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Rechercher : serge paillard

Noms prédestinants, quelques images

Serge-Laroche-,Bordeaux,-se.jpg

 

 

       Ce Serge Laroche n'est peut-être qu'un nom d'emprunt légitimé par sa profession, du moins pourrait-on se poser la question. Qui dit que les artisans ne prennent pas des noms parlants, enracinant leurs qualifications dans la prédestination d'un patronyme reconstruit après-coup? A noter que l'enseigne se trouve dans la même rue (Camille Sauvageau, à Bordeaux) que la boutique de "J.Boucherie, imprimeur" dont j'ai déjà publié la photo ici.

         Par contre, il est plus que probable que le libraire ci-dessous évoqué n'a pas triché lui sur son nom, ou bien ce serait du masochisme. La rencontre du patronyme et de la fonction de celui qui le porte est amusante, isn't it?

 Daniel-Pillar-libraire,-nov.jpgDaniel Pillard, libraire, Lyon... ph. Bruno Montpied, nov. 2008

 

      Mais il y a encore plus drôle, si je puis dire, lorsque l'on découvre, en se promenant le long du cimetière du Père-Lachaise à Paris, la devanture gigantesque des frères...

 

Lecreux-Frères-marbriers-fu.jpg

 Marbriers funéraires, Paris XIe, ph. BM, mars 2010

  

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Mad Métallos

      On nous annonce une exposition d'une petite partie de la collection du Madmusée de Liège qui aura lieu à Paris dans les tout prochains jours, du 16 au 30 avril (vernissage le jeudi 15 à 18h), à la Maison des Métallos dans le 11e ardt face à la mosquée de la rue des Couronnes. Seront présentées des oeuvres de Serge Delaunay (Bel), Umberto Bergamaschi (It), Pascale Vincke (Bel),Pascale Vincke.gif Wouter Coumou (Pays-Bas), Martha Branten (idem),Martha Branten.jpg Dwight Mackintosh (à signaler l'exposition parallèle située non loin de la Maison des Métallos, à la Galerie Impaire, rue de Lancry dans le 10e ardt, entièrement consacrée pour le coup à Mackintosh, qui fréquenta longtemps le Creative Growth Art Center d'Oakland en Californie - dont la Galerie Impaire est comme on le sait l'émanation parisienne)Dwight Mackintosh.gif, Paloma Gonzalez (Esp), Hans-Jörg Georgi (All), Antonio Dalla Valle (It), Marco Raugei (venu du centre italien de La Tinaia, si je ne me trompe?), Wataru Saitou (J), Cathy Staughton (Aust.), Bernard Grandgirard (Sui) et Giovanni Galli (It).

Umberto Bergamaschi, Bibliothèque Panizzi, Donation Menozzi.jpg
Umberto Bergamaschi dans le catalogue Ai Marginali, pastel sur carton 

       Voici ce qu'écrivent les animateurs du Madmusée pour définir quelque peu le sens de leur action: "Inauguré en octobre 1998, ce musée valorise les démarches artistiques de personnes déficientes mentales. (...) Dévoilé pour la première fois à Paris, ce singulier patrimoine trouve sa source dans d'audacieux ateliers de pratiques artistiques, développant à la fois l'apprentissage de  techniques rigoureuses et une éthique respectueuse de la personnalité et de l'inventivité de tout artiste. Aucune intention thérapeutique ou occupationnelle n'y a droit de cité."

       Je connais assez mal les oeuvres présentées, et comme j'ai toujours eu la flemme de me rendre à Liège, je pense donc que c'est une bonne occasion d'en savoir plus.

Madmusee, invitation.jpg

Maison des Métallos, 94, rue Jean-Pierre Timbaud, 11e, Paris. Expo en entrée libre, ouverte TLJ de 14h à 19h, nocturne le jeudi jusqu'à 22h. 

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Joseph Donadello, ”Ralenti regarde moi”...

A Pierre Gallissaires, fidèlement   

Joseph Donadello, jardin de statues prés de Saiguède, photo Bruno Montpied, 2008.jpg
Jardin de statues de Joseph Donadello, prés de Saiguède, en dessous de Toulouse, photo B.Montpied, 2008

    On n'entendait plus parler de nouveaux environnements spontanés depuis longtemps. C'est pourquoi j'étais curieux de faire un tour du côté de Saiguède en Haute-Garonne, pour découvrir le jardin de statues de Joseph Donadello dit "Bepi Donal", site signalé discrètement avec quelques autres par Bernard Dattas et Denis Lavaud dans le bulletin Zon'Art (boudi que ce titre est dépréciatif, collant mal aux sujets qu'il servait pourtant à défendre...).

Jardin aux statues de Joseph Donadello, partie centrale, ph.B.Montpied, 2008.jpg

    Ce fut un peu difficile à trouver. Sur le bord d'une route menant au bourg de Saiguède (Haute-Garonne), on finit pourtant par ne pas le manquer, le jardin de M.Donadello, grâce au témoignage classique, "vous verrez, c'est au coin, c'est plein de trucs, on ne peut pas ne pas le voir". On a déjà tourné un film sur lui (de Noémie Dumas, et intitulé "Le Jardin de Bepi", voir le programme des XIe Rencontres autour de l'Art singulier à Nice avec Hors-Champ au début juin de cette année). Avant Zon'Art, Joseph Donadello avait été signalé dans un numéro de La Dépèche du Midi (article de Sylvie Roux) à l'occasion d'une exposition avec Honorine Burlin, Roger Lemière (tous deux créateurs presque voisins de Donadello) et aussi Joseph Buil (qui était alors âgé de 95 ans, selon Donadello) ainsi que Joël Barthe, à l'Espace Saint-Cyprien à Toulouse en 1999 (elle avait un titre amusant, "Les Mains de Jardin" et était organisée par l'Association Vertical).Article de Sylvie Roux dans La Dépèche du Midi, 1999.jpg De leur côté, les Boudra du musée Les Amoureux d'Angélique avaient découvert Donadello et les autres par eux-mêmes, comme des grands, en secret. On peut retrouver des oeuvres de Joseph ainsi que d'Honorine au musée des Amoureux d'Angélique au Carla-Bayle, voir nos notes sur cette collection.

    Son jardin empli de statues épaisses et plates pour la plupart, faites grâce à des moules, trés colorées, serait terminé aux dires de son auteur  (le dernier sujet sculpté étant, à ce qu'il nous a confié en juillet, un Bob l'Eponge...). C'est qu'il est arrivé à l'âge respectable de 80 ans (naissance en 1927). Et que la fatigue vient, légitime après "trente-six métiers, trente-six misères", expression qu'il aime reprendre avec le sourire. C'est vrai qu'il a exercé plusieurs boulots passant du bâtiment aux chauffeurs routiers, de l'agricuture aux charpentes, du cordonnier aux PTT. Construisant au passage de ses mains une douzaine de maisons pour sa parentèle, de nuit après ses journées de travail.

Portrait de Joseph Donadello avec son autoportrait Zozo, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Joseph Donadello posant à côté de "Zozo", son autoportrait, ph.B.Montpied, 2008

   Ces métiers, on ne les sent pourtant pas omniprésents dans l'inspiration de ses statues (hormis une compositon avec des scies assemblées sur le fronton d'une remise). En dehors d'une inspiration hétéroclite puisant (c'est le cas de le dire, Donadello a commencé par un puits) passablement à des sources télévisuelles (mais aussi régionales, voire le 3ème commentaire ci-après de Michel Valière), il semble que l'une de ses passions dominantes soit avant tout la pétanque... Dans l'autoportrait en "Zozo" qu'il a planté dans un coin de son jardin, à côté d'un présentoir avec rayonnages envahis de petites sculptures, il a mis des boules à la place des mains de ce dernier. Lorsque je lui demandai de poser à côté de ce loustic, il s'appuya sur lui avec d'évidentes fierté et joie.

Joseph Donadello, fresque et bas-relief à l'entrée de son jardin, ph B.Montpied, 2008.jpg
Joseph Donadello, fresque et bas-relief à l'entrée de sa propriété, le bateau "Victoire", le chien de garde "Tango", etc... Ph.B.M., 2008

    Le jardin (commencé vers 1985-1986, environ 240 statues selon leur auteur) s'étend en bordure de route, émaillé de panneaux où des avis sont destinés aux curieux qui s'arrêtent en voiture (je conserve leur orthographe): "Ralenti regarde moi", "Stop visites à l'oeil", "Propriété privé interdit de photographier" (ce qui n'empêcha pas qu'une fois que nous nous fûmes présentés, l'auteur me laissa photographier tout à mon aise, étant entendu que nous convînmes ensuite d'un échange qui pût nous satisfaire tous les deux), "Visites interdites depuis la route DANGER On visite à l'intérieur"... Cette dernière injonction est assez juste, car si les statues sont placées de façon à amorcer l'attention des passants motorisés (juste après un virage), elles se donnent plus facilement à voir de l'intérieur du jardin (et c'est aussi plus sûr car les bas-côtés ne sont pas assez sécurisés). Il est donc essentiel de faire courtoisement connaissance avec le créateur des lieux.

            Jardin de Joseph Donadello, Laurel et Hardi (sic), ph B.Montpied, 2008.jpg        Joseph Donadello, Adam et Eve, ph.B.Montpied, 2008.jpg

    Les statues sont nombreuses, pas très hautes, vivement colorées, sans trop de nuances. Des noms, parfois sibyllins, sont généralement apposés dessus les pièces (là aussi je respecte l'orthographe): Amanda [Lear], Rika [Zaraï], Belmondo, Lolobrigida, O no Lulu [Honolulu], Babar, Fernandel, Bourvil, Kali [l'ours dans le film Zorba le Grec], Papinette [un personnage inventé par l'auteur ; du reste, il y en a d'autres de même inspiration, ce qui me rappelle l'abbé Fouré], Cazanova, Serge [Blanco, ex-champion de rugby], Adam [bien membré] et Eve, Bomba [au lieu d'Alberto Tomba], Catinou et Jakouti [personnages comiques régionaux, selon Michel Valière], Laurel et Hardi [curieusement intervertis dans leurs noms], Marilyn [sans aucune ressemblance avec Monroe], Vénus, Eric [Cantona], Serge ["Lama", voua, le jeu de mots, car le nom est porté par un lama],

Joseph Donadello, trois statues dans son jardin, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Joseph Donadello, Serge "Lama", La Soeur Kikète, l'Ours Zorba, etc., ph.B.M., 2008

 Shirley et Dino, Aldo [Maccione] et la Mama, le Père Noël, etc.,etc... A côté, quelques maquettes de monuments (la Tour Eiffel, le Mont Saint-Michel et un autre monument intitulé "Qui l'aurait dit",  le Panthéon et ses "grands hommes" -cette citation par maquette interposée est évidemment malicieuse, le jardin tout entier de Bepi Donal proposant un autre Panthéon, nettement plus alternatif).

Donadello,Le Panthéon,ph B.Montpied, 2008-.jpg
Joseph Donadello, le Panthéon avec divers personnages, ph.B.M., 2008

     Distincte du jardin proprement dit, autre sas avant l'habitat intime du couple Donadello, on trouve ensuite une véranda qui fonctionne à la fois comme une galerie et une salle des trophées. Trophées gagnés dans les multiples concours de pétanque auxquels participa le créateur, coupes se bousculant sur les rayonnages qui courent le long des murs de cette grande salle.

J.Donadello au milieu de ses peintures et de ses trophées, ph B.Montpied, 2008.jpg
Joseph Donadello au milieu de ses oeuvres et de ses trophées de joueur de pétanque, ph.B.M., 2008

 

     Dans cette "galerie" bien remplie, on découvre que Bepi Donal, signature que Joseph Donadello préfère apposer sur ses oeuvres, est aussi un peintre hésitant entre naïveté et art brut,Bepi Donal, peinture, la Cicolina (sic), ph B.Montpied, 2008.jpg lorgnant de temps à autre vers une certaine expérimentation. A côté de saynètes souvent proches de l'esprit satirique ou caricatural, il peint en effet par des coulures aléatoires des tableaux où il superpose parfois des silhouettes. Le résultat faisant penser à des effets proches du papier marbré pour reliure. L'"artiste" ne s'arrête pas là, il peint sur tuiles aussi, et ne dédaigne pas à l'occasion de mêler à la peinture des collages de personnages découpés d'après des photos.Bepi Donal, peinture et collage, sans titre, ph.B.Montpied, 2008.jpg

     Au total, un lieu joyeux, où la couleur règne en maîtresse, et où, en dépit d'une certaine hâte du créateur (qui "aime que ça aille vite") qui est peut-être cause de l'inégalité d'inspiration des diverses sculptures, on rencontre à maintes reprises des oeuvres de très belle facture, à la fois comiques et étranges... Chefs d'oeuvre primesautiers masqués derrière une apparence de bonhommie?

Bepi Donal, peinture sans titre, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Bepi Donal, peinture sans titre, ph.B.M., 2008

   

 

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Roland Vincent

Roland Vincent,Ph.B.Montpied, 2005.jpg
Une sélection de travaux de Roland Vincent, ph.Bruno Montpied, Le Mont-de-Sardent, 2005

    Roland Vincent n'a pas, de façon explicite tout au moins, le désir manifeste d'échapper à ce qui englue les personnages qui naissent sous ses doigts. Auteur (à l'époque où je l'ai rencontré, c'est-à-dire en 2005 et 2006) de deux sortes de sculptures, d'une part des pierres de granit taillées en forme de têtes qu'il sème dans son jardin au Mont-de-Sardent dans la Creuse, et d'autre part des statuettes en assemblage de matériaux récupérés qu'il encolle avec un enduit fait de poudre de granit pulvérisée (c'est des pièces de cette série que j'avais plus particulièrement choisi d'exposer lors de ma "carte blanche" du 9e festival d'art singulier à Aubagne en 2006), dans cette deuxième veine, il paraît ne pouvoir que difficilement préciser les contours de ses personnages auxquels il ne donne pas de titres nets.

Roland Vincent,le tambourinaire, ph.Bruno Montpied.jpg
Roland Vincent, [Le tambourinaire?], vers 2005, coll. privée, Paris, ph.BM

   Ils me paraissent assez voisins des corps retrouvés sous les cendres du Vésuve à Pompéi, pétrifications, fossilisations de réminiscences d'une mémoire hésitante... Imaginaire englué qui donne en spectacle la tragédie d'un enfermement dans la matière, gardant son secret par-dessous...

Roland Vincent, homme pétrissant sous la Lune, ph.B.Montpied.jpg
Roland Vincent, [homme pétrissant de la matière sous la Lune], vers 2000, coll. privée, Paris, ph.BM.

    Roland Vincent vit dans la Creuse sur une colline appelée le Mont de Sardent (au-dessus de Sardent, le village où fut tourné Le Beau Serge de Claude Chabrol). Maçon de son état (fils et petit-fils de maçon), il s'est mis à la sculpture en autodidacte, de même qu'un frère (dont les œuvres sont encore plus secrètes, pour la plupart aujourd'hui dispersées, quelques-unes fort rares pouvant parfois encore se rencontrer au hasard des pérégrinations dans les environs de leur village). Il lui arrive d'exposer de temps à autres, par exemple à Limoges, ou à Masgot (Maison de la Pierre ; le village du tailleur de pierre François Michaud).

Jojo vincent, tête sculptée, Mont-de-Sardent, ph.B.Montpied, 2006.jpg
Jojo Vincent, tête sculptée dans le granit, Mont-de-Sardent, ph.BM, 2006.

    Les pierres de granit étant abondantes sur le terrain où lui et ses proches habitent tout au long de l'année, au début des années 80, il eut l'idée de les ramasser, pour les sculpter en forme de visages le plus souvent. Il sème ces dernières autour de sa maison. C'est depuis 1995 (à peu près) qu'il récupère la poussière de granit qu'il pulvérise ensuite, aprés encollage, sur des infrastructures de matériaux de rebut assemblés afin de donner la structure interne de ses statuettes. Cela donne des personnages drôlatiques difficiles à identifier, profondément empêtrés dans la matière.

Ensemble de statuettes de Roland Vincent, ph.B.Montpied, 2006.jpg
Roland Vincent, ensemble de statuettes dans son atelier, Mont-de-Sardent, 2006, ph.BM.

    Deux textes de Jan Dau Melhau (qui a beaucoup aidé Roland Vincent à se faire connaître) ont paru sur lui dans la revue Gazogène. J'ai personnellement été mis sur son chemin, il y a déjà pas mal d'années par une confidence de l'écrivain ethnologue Jacques Meunier (merci également à Roland Nicoux qui rendit nos rencontres possibles).

 Roland Vincent, 1, le Mont, 23250, Sardent.

Roland Vincent,Un évêque, ph.B.Montpied.jpg
Roland Vincent, [Un évêque?], coll. privée, Paris, ph.BM.

 

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24/07/2009 | Lien permanent

Bohdan Litnianski, le jardin en péril de Viry-Noureuil

     Francis David nous a fait découvrir en 1984 Bohdan Litnianski dans son ouvrage Le Guide de l'Art Insolite Nord/Pas-de-Calais, Picardie (Editions Herscher, Paris), puis longtemps après, Agnès Varda, a fait figurer son étrange jardin dans son poétique documentaire Les glaneurs et la glaneuse, ce qui assurera sans doute à la mémoire de Litnianski de ne pas être trop oubliée lorsque son oeuvre aura disparu de la surface de la terre.

 Le jardin des merveilles de Bohdan Litnianski, éd.Vivement dimanche, 2004.jpg
Le jardin de Litnianski à Viry-Noureuil, photo Bruno Montpied en avril 2008.jpg

     Car cette disparition est en bonne voie, hélas... Me rendant récemment à Amiens pour sa Réderie (brocante), j'ai fait un petit détour par le site de Bodhan à Viry-Noureuil dans l'Aisne. La végétation s'y est développée de façon galopante, si l'on se réfère aux photos du livre de Denys Riout et Benjamin Teissèdre, paru chez l'éditeur Vivement Dimanche (basé à Amiens) en 2004, un an avant la mort de Bohdan Litnianski (ce dernier est né en 1913, il avait donc aux environs de 91 ans), ouvrage qui comportait du reste une préface d'Agnès Varda.

Piliers du jardin de Bohdan Litnianski, côté droit par rapport à la route, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

 

     Au point de donner l'impression qu'elle a avalé, telle une jungle vorace et vampire, de l'intérieur, les piliers faits d'objets de rebut agglomérés, les passerelles les reliant entre eux avec leurs nombreuses figurines de baby-foot en plastique, forêt de piliers qui suggérait un Alhambra fantasmagorique recomposé à partir des décharges où allait fouiner perpétuellement ce génial récupérateur de matériaux divers qu'était Litnianski ( son principal métier avait été maçon depuis qu'il était arrivé d'Ukraine en 1930; mais je crois me rappeler que lorsque je l'avais visité en 1989, en compagnie de José Guirao et de Serge Ancelet, il m'avait dit faire alors le chiffonnier). Deux forêts donc, en quelque sorte affrontées...

Bohdan Litnianski, les lianes à la conquête de l'enfant au crâne ouvert, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

     L'épouse de Bohdan vient à son tour de décéder, à ce que nous a confié un des voisins de la propriété, désormais bien abandonnée. Seuls les piliers du pourtour du jardin apparaissent aujourd'hui, à se demander si Bohdan, ou quelqu'un d'autre n'avait pas déjà fait table rase des piliers de l'intérieur. L'ensemble ressemblant assez aux pyramides maya du Yucatan enfouies sous la jungle d'Amérique Centrale...

Bodan Litnianski, partie arrière du jardin, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg    Bohdan Litnianski, détail d'un pilier sombrant dans la grisaille, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

      J'ai consciencieusement fait le tour, photographiant en détail ce qui se laissait encore voir. Des piliers, nouveaux par rapport à ma visite de 1989, avaient été ajoutés derrière la maison d'habitation, comme réminiscents de fragments du Palais Idéal du facteur Cheval (mais ce n'est qu'un parallélisme de hasard, rendu possible par l'idée, commune aux deux autodidactes, d'ériger des colonnades fantomatiques). Bohdan Litnianski disait qu'il pouvait réaliser une colonne en une journée seulement, empilant ce qu'il trouvait sous la main parmi les matériaux ou objets (beaucoup de poupées) qu'il avait préalablement triés (c'était ce collectage et ce tri qui lui causaient le plus de travail). Mais les rencontres, les voisinages des objets et des formes agglomérés au hasard possèdent à les regarder de prés (et la photographie est un précieux auxiliaire révélateur de ce point de vue) une grande force poétique, comme s'ils avaient été réanimés d'avoir été ainsi incrustés, absorbés dans le grand magma de ce torrent figé charrié par le puissant égoût de la société de consommation-consumation...

Bohdan Litnianski, détail de ses agglomérats, Viry-Noureuil, ph.Bruno Montpied, avril 2008.jpg

     Réanimés parce qu'abîmés aussi, regardons ces têtes aux boîtes crâniennes ouvertes, ces têtes échevelées penchées mélancoliquement, cet homme-lion gesticulant, ces poupées aux peaux brûlées couvertes de cloques et semblables à des poupées d'exorcisme...Bohdan Litnianski, détail de ses assemblages, jardin de Viry-Noureuil, Aisne, ph.B.Montpied, avril 2008.jpgBohdan Litniansli, détail de ses oeuvres dans le jardin de Viry-Noureuil, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

 

Bohdan Litnianski,détail de ses oeuvres qui s'abîment dans son jardin de Viry-Noureuil, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

      

     Quelle étrange unité à travers le disparate et l'apparente incohérence des assemblages... Tout cela ne mériterait-il pas qu'on essaye de le sauver et de le préserver? Les couleurs déjà s'évaporent (les arborescences coralliennes sur les tuyaux par exemple), la grisaille s'installe, le grand mur pignon à droite de la propriété, entièrement fait d'objets et de matériaux hétéroclites maçonnés rigoureusement et solidement devient plus que jamais un Mur des Lamentations érigé au départ face à la société de consommation avec peut-être un peu de malice inconsciente mais prenant un autre sens maintenant que ce jardin est entré dans l'agonie...

Bohdan Litnianski, mur pignon à droite de la propriété par rapport à la route, Viry-Noureuil, ph.B.Montpied, avril 2008.jpg

 

 

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Des roches gravées à Batz-sur-Mer

     Mon camarade Remy Ricordeau s'ouvre si bien à l'art brut qu'il ne finit pas d'en découvrir ici et là. Dernière surprise en date, du côté de Batz-sur-Mer (dans la Presqu'île de Guérande), l'été dernier, il est tombé sur d'étranges roches de bord de mer, sculptées dit-il, gravées dirai-je plutôt, ressemblant un peu aux graffiti anciens incisés dans des murailles, comme les graffiti de prisonniers médiévaux, ou ceux de ces Poilus de la première guerre mondiale qui n'hésitaient pas dans leur rage d'expression à creuser la roche de leurs carrières de casernement provisoire jusqu'à dégager des sculptures en trois dimensions (voir ma note du 28 décembre 2008 sur un livre causant des graffiti de tranchées paru cette année-là), et voir plus généralement le musée Serge Ramond consacré aux graffiti historiques à Verneuil-en-Halatte).

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpgPh. Remy Ricordeau, 2009.jpg

      On se balade en bord de mer, et l'oeil découvre éberlué le travail anonyme qui a consisté à racler, et à évider la roche granitique afin d'en extraire des profils ultra stylisés, des visages grossiers et hallucinatoires,Ph.Remy Ricordeau, 2009.jpg tentative primitive analogue à celle du fameux abbé Fouré qui à Rothéneuf en Ille-et-Vilaine a sculpté au début du XXe siècle les rochers du rivage en créant en une quinzaine d'années plusieurs dizaines de personnages aux formes interprétées d'après les circonvolutions de la matière brute. Ciselées dans une muraille naturelle de blocs joints dans une maçonnerie naturelle (qui est peut-être responsable de l'inspiration de l'auteur), pas plus haut que ce que la taille d'un homme peut permettre, on reconnaît à Batz quelques figures, un hippocampe par exemple (la seule figure un peu réaliste), des profils géométrisés, dont peut-être celui d'un rapace, et deux figures affrontées, quelque peu cubistes.

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg

 

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg

    Le style employé semble celui d'un individu qui s'essaierait à la sculpture, les expressions restant en affleurement seulement, à peine dégagées de la roche, esquissées, ce qui peut être aussi par volonté - inconsciente? - de transmettre leur côté hallucinatoire avant tout. Du reste, à force de les regarder, on en devine plus que le sculpteur a voulu en faire, une roche dominant l'ensemble semble ainsi représenter la gueule d'un crocodile Un crocodile? Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg mais le style est tellement différent du reste qu'on se convainc bientôt qu'il s'agit là d'une extrapolation de la part de l'interprète dont l'inconscient a été fort mis en branle (il y a souvent contamination de la vision lorsqu'on est en présence d'images interprétées d'après des formes naturelles ; à Rothéneuf, à côté des rochers sculptés par l'abbé Fouré, on se met à deviner d'autres figures possibles qui ne sont en réalité que formes du hasard avec lesquelles joue l'imagination). On lit un chiffre à un endroit, 35, ou plus vraisemblablement 95 sans trop savoir ce qu'on doit en tirer, peut-être la date de la gravure?

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg 

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg

     Ces roches vous prennent un aspect précolombien sans doute bien involontairement. On pense aussi aux gravures des pictogrammes de la Vallée des Merveilles dans les Alpes du Sud. On ne sait rien de l'anonyme graveur ayant furtivement travaillé sur ces roches, en y passant pourtant un bon moment on suppose...

Ph. Remy Ricordeau, 2009.jpg
Toutes les photos sont de Remy Ricordeau (août 2009)

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Appel du 18 juin: ”Alcheringa” n°4 est paru et ses animateurs viennent en causer à la Halle Saint-Pierre

      Alcheringa, j'en ai déjà parlé lors de la parution de son n°3. Il continue de se manifester, puisque son n°4 sort à présent, toujours édité (et maquetté) par Venus d'Ailleurs du côté de Nîmes. Il sera présenté dimanche prochain à l'auditorium de la Halle, à 15h, en présence de Joël Gayraud, Guy Girard, Régis Gayraud et mézigue. Je dois y présenter en effet les articles que j'ai donnés à la revue, l'un sur l'art en commun (il y aura quelques images projetées) et l'autre, plus réduit, consacré à une remarque concernant le catalogue de la récente exposition "Chercher l'or du temps", consacrée au surréalisme, l'art magique et l'art brut, au LaM de Villeneuve-d'Ascq. Ce catalogue contient en effet une prodigieuse découverte due à l'une des conservatrices de ce musée, Jeanne Bathilde-Lacourt, découverte qui regarde les prémisses de la collection d'art brut de Jean Dubuffet. Il me paraissait important de la souligner un peu plus, notamment auprès de lecteurs intéressés par le surréalisme.

 

Couv Alcheringa 4 (2).jpg

         Voici le sommaire de la revue:

Numéro 4 - Été 2023
(128 pages ; 22 €)
 

Dans ce numéro:

Guy Girard, Devant le feu

Joël Gayraud, Métamorphoses de l’alkahest

Sylwia Chrostowska, Tout et son contraire

Jacques Brunius, Le jardin n’a pas de porte

Bruno Montpied, L’art en commun, si peu commun…

Laurens Vancrevel, Will Alexander et l’usage surréaliste du langage

Natan Schäfer, Vers le Phalanstère du Saï

Régis Gayraud, Souvenons-nous de Serge Romoff.

Autour d’une lettre inédite d’André Breton

 

      ainsi que d’autres articles, poèmes, récits de rêves, notes critiques et images par :

René Alleau, Aurélie Aura, Jean-Marc Baholet, Anny Bonnin, Massimo Borghese, Anithe de Carvalho, Eugenio Castro, Claude-Lucien Cauët, Juliette Cerisier, Sylwia Chrostowska, Darnish, W. A. Davison, Gabriel Derkevorkian, Kathy Fox, Antonella Gandini, Joël Gayraud, Régis Gayraud, Yoan Armand Gil, Guy Girard, Beatriz Hausner, Jindřich Heisler, Alexis Jallez, S. L. Higgins, Marianne van Hirtum, Richard Humphry, Andrew Lass, Michael Löwy, Albert Marenčin, Alice Massénat, Bruno Montpied, Peculiar Mormyrid, Leeza Pye, Pavel Rezniček, Alain Roussel, Bertrand Schmitt, Carlos Schwabe, Petra Simkova, Dan Stanciu, Wedgwood Steventon, Ludovic Tac, Virginia Tentindo, Marina Vicehelm, Sasha Vlad, Susana Wald, Gabriela Žiaková, Michel Zimbacca.

 

Tableau,-Des-êtres-se-renco.jpg

Bruno Montpied et Petra Simkova, "Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs cœurs", hommage à Jens-August Schade,  3 x 4 m, peinture industrielle sur toile PVC, 1999.

 

     Des exemplaires de la revue seront bien sûr ensuite disponibles à la vente dans la librairie de la Halle Saint-Pierre.

     Signalons aussi par la même occasion la parution d'un autre n°4, de la revue L'Or aux 13 îles (qui devient également un foyer éditorial), qui lui de même qu'Alcheringa est disponible à la vente à la librairie de la HSP (accompagnant, c'est à noter, les trois premiers numéros de la revue, qui contiennent trois articles copieux de moi-même: dans le n°1 (2010), un grand dossier sur les bois sculptés de l'abbé Fouré, où j'avais réédité le Guide du Musée de l'ermite, dans le n°2, une prose poétique sur ma collection illustrée de plusieurs reproductions, Le royaume parallèle, et dans le n°3, un article sur les bouteilles peintes de Louis et Céline Beynet, des autodidactes inconnus et inventifs qui vivaient en Limagne, près d'Issoire).

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Info-Miettes (8)

Un peu de poésie dans un monde de bruts

     Pierre Gallissaires publie un recueil de ses poèmes écrits entre 1979 et 2009 sous le titre Le dit du poème parmi d'autres aux éditions Aviva (la vie va?), basées à Bègles (tiens?). Plus connu jusqu'à présent comme traducteur d'allemand (on lui doit entre autres une traduction d'après L'Unique et sa propriété de Max Stirner), Pierre Gallissaires écrit aussi des poèmes et depuis fort longtemps (il publia des recueils autrefois chez Pierre-Jean Oswald, Guy Chambelland, ou Nautilus Hambourg). Leur couleur tire plutôt du côté d'un certain goût pour les jeux de mots, les instants de rien, les constructions mentales qui déroulent leurs magnifiques paysages abstraits dans l'âme des lecteurs. Voici deux d'entre eux, le premier tel un haïku:

le calme plane une route

se perd

dans le lointain surnage un cil

 

tel un beau ténébreux

Couverture Le Dit du Poème parmi d'autres de Pierre Gallissaires, 2009.jpg

le pas le pain

perdus

 

cailloux froissés

 supplient

 

et déjà le fagot sent la braise des bois

 

Livre relié 88 p, 14x21,5, couverture vergé. Bon de commande: éditions Aviva, 84, rue Amédée-Berque, 33130 Bègles, tél/fax: 05 56 85 58 63. Prix 13€, envoi franco de port dès réception de la commande accompagnée du réglement aux éditions Aviva.

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Vous avez dit Biz'art?

     Encore un calembour sur l'art, têtes de l'art, bab'art, tôt ou t'art, caf'art, etc, y a encore de la m'artge et de la pl'artce pour d'autres. Mais trêve de tartquineries (sinon, je vais encore me faire traiter de poignartdeur pas subtil, cette raillerie venant facilement sur le clavier chez les petites âmes pas finaudes du web), ce lieu (cette association), basée au Vaudioux, entre Dôle, Pontarlier et Lons-le-Saunier, dans le Jura, à ce que l'on m'a assuré de diverses directions, montre de temps à autre des expositions d'art singulier choisies avec le minimum d'exigence requis pour que l'art dit singulier ne se retrouve pas une fois de plus décrédibilisé par des nuées de têtes à Toto toutes interchangeables. 

 
Jean Branciard,Catamaran noir.jpg
Jean Branciard, Catamaran noir, photo Bruno Montpied, 2008

     Cette fois, on retrouvera au Vaudioux les constructions en assemblage de matériaux naturels, "tracteurs de mer" et autres esquifs branlicotant de partout de Jean Branciard, dont j'ai déjà parlé ici, ainsi que l'incontournable Joël Lorand, Alain Lacoste, Serge Vollin, les Staelens (c'est un couple aux travaux rougeâtres particuliers), plus d'autres créateurs encore que je ne connais pas bien. On ira se renseigner davantage en se connectant sur le site de Biz'art-Biz'art.

L'expo est du 1er juin au 30 septembre, tous les jours de 14h à 19h (vernissage dimanche 13 juin de 14 à 19h aussi). Biz'art-Biz'art, 2 chemin Prayat, 39300 Le Vaudioux, tél: 03 84 51 63 36.

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Quand l'art naïf se cache dans les algues?

      De passage récemment dans la région de Cherbourg, je suis passé en coup de vent, ce qui dans la région est plutôt banal, à quelques centaines de mètres de l'île de Tatihou en compagnie de Romuald Reutimann, l'émérite animateur du foyer d'arts plastiques de La Passerelle. Les heures de cabotage de la navette qui mène à l'île ne collant pas avec notre emploi du temps de ce jour-là, je me suis rabattu en désespoir de cause, au guichet d'embarquement, sur des cartes postales éditées apparemment par le musée maritime de Tatihou qui organise de temps à autre de stimulantes expositions en rapport avec l'univers maritime. Une a particulièrement attiré mon attention, c'est une reproduction de planche d'alguier (herbier, c'est pour les "herbes") où l'on voit un serpent plutôt naïf s'enrouler autour d'une algue. Comme le début d'une oeuvre faite à partir d'un collage de matière naturelle, ce qui n'est pas usuel, il me semble.

Alguier de M.Doublet,coll. Musée maritime de Tatihou, ph Jacques Blondel.jpg
Alguier de M. Doublet, coll. musée maritime de Tatihou ("algues marines récoltées dans le Nord-Cotentin au début du XXe siècle", dit la légende de la carte ; photo Jacques Blondel)
 
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Fernand Michel le retour, avec ses imaginaires zincifères
 
 
 
      Fernand Michel, on ne sait pas grand-chose sur lui. Il fut exposé à la galerie des Mages d'Alphonse Chave à Vence dans les années 60 et 70. Il faisait partie du Petit Musée du Bizarre à Lavilledieu en Ardèche (que devient la collection de ce musée, depuis la disparition de son maître d'oeuvre Candide, alias Serge Tekielski, on aimerait le savoir ?). Il fut montré aussi aux expos Les Indomptables de l'art à Besançon en 1986, et Art Brut et Cie à la Halle Saint-Pierre en 1995-1996. Une notice du catalogue de cette expo donna du reste quelques éléments biographiques à son sujet. Né en 1913 dans les Vosges, en marge de son métier de relieur (qui lui fit croiser la route du typographe-poète Jean Vodaine), il se mit à sculpter et à assembler le zinc vers 1962. Retraité, il s'était installé à Montpellier. Son oeuvre, au début consacrée à la représentation de paysages, évolua bien vite vers des personnages féminins à connotation érotique le plus souvent (c'est d'ailleurs toujours ces statues-là qu'on trouve en reproduction).
 
Fernand Michel, couverture du livre de Frédéric Allamel, bulletin de souscription.jpg
Maquette du livre (susceptible d'être modifiée)
 
 
      On devrait très vite en apprendre davantage à son sujet grâce au livre que Frédéric Allamel lui a consacré, Imaginaires zincifères, Variations autour de Fernand Michel, artiste-zingueur, sorte de "catalogue irraisonné", qui devrait incessamment paraître à l'égide d'une Association pour le Développement de l'Art Brut et Singulier basée à Montpellier. Le bulletin de souscription que j'ai reçu indique notamment : "de ses poupées plantureuses et vertigineusement fétichistes jusqu'aux gravures illustrant des poèmes de Raymond Queneau, en passant par l'architecture et ses "peintures d'une nuit", ce livre est conçu à la manière d'un catalogue irraisonné, au diapason du personnage, flamboyant et qui fit de l'esprit surréaliste un art de vivre de tous les instants."
La parution semble annoncée pour l'automne. 180 pages, 21x29,7 cm. Un exemplaire: 28€ + 5€ de frais de port. Chèque à l'ordre de ADABS, 68 rue de Lunaret, 34000 Montpellier, tél: 04 67 66 32 40 et fax: 04 67 60 60 27.
 
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Tout finit sur le carreau
 
 
       Je me balade dans un déballage de brocanteurs et autres antiquaires au Mans il y a peu. Je m'arrête un instant devant des maquettes de bâtiments de village, ou de véhicules, un tank, un camion de pompiers...
Vestiges d'un musée de maquettes, Le Mans, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Le Mans, ph BM, déc 2009
 
       Interrogé, le marchand indique une vague provenance (comme toujours, l'origine est imprécise, se perdant dans les limbes des acquisitions pas toujours retraçables), cela viendrait d'Ille-et-Vilaine, l'auteur aurait confectionné chez lui ce petit musée de miniaturisations, il y a une église (de "Ladeu"?), les pompiers seraient d'un lieu orthographié de façon peu claire, "Thourie" (?), on voit des avions, des batteries de canon, une diligence, un relais. Les maquettes étaient éclairées... L'ensemble n'est pas très inventif, juste un peu curieux d'un point de vue sociologique, digne de ces infos-miettes... J'en parle ici à tout hasard...
 
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Exposition de Raymond Humbert, "Paysages et autres objets", dessins 1980-1990
 
      Du 12 juin au 19 septembre 2010, la Galerie du Musée des Arts Populaires à Laduz (nouveau nom de ce qui est toujours la collection Humbert) organise une nouvelle exposition consacrée au peintre fondateur du musée rural de Laduz, pour les vingt ans de sa disparition. Vernissage le samedi 12 juin 2010. Voir le site du musée.
 
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Exposition Loïc Lucas à la Galerie Christian Berst
 
Loïc Lucas, Galerie Christian Berst.jpg
 
      Nouvelle trouvaille, Loïc Lucas, dont la galerie Christian Berst dit qu'il a déjà intégré de grandes collections d'art brut, les choses vont donc vite. Dans ce domaine, les personnes averties de ces formes d'art autodidacte sont bien souvent en effet les premiers sur la terra incognita, découvrant et mettant l'expression découverte à l'abri d'une collection. Le public n'arrive qu'après...
Loïc Lucas, Galerie Christian Berst.jpg
 
      Ce sont des dessins fort colorés dans des bleus, des roses, des pistaches, des caramels comme comestibles, trés ornementaux a priori, mais dont les sujets ne sont pas purement décoratifs en réalité, plutôt en rapport qu'ils sont avec des références corporelles, comme une fantomatique coupe à l'intérieur d'organes, de tissus cellulaires, coupe qui prendrait des allures de voyage fantastique rose bonbon.
 
L'expo se tient du 11 juin au 17 juillet prochain. Voir le site de la galerie

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Mosaïque d'Isère avant l'hiver, ”l'art partagé” de Rives

   

Pierre Albasser, Marianne,1999, ph. Bruno Montpied.jpg
Pierre Albasser, dessin au stylo sur carton d'emballage alimentaire, une Marianne, 1999, coll. privée, ph.Bruno Montpied 

     L'association Oeil'Art de Jean-Louis Faravel organise une grande exposition d'oeuvres venue d'un peu partout, Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, France et Tunisie, à Rives dans l'Isère du 15 au 30 novembre 2008 (c'est la seconde édition). En plus des créateurs convoqués (la liste est longue, j'ai compté 51 noms, 51 images en vignettes pour carrelage sur l'affichette qui sert d'invitation - "carrelage" qui a tendance à devenir envahissant chez les organisateurs de festivals "singuliers", mais qui ne rend pas service aux artistes je trouve, tous s'annulant dans une mosaïque bariolée qui au départ se voulait pourtant hyper démocratique ; résultat paradoxal de ces cartons d'invitation: on ne voit plus personne...), des animations sont aussi organisées au cours de l'expo: une conférence d'Alain Bouillet sur les rapports entre l'art singulier et l'art brut, une autre de Bruno Gérard, l'artiste-enseignant du Centre de la Pommeraie en Belgique (où travaillait Paul Duhem, et où travaillent encore aujourd'hui des excellents peintres comme Oscar Haus, ou Alexis Lippstreu, présents, comme l'oeuvre de Duhem, dans cette expo de l'Art Partagé). Des ateliers de création sont également prévus avec Adam Nidzgorski (tapisseries, tissus cousus) et Bruno Gérard (matériaux divers, peinture).

Adam Nidzgorski, 15 août 2006.jpg
Adam Nidzgorski, une oeuvre de 2006

 

J-C.Philippi, spectres.jpg Jean-Christophe Philippi   

  Parmi les 51, j'ai relevé plusieurs noms dont l'oeuvre m'a déjà passablement retenu à différents moments, Pierre Albasser, Jean-Christophe Philippi, Ruzena (évoquée récemment pour son expo à Lyon en ce moment), Jacques Trovic,Jacques Trovic, tapisserie brodée.jpg Adam Nidzgorski, Gilles Manero,Gilles Manero,dessin au crayon graphite, coll.privée, ph.B.Montpied.jpg Lippstreu et Haus donc, l'incontournable Joël Lorand, Alain Lacoste le patriarche de l'art singulier, Charles "Cako" Boussion, Michel Dave (autre créateur de la Pommeraie), Serge Delaunay (vient d'Art en Marge celui-ci, me semble-t-il), Marie-Jeanne Faravel, Roger Ferrara, Claudine Goux, Martha Grünenwaldt, Josef Hofer (art brut pur jus), Yvonne Robert (chacune de ses oeuvres est un petit récit, l'oeuvre entière est comme un feuilleton éclaté)...

Alexis Lippstreu.jpg
Alexis Lippstreu, photo communiquée par Jean-Louis Faravel
Josef Hofer.jpg
Josef Hofer, photo communiquée par Jean-Louis Faravel (exemple selon moi d'une oeuvre estampillée art brut qui ne dépasse pas par sa qualité les autres oeuvres présentées par exemple dans cette note)
Yvonne Robert, Bonjour sidonie... 2005.jpg
Yvonne Robert, Bonjour Sidonie..., 2005, photo communiquée par Jean-Louis Faravel
 

     S'il faut saluer la volonté de Jean-Louis Faravel d'opérer une sélection exigeante dans le torrent des artistes contemporains qui se parent du terme d'art singulier de façon plus que complaisante (au point qu'il n'y a plus aucune différence entre art contemporain d'arrière-province et art véritablement singulier), peut-on avoir l'outrecuidance de lui suggérer de rompre avec cette mode proche du poncif qui consiste à prendre comme nom pour son association un de ces calembours éculés basés sur l'emploi de la syllabe "art"...? Zon'art, Biz'art-Biz'art, D'art-d'art, Oeil'art, Singul'art, Hazart, Artension, Pan'art (celui-ci j'aurais pu, sacrifiant à la mode du calembour facile, me l'octroyer, vu mon patronyme aisément recyclable en jeux de mots lourdingues, n'est-ce pas Animula, qui se présente pourtant en apôtre de la légèreté -voir un récent échange de commentaires aigre-doux sur son blog),etc... Rompre avec cette tendance serait vraiment faire preuve de singularité en l'espèce... Non? 

"L'Art Partagé", du 15 au 30 novembre 2008, de 15 à 19h tous les jours (entrée libre) à Rives (Isère), Parc de l'Orgère, salle François Mitterrand, (sortie A 48 entre Lyon et Grenoble, parcours fléché, pour ceux qui ont une voiture...). Tous renseignements: Oeil'Art, Jean-Louis Faravel, 33 (0)6 67 01 13 58. oeil'art@orange.fr et http://www.artoutsimplement.canalblog.com.

A signaler que la Galerie Hamer, à Amsterdam, propose du 1er novembre au 13 décembre une exposition où l'on retrouve Alexis Lippstreu.

Alexis Lippstreu.jpg
Alexis Lippstreu, photo communiquée par Jean-Louis Faravel

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Gaël Dufrène, les trains circulent dans l'art dit ”brut”

     Gaël Dufrène, que l'on nous présente atteint du syndrome d'Asperger, ce qui paraît doter les individus qui en sont le siège d'une mémoire hors du commun, va bénéficier d'une exposition de ses dessins (noir et blanc, couleur) qui représentent souvent des trains, mais aussi des moteurs, des voitures... très bientôt dans la galerie parisienne de la Fabuloserie (du 2 juin au 13 juillet, vernissage samedi 2 juin de 16 h à 21 h, 52 rue Jacob, Paris dans le VIe ardt, tél: 01 42 60 84 23). J'avoue sans honte que je n'avais pas encore entendu parler de lui, même s'il avait déjà été présenté à l'Outsider Art Fair de Paris sur le stand de la galerie Hervé Courtaigne en 2016. Il est défendu également par l'association EgArt qui se préoccupe de promouvoir des "artistes" atteints de divers handicaps auprès des structures d'exposition (ce qui est très bien, mais on attend également l'entreprise ou l'association qui s'occuperont de dénicher la créativité et l'originalité actuelles, handicaps ou pas, sans se préoccuper des modes, de  l'audimat, originalités marginalisées avec lesquelles des passions non mercantiles, non en représentation, peuvent entrer en résonance).

Annonce expo Gaël Dufrène à la Fab Paris.jpg

Expo Gaël Dufrène bientôt à la Fabuloserie Paris ; du train envisagé comme dessin et comme jouet ? "Bijou mécanique"...

 

      Cette association EgArt paraît posséder une collection ("l'Art sans exclusion" voir son dossier de presse) où l'on a rassemblé habilement des auteurs bruts répertoriés dans les collections  homonymes (serviraient-ils de cautions?) – l'incontournable Robillard et ses sempiternels fusils, par exemple, ou encore Zemankova, Hofer... – à côté de créateurs contemporains "porteurs de handicaps" que met en avant cette association, par exemple ce Gaël Dufrène, mais aussi un certain Jérôme Turpin, dont les œuvres possèdent en effet de l'intérêt. Même si, en ce qui concerne Dufrène, je trouve que cela commence à faire un peu poncif, les dessins minutieux d'engins et de mécaniques. En effet, cela fait déjà quelque temps que l'on nous met sous les yeux des montreurs de machines (les machines  à coudre d'Ezékiel Messou, les cortèges de trains de Braillon – dont on m'a récemment appris qu'il aurait cesé de dessiner : voici donc qu'il a opportunément trouvé un remplaçant! –, les plans de machines de Perdrizet, les voitures de Serge Delaunay, les rangs d'oignon de façades de trains d'Hidenori, les trolleys ou les gares de Van Genk, etc.). Certes, cependant, on reconnaîtra chez Dufrène, un traitement des machines ou des véhicules où la méticulosité mémorielle le dispute à une certaine tendresse du graphisme.

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Gaël Dufrène, "Citroën de 1955 type Azu 2 chevaux", photo Caté/EgArt ; ce dessin sera exposé à la Fabuloserie parisienne..

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John Martin, sans titre (camion), vers 2008, provenance Creative Growth Center, ph. et coll. Bruno Montpied ; dessiner d'après nature, avec des déformations découlant du manque de science esthétique de l'auteur autodidacte, peut apparaître chez les animateurs d'ateliers d'art-thérapie comme un passage obligé, faisant partie d'un cahier des charges, même si le résultat est à l'occasion intriguant...

 

      Je me méfie donc... Plus ça va, en effet, plus le désir d'acquérir de l'art brut va en grandissant. Il faut fournir de l'aliment à cette curiosité. D'où peut-être cette multiplication de créations ayant beaucoup de points communs, avec parfois, çà et là, ce qui ressemble à des ersatz. Les biennales qui se succèdent à la collection de l'Art Brut de Lausanne, ces derniers temps, participent peut-être même du mouvement, avec leurs thématiques uniformisantes ("Véhicules," "Architectures", "Corps"...). De plus, du côté des ateliers d'art pour handicapés, on oriente – volontairement, ou involontairement (le plus souvent certainement involontairement) – les "travaux" des participants aux ateliers en suivant ces thèmes, tant le besoin est grand d'intégrer les participants de ces ateliers au commun de la foule des artistes patentés ("art sans exclusion" dit bien l'intention...). Les véhicules, les vedettes du petit écran, les machines, les œuvres d'art réinterprétées... Et les marchands, voire certains musées ou collections, gagnent ainsi du temps pour agrandir leurs réserves et leurs stocks, en se fournissant directement auprès des ateliers pour handicapés. Ceux-ci ont le vent en poupe, et qui irait critiquer cela? Il est bienpensant de ne rien redire à ce retour en force de l'art des handicapés (je dis "retour", car cela avait déjà été tenté dans les années 1970-1980 ; je me souviens ainsi de Jean Revol et de son "Art originaire" qui mettait déjà en avant l'art des handicapés, avant que cela ne retombe comme un soufflé). D'autant qu'il arrive qu'on y rencontre aussi, de temps en temps, quelques grands créatifs (Paul Duhem, Oskar Haus, Kevin Raffin de l'atelier de la Passerelle à Cherbourg – atelier que je défends régulièrement sur ce blog – Alexis Lippstreu, Yves Jules, ou Philipe Lefresne et Fathi Oulad de l'ESAT de Ménilmontant...).

P.Lefresne, vache de Claude François, 2012, coll BM (2).jpg

Philippe Lefresne, la vache de Claude François, provenance atelier de l'ESAT de Ménilmontant, vers 2013, coll. et ph. B.M.

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Kevin Raffin, Catch, 45x65cm, février 2013, provenance Atelier de La Passerelle de Cherbourg, coll. et ph. B.M.

 

     Et pourtant, et pourtant, comme chanterait Charles Aznavour, l'art brut – l'oublierait-on? – fut inventé pour nous dévoiler un autre type d'art, un art-chiendent, orienté et téléguidé par personne, surgissant incognito, individuellement, dans des lits non préparés pour lui, de manière parfaitement anarchique et niant superbement les hiérarchies, les divisions du travail, les classes sociales. Mon livre récent, Le Gazouillis des éléphants, même s'il a recueilli de nombreuses critiques positives (dans la presse des tribunes littéraires surtout) dans certains media, propose nombre de créateurs répondant à ces critères. Est-ce pour cette raison, que très peu de gens – malgré les compte-rendu positifs, et les ventes épuisant le stock en très peu de temps – ont su jusqu'à présent les remarquer nommément ? Je ne suis pas loin de m'en convaincre...

Le Gazouillis 3 couv à plat (2).jpg

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