'ai l'impression que Jean-François Vrod au gré de ses balades et concerts, et autres "conférences musicales" (sur les "êtres fantastiques en Dauphiné" par exemple), glane toutes sortes d'expressions marginales qui l'intriguent, et comme il s'intéresse aussi passablement aux musiques du Massif Central, où il a fait du collectage, peut-être même est-il tombé sur quelques "chapluzaïres" tels que ceux que j'ai évoqués dans cette ancienne note.

 Ci-contre, Roland Vincent, sans titre (un tambourinaire?), vers 2005, coll Bruno Montpied

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Jean-François Vrod et un petit vélo en bois (à rajouter aux autres vélos populaires mentionnés sur ce blog), lui aussi trouvé sur une brocante en Vendée


 

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23/09/2012 | Lien permanent

Marie Audin revient au musée de la Création Franche

     Du 5 décembre 2014 au 1er février 2015, on pourra aller découvrir les petites œuvres faites selon la technique du pricking, mise au point par la créatrice, Marie Audin (-ex Marie Adda), au musée de Bègles. Une centaine d'œuvres sont accrochées, en même temps que se tient une seconde exposition parallèle d'Albert Louden (gros bonshommes en apesanteur...), sujet britannique, comme une moitié de Marie Audin, dont la mère était anglaise. J'ai déjà présenté cette créatrice, complète autodidacte, dont le métier est dermatologue, ce qui a un rapport étroit avec ses réalisations (qui a dit que les éléments biographiques n'avaient aucune importance pour comprendre une œuvre artistique?). C'était dans Création Franche n°33, en 2010 ("Marie Adda: sous la peau des images"), suite à ma découverte de ses œuvres exposées déjà à Bègles (c'est ce musée qui l'a révélée en 2009 ; de même que c'est sa visite qui quelques temps auparavant avait révélé à Marie les différentes formes d'expression affranchies de l'art académique qu'il contient, réveillant en elle le désir de reprendre des velléités créatrices qui s'étaient alors rendormies).

 

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Marie Audin, un de ses prickings, avec inscriptions, "Help", "Hope and glory", "Don't give up the fight!", ph. Bruno Montpied, 2014

 

      Marie joue avec des supports qu'elle chipe la plupart du temps dans les restes de matériaux qu'elle manipule à son travail, elle les piquète (d'où le mot anglais de "pricking") à l'aide d'aiguilles et de seringues. Dessous-dessus, et dessus-dessous. Cela ne donne pas les mêmes trous. Parties depuis le dessus, les perforations ont des bords légèrement boursouflés qui les apparentent aux pores de la peau, ou à une chair de poule. L'aiguille ayant traversé depuis le dessous, les trous s'apparentent à de simples points (J'ai rappelé dans mon article de 2010 que Marie avait gardé un brillant souvenir d'avoir admiré des tableaux de Seurat et Signac... Des pointillistes comme de juste!).

 

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Marie Audin, sans titre, deux personnages affrontés, pricking et broderie, aquarelle, ph BM, 2014

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Marie Audin, sans titre, composition aquarellée, brodée et pricking, ph BM, 2014

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Marie Audin, sans titre, composition abstraite, par pricking, ph BM, 2014

 

     Ses compositions sont tantôt abstraites, ressemblant parfois à des géographies, des photos aériennes de campagnes agricoles, Marie aimant à se perdre dans des jardins austèrement ratissés à la Ryoân-Ji , tantôt elles sont figuratives, campant des grosses têtes sommaires sans détail superflu, ou bien tantôt encore ses œuvres combinent un peu les deux séries, ce que personnellement je préfère chez elle. Ce sont du reste ces dernières œuvres qui pourraient la faire ranger dans l'art brut, en raison de leur tension inventive, tandis que les autres, les grosses têtes, la feraient plutôt ranger du côté des Singuliers, autodidactes sans formation artistique créant des figurations sans volume, dans un graphisme proche de l'art enfantin ou du moins d'une certaine stylisation, mais non dénuées de références à la culture artistique (à commencer par d'autres singuliers, comme Chaissac, Sanfourche, Macréau, Basquiat, Chomo...). Avec ses "grosses têtes", elle entretient un cousinage inconscient avec un Pierre Albasser, lui aussi révélé au musée de la Création Franche du reste. L'œuvre piquetée, sur un fond préalablement aquarellé, elle ajoute parfois aussi du fil et rajoute de la broderie dans ses compositions (les plus complexes). Et puis elle passe beaucoup de temps à les cadrer grâce aux passe-partout qui jouent un rôle primordial dans ses œuvres.

 

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Marie Audin dans ses efforts de cadrage, ph. BM, 2014

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Marie Audin, sans titre, deux figures en broderie et pricking, ph BM, 2010

     C'est donc à une seconde peau que s'en prend Marie Audin, avec ses aiguilles, et le vocabulaire dermique peut facilement venir à l'aide en ce qui la concerne. C'est une curieuse acupuncture en effet à laquelle elle se livre, sur le corps symbolique de l'image, et parfois aussi de curieuses sutures avec sa broderie. A qui prodigue-t-elle en premier ce qui s'apparente à des soins avec ses seringues et ses aiguilles? Quelles plaies recoud-elle? S'agit-il des spectateurs, ou d'elle-même? Probablement des deux.

 

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La boule aux aiguilles variées, qui sont les outils de la créatrice ; à noter aussi dessous le set de table avec ses sillons concentriques qui ressemblent à certaines des compositions de Marie Audin, ph BM, 2014

 

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Souvenir des Pierres qui Parlent, Marie-Antoinette Bassieux

     Qui se souvient des "Pierres qui Parlent" et de leur petit musée à Dieulefit dans la Drôme?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; photographe inconnu

      Une dame fort âgée, Marie-Antoinette Bassieux l'avait créé dans une boutique vitrée où elle abritait sur des rayonnages des dizaines et des dizaines de cailloux, galets de rivière ou autres. Elle avait perçu des images inscrites à leur surface. Convaincue que bien entendu le public distrait n'a pas toujours la disponibilité requise pour reconnaître ces signes, à ses yeux pourtant évidents, Mme Bassieux avait consenti à souligner d'une légère touche de pinceau trempé dans l'encre noire les contours des personnages qu'elle avait reconnus.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      L'inconscient naturel de ces pierres, ou l'imaginaire de Dieu (m'est avis que c'était l'hypothèse envers laquelle penchait en premier le coeur de Mme Bassieux...), n'était pas tout à fait naïf en l'occurrence.  Ces images trahissaient une culture artistique moyenne, comme si Dieu, avec un coeur qui ressemble parfois  à celui d'une midinette, avait beaucoup regardé des estampes, des profils enclos dans des médaillons, des scènes animalières quelconques. Un Dieu bien provincial somme toute (à la mode de jadis, je dis ça pour "G.M."), qui avait glissé ces copies en catimini dans les pierres, poursuivant je ne sais quel but, mais les voies du Seigneur ne sont-elles pas impénétrables?

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée (une souris grignotant une partition), vers 1985 ; ph.inc.

      Cependant, ces pierres interprétées finissaient par charmer. Sans doute parce que quel que soit le motif aperçu dans les matériaux naturels, l'oeil du spectateur reste amusé, intrigué devant tel phénomène de divination. Il y a comme une magie qui opère lorsqu'on se rend compte que l'interprète a sorti un personnage de rien, de l'informe, où pourtant elle l'avait perçu à l'état embryonnaire. Et peut-être que cette magie est d'autant plus opérante lorsqu'elle se manifeste dans le cas de ce genre de création aux sujets à la limite du banal, du convenu.

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Marie-Antoinette Bassieux, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

      La collection de Mme Bassieux, dont a parlé en son temps Pierre Bonte (il l'avait interviewée) dans un de ses Bonjour M.le Maire, fut un moment transférée dans un "Naturodrôme", à Crest dans la Drôme toujours et comme le nom de cette collection consacrée à la poésie naturelle l'indique. Puis elle revint de guerre lasse à son point de départ, à Dieulefit (dont le nom, on s'en convaincra aisément, était déjà tout le programme de Mme Bassieux...). L'interprète des pierres m'écrivit quelques lettres pour me faire part des avatars affectant ses collections. Elle aurait bien aimé trouver un lieu qui protége de façon assurée ses pierres "parlantes" aprés son séjour terrestre. Que sont-elles devenues aujourd'hui? C'est ce que je me demandais ces jours-ci. Alors, si vous le saviez, ne vous privez pas d'éclairer nos lanternes... 

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Marie-Antoinette Bassieux, Tintin, pierre interprétée, vers 1985 ; ph.inc.

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