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Rechercher : Jacques Brunius

Land art involontaire des lendemains de fête

   Lendemains de Noël, on a emballé la victime épineuse et on l'a mise au garde-à-vous en attendant la revue de détail de l'armée éboueuse.
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    Du Christo, comme s'il en pleuvait, mais bien plus énigmatique. Le land art involontaire, comme l'ont très bien compris dans Le Sens de la vie les délicieux Monty Python (avec cet immeuble bâché pour ravalement, si mes souvenirs sont bons..., qui se transforme en galère qui arrache ses amarres du bitume londonien où était arrimé l'immeuble en question), avec ses bâches de ravaleurs de façades, ses coques emmitouflant les monuments en restauration (la Tour St-Jacques à Paris emballée depuis une éternité, on ne sait pourquoi), ce land art brut-là, c'est celui que je préfère définitivement à celui d'un Christo, capable d'agresser des jeunes gens, m'a-t-on dit, qui avaient eu l'audace de graffiter sur son emballage du Pont-Neuf à Paris voici déjà plusieurs années, les accusant de vandalisme sur son oeuvre. Christo, couvert par Chirac à l'époque, qui emballant le Pont-Neuf confisquait en définitive ce dernier, espace public au départ, pont entre deux rives, au bénéfice d'un art devenu du coup dictatorial...

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Balade en films chez les inspirés du bord des routes et rendez-vous en Creuse

     Dans le cadre de mon exposition estivale chez Jean Estaque à la Maison du Tailleu à Savennes dans la Creuse (une dizaine de kilomètres au sud de Guéret), je prendrai rendez-vous avec tous les amateurs des environnements qui aimeraient voir quelques images animées, cinématographiques, de quelques-uns de ces derniers.

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Rochers sculptés de l'abbé Fouré avec Jacques Cartier (l'homme au chapeau) au-dessus d'un monstre marin, Rothéneuf (Ille-et-Vilaine), ph. Bruno Montpied, 2010

 

    Outre les Bricoleurs de Paradis de Remy Ricordeau, on pourra voir quelques films surprise, des images du Palais Idéal du Facteur Cheval, des rochers sculptés de l'abbé Fouré, de Fernand Chatelain, de Monsieur G. (Gaston Gastineau), de Picassiette, et de Petit-Pierre. Le programme fera environ 1h40, et il sera accompagné d'un débat, d'une discussion avec les amateurs présents si le cœur leur en dit. Cette petite animation se tiendra de manière intime et conviviale dans une des salles d'exposition de la Maison du Tailleu en fin d'après-midi du 28 août prochain. Pour plus de renseignements, merci d'appeler le 05 55 80 00 59.

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15/08/2015 | Lien permanent

Au Gai Rossignol, c'est au sous-sol qu'il faut aller (underground, quand tu nous tiens...): la Caverne

     Le "Gai rossignol", c'est le nom d'une librairie de soldes et d'occasions qui est rue St-Martin, entre la Tour St-Jacques et le Centre Beaubourg, à Paris. C'est le même emplacement qu'occupait jadis "Mona Lisait"... "Rossignol" est peut-être à entendre aussi, en creux, comme une allusion à l'argot des puciers selon lesquels un rossignol est un objet sans valeur, du moins "sans valeur", tant qu'on n'en a pas décelé l'intérêt caché.

    Dans cette librairie, c'est surtout au sous-sol qu'on peut trouver quelques occasions délectables, dont des livres des éditions du Sandre (que l'on ne trouve pas toujours ailleurs dans cet ensemble), ainsi que des raretés bibliophiliques, des photographies originales, des gravures, voire, comme lorsque j'y suis passé récemment, une œuvre d'art brut, un fusil de Robillard (à 1600€ me semble-t-il). Un lieu secret à découvrir donc...

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Ph. Bruno Montpied, août 2018.

Et, à signaler, l'inauguration de l'endroit, décalée par rapport à son ouverture...

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Les éditions Ion

     On peut se demander si cet éditeur, afin de dénicher un nom original, n'aurait pas par hasard délibérément choisi de  redoubler la dernière syllabe – ou diphtongue? (je sens qu'un linguiste distingué de ma connaissance va nous préciser cela) – du mot "éditions". Ion, c'est donc son nom, maison située à Angoulême, avec un site web:  www.ionedition.net. A feuilleter leur catalogue, on se dit que l'on a affaire à des graphistes nouvelle génération, peut-être stimulés par le festival de la Bande Dessinée qui se tient régulièrement dans la préfecture de la Charente. Un libraire qui m'alimente depuis longtemps en documentation intrigante, Pascal Hecker "de" la Halle Saint-Pierre (il n'est pas encore anobli, mais ça pourrait venir), a sélectionné deux opuscules au sein de leur catalogue qui valent le coup d'être signalés.

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Paravent couvert de collages d'Hans Christian Andersen, édité sous forme de marque-page pliant par la Galerie 1900-2000  en 2003, à l'occasion d'une exposition sur le collage surréaliste.

 

    L'un est consacré aux découpages d'Hans Christian Andersen, qui nous rappelle que ce merveilleux conteur fut aussi adepte d'expérimentations primesautières, comme le collage (il composa ainsi tout un paravent) et les découpis de silhouettes. La plaquette éditée par Ion (en 2018, avec un titre, je dois dire, un peu approximatif, "Les Contes découpés"... ; j'écris "approximatif" parce que les découpages d'Andersen n'étaient pas spécialement des illustrations pour contes qu'il réécrivait), cette plaquette, si elle a le mérite de raviver la mémoire de ces travaux oubliés, ne s'élève cependant pas à la qualité d'un autre petit livre édité par Jacques Damase qui, en 1990, avait déjà présenté  les mêmes productions d'Andersen, qui étaient plus diverses et variées, parfois en couleur, mêlant écritures manuscrites, collages et découpages que ce que présente un peu chichement l'édition de Ion. Cette dernière fonctionne comme un rappel.

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Deux pages du livre des éditions Jacques Damase sur Andersen.

 

     Le petit livre de Jacques Damase, intitulé Le Monde magique d'Hans Christian Andersen. Papiers collés, déchirés, découpés, avait eu en outre l'heureuse idée de proposer deux petits textes biographiques sur le "vilain petit canard" d'Odensée, l'un assez idéalisé d'H.G. Olrik, daté de 1930, et un autre, de Patrick Griolet, paru dans le Monde en 1984, rétablissant des vérités plus réalistes concernant le conteur, qui resta vierge toute sa vie, et craignait par-dessus tout d'être enterré vivant, entre autres angoisses.

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La brochure sur les découpages d'Andersen, version Ion.

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L'édition Jacques Damase de 1990.

 

     C'est une deuxième brochure de cet éditeur charentais qu'il faut surtout mentionner, à la vilaine couleur de couverture, hélas (on reste perplexe devant un tel ratage, lorsque l'on découvre le contenu, excitant pourtant, de cette même plaquette) : Boîtes, consacrée aux sculptures au couteau de Levi Fisher Ames (18433-1923), conservées à la Kohler foundation, dans le Wisconsin, aux USA bien sûr (voir la page consacrée sur leur site web à cet ancien charpentier, vétéran de la Guerre de Sécession).

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La couverture de la brochure consacrée par Ion aux sculptures en  boîte, genre mini dioramas, de Levi Fishers Ames.

 

    Cet autodidacte réalisa ainsi une "immense galerie de figurines en bois: animaux tant naturels que mythologiques ou bizarroïdes (...) qu'il abritait dans des vitrines articulées qui s'ouvraient comme des livres. il les montrait dans les foires sous des tentes..." (présentation anonyme du livre). Il lui arrivait de raconter des histoires tout en sculptant devant le public, dans des sortes de démonstrations. Il ne vendit jamais lui-même sa collection, conscient qu'on la comprendrait mieux en la contemplant dans son entier. C'est sa famille qui s'en chargea au moment de la crise de 1929. Heureusement, un petit-fils racheta l'ensemble dix ans plus tard pour le donner à la Kohler foundation. Il faut faire confiance aux petits-enfants...

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Levi Fisher Ames, oryx et léopard, lion et buffle, Ion éditions.

 

    Les sculptures contenues dans ces boîtes articulées sont proprement étonnantes, et pleines de charme. qu'on en juge ci-dessus et ci-dessous où je donne deux exemples, parmi beaucoup d'autres présents dans ce livret.

 

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Levi Fisher Ames, ours et porc, the Imp and kirchers winged dragon, Ion éditions.

 

       On trouvera le(s) livre(s) des éditions Ion à la librairie de la Halle Saint-Pierre et bien sûr aussi en commande sur leur site web.      

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Postérité des environnements (8): Marcel Dhièvre hier et aujourd'hui, un petit vent de vitrification

    Je suis enfin passé à Saint-Dizier, hélas en coup de vent, luttant de vitesse contre le soleil qui se couchait menaçant ainsi de me priver de ses lumières (grâces soient rendues au conducteur, Régis Gayraud, qui, en dépit des limitations de vitesse qui donnent désormais à tous les conducteurs des allures de sénateurs cacochymes, a réussi à arriver in extremis devant la fameuse maison peinte et mosaïquée du naïf Marcel Dhièvre, intitulée "Au Petit Paris").

    Je fis des photos à toute berzingue, gêné qui plus est par les voitures garées devant (la mairie ne pourrait pas promulguer un arrêté interdisant les quelques places de parking devant la maison, on le ferait bien pour d'autres monuments, non?). Ce qui eut pour résultat de m'empêcher de faire une photo bien en face de la devanture de cette ancienne boutique de confection reconvertie si j'ai bien compris en petit musée Marcel Dhièvre (quoique rien ne le signale sur la façade). La façade sur mon cliché apparaît de ce fait de biais. Cela ne m'empêche pas de vous la soumettre, avec le besoin de la mettre en parallèle avec l'ancienne photo, de 1977, que Jacques Verroust avait faite très peu de temps avant la disparition du créateur. Cette photo-là peut donc servir d'étalon parfait à l'aune duquel on établira des comparaisons avec la façade restaurée d'aujourd'hui. Je rappelle que la restauration est désormais achevée, du moins en ce qui concerne les murs extérieurs. Elle est due à M. Renaud Dubrigny, employé municipal ayant travaillé sous les supervisions des deux architectes, l'un des Bâtiments de France pour la Haute-Marne (département où se trouve St-Dizier) et l'autre étant architecte de la ville. Ce restaurateur a repris l'ensemble de l'oeuvre de Dhièvre, murs extérieurs et intérieurs de son ancienne maison, ainsi que certaines peintures et sculptures détachées qui sont actuellement conservées au musée municipal de St-Dizier (ville qui aura à n'en pas douter fait tout ce qui était en son pouvoir pour conserver en son sein ce patrimoine populaire, ce dont on ne saurait trop la louer).

 

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"Au Petit Paris", photo Jacques Verroust dans Les Inspirés du Bord des routes, 1977

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"Au Petit Paris", après restauration de 2011, ph. Bruno Montpied, 2013

    On pourrait s'amuser à jouer au jeu des "sept erreurs" si prisé des enfants. Il semble cependant à première vue que ce soit surtout sur la question des couleurs que mon attention en premier lieu se portera. Il paraît évident que le jaune moutarde choisi par le restaurateur est assez différent du jaune qui paraissait plutôt orangé chez Dhièvre. D'autres différences dans le traitement des couleurs sont à noter en comparant les deux images, les médaillons au ras de la chaussée ne sont pas traités de la même manière par exemple. Un des trois oiseaux sculptés sur un faux arbre à l'angle de la maison (idée géniale de Marcel Dhièvre que cet envol permanent d'oiseaux à l'angle de ses fenêtres) est peint en bleu alors que chez Verroust tous trois étaient blancs. Le bleu choisi par le restaurateur apparaît aussi plus soutenu. Et plus généralement la façade actuelle paraît plus claire, plus aérée que dans la photo de Verroust où elle apparaît plus fourmillante, plus "mosaïquée" du coup aussi.

    Sur ces photos, on ne voit pas la seconde façade qui s'enfonce dans la "voyotte" (ruelle de St-Dizier) à droite. Cette dernière aujourd'hui apparaît très brillante (les flash des appareils photo s'y reflètent d'ailleurs, ce que je ne suis pas sûr qu'ils auraient fait du temps de Dhièvre).

 

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Ici l'on voit le deuxième mur peint et sculpté en relief avec des brillances satinées dues selon moi à la restauration, ph BM, 2013

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Le flash se reflète sur l'étendue brillante des jolies fresques de Marcel Dhièvre, ph BM, 2013


    On dira, je sais... "Que voulez-vous? C'était ça ou rien..." Oui? Est-on bien sûr qu'il n'y a pas d'autre alternative? Surtout quand on sait que les municipalités devant rendre des comptes de l'emploi de leurs deniers auprès des contribuables et des électeurs sont conduites à rendre durables les restaurations qu'elles engagent. Rendre durable une réalisation qui fut conçue de façon précaire et éphémère (c'est là une différence avec les oeuvres d'art monumentales des artistes professionnels)... Comment voulez-vous qu'on ne risque pas en conséquence de tomber dans un zeste de vitrification muséifiante...?

    Bon. Ceci dit, moi qui n'avais jamais pu voir la maison du temps de Dhièvre, je reste cependant heureux d'avoir pu voir quelque chose qui me la rappelle, quelque chose qui de plus a été très honnêtement étiquetée, il faut le souligner, "restaurée" (avec les noms de ceux qui ont aidé à sauvegarder l'ensemble) et non pas présentée comme le monument original.


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Un musée voué aux environnements spontanés aux USA, le John Michael Kohler Arts Center

 "Il s'agit d'un événement, jumelant exposition, publication et colloque. (...) Ils font un travail digne d'intérêt, en sauvegardant des sites, parfois in situ, mais aussi dans leurs locaux."
V. R. (Extrait d'une lettre de correspondante)
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 "Home is Masterpiece, Trash is Treasure, Life is Art"  ("La Maison est Chef-d'oeuvre, L'Ordure est Trésor, La Vie est Art", sous-titrée: "Espaces sublimes et Mondes visionnaires d'artistes vernaculaires").
Cette exposition, la plus grande jamais conçue au John Michael Kohler Arts Center de Sheboygan (près de Chicago aux USA, www.jmkac.org.), s'ouvrira le 24 juin pour durer jusqu'au 6 janvier 2008.
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Il s'agit d'une manifestation monstre semble-t-il, bien en proportion avec le pays qui l'accueille. On y présente sur des milliers de m²  vingt-deux créateurs qui ont transformé l'intérieur et/ou l'extérieur de leurs domiciles et terrains. Des milliers de peintures, de sculptures, de dessins et de photographies provenant de la collection permanente de l' Arts Center (fondé dans les années 70) consacrée exclusivement aux oeuvres de bâtisseurs d'environnements (a priori des bâtisseurs autodidactes populaires).
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Mary Nohl
  
Je souligne ce dernier élément, car nous avons affaire ici à un établissement parfaitement pionnier. En France, très peu de collections ouvertes au public peuvent se comparer à une telle entreprise. Je ne vois guère que le parc d'environnements spontanés de la Fabuloserie, créée par le couple Bourbonnais à Dicy dans l'Yonne, ou le Jardin de la Luna Rossa (quelques pièces) d'Olivier Thiébaut à Caen qui puissent un peu faire écho à cet Arts Center de Sheboygan.
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 David Butler
Avant qu'un musée digne de ce nom se décide en France à se consacrer prioritairement à la conservation et à la sauvegarde de tout ou partie des créations environnementales des "habitants-paysagistes" (terme inventé par Bernard Lassus), des inspirés du bord des routes comme écrivaient Jacques Verroust et Jacques Lacarrière dans les années 70, les poules auront des dents... Car ce genre d'initiatives qui ne privilégie pas plus la sauvegarde dans un bâtiment fermé que la sauvegarde in situ des environnements en péril, comme le fait l'Arts Center de Sheboygan, est tout aussi valable que les sempiternelles déplorations sur le vandalisme que l'on trouve si souvent sur la Toile ou dans les revues spécialisées (et moi mon boulot, c'est d'en parler). Soulignons que les sauvegardes, de plus, paraissent menées dans ce musée avec infiniment de soin et de respect pour les oeuvres, leur contexte d'origine, etc.
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 Emery Blagdon
L'expo du Wisconsin (c'est situé non loin de la frontière avec le Canada) présente des oeuvres rares comme la "Machine à Remède" (Healing Machine) constituée de centaines d'éléments colorés ("effrayants" nous dit-on) en fils, lamelles de fer et bois d'Emery Blagdon, originaire du Nebraska, qui la créa entre 1950 et 1986, ou aussi les plus inévitables statues de Nek Chand (le créateur de Chandigarh en Inde qui est tellement médiatisé dans le monde de l'art brut qu'il paraît le seul étranger à pouvoir exposer partout dans le monde). Moins en relation avec la notion d' "environnements", on trouve les céramiques, peintures, sculptures en os, ainsi que les photographies d'Eugène Von Bruenchenhein qui l'ont déjà grandement fait connaître (en célébrant sa femme qu'il a photographiée sous toutes les coutures, telle une déesse à usage privé). Deux environnements ont été reconstitués également à l'identique au sein de l'exposition.
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Photographie d'Eugène von Bruenchenhein
Ci-dessous, du même, sculpture en os
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Voici la liste de quelques autres autres créateurs présentés: Levi Fisher Ames, Jacob Baker, Loy Bowlin, David Butler, Nick Engelbert, John Ehn, Peter Jodacy, Sam Rodia, Dr. Charles Smith, Fred Smith, Mary Nohl...
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 Peter Jodacy
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 Charles Smith
(Merci à Valérie Rousseau de nous avoir signalé cette exposition ; les photos qui illustrent cette note sont extraites pour Butler, Smith, Jodacy, Nohl, Rodia, Blagdon du site de l'Arts Center de Sheboygan ; celles d'Eugène Von Bruenchenhein viennent, pour la photographie d'EVB du site interestingideas.com et pour la sculpture du musée des Beaux-Arts de Philadelphie, USA )

 

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Sur la route, François Michaud

            Cet été, allez donc dans le Massif Central, dans le Limousin, c'est un massif d'inspirés et d'actualité (l'Abbaye de Beaulieu dans le Rouergue, Saint-Alban de Limagnole en Margeride avec l'expo Les Chemins de l'Art Brut(6) ), décidément, il va falloir que je songe à me tailler une place dans le secteur  tourisme et art populaire d'une quelconque Maison de l'Auvergne...
            Sans compter qu'il existe tout plein de lieux aussi qui n'ont pas attendu d'être sous les feux de l'actualité pour faire parler d'eux. Comme par exemple Masgot. Ca fait plus de 150 ans que ce hameau vous attend...
 
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         Tailleur de pierre de métier et sculpteur autodidacte à ses loisirs, Michaud a vécu de 1810 à 1890. Il paraît avoir commencé à décorer son petit village de Masgot  (commune de Fransèches dans la Creuse, non loin du Moutier d'Ahun) dans les années 1850-1860 (la datation se basant sur les personnages ou les thèmes abordés).
 
 
 
 
(Ci-dessous, la deuxième maison de Michaud avec Napoléon, la femme nue sur la clôture, Jules Grévy, Marianne...)
 
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             Plusieurs statues dues à son désir de manifester ses convictions tour à tour bonapartistes et républicaines, déistes et anticléricales sont demeurées dans ce village de cette époque jusqu'à nous, faisant de ce site l'environnement populaire spontané le plus ancien que nous ayons en France (bien avant le Palais Idéal du facteur Cheval ou les rochers sculptés de l'abbé Fouré à Rothéneuf), si l'on met de côté provisoirement la Cave Sculptée des Mousseaux à Dénezé-sous-Doué dans le Maine-et-Loire (qui serait du XVIIe siècle et dont on ne connaît pas très bien les auteurs).
 
 
 
 
 
 
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            On peut encore voir actuellement, autour de ses anciens domiciles, des effigies de Napoléon, celles d'un moine, d'une sirène, d'un homme assis flanqué d'un chien, un buste d'homme barbu, une statue de femme nue, des bustes de Jules Grévy et de Marianne (les premières effigies de Marianne datent des années 1880, et Michaud fut l'un des tout premiers à en façonner, ce qui en fait de logiques Marianne "primitives"...) et divers autres décors ou inscriptions, le tout taillé dans le robuste granit de la région dans un style archaïsant à mi chemin de l'art brut et de l'art naïf.
 
 
 
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Buste de Jules Grévy (ci-dessous) 2ede5619837be2ce3f86f06b1be4cbd3.jpg
 
 
 
 
 
 
 
 
 
           Il existe un livre assez complet sur lui : L'oeuvre énigmatique de François Michaud à Masgot, de Jacques Meunier, Jacques Lagrange, Roland Nicoux, Pierre Urien, Bruno Montpied, Alain Freytet, Patrice Trapon, etc., aux éditions Lucien Souny (en vente à Masgot). Un petit musée est ouvert durant la belle saison dans le hameau qui se visite sans difficultés au coeur de la Creuse, région vallonée et forestière où l'on goûte une paix royale.  L'association des Amis de la Pierre, présidée par le maire de la commune, Alain Delprato, s'occupe d'animer et de surveiller le site (on y a même installé, alors que le hameau est plutôt restreint, un nouveau café).
 
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Robert Giraud, le copain qui sort de l'ombre de Doisneau

      Olivier Bailly annonce la parution de son ouvrage sur Robert Giraud pour le mercredi 22 avril chez Stock, collection Ecrivins (oui, je sais, le calembour vaut ce qu'il vaut...). Monsieur Bob, tel est son titre. Une biographie, une évocation que tous les lecteurs du blog que tient Olivier Bailly, Le Copain de Doisneau, devineront fort bien documentée. Son blog distille en effet, depuis au moins deux ans je crois, toutes sortes de témoignages, photos, documents divers sur Robert Giraud.

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        Ce dernier est un écrivain, dont on réédite du reste par la même occasion Le Vin des rues chez le même Stock (l'année dernière avait déjà vu la parution au Dilettante d'un excellent recueil de ses reportages, Paris, mon pote), mais plus encore un amoureux du Paris populaire et de son "fantastique social" comme le nommait paraît-il Mac Orlan. Fantastique social, monde des figures de la rue que Paris, en dépit du vandalisme institutionnel des bourgeois, n'a jamais cessé de produire (il aurait peut-être même en ces temps de misère et de folie sociale tendance à s'épanouir...).

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Un clochard, photo de Pierre Gonnord, exposition à la Maison Européenne de la Photographie, août 2007

      Giraud connaît bien le monde de la nuit parisienne, les petits malfrats, les clochards, et se situe comme écrivain en successeur d'une tradition littéraire et artistique qui remonte à Fargue, Francis Carco ou Brassaï, et peut-être au delà à Lorédan Larchey, et aux chroniqueurs du Paris excentrique du XIXe siècle (Yriarte, Champfleury, etc.). Il connaît les rades où l'on boît du bon vin, il les chronique dans L'Auvergnat de Paris.Robert Giraud au comptoir chez Albert Fraysse, par Maximilien Vox, extrait du blog Le Copain de Doisneau.jpg Sa route (mauve) croise celle de l'art brut à un moment (il devient un temps le "secrétaire" de Dubuffet pour la collection de l'art brut en train de se monter). Son frère Pierre Giraud est un moment exposé dans le cadre des premières manifestations de l'art brut au moment où Dubuffet cherche la définition de sa notion (juste après la seconde guerre). Giraud et lui se quitteront en mauvais termes, semble-t-il, puisque dans la suite des années Giraud parlera de Dubuffet comme d'un "cave"... Il écrit diverses chroniques sur des autodidactes inspirés (comme Raymond Isidore, dit Picassiette, à Chartres, sur qui il sera le premier à écrire, et qu'il interviewera). Surtout, il fait paraître, avec son complice de toujours, Robert Doisneau, ainsi qu'avec Jacques Delarue, un fort bon livre sur les tatouages populaires, Les Tatouages du "Milieu" (réédité en 1999 aux éditions L'Oiseau de Minerve). Mais d'autres livres, sur l'argot d'Eros ou celui des bistrots, des romans aussi, sont à mettre à son crédit.

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Jacques Delarue et Robert Giraud (à droite) avec Richardo, photo de Doisneau dans Les tatouages du "Milieu"

       Je ne m'étends pas davantage. Rendez-vous avec ce flâneur des deux rives (d'un fleuve qui ne charriait pas que de l'eau) en lisant le bouquin d'Olivier Bailly qui nous promet d'entrer dans l'intimité de ce monsieur Bob comme si on y était.

        Ci-dessous, un échantillon du style de M.Bailly, ça donne envie d'en lire davantage, non?

      "Tracer le portrait  de Bob Giraud, c'est facile. Bien que sécot, il est choucard. Il plaît aux frangines à cause qu'il a un petit air voyou. Ses crins drus et droits tombent en gouttes de pluie. Ca lui donne l'air d'un hérisson. Son nez: un bec d'oiseau. Au marigot fédérateur que l'on appelait jadis le comptoir, on nomme cet animal le pic-verre. Maigre comme un chat. Tel est le faune. Au mental, un brin solitaire. Il a ses têtes. Celles qui lui reviennent, il leur paye un canon. Les autres, c'est des cons."  (Olivier Bailly, Giraud, mon pote, présentation de Paris, mon pote, éd. le Dilettante, 2008)

  

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Petit théâtre de sculpture improvisée

     Fin d'inspection aux Puces de Vanves durant ce cher mois d'août parisien dépeuplé. Pas de bousculade, quel plaisir... J'arrive au bout du dernier trottoir point complètement exploré, et je me dis que je ne trouverai rien comme souvent. Et puis, comme voulant malignement déjouer ce pessimiste pronostic, je m'avise d'une boîte vitrée contenant quelques petites sculptures placées sur le fond d'un collage de deux fragments de photos dont l'une est décolorée, tirant sur le bleuâtre. A côté, s'étalent des outils de dinandier ou de chaudronnier (à ce que me précisera mon camarade Philippe Lalane, qui explorait de concert avec moi ce matin-là). Ce sont ces outils que le marchand espère vendre, semble-t-il. Les petites statuettes ne paraissent guère soulever son estime. Il pense que ce ne fut qu'un passe-temps éphémère de la part de son auteur. J'avoue ne pas comprendre très bien le peu de cas fait de ces oeuvrettes qui m'ont séduit moi en revanche immédiatement. Mais comme il va me faire un prix fort raisonnable, j'oublie rapidement mon étonnement...

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Sculptures populaires anonymes, XXe siècle, photo Bruno Montpied, 2009

     J'emporte la boîte, ôte prestement la vilaine photo d'arrière-plan une fois rentré à mon domicile. Je note au passage que les photos, collés sur la paroi vitrée renvoient à deux fragments de calendrier évoquant en légendes les villes de Rochefort-en-Terre (dans le Morbihan) et de Collioure (Pyrénées-Orientales), images toutes deux dues au photographe Jacques Verroust, connu pour son livre avec Jacques Lacarrière sur les Inspirés du bord des routes... Ces photos ne paraissent là que pour constituer un arrière-plan médiévisant aux statuettes montrant des personnages du monde rural. Seule exception à cette thématique ruralisante, se distingue cependant une statue de femme africaine nue, à genoux, la poitrine généreusement proéminente et le fessier bombé.

    Anonyme, une statue africaine, dos nu, XXe siècle, art populaire,ph. Bruno Montpied, 2009.jpg    Anonyme, femme africaine, de face, statuette art populaire, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg

Photo BM, 2009

     Il y a six petites statues, un homme qui joue du marteau, paraissant être un forgeron (je retrouverai un second marteau sur le bois qui sert de plancher, avec des ornements ovales tracés au crayon pour suggérer un dallage quelconque ; et je le raccrocherai à la main restée libre).Anonyme, un forgeron, stauette d'art populaire XXe siècle, ph. Bruno Montpied, 2009.jpg A ses pieds, une enclume où l'on n'aperçoit aucun outil à forger... L'homme n'est pas fixé. Ce qui n'est pas le cas de la saynète des deux causeurs assis, sculptés dans des couleurs différentes. On les a munis d'une pointe par-dessous qui les retient au sol.

Anonyme,Deux causeurs assis, art populaire XXe siècle, ph. Bruno Montpied.jpg 

    Les causeurs, photo BM, 2009

     En plus de la femme africaine agenouillée, on découvre aussi un bûcheron, au faciés passablement proche du squelettique. La Mort bûcheronnant?

Anonyme,un bûcheron, art populaire XXe siècle, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
     Qui pourrait me donner plus de renseignements factuels sur l'auteur de ces figurines tout en rondeurs et en crânes, pour l'heur inconnu ?      
            

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Grandeur et décadence du jardin zoologique de Raymond Guitet

Raymond Guitet, Le Jardin Zoologique à Sauveterre-de-Guyenne, années 70, photo Jacques Verroust.jpg
Photo Jacques Verroust (années 70), extraite des Inspirés du Bord des Routes, 1978 ; à l'époque, ni arbres, ni haies ne cachent les statues du fond, et au pied du singe sur son arbre, on peut encore voir la saynète "T'en fais pas, la Poste marche si mal   

     De tous les sites et environnements imaginés par des autodidactes d'origine populaire, j'ai un faible pour le "jardin zoologique" de Raymond Guitet qui agonise à Sauveterre-de-Guyenne dans ce que l'on appelle l'Entre-Deux-Mers, les "mers" en question étant la Dordogne et la Garonne. Je l'ai visité trois fois. Une première en 1988, une seconde en 1991 et la troisième tout récemment en mai 2008 (je fêtais l'anniversaire de ma première visite faut croire, mais ce fut une triste fête, le jardin est en voie de complet anéantissement).

Raymond Guitet, le jardin zoologique, ph.B.Montpied, 1991 .jpg
Le Jardin zoologique en 1991, la peinture s'efface, les statues résistent vaille que vaille quarante ans après... Photo B. Montpied
Raymond Guitet, statues des Trois Sages et autres, ph.B.Montpied, 1991.jpg
Au premier plan, la saynète des "Trois sages" et leurs conseils gravés sur une pierre à leurs pieds ; à droite, derrière des animaux semés sur un sol couvert de gravier, sous un parasol, la saynète de "Crédit est mort, les mauvais payeurs l'ont tué", ph.B.Montpied, 1991
Raymond Guitet, inscription des conseils des Trois Sages subsistant encore en 2008, ph.B.Montpied.jpg
Seule reste en mai 2008 l'inscription récapitulative aux pieds des "Trois Sages"... sans les Trois Sages désormais envolés...

     En 1988, avec Christine et Jean-Louis Cerisier, aux portes de la bastide de Sauveterre, en demandant  à des personnes assises sur un banc si on était encore loin du jardin, on s'était vu rétorquer que non, mais "c'est qu'il n'y avait plus rien là-bas"... Celle qui nous renseigna s'avèra une proche parente de Guitet (ce dernier étant décédé depuis un petit bout de temps, au moins trente ans). Une fois sur place -le site était à une centaine de mètres-, nous nous avisâmes qu'il y avait encore beaucoup de statues, certes en mauvais état (beaucoup étaient fissurées, avaient perdu leur ciment, montrant les infrastructures en tôle rouillée sur lesquelles l'auteur avait coulé le ciment, certaines statues avaient été enlevées...). Ainsi, il y avait encore quelque chose, et simultanément aux yeux des proches "il n'y avait plus rien". Cela me fit réfléchir. Les créations de Raymond Guitet avaient été associées par cette femme de façon tellement étroite à Guitet de son vivant que celui-ci une fois mort, sa création avait disparu aussi à ses yeux...

Raymond Guitet, un des mauvais payeurs de la saynète Crédit est mort..., ph.B.Montpied, 1991.jpg
Une des statuettes du groupe "Crédit est mort...", ph.B.Montpied, (en1988)

     Ces statues avaient un aspect rugueux, surtout parce qu'à cette époque elles avaient perdu leurs couleurs. Car elles étaient peintes, comme on peut s'en convaincre en regardant les photos, vraisemblablement du début des années 70, de Jacques Verroust, publiées dans son livre de 1978 (écrit avec Jacques Lacarrière) Les Inspirés du Bord des Routes (Le Seuil éditeur). Je fais comme ces auteurs au fait, j'orthographie Guitet avec un "t", comme le créateur lui-même l'orthographiait, il n'est que de lire les panneaux en ciment où il a apposé plusieurs fois son nom (l'orthographe avec deux "t" se trouve notamment dans les livres de Claude Arz sur la "France insolite" par exemple, et dans des ouvrages anglo-saxons qui ont recopié cette graphie à partir de Arz).

     Les statues étaient disposées leur face tournée vers la route, à l'intention des passants sans l'ombre d'un doute, derrière un portique décoré de statuettes où un médaillon en ciment proclamait fièrement "L'an 1950 jardin zoologique de Sauveterre créé par R.Guitet". Au revers, une autre inscription ajoutait cette précision: "à l'âge de 75 ans".Raymond Guitet, inscription donnant sur la route, Le Jardin zoologique..., ph B.Montpied, 1991.jpg Ce portique existe encore aujourd'hui, mais la première inscription a été maladroitement badigeonnée de ciment, et il ne reste plus qu'une statuette pendouillant lamentablement (une sorte de lutin avec un bonnet). 75 ans en 1950, je m'étais dit que Guitet avait donc dû naître vers 1875, ce qui faisait de lui un créateur avec un pied culturel dans le XIXe siècle. On a donné la date de 1956 pour sa disparition (Jean-Louis Lanoux, voir bibliographie à la fin de cette note) , qui a donc suivi de près la réalisation de son jardin, elle-même étalée, finalement, sur un assez court laps de temps. Pour le reste, on ne sait pas grand-chose sur Raymond Guitet. J'ai retrouvé dans mes notes de 1988 qu'il aurait exercé le métier de charron, puis de marchand de fruits. Patrick Riou le signale quant à lui comme "cantonnier", ce qui a été répété ensuite sans confirmation de la véracité du fait...

Raymond Guitet, Son jardin en mai 2008, ph.B.Montpied.jpg

Le jardin zoologique, plus très zoo, plus très logique... ; il reste trois grandes statues lézardées, un ou deux animaux, le portique, mais c'est bien tout... ph.B.Montpied, mai 2008

      Pour faire un peu progresser la bio de ce créateur magnifique mais peu prolixe (on ne connaît de lui que cet unique jardin paysagé de quelques dizaines de mètres carré), je suis allé demander à J-L. Lanoux où il avait trouvé la date de la mort de Guitet. Il a eu la grande amabilité de me communiquer les dates exactes de naissance et de mort: 18 juin 1876-13 janvier 1956, ainsi qu'une copie d'un document intéressant. Il a été en contact avec une habitante de Sauveterre s'intéressant au "cas Guitet". Cette dame avait également ajouté les précisions suivantes: "(...) marié à 22 ans à Marie Barthélémy (27 ans). Profession jardinier. (...) Homme vaillant, a élevé quatre enfants. Il fut adjoint au maire en 1929 et en 1940. Il faisait les marchés, notamment volailles, oies, oeufs. Il avait créé également une petite scierie. Une de ses filles mariée au Maroc l'avait mis en contact avec un exportateur d'agrumes et avec toutes ces activités il avait à ses moments de détente élaboré ce jardin "zoologique" que le temps inexorable a griffé bien sérieusement..." (Extrait d'une lettre de Mme G. à J-L.Lanoux, 17 avril 1990). La mairie actuelle, comme on le voit, aurait pu prendre davantage soin de l'oeuvre d'un des anciens responsables, petite remarque en passant...

     "Zoologique", pour qualifier ce "jardin" m'a toujours paru curieux... Guitet avait campé des animaux certes, un singe avec un boulet (disparu), un serpent, un lièvre debout (disparu), un chien (encore en place aujourd'hui), plusieurs oiseaux, des oies, des dindons, des vautours avec leurs nichées (dont un oeuf en train d'éclore dans un des nids ; ces vautours perchés sur des aquariums sans eau où étaient suspendus des poissons sont actuellement absorbés dans les buissons et les arbres qui ont envahi l'arrière du jardin), un ou deux lions (dans la saynète représentant un dompteur de "cirque", saynète elle aussi disparue)... Raymond Guitet, le général Leclerc, ph.B.Montpied, en 1991.jpgMais ce que l'on remarquait avant tout, c'était les statues représentant des êtres humains, personnages célèbres de l'histoire de France, comme le général Leclerc (statue toujours en place), Jeanne d'Arc (en place), le général (sic) De Lattre de Tassigny (en place), des autoportraits (il y en avait deux à deux tailles différentes, statues aujourd'hui toutes les deux disparues...) et des saynètes de type caricatural ("T'en fais pas, la Poste marche si mal", groupe de deux petites statues qui avait déjà disparu avant 1988 ; on connaît leur existence par les photos de Jacques Verroust et de Patrick Riou, elle se situaient aux pieds du singe sur son arbre ) ou illustrant un dicton ("Crédit est mort, les mauvais payeurs l'ont tué", groupe abîmé en 1988, disparu en 2008). Il est probable que Guitet n'avait pas trop fait attention à cette petite contradiction. Mais du coup les braves généraux et la célèbre pucelle se retrouvaient embringués dans une drôle d'Arche de Noé...

     Plusieurs statues pouvaient être identifiées grâce à des inscriptions gravées dans le ciment de socles ou de médaillons placés au sol devant les statues. Une de ces inscriptions que j'ai photographiée déjà bien abîmée en 1988, et qui était alors installée à même le sol au risque d'être recouverte par la végétation, avait été à l'époque des photos de Jacques Verroust dressée contre les jambes de la grande statue représentant Guitet. Voici ce qu'elle disait:

Raymond Guitet, inscription dans le jardin de Sauveterre-de-Guyenne, ph B.Montpied, 1988.jpg

Inscription sur une galette de ciment posée à même le sol (et rehaussée par moi) ; disparue aujourd'hui... Photo B. Montpied, 1988   

     La statue comportait elle-même une inscription à ses pieds qui identifiait Guitet sous les traits de cet homme à gilet et casquette, en sabots, tenant un oiseau sur le poignet: M.Guitet créateur du jardin zoologique de Sauveterre [...]. Ce terme de "créateur" est à souligner. Il est assez rare qu'un de ces créateurs d'environnement spontané qualifie lui-même de façon aussi nette son activité. Le terme d'"artiste", on le voit en tout cas, n'a pas été retenu par l'auteur lui-même (à nos yeux de façon tout à fait pertinente).

     Raymond Guitet, autoportrait à la casquette, ph.B.Montpied, 1991.jpg    Raymond Guitet, socle de l'autoportrait à la casquette vide en mai 2008, ph.B.Montpied.jpg
Deux états différents de la même statue, à gauche en 1991, l'autoportrait de Guitet avec la casquette (brisée), et, à droite, le socle vide en mai 2008, ph.B.M.

     L'autre statue autoportraiturant Guitet le représentait, dans des dimensions nettement plus réduites par rapport aux quatre autres statues placées sur la même ligne au fond du jardin, avec un immense chapeau (peut-être traditionnel?) et des accessoires qui paraissent comme les attributs d'une profession (une corde autour de la taille?). Est-ce une petite roue qu'il porte sur l'épaule gauche (où sur ma photo de 1991, se tient un morceau écroulé du chapeau)? Toutes ces précisions auraient pu être apportées par la moindre recherche d'un érudit régional qui serait allé enquêter auprès de la famille. Il n'est pas dit que cette enquête n'ait pas été menée (comme on le sent dans les recherches de Lanoux qui datent de 1990). Mais pour le moment, nous n'en avons pas entendu parler.

Raymond Guitet, les autoportraits, Jeanne d'Arc, De Lattre, ph.B.Montpied, 1991.jpg
Les deux statues autoprtraits de Guitet, Jeanne d'Arc et De Lattre de Tassigny au fond, ph.B.M., 1991

      Ce jardin était une merveille. Ses statues, son ordonnancement, l'idée de placer en son centre un bassin (quadrilobé, joli mot précis, n'est-ce pas Jean-Louis?) qui était rempli d'eau autrefois (on en voit sur les photos de Jacques Verroust), d'où émergeait l'étrave d'une barque avec un marin juché dessus brandissant une pagaie, et qui comportait, semble-t-il lui aussi une inscription que cite Patrick Riou dans son livre ("15 juin date mémorative") -peut-être un souvenir de combats auxquels Guitet aurait pu participer? Hypothèse que j'aventure... La naïveté de sa conception, de sa facture, naïveté rugueuse et non mièvre... comme je les regrette à présent que tout est parti à vau-l'eau. Son Leclerc qui ressemble encore un peu à un Golem, sa Jeanne d'Arc à quelque solide guerrier africain, et l'air quelque peu éberlué de son De Lattre ne donnent plus qu'un faible écho de ce que l'on ressentait en découvrant ce petit théâtre de verdure avec ses simulacres en plein vent.

Raymond Guitet, Le général Leclerc, ph.B.Montpied, mai 2008.jpg
Le général Leclerc, le haut de son buste au képi brisé, la ruine menaçant... ph.B.M., mai 2008
Raymond Guitet, Jeanne d'Arc, ph.B.Montpied, mai 2008.jpg
Jeanne d'Arc cernée par la végétation, ph.B.M., mai 2008 

     Je l'ai déjà égrenée la liste des statues anéanties, ou volées (ce qui est un des espoirs qui nous restent, que ces statues ressortent un jour sur quelque brocante, et c'est parfois la dernière solution qui reste lorsque toutes les bonnes volontés ont été épuisées pour sauver légalement un site dont les successeurs ne veulent rien faire), mais il faut la redire, en une litanie résignée: plus de singe au boulet et de serpent autour de l'arbre, "Crédit est mort" et bien mort..., plus de marin sur son esquif, où sont passés "les trois sages" qui "voyaient, entendaient tout, mais ne disaient rien" (et dont les conseils auront finalement été bien trop entendus)? Envolés... Plus de cirque miniature, plus de lièvre, plus aucun autoportrait de Raymond Guitet, plus d'animaux, dindons cocasses, vaguement ubuesques. Le terrain bâille à la mort, tout est déséquilbré, infirme, il ne reste plus que l'attente d'un coup de grâce...

1204489244.jpg
Le cirque est vide, le spectacle est fini, les fauves ont-ils été lâchés...? Ph.B.M., mai 2008
Tronc de Raymond Guitet, jardin de sauveterre-de-Guyenne, ph B.Montpied, mai 2008.jpg
Le tronc qui est encore aujourd'hui accroché au grillage de la clôture, photo B.Montpied, mai 2008: N'OUBLIE PAS LE CREATEUR...

 

      Bibliographie sur Raymond Guitet:

Jacques Verroust et Jacques Lacarrière, Les Inspirés du Bord des Routes, Le Seuil éditeur, Paris, 1978.

Patrick Riou, Les Jardiniers du Quotidien, ou l'art populaire dans le grand Sud-Ouest,  Patrick Riou, Toulouse, 1984 (vraisemblablement).

Bruno Montpied, Le Ciment des Rêves, une promenade chez quatre créateurs de sites naïfs ou bruts du Sud-Ouest [François Michaud, Gilis, Raymond Guitet et Gabriel Albert], in Plein Chant  n°44, Bassac, printemps 1989. Ce texte est émaillé de petites erreurs que j'ai plaisir à corriger aujourd'hui (attributions de noms erronés aux statues de Guitet, erreur sur le nom de Gabriel Albert, coquilles de l'imprimeur, n'en jetez plus)... Ce texte n'en reste pas moins le premier à parler de Guitet, les deux ouvrages précédents ne montrant que des photos sans apporter beacoupde commentaires. La briéveté de ma visite, ses conditions de clandestinité (nous avions tout de même sauté sans autorisation la petite clôture...), le fait que j'ai surtout photographié à tour de bras et filmé aussi en Super 8 ce jour-là (avec la crainte d'être embêté par les voisins), tout cela est grandement responsable des erreurs d'interprétation. Mes successeurs eurent beau jeu de les rectifier, à partir de ce premier jet. Mais il est vrai aussi que la vérité se construit à plus d'un.

Jean-Louis Lanoux, L'autre vie de Raymond Guitet, Bulletin de l'Association les Amis d'Ozenda n°44, septembre 1991. Dans cet article Jean-Louis concluait en demandant, optimiste comme on le connaît: "Alors, pour Raymond Guitet, une autre vie demain?". On a vu la réponse, hélas.... Cette autre vie risque fort de ne plus exister que dans nos mémoires, photographiques ou autres. Merci en tout cas à J2L qui s'est gentiment fendu pour notre blog de ses informations inédites sur Guitet.

(Il y eut d'autres personnes par la suite qui parlèrent un  peu de Guitet, mais rien de fondamentalement nouveau ne fut apporté, semble-t-il (mais nos lecteurs peuvent très bien nous communiquer d'autres références que nous n'aurions pas vues) ; on se contenta de publier des photos et de recopier platement ce qui avait déjà été écrit (sans citer ses sources bien entendu), je pense notamment au plumitif peu inspiré qui livra un texte sans relief dans Zon'Art n°5, au printemps 2001, "La curieuse zoologie de Raymond Guittet" (sic) )

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