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Tromperie sur la marchandise (l'Hôtel de Ville de Paris et ses impostures)
"Absolument excentrique", "Art brut", nous matraquent les affiches de la nouvelle exposition de l'Hôtel de Ville de Paris en ce moment rue de Rivoli.
Photo Bruno Montpied, 2013
Ah bon? Eh bien, cela fait à mon avis, réunis sur une seule affiche, deux mensonges avec un parfum d'imposture qui ne sont pas sûrs de rendre service à ceux qu'on expose et veut défendre, à savoir toutes sortes de personnes, plus de 160 "artistes", nous assure-t-on, "en situation de handicap mental et/ou psychique issues de de vingt-cinq ateliers de création médico-sociaux et associatifs parisiens".
Cette exposition, dont on a par ailleurs soigné la scénographie, présente des travaux d'ateliers collectifs où règne en fait assez peu d'excentricité. A se promener dans l'expo, on se dit que l'on y rencontre plutôt un bon échantillon de références à l'art plastique moderne ou contemporain, de l'expressionnisme Kokoschka édulcoré à la peinture proche du graffiti à la Basquiat, du lettrisme à l'art enfantin (l'art des handicapés mentaux s'en rapprochant souvent), etc., le tout ne présentant aucune originalité véritable (à part une ou deux exceptions notables, voir dernier paragraphe de cette note). L'art brut, revendiqué en titre, voire l'art naïf, on sent bien que l'on (les animateurs des ateliers?) cherche parfois à en rapprocher les créations de ces ateliers. En effet, certaines manières, certaines caractéristiques de composition que l'on rencontre souvent dans les œuvres des collections d'art brut, comme le morcellement des formes colorées cernées en noir par exemple, se retrouvent ici et là, comme réemployées incidemment et malignement, ce qui en fait des marqueurs de style et des tics par voie de conséquence, alors que chez les bruts, il n'y avait pas de volonté d'employer sciemment ces tours de main.
Catalogue d'art moderne recraché? Expo "Absolument excentrique", 2013
Le public était nombreux lorsque je visitai cet espace (un samedi). L'hôtel de ville est situé en plein centre de Paris, et les mots magiques, si à la mode depuis quelque temps, de "l'Art Brut", qui traînent partout, attiraient bien évidemment le passant pas au courant. Mais les connaisseurs, et je suis sûr qu'il y en a de plus en plus depuis que d'autres expositions dans des lieux très en vue (comme le "Museum of Everything" récemment à St-Germain-des-Prés, les expos de la Halle Saint-Pierre, la Maison Rouge, boulevard de la Bastille, le LaM à Villeneuve-d'Ascq, etc.), ne peuvent que constater après un rapide examen des œuvres présentées à l'intérieur qu'on les a trompés sur la marchandise.
Il n'y a pas d'art brut rue de Rivoli... Les organisateurs (un "Collectif Evénementiel Art et Handicap") se sont parés de plumes qui ne leur appartiennent pas. On a simplement affaire à une présentation des travaux d'ateliers pour handicapés divers comme il y en a déjà eu de nombreuses par le passé, sans qu'il y eût besoin alors de se livrer à ce tour de passe-passe.
Ce genre d'usurpation de terme en dit long sur l'importance en réalité accordée par les organisateurs à ce qu'est vraiment l'art brut. Comme s'ils se moquaient en fait de savoir ce que c'est ou non. Leur seul but étant de harponner le chaland à tout prix avec un titre accrocheur. On se dit qu'il doit y avoir une entreprise de communication spécialisée dans le marketing derrière eux. Mais pas très finaude et plutôt mauvaise communicante...
Ensemble de pièces en terre émaillée de Philippe Lefresne à l'exposition "Absolument excentrique", 2013
Cela fait quelque temps déjà que la Mairie de Paris pousse les associations et les centres d'aide par le travail spécialisés dans les handicapés à exposer ici et là. Ce qui paraît inquiétant, c'est son aveuglement concernant les lieux parisiens qui s'occupent depuis bien longtemps, sans l'avoir attendue, et parfois même gênés par elle -ce qui est un comble!- de faire connaître l'art brut et ses formes apparentées, comme la Halle Saint-Pierre dont la mairie réduit sans cesse les subventions et augmente le loyer... Sans doute faut-il deviner derrière une telle attitude ce côté dogmatique des dirigeants parisiens cherchant à imposer des choix sociaux guindés et artificiels qui ne tiennent aucun compte des choix des individus, des paroles venues d'en bas... Trop anarchiques pour eux, sans doute.
Bouteille de Contrex aux ornements phalliques, selon Philippe Lefresne, exposée à la Galerie Beckel-Odille-Boïcos en 2012 et pas à "Absolument excentrique", ph. BM
Ceci dit, pour ne pas finir sur une note trop négative –aujourd'hui, on po-si-ti-ve, n'est-ce pas?–, il est à remarquer qu'une fois de plus, comme dans l'exposition "Exil" du Couvent des Cordeliers, se trouvent mélangés à ces créateurs handicapés venus de tous horizons (leurs ateliers ne sont pas spécifiés au cours de l'expo) certains créateurs déjà repérés en provenance de l'ESAT de Ménilmontant dont j'ai déjà eu l'occasion de dire tout le bien que j'en pense (et qui, comme dans le cas de l'exemple ci-après pourrait peut-être être cette fois vraiment rangé dans une catégorie à part de l'art brut). Comme l'excellent Philippe Lefresne (voir les deux illustrations ci-dessus), créateur d'un style personnel et à l'imaginaire débridé, bosseur invétéré (un camarade m'a raconté que récemment il serait allé se plaindre dans un commissariat qu'il voulait continuer à travailler le dimanche dans l'atelier où il est salarié comme tous les autres artisans handicapés -à signaler que tous touchent un salaire identique quelque soient les prix atteints par les œuvres des uns et des autres), métamorphoseur d'images médiatiques qu'il passe à sa réjouissante moulinette. Ou Fathi Oulad Ben Abid et ses sculptures en raku que l'on avait remarquées au Carré de Baudouin, pour les 40 ans de l'ESAT, et dans la galerie Beckel-Odille-Boïcos près de la Bastille. Mais ils sont durs à repérer. Mieux vaut encore aller les rencontrer là où ils produisent dans les ateliers (peinture et poterie) de la rue des Panoyaux dans le XXe ardt.
13/10/2013 | Lien permanent | Commentaires (15)
Pour saluer le passage du sciapode dans le village de Valuéjols au coeur de la Planèze
09/09/2007 | Lien permanent
Le nouveau catalogue de la Collection de l'Art Brut
En attendant que la municipalité de Lausanne se déniche un(e) nouveau(elle) directeur(trice) pour la collection de l'Art Brut, les responsables précédent (Lucienne Peiry) et actuel (Sarah Lombardi) s'affairent et publient par exemple ce nouveau catalogue de la Collection dont la couverture est aux couleurs de la magnifique Laure Pigeon (qui dessinait avec de l'encre et... une plume – par prédestination sans doute?).
Mais – et ici je formule une critique de fanatique de la dite collection – on aurait pu attendre, puisque l'on nous parle d'un "catalogue", enfin le catalogue raisonné exhaustif de la Collection avec tous ses créateurs, mis à jour... Une sorte de pavé sur papier bible dans le genre de la collection Bouquins chez Albin Michel, sans nécessairement beaucoup d'images (ou alors sous forme de vignettes), histoire que le public des mordus se fasse une idée du vaste et éclectique panorama de l'art brut tel qu'amassé depuis les années 40 jusqu'à aujourd'hui (je le verrai bien comme un annuaire!). Au lieu de ça, on a droit ici, une fois de plus à un échantillonnage de ce que l'on pourrait trouver dans le Château de Beaulieu si l'on voulait faire un petit détour par la jolie Suisse, sans savoir que les réserves de ce musée extraordinaire abritent en fait bien d'autres trésors.
Johann Hauser, sans titre, 1969, mine de plomb, craie grasse et crayon de couleur sur papier, 40 x 30 cm, Photo : Claude Bornand, Collection de l’Art Brut, Lausanne
J'écris "une fois de plus" parce que l'on avait déjà vu paraître en 2001 un ouvrage de nature voisine, signé par Michel Thévoz, à l'enseigne des Musées Suisses, qui comprenait une sélection de 36 créateurs de la collection, livre qui prenait l'allure d'une esquisse de catalogue de la collection (et qui est, dit le site web de la collection, désormais épuisé ; voir ci-contre). Dans le catalogue récemment publié, une cinquantaine de créateurs ont droit à des notices et quelques images (magnifiquement imprimées, dois-je le souligner). On nous y annonce que la Collection possède environ 60 000 œuvres désormais. Mais je le répète (j'aime ressasser), on aimerait voir tous les autres. Pour y arriver, à moins de collectionner les livres sur la collection depuis des décennies, comme s'y emploient quelques vieux de la vieille campant sur leurs trésors (il y a notamment les 22 fascicules que la Compagnie, puis la Collection de l'Art Brut, ont édités depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui), on se prend à rêver d'une numérisation de toutes les notices sur les créateurs avec des images de toutes leurs oeuvres... Vaste programme!
Catalogue de l'exposition de 1967 au Musée des Arts Décoratifs
Il me semble que c'est le quatrième catalogue dans l'histoire de la Collection, après celui de 1967 (qui était le catalogue de l'exposition au Musée des Arts Décoratifs de Paris, la collection provenant à l'époque de la Compagnie de l'Art Brut située rue de Vaugirard, dans le même bâtiment qui abrite aujourd'hui la Fondation Dubuffet ; il y avait selon Michel Thévoz 700 œuvres de présentées dans cette expo, en provenance de 75 auteurs). Le deuxième catalogue, dont la maquette copiait celle du catalogue des arts décoratifs, parut quatre ans plus tard en 1971 à l'égide, pour le coup, de la Collection de l'Art Brut qui venait d'être donnée à Lausanne. Ce catalogue-là recensait, toujours selon Thévoz, "4104 œuvres de 133 auteurs" (en 1975, un an avant l'ouverture de la Collection au public, il précise que la donation était passée à "quelques 5000 œuvres"). Lucienne Peiry, dans l'ouvrage très bien documenté qu'elle a consacrée à l'art brut en 1997 (chez Flammarion), signale que la collection d'art brut comprenait en 1996, soit vingt-et-un ans plus tard, environ 15 000 pièces, tandis que la collection Neuve Invention – les cas-limites de l'art brut – en rassemblait environ 5000 (entre parenthèses, on aimerait bien savoir ce que devient cette collection Neuve Invention dite autrefois "collection annexe"; a-t-on annexée l'annexe?).
Aloïse Corbaz, Napoléon, 1943, crayon de couleur sur papier, 58 x 45 cm, photo : Arnaud Conne, Collection de l’Art Brut, Lausanne
On peut se demander à combien d'auteurs on en est arrivé aujourd'hui (je ne trouve pas dans le nouveau catalogue de chiffre à ce sujet), étant donné le fantastique accroissement du nombre d'œuvres depuis 1971 (de 5000, il y a quarante ans, puis de 15 000 il y a seize ans, on est passé, accroissement conséquent tout de même, à 60 000 ce qui paraît prouver une accélération des acquisitions rassemblées à Lausanne sous le vocable d'art brut ; la prospection internationalisée n'y étant sans doute pas pour rien). Le public qui découvre l'art brut aujourd'hui – et il n'y a pas de doute qu'il est en train de s'accroître avec l'extension du marché autour de l'art brut et l'écho que lui accordent simultanément les média – ne se doute pas de l'incroyable variété des créations conservées dans ce temple d'Ali Baba qu'est la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Le catalogue qui vient de paraître, malgré son élégance et sa qualité d'impression inégalable (Skira + Flammarion + Collection de l'Art Brut...), est bien loin de le renseigner à ce sujet.
20/10/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le Jardin de Gabriel se visitera de nouveau bientôt
Nouveauté de la visite cette année, outre une guide-conférencière qui fait ses débuts sur place, Catherine d'Arzac, stagiaire à l'Atelier du Patrimoine de Saintonge, on fournira grâcieusement aux enfants des écoles qui viendront découvrir cette forêt de statues enchantées un livret qui devrait leur permettre d'interpréter les personnages proposés à leur curiosité par Gabriel Albert.
Jardin de Gabriel Albert, allée de statues jusqu'au moulin et à la route, ph. Bruno Montpied, 2006
18/06/2012 | Lien permanent
Quelques tireurs de langues et autres montreurs de crocs
Voici que je propose à mes lecteurs l'image ci-dessous afin de quêter un avis, espérer une réaction. Qu'en pensent-ils? Cet imaginaire aux outrances provocatrices a de quoi séduire le fan d'humour très noir, non? Doit-on vraiment le garder si caché, comme paraît le désirer fermement son auteur?
Anonyme, peinture sans titre sur couvercle de coffre (détail), sept 2010, ph. Bruno Montpied
16/09/2010 | Lien permanent | Commentaires (3)
La chose étrange place de l'Hôtel de Ville
Nous avons remarqué une étrange boîte vitrée installée sur les marches (ou les bancs) des fontaines de l'Hôtel de Ville mercredi 1er juin, un camarade et moi.
Place de l'Hôtel de Ville, Paris, ph. Bruno Montpied, 2011
Son auteur ne paraissait pas (plus?) être aux alentours. A quoi servait-elle? Cela ressemblait vaguement à une machinerie. Il y avait une chaîne de vélo à l'intérieur paraissant destinée à entraîner quelques rouages indistincts dans le bas de la boîte. On remarquait des lettres placées verticalement, des blanches, H M N G, et des noires à l'horizontale, J (?), T U R. Une étiquette était en outre collée, comme menaçante: "Pas dproblem je vous retrouverai / Promi". Que voulait dire ce dispositif? Comment avait-il pu atterrir là? Mystère et boules de gomme... Si quelque lecteur pouvait nous apporter quelques éclaircissements, nous lui en serions extrêmement reconnaissants.
15/06/2011 | Lien permanent | Commentaires (3)
Nouvelle diffusion de ”Bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants)”
(Une mise à jour a été apportée à cette note primitivement publiée le 19 mars)
Après France 3 Normandie en janvier qui a diffusé une première fois notre film Bricoleurs de paradis, c'est au tour de France 3 Bretagne et de France 3 Pays de Loire de nous faire un peu de place à nouveau sur vos écrans plats et autres vestiges cathodiques. Ce sera pour le samedi 26 mars à 15h25 sur les deux chaînes. Je me suis laissé dire que les heureux possesseurs d'un bouquet de chaînes contenant tous les FR3 (genre Free) pourront eux aussi voir le film, qu'ils soient à Marseille ou à Lille, voire à Biarritz, Paris, etc.
Chez M. Roux, tournage des Bricoleurs de paradis, juillet 2010, ph.Bruno Montpied
Et pour ceux qui le rateront et voudront se rattraper, il restera la possibilité de le voir en DVD en acquérant le livre Eloge des Jardins anarchiques, ils auront en outre en bonus divers documents qui ne seront pas diffusés sur les chaînes de FR3, comme une interview de Savine Faupin, deux petits films extraits de mes courts-métrages en super 8 des années 80 à 90 (sur Raymond Guitet et Marcel Landreau), et des fragments d'interview des élus que nous avions interrogés, Remy Ricordeau et moi, sur le site d'André Hardy, que nous fûmes, semble-t-il, donc les derniers à avoir filmé...
Enfin, diverses projections sont en projet ici ou là. La première aura lieu le dimanche 3 avril à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le XVIIIe ardt de Paris, à 14h30 (merci à Julie Calver qui nous a posé la question en commentaire). Remy et moi, nous présenterons le film, et le livre, que je dédicacerai éventuellement aux personnes intéressées. L'Eloge sera en vente à la librairie de la Halle Saint-Pierre dès la semaine qui vient.
26/03/2011 | Lien permanent | Commentaires (1)
Surgies de la nuit les poupées les tapisseries de Caroline Dahyot
Il est difficile de se faire un jugement en se basant sur des images que l'on a seulement aperçues sur la Toile et jamais encore dans la réalité physique, mais ce soir j'ai envie de prendre fait et cause pour les images que Mme Caroline Dahyot - dont au demeurant j'ignorais jusqu'à présent l'existence - a mises en ligne sur le site web chargé de faire connaître son oeuvre (et puis, de fil en aiguille, on trouve ailleurs sur cette damnée vitrine qu'est le web baucoup d'autres aperçus, même sa date de naissance, une bonne année qui plus est!). J'ai déjà dit ici, dans ma note sur le festival rouennais d'Art et Déchirure, que j'avais été intriguée par un détail d'une de ses "tapisseries" sur le site web de ce festival (c'est Alain Bouillet qui l'a présentée cette année). On se rend compte en compulsant (façon de parler ; j'ai eu du mal, ma loupe n'allait pas très loin dans le rapproché avec les lignes) les pages de son site que d'autres auteurs ont déjà parlé d'elle, comme par exemple à l'occasion d'une expo récente à la Maison de la Poésie de St-Quentin en Yvelines. Sur le blog Baie-des-Artistes.com, on apprend qu'elle habite une maison appelée "Verveine", située à Ault, au bord de la mer (c'est prés du Tréport). Surtout, on y apprend qu'elle a grandement décoré cette maison, de grands dessins, d'inscriptions, et de mosaïques, à l'intérieur et à l'extérieur. Si on sent chez elle, je veux dire dans ses dessins, une influence de l'enseignement qu'elle paraît avoir reçu primitivement en matière d'arts graphiques, cela ne gêne pas, attendu que l'inspiration souffle ici à grandes bouffées irrépressibles, semble-t-il. Caroline Dahyot (mes doigts sur le clavier "coquillent" à loisir en me faisant écrire sans cesse "Day hot"...) a fait à l'évidence passer son combat avec l'existence, les problèmes auxquels tout un chacun s'affronte, et où ce chacun se retrouvera à travers les expressions de l'artiste, tout chauds et tout vivants, encore palpitants dans les oeuvres qu'elle expulse à jet continu autour d'elle (semble-t-il). Cela peut prendre l'aspect d'une tapisserie (drôle de tapisserie effilochée, comme faite de sutures, de raboutage, avec incorporation d'objets), ou bien d'une poupée (j'aime celle où un crâne a été ouvert comme une boîte de conserve pour y faire jouer une minuscule pièce de théâtre aux clés inconnues), de dessins mettant en scène des hommes, des femmes, des enfants, le théâtre de la comédie humaine en somme, ou de décors sur les murs de sa vie quotidienne. C'est encore sur son site que ces oeuvres sont le mieux représentées, dans l'écrin qui leur sied à ravir, à savoir sur fond de nuit. Les poupées, les figures défigurées, y surgissent comme enfantées par les ténèbres. Il y a de la poésie noire dans l'oeuvre de Caroline Dahyot. Art brut? Art Singulier? Qu'importe puisque le vent souffle...
Quelques phrases relevées sur le site:
Les choses se font en dehors de moi.
Mes poupées prennent place dans un quotidien imaginaire pour que les choses deviennent paradoxalement de plus en plus réelles.
Ces poupées sont devenues petit à petit un questionnement sur l'amour et le carcan de notre éducation amoureuse.
Pour lier dessins et poupées, je commence la tapisserie.
Je commence à peindre les murs de mon appartement de manière obsessionnelle pour créer un univers rassurant et remplacer la tapisserie répétitive de mon enfance qui m'aidait à m'endormir.
Expositions auxquelles Caroline Dahyot a participé:
2007, Exposition: « poupées d'amour » au centre culturel Neptune de Criel.
2007, Exposition à la MJC de Dieppe avec Gérard Cambon « jouets d'artistes».
Printemps 2008, exposition personnelle des poupées à la maison de la poésie de Saint Quentin en Yvelines.
Août 2008, exposition à Beaumont en Auge au festival d'art fantastique.
Avril 2009, exposition de dessins à la librairie : « le rêve de l'escalier » à Rouen.
2009, Exposition « Ça coule de source » (avec entre autres Miss Ming, cette créatrice que l'on présente un peu partout comme "autiste" et qui joue dans les films réalisés par les créateurs de Groland), Association Culturelle en Baie de Somme, à Ault).
Mai 2010, Festival "Art et Déchirure", Rouen.
24/05/2010 | Lien permanent | Commentaires (5)
Disparition de Pierre Peuchmaurd, un hommage de Joël Gayraud
"Pierre Peuchmaurd (1948-2009)
Les trains dans la menthe
la main dans l'étreinte
la nuit violette aux œufs de femme
les forêts bleues au bas des ventres,
le sang sait ça
le sang sait la poussière
la lumière et l'écharde
et les doigts des amantes
dans la brèche bleue des bois
(Scintillants squelettes de rosée, Simili Sky, 2007)
Notre ami Pierre Peuchmaurd est mort le 12 avril 2009. Un enchanteur, un poète. Qui avait trouvé dans le surréalisme « une des passions de sa vie » et « son axe moral ». Il avait participé à des aventures collectives relevant éminemment de l'exigence surréaliste telles que les éditions Maintenant et la revue Le Cerceau, et avait animé de minuscules entreprises éditoriales comme L'air de l'eau ou Myrddin qui publiaient, pour le bonheur d'une constellation restreinte et sûre, certains des plus grands occultés de notre temps. Mais avant tout c'est sa voix singulière que nous écoutions, que nous attendions à chaque nouvelle parution - et là, dès l'ouverture du recueil, l'enchantement coulait de source. Voix de feuilles mouillées et d'envols dans les sous-bois, voix de cailloux jetés dans l'étang la nuit, voix qui, comme nulle autre, en ces années les plus hostiles au lyrisme qui furent jamais, a fait vibrer, de toutes ses harmoniques, la poésie, la maintenant inaltérée au-dessus des décombres d'une langue chaque jour un peu plus mise à mal. C'était la voix d'un amant de l'amour, la voix qui va droit au cœur, mais aussi la parole acérée et lucide, qui ne transige jamais sur l'essentiel, et porte au centre de la cible. Quand disparaît un poète, c'est une île, dans l'archipel du langage, qui s'enfonce sous les eaux. Il n'en reste, dans les textes, que l'empreinte cristalline et, nous le savons, nous ne lirons plus que ce qui a déjà été écrit. Cependant, les images inespérées, les attelages inouïs de mots dont chaque nouveau poème suscitaient le jaillissement, se lèveront toujours devant nous. Ils ne se prendront pas dans le givre de la mémoire.
Parmi les dizaines de livres et de recueils que Pierre a égrenés sur sa route depuis quarante ans, et qu'ont souvent illustrés ses amis, nous citerons :
Plus vivants que jamais, Robert Laffont, 1968.
L'Embellie roturière, Éditions Maintenant, 1972.
L'Oiseau nul, Seghers, 1984.
Les Bannières blanches, illustré par Robert Lagarde, Fata Morgana, 1992.
Le Diable, illustré par Jorge Camacho, L'Embellie roturière, 1993.
Arthur ou le système de l'ours, illustré par Robert Lagarde L'Ether vague, 1994.
Parfaits dommages, avec cinq photographies de Nicole Espagnol, L'Oie de Cravan, 1996, 2007 (réédition augmentée).
À l'usage de Delphine, illustré par Jean Terrossian, L'Oie de Cravan, 1999.
Encyclopédie cyclothymique, illustré par Jean-Pierre Paraggio, Cadex Éditions, 2000.
Bûcher de Scève, L'Escampette, 2002.
L'Œil tourné, illustré par Hervé Simon, Cadex Éditions, 2003.
Colibris et princesses, L'Escampette, 2004.
Au chien sédentaire, Pierre Mainard, 2005.
Le Tigre et la chose signifiée, L'Escampette, 2006.
Scintillants squelettes de rosée, avec une photographie d'Antoine Peuchmaurd, Simili Sky, 2007.
Alices, illustré par Georges-Henri Morin, Les Éditions de surcroît, 2008.
La Nature chez elle, sur des images de Jean-Pierre Paraggio, Collection de l'Umbo, 2008.
Joël Gayraud, 1er mai 2009."
(NB: Ce texte est extrait du site du Groupe de Paris du Mouvement Surréaliste, où il a été mis en ligne récemment.)
16/05/2009 | Lien permanent | Commentaires (1)
Robert Giraud, le copain qui sort de l'ombre de Doisneau
Olivier Bailly annonce la parution de son ouvrage sur Robert Giraud pour le mercredi 22 avril chez Stock, collection Ecrivins (oui, je sais, le calembour vaut ce qu'il vaut...). Monsieur Bob, tel est son titre. Une biographie, une évocation que tous les lecteurs du blog que tient Olivier Bailly, Le Copain de Doisneau, devineront fort bien documentée. Son blog distille en effet, depuis au moins deux ans je crois, toutes sortes de témoignages, photos, documents divers sur Robert Giraud.
Ce dernier est un écrivain, dont on réédite du reste par la même occasion Le Vin des rues chez le même Stock (l'année dernière avait déjà vu la parution au Dilettante d'un excellent recueil de ses reportages, Paris, mon pote), mais plus encore un amoureux du Paris populaire et de son "fantastique social" comme le nommait paraît-il Mac Orlan. Fantastique social, monde des figures de la rue que Paris, en dépit du vandalisme institutionnel des bourgeois, n'a jamais cessé de produire (il aurait peut-être même en ces temps de misère et de folie sociale tendance à s'épanouir...).
Giraud connaît bien le monde de la nuit parisienne, les petits malfrats, les clochards, et se situe comme écrivain en successeur d'une tradition littéraire et artistique qui remonte à Fargue, Francis Carco ou Brassaï, et peut-être au delà à Lorédan Larchey, et aux chroniqueurs du Paris excentrique du XIXe siècle (Yriarte, Champfleury, etc.). Il connaît les rades où l'on boît du bon vin, il les chronique dans L'Auvergnat de Paris. Sa route (mauve) croise celle de l'art brut à un moment (il devient un temps le "secrétaire" de Dubuffet pour la collection de l'art brut en train de se monter). Son frère Pierre Giraud est un moment exposé dans le cadre des premières manifestations de l'art brut au moment où Dubuffet cherche la définition de sa notion (juste après la seconde guerre). Giraud et lui se quitteront en mauvais termes, semble-t-il, puisque dans la suite des années Giraud parlera de Dubuffet comme d'un "cave"... Il écrit diverses chroniques sur des autodidactes inspirés (comme Raymond Isidore, dit Picassiette, à Chartres, sur qui il sera le premier à écrire, et qu'il interviewera). Surtout, il fait paraître, avec son complice de toujours, Robert Doisneau, ainsi qu'avec Jacques Delarue, un fort bon livre sur les tatouages populaires, Les Tatouages du "Milieu" (réédité en 1999 aux éditions L'Oiseau de Minerve). Mais d'autres livres, sur l'argot d'Eros ou celui des bistrots, des romans aussi, sont à mettre à son crédit.
Je ne m'étends pas davantage. Rendez-vous avec ce flâneur des deux rives (d'un fleuve qui ne charriait pas que de l'eau) en lisant le bouquin d'Olivier Bailly qui nous promet d'entrer dans l'intimité de ce monsieur Bob comme si on y était.
Ci-dessous, un échantillon du style de M.Bailly, ça donne envie d'en lire davantage, non?
"Tracer le portrait de Bob Giraud, c'est facile. Bien que sécot, il est choucard. Il plaît aux frangines à cause qu'il a un petit air voyou. Ses crins drus et droits tombent en gouttes de pluie. Ca lui donne l'air d'un hérisson. Son nez: un bec d'oiseau. Au marigot fédérateur que l'on appelait jadis le comptoir, on nomme cet animal le pic-verre. Maigre comme un chat. Tel est le faune. Au mental, un brin solitaire. Il a ses têtes. Celles qui lui reviennent, il leur paye un canon. Les autres, c'est des cons." (Olivier Bailly, Giraud, mon pote, présentation de Paris, mon pote, éd. le Dilettante, 2008)
23/04/2009 | Lien permanent | Commentaires (7)