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Le Plein Pays, documentaire d'Antoine Boutet sur Jean-Marie M., archéologue sauvage
Je n'avais plus de nouvelles de ce monsieur Jean-Marie M. depuis bien longtemps. Depuis que j'étais allé le voir en 1987 avec Gaston Mouly qui s'était gentiment chargé de faire le médiateur entre nous (j'ai tourné un petit film en Super 8 à cette occasion que j'ai intégré par la suite à l'ensemble de petits films d'amateur sur les environnements que j'ai intitulés Les Jardins de l'art immédiat). L'ami Joël Gayraud m'avait signalé un article de Walter Lewino paru en 1984 dans Le Nouvel Observateur qui évoquait cette présence peu commune dans une forêt du Lot (article Le Malthusien des Bruyères).
Jean-Marie creusait le sol, effectuant un travail colossal à mains nues au début, puis, après s'être perfectionné côté outillage et engins, avec plus de moyens, élargissant ses tunnels, ses puits, ses crevasses dans l'espoir de découvrir une civilisation préhistorique sous son terrain. On était dans une région de grottes célèbres, Pech-Merle, Cabrerets... Le Périgord aussi n'était pas très loin.
Il fouillait la terre comme une taupe humaine, acharné de façon hyperbolique, creusant sans cesse comme à la poursuite du secret des origines. Qui n'étaient à chercher nulle part ailleurs, bien sûr, qu'au sein de la terre-mère. Il vivait seul avec sa mère sur ce territoire qu'il perçait de galeries. Il interdisait qu'on aille vers sa maison qu'on devinait par delà deux pyramides de pierres, où vivait la génitrice protégée comme une idole. Il interdisait aussi qu'on emmène de la terre de son fief sous les semelles de nos chaussures. Il nous épousseta bien soigneusement, Gaston et moi, avant que nous ayons eu le temps de franchir la limite de la propriété.
Je ne suis pas descendu dans les galeries et les salles creusées dans la terre rouge quand je vins chez lui, tellement cela me paraissait périlleux en l'absence de lumière et sans plus d'information. Le sculpteur Ipoustéguy qui a visité en 84 le site avec Walter Lewino avait été plus téméraire, il descendit au fond, se frottant aux parois de terre rouge, rapportant que l'on voyait quelques gravures de Jean-Marie à certains angles. Sur le terrain lui-même, il y avait peu d'interventions "artistiques". Sur les pyramides évoquées ci-dessus (des cairns améliorés), on pouvait apercevoir quelques grossières incisions, tentant d'imiter les gravures rupestres du Val Camonica en Italie ou de la Vallée des Merveilles dans les Alpes françaises. Interrogé par nous sur ce qu'il avait réussi à mettre au jour jusqu'alors (1987, je le répète), il s'était embrouillé, avait seulement soulevé une bâche pour nous montrer une belle améthyste, qui consistait à ce que nous crûmes comprendre en son unique trouvaille de quelque valeur... Peut-être était-ce avant tout sa quête qui le faisait vivre, et peu importait la fin.
A suivre l'article de Walter Lewino, J-M en 1984 avait un message écologique et démographique à faire passer au monde (ce qui le range aussi du côté des "fous littéraires"). Selon lui, la Terre étant bien trop peuplée, il fallait réduire d'urgence la population en cessant de procréer (sa théorie était peu claire, il militait pour une "extinction de l'espèce humaine", ce qui est nettement plus radical qu'une simple diminution démographique ; de plus il en voulait à son père de lui avoir donné le jour, il prédisait l'arrivée des extra-terrestres qui retrouveraient ses vestiges et en feraient un palais merveilleux ; au fond, il proclamait son désir de n'avoir jamais existé). Il avait confié à Lewino un message à publier dans les média, ce que ce dernier fit (voir ci-dessous).
Texte dicté à sa mère par J-M, photos de l'article de Walter Lewino, Le nouvel Observateur, 8-6-1984
Je commençai d'écrire quelque texte à son sujet, que je finis par délaisser, n'ayant que peu de tribunes à ma disposition, puis je me mis à en parler autour de moi, le cas était tout à fait intriguant, j'attendais une occasion, et je me demandais comment en parler adéquatement... J'étais impressionné aussi par l'impact que pourrait avoir la révélation de cette existence sur un public plus large. Des articles parurent cependant ici et là, par exemple dans le magazine Dire Lot qui ne cacha pas le nom de Jean-Marie, si je me souviens bien, ou dans Gazogène également à qui je l'avais signalé (revue éditée à Cahors). Dans ce dernier bulletin, vers 2000, il fut fait état d'une nouvelle fantastique, la mère de Jean-Marie étant décédée, et ayant été enterrée au cimetière, loin de leur terrain sacro-saint, celui-ci n'avait pu le supporter et était parti la déterrer (toujours cette quête du souterrain), pour l'exhumer et la ramener chez lui. Cela ressemble au comportement de l'auteur du fameux plancher de Jeannot dont j'ai déjà parlé ici. Jean-Marie, avais-je alors appris, avait pu regagner son domicile après quelques démêlés avec les autorités. Depuis je n'avais plus de nouvelles.
Et voilà que j'apprends qu'on a fait un film avec lui, où son nom - à juste titre peut-être - n'est pas prononcé. Seul son prénom apparaît dans les dossiers de presse qu'on m'a communiqués (grand merci à Remy Ricordeau pour cette information précieuse). L'auteur du documentaire est Antoine Boutet. Le film, daté de 2009, est un moyen-métrage de 56 minutes. Son titre: Le plein pays. Il sera projeté dans la région parisienne incessamment (c'est l'avant-première). Rendez-vous le mercredi 7 octobre à 21h au cinéma Le Méliès à Montreuil. Je ne sais pas vous, mais moi, j'y serai. Voici le résumé tel que je l'ai trouvé sur le site des "Rencontres cinématographiques autour du documentaire" qui se tiennent du 6 au octobre à Montreuil:
"Robinson au milieu d'une forêt française, avec pour seuls compagnons une radio et un magnétophone : l'homme que filme Antoine Boutet est un solitaire, un homme qu'on pourrait dire « des bois » ou « des grottes », tant il fait corps avec ces lieux secrets. Il les sculpte et les manipule, les chamboule et les creuse. Dans un même mouvement, du plus profond de lui, éclôt sa voix, ses mythes et bientôt, par bribes, son histoire."
C'est le genre de film à rapprocher de celui qu'ont fait les animateurs du blog "Playboy communiste" sur le "griffonneur de Rouen", Alain R. Voir dans ma note ancienne ce que j'en avais dit. Ainsi que le lien vers leur blog dans ma colonne consacrée aux liens.
01/10/2009 | Lien permanent | Commentaires (17)
Info-miettes (39)
Encore des Info-miettes, va-t-on me dire... Mais c'est qu'ils se passe des choses, des expos, des salons, des publications... Alors, j'ai préféré diviser les sous-notes en plusieurs notes. Deuxième brassée ci-dessous:
Yves Elléouët, à la Galerie Plein-Jour, Douarnenez
Le vernissage de cette exposition du poète et peintre Elléouët (1932-1975), que l'on associe au surréalisme, aura lieu le 16 octobre, en présence d'Aube Breton-Elléouët et Oona Elléouët. L'expo est prévue pour durer du 16 octobre au 28 novembre 2021. On trouvera plus d'information (le dossier de presse en particulier) à cette adresse: www.galeriepleinjour.fr/yves-elleouet
Yves Elléouët, une peinture de 1958.
Galerie Plein-Jour, 4 rue Eugène Kérivel, 29100 Douarnenez. Tél: 07 81 73 41 85.
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Janet Sobel à la Galerie de Toutes Choses (Gallery of Everything)
Montrée en France à l'occasion du premier salon d'art outsider tenu à l'Hôtel le A (voir ma note de l'époque ici) en 2013, Janet Sobel (1893-1968), précurseuse de l'expressionnisme abstrait et du dripping de Jackson Pollock, revient en Europe, à Londres plus précisément, du 10 octobre au 14 novembre, à la galerie de James Brett et affidés, avec d'autres femmes créatrices (dont Unica Zürn, Hilma af Klint, Emma Kunz,Anna Zemánková, ou bien Judith Scott), ainsi que dans le salon Frieze Masters qui se tient dans Regent's Park (mais dans ce lieu un peu moins longtemps, des peintures de Sobel seront exposées du 13 au 17 octobre). On aura plus de renseignements sur le site de la Gallery of Everything.
Janet Sobel, sans titre, huile sur cannage sur panneau, 76,5 x 56,3 cm, visuel Gallery of Everything.
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Escale Nomad, nouvelle exposition entre République et Strasbourg-Saint-Denis
Pas d'Outsider Art fair cet automne, suite sans doute aux incertitudes qui pesaient en début d'année sur les mois d'automne quant à la possibilité de monter cette foire avec de nombreuses galeries à contacter (de plus, n'y aurait-il pas quelque vent de fronde chez certains galeristes trouvant la place bien chère...?). Certaines galeries d'art brut (Berst, Ritsch-Fisch) se tournent vers la FIAC qui elle se tient aux dates prévues. Cependant, il se murmure que l'Outsider Art Fair ne serait pas remise non plus aux calendes grecques, ce serait pour le printemps prochain, après tout, une saison plus en rapport avec l'éternelle jeunesse des pulsions brutes...
Vue de certaines oeuvres proposées par Escale Nomad.
D'autres, en attendant cette foire printanière, font cavalier seul durant l'automne, comme Escale Nomad de Philippe Saada qui revient présenter ses découvertes d'art brut d'un peu partout à côté des poulains auxquels il reste fidèle (Babahoum). Ce sera du 14 (demain) au 24 octobre, à la Galerie L'Œil Bleu.
Galerie l’OEIL BLEU, 32 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 (Métro République ou Arts et Métiers). Apparemment, c'est tous les jours...
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Et la Galerie Pol Lemétais revient chez Soulié d'un bon pas
Pour sa part Pol Lemétais proposera aussi un large éventail de créateurs et artistes (Noviadi Angkasapura, Anselm Boix-Vives, Kenneth Brown, Jean Crié, Darédo, Olivier Daunat, Paul Duhem, Anaïs Eychenne, Madge Gill, Daniel Gonçalves, Johann Hauser, Alain Kieffer, Dwight Mackintosh, Mina Mond, Friedrich Schröder-Sonnenstern, Lewis Smith, Henry Speller, Carter Todd, August Walla, Scottie Wilson, Zefrino, Carlo Zinelli...), du lundi 18 au dimanche 24 octobre 2021 dans le local de la Galerie Béatrice Soulié (21 rue Guénégaud 75006 Paris), de 13h à 20h, et sur rendez-vous.
Pol Lemétais, tél : 06 72 95 60 18. http://www.lemetais.com
Alcheringa n°2, sous titré 'Le surréalisme aujourd'hui", été 2021.
Pour se procurer la revue (tirée à 300 exemplaires, mieux vaut s'adresser directement à l'éditeur, les éditions du Retrait, basées à Orange (on trouve le bulletin de commande ici, sur leur site web).
Signalons aussi une exposition actuelle, "Le Tarot de cocagne", du peintre-théoricien-poète du groupe surréaliste Guy Girard à la Maison Rignault (librairie de la Maison André Breton), à Saint-Cirq-Lapopie, consistant en une réinterprétation sous forme de toiles des différentes lames du tarot. L'expo est prévue pour aller jusqu'au 29 octobre.
Guy Girard, une des peintures de l'expo actuelle.
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Et chez Dettinger, qu'est-ce qu'on y voit? Jean Veyret, puis Fatima-Azzahra Khoubba, bientôt...
Celle qui scrute les étoiles, une boîte de Jean Veyret, Galerie Dettinger-Mayer.
Après une expo consacrée au grand peintre surréaliste lyonnais Max Schoendorff, qui s'est terminée le 9 octobre, Alain Dettinger continue dans sa galerie de la place Gailleton (Lyon 2e ardt) de proposer de réjouissants menus, puisqu'à partir du 30 octobre, on retrouvera de nouvelles boîtes pleines d'onirisme de Jean Veyret, visibles jusqu'au 20 novembre, date après laquelle l'intrigante Fatima-Azzahra Khoubba (on fait un prénom mot-valise à partir de son prénom composé quand on lui écrit ou lui parle: Fatimazara, sinon on s'épuise...), qui exposait naguère des tableaux semblant illustrer la théorie des fractales (voici déjà huit ans que je n'en avais pas revus, mais elle a peut-être été réexposée depuis), prendra la suite du samedi 27 novembre 2021 au 1er janvier 2022 (elle a mis des yeux à ses bras de terre et cela change tout dans ces fjörds bleus). C'est elle qui sera donc le cadeau de fin d'année à la galerie. Il se murmure qu'elle devrait également au vernissage de son expo signer un livre de ses poèmes, Nuit intranquille, que l'on attend avec curiosité. Y retrouvera-t-on sa gentillesse et son humour légers?
13/10/2021 | Lien permanent | Commentaires (4)
Le pape des Recoins chez Song of Praise ce lundi 3 juin
Comment, comment? J'apprends à la dernière minute que Mister Boussuge va parader sur les tréteaux radiophoniques sur Radio-Aligre ce soir même. Pourtant toute l'Auvergne qui compte (Régis Gayraud, Bruno Montpied) était également présente en ce moment à Paris. Heureusement que Cosmo Hélectra fait encore suivre :
"C'est avec tout l'aplomb du Cantal que nous recevrons ce lundi Emmanuel Boussuge pour la sortie du nouveau numéro de la revue Recoins, la seule revue "art, belles lettres et rock'n roll" annuelle qui parait tous les deux ans !
Au plaisir de vous croiser sur les ondes et que les moines restent au moins !
Cosmo
http://songsofpraise.hautetfort.com/
Lundi 3 juin, 19h30 / 21h Aligre FM 93.1 "
"L'aplomb du Cantal", tu ne crois pas si bien dire, cher Cosmo...
Aubrac, photo Emmanuel Boussuge, 2004
03/06/2013 | Lien permanent
Cranaché
Bruno Montpied, Portrait Cranaché, 28,5x21 cm, image modifiée (d'après un portrait du Christ de Cranach), encre acrylique, crayons de couleur, marqueurs sur papier
Oh, que voici une étrange tête, tenant de la noix de coco et du noyau d'avocat, qui seraient couverts d'une peau de melon d'Espagne, ou d'un badigeon à la crème vanille. On lui a passé des anneaux dans le nez, il a encore des frisettes dans la barbe (comme un de ces antiques satrapes, là...?) , le haut de son buste s'avachit, s'écroule, coule, ondule, tandis que derrière lui un roncier s'en donne à cœur joie, proliférant tel un enfer végétal, comme rouillé. Son regard reste placide, alors que tout s'effondre autour de lui, et à l'intérieur de lui aussi bien. Il a les lèvres bien rouges, et s'est barbouillé de cendre on dirait.
Ci-dessous le tableau d'origine dont la reproduction a été surpeinte par moi (pour répondre au commentaire de Régis Gayraud ci-dessous)
Cranach, La couronne d'épines
15/04/2012 | Lien permanent | Commentaires (14)
Noms prédestinants toujours, une histoire de soif
En matière de noms prédestinants, les Auvergnats ont le vent en poupe en ce moment. Voici que, parallèlement à Régis Gayraud, Emmanuel Boussuge nous a adressé d'autres patronymes ayant eu de fortes influences sur l'activité de leurs propriétaires. Cela a aussi comme mérite de nous renseigner sur les lieux de prédilection de nos deux Arvernes. Si l'un s'intéresse plus au manger, l'autre à l'évidence a plutôt soif. Voici les photos d'Emmanuel.
Photos Boussuge, 2011
Ces appellations sont authentiques d'après Emmanuel. A noter que le "Domaine Marsoif" aurait pu être appelé autrement car on entend "marre de la soif" dans son nom, ce qui pourrait être perçu par certains comme peu avenant, or l'appellation a été gardée. C'est que, quand on en a marre d'avoir soif, le meileur moyen de résoudre le problème, c'est de l'étancher.
06/11/2011 | Lien permanent | Commentaires (7)
Kadhafi squelettisé et bandit manchot emplumé
Dans la transmission récente de photos estivales d'un genre particulier, mais bien plus réjouissantes que les usuelles, le hasard (qui n'existe pas comme on sait) a voulu que me parviennent deux effigies au garde-à-vous qui ont pour point commun, outre une rigidité longiligne, celui de venger, au moins symboliquement de vieilles haines à l'égard de figures répressives. L'une vient de Tripoli, et l'autre du XIVe ardt de Paris.
Ph. Tahar Hani, source France 24 (signalée par Régis Gayraud); vision prophétique de Kadhafi par un bricoleur spontané des rues prénommé Mohamed
Apparition nocturne, rue Gazan (XIVe ardt), punition à base de goudron et plumes sur la personne d'un horrordateur par un usager en colère contre l'augmentation actuelle des amendes ; ph. Mathilde Maraninchi
27/08/2011 | Lien permanent | Commentaires (2)
Railway walking dead...
Il y a quelques semaines, lors d'un de mes trajets en train, en cours de voyage, vers Vichy je crois, j'ai vu débouler dans mon wagon tous les voyageurs évacués de la voiture voisine. A chaque arrêt, le chef de train répétait que "la voiture n°4, suite à un incident mineur, n'était plus accessible pour raison de sécurité".
Je me demandais bien ce qui avait pu se passer. Arrivé à Paris, il y avait des pompiers qui attendaient sur le quai, dont certains montèrent dans le fameux wagon. Une fois descendu, j'ai demandé à l'un d'eux ce qui se passait. Il m'a répondu que c'était un passager qui était mort dans le train. Donc, nous avons fait le trajet Vichy-Paris avec au moins un mort dans un des wagons. Je l'imagine, bien carré dans son siège, voyageant tranquillement dans sa voiture vide, pour lui tout seul, dodelinant d'un air philosophique...
Régis Gayraud, sms du mardi 5 mai 2018.
08/06/2018 | Lien permanent
Cecilia Gimenez et l'art naïf de certaines églises françaises (Journal de voyage en Espagne, 2)
C'est l'été, je ne vous apprends rien. Et me revient tout à coup l'évocation que je fis sur ce blog du Christ restauré (rénové, je préfère dire!) par Mme Cecilia Gimenez dans une chapelle à Borja, non loin de Saragosse. Voir cette note (adornée de pas moins de 66 commentaires en son temps...). Les travaux préparatoires de cette restauration furent suspendus lorsque les paroissiens et les fanatiques du patrimoine religieux espagnol s'effrayèrent devant l'état transitoire de la dite restauration. Mais à mes yeux, et à ceux de quelques autres admirateurs de la geste brute, cet "état transitoire" paraissait une œuvre de plein droit, relevant involontairement de l'art brut. Elle est d'ailleurs restée en place (en tout cas, elle l'était encore à l'été 2015, lorsqu'une équipe du Poignard Subtil passa la voir), puisque, devenue phénomène de foire, attirant les foules en raison d'une notoriété ambiguë, la modification au départ vue comme sacrilège s'était transformée en bizarrerie digne d'être contemplée.
Les deux états du Christ peint par un certain Martinez à gauche et par Gimenez à droite...
Situation en 2015 du Christ de Mme Gimenez dans l'église du Sanctuaire de la Miséricorde, à côté de Borja, ph. Bruno Montpied
Le Christ refait par Mme Gimenez est sacralisé désormais par une plaque de verre destinée à le protéger, ph. B.M., 2015
Relevant involontairement de l'art brut... Ou de l'art naïf religieux. C'est une photo de tableau dans une église auvergnate, récemment transmise par le camarade Régis Gayraud, qui m'a fait faire le rapprochement. Je trouve qu'il y a un apparentement possible chez certaines figures de ce tableau avec le christ gimenézien. Comme si cette dernière avait été sur la voie d'une vision bruto-naïve...
Tableau naïf dans l'église d'Egliseneuve d'Entraigues (Puy-de-Dôme), ph. Régis Gayraud, 2016
12/08/2016 | Lien permanent
Il existe des voitures-objets comme il y a des cercueils-images
Les commentaires de Régis Gayraud qui ont suivi ma note sur les habitats en tonneau (et non pas "ma tonne sur les habitats en auto"), plus une référence donnée par celui-ci en privé, m'ont fait revenir en arrière au temps des caravanes publicitaires du Tour de France. C'est vrai que, fût une époque, on considérait les camionnettes construites dans la forme des marchandises qu'elles servaient à vanter comme de hideuses choses montées sur roues. On voyait la laideur de la marchandise avant tout. Aujourd'hui que ces marchandises se sont un peu démodées, on aperçoit davantage ce que certaines de ces camionnettes-objets avaient d'insolite dans leur prétexte à publicité. Déconnectées de cet aspect, elles peuvent même, comme me l'a écrit Régis, revêtir un charme proprement onirique, un peu comme, par analogie, ces cercueils du Ghana sculptés en formes d'objets ayant un rapport avec le défunt.
Un camion Bottin, le conducteur coincé en sandwich entre deux bottins... Extrait de ce site web où l'on trouve des exemples de voitures publicitaires des caravanes du Tour de France des années 1950-1960: http://customrodder.forumactif.org/t1182p15-les-vehicules...
Camion du cirque Bonetti, un peu moins surprenant, cela dit...
Le camion Bic, de style nettement plus futuriste-daté...
La camionnette-bonbonne de Butagaz, un peu angoissante, et chère à Régis Gayraud
Cette voiture-ci faisait-elle partie des caravanes du Tour de France? Cela est moins avéré ; à noter que son idée provient peut-être de la notion de queue de poisson...
Et pour finir, un cercueil ghanéen en forme de poisson (image découlant logiquement de la précédente), peut-être pour un pêcheur défunt? Ph. Thierry Secrétan
10/07/2016 | Lien permanent | Commentaires (11)
”Le Gazouillis des éléphants”, premier inventaire des environnements populaires spontanés en France, par Bruno Montpied,
Trente-cinq ans que je le méditais cet inventaire... Longtemps, je me suis dit que je n'y arriverais jamais. Et puis un soir... A la Maison de Victor Hugo, j'ai fait une rencontre, j'ai fait connaissance avec le responsable des éditions du Sandre, Guillaume Zorgbibe, qui accompagnait un vieux camarade à moi, Joël Gayraud. Guillaume éditait alors la revue de Marco Martella, Jardins, qui cessa malheureusement après six numéros. Martella m'avait invité à publier un article pour son n°2. Par la suite j'en fis un autre dans le n°5. Bref, les Editions du Sandre, c'était donc déjà mon éditeur... Je le signalai en souriant à l'ami Guillaume. Il me semble qu'il m'a regardé avec curiosité, mais peut-être mon souvenir enjolive, mythifie ce qui s'est réellement passé ce soir-là. Ce fut le début de notre collaboration plus étroite autour d'un projet qui m'était cher depuis longtemps, faire l'inventaire des environnements spontanés français...
Après Eloge des jardins anarchiques en 2011...
Andrée Acézat, oublier le passé, en 2015...
Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles, en 2016...
Voici donc :
Le Gazouillis des éléphants, tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, etc., éditions du Sandre, novembre 2017.
Ce projet d'inventaire des environnements populaires spontanés français (= "inspirés des bords de routes", "habitants-paysagistes", "bâtisseurs de l'imaginaire"...) me trottait dans la tête depuis des décennies. Chaque fois que je commençais à accélérer dans l'idée de le finaliser en m'y mettant sérieusement, un livre sortait sur la question, parcellaire, toujours insuffisant à mon avis (par exemple le Bonjour aux promeneurs d'Olivier Thiébaut chez Alternatives en 1996), ou mixé de façon peu judicieuse (mais commerciale!) avec des sujets insolites plats (par exemple Le Guide de la France insolite de Claude Arz chez Hachette en 1990, où le sujet était mêlé à l'évocation de lieux hantés, de trésors cachés, de musées de l'épicerie, de la sorcellerie de bazar...).
Le Gazouillis présent à l'étalage du stand de la Halle St-Pierre à la dernière Outsider Art Fair, du 19 au 22 octobre dernier, où il fit une apparition temporaire en avant-première... pour une dédicace.
Le Gazouillis ouvert sur une notice consacrée à Denise Chalvet en Lozère. Ph. B.M.
En rassemblant tous les sites recensés dans les différents ouvrages d'un certain volume traitant de la question, il me semblait toujours qu'on ne dépassait pas la centaine de créateurs environ, tout compris, dispersés qui plus est sur plusieurs ouvrages distincts publiés à des années de distance. En outre, les découvertes se renouvelaient fort lentement (je ne veux pas jeter la pierre à Claude et Clovis Prévost, mais au fil des années, ils ne nous ont parlé que des mêmes 15 créateurs, dont certains, comme Chomo, Tatin ou Garcet étaient plutôt des artistes singuliers et marginaux que des créateurs totalement hors système des Beaux-arts). Dans Eloge des Jardins anarchiques, moi-même, je n'évoquais qu'une cinquantaine de sites (dont plusieurs avec une seule photo).
Couverture de Jardins n°5, 2014 ; avec un texte de Bruno Montpied sur la Mare au Poivre d'Alexis Le Breton (Morbihan)
Alexis Le Breton, dans son arboretum de La Mare au Poivre, Locqueltas, ph. Bruno Montpied, 2010.
Ainsi, si l'on voulait se faire une idée de l'ensemble des sites qui avaient existé, existaient encore, ou étaient en train d'apparaître, l'information était éclatée, parfois dans des publications devenues très difficiles de se procurer, uniquement consultables pour beaucoup en bibliothèque, ou bien se trouvait sur des cartes postales anciennes rarement rassemblées en un livre unique (la collection de cartes postales sur les Inspirés de Jean-Michel Chesné, si elle fut dévoilée dans la défunte revue Gazogène de Jean-François Maurice, ne paraît l'avoir été que de façon fragmentaire et, là aussi, éclatée sur les différents numéros ; de plus ce rassemblement de documents anciens, séparé d'un rassemblement plus général qui aurait montré la continuité des sites présents sur les cartes postales, donnait une impression tronquée du phénomène). Ces cartes postales anciennes (en l'occurrence, venues de ma propre collection), il me semblait nécessaire – c'est une autre caractéristique importante de mon inventaire - de les associer dans mon livre à une iconographie en couleur illustrant les mêmes sites conservés jusqu'à l'époque présente, ainsi, bien sûr, que des sites nettement plus récents. D'une manière immédiate, devant ce noir et blanc confronté à la couleur, le lecteur comprend que les environnements existent depuis bien avant le Palais Idéal du Facteur Cheval (commencé en 1879) et se poursuivent aujourd'hui...
Bas-relief de Louis Licois, daté de 1843, toujours présent sur la façade d'une maison à Baugé (Maine-et-Loire), Photo B.M., extraite du Gazouillis, 2009.
J'ai longtemps déploré dans mes débuts de recherche de ne pas trouver une ressource qui me permettrait d'avoir la liste complète des lieux existants ! C'est une question qui m'a souvent été posée au cours des débats que j'ai pu faire à la suite de la sortie d'Eloge des jardins anarchiques : comment faites-vous pour trouver ces sites? Pour aller voir ces sites étonnants, c'est un truisme, il faut d'abord apprendre qu'ils existent, et trouver l'endroit où on les évoque. Ce sont des lieux privés, où il y a une exhibition certes, mais qui restent des lieux privés, des habitats supposant une approche discrète et respectueuse des habitants. Dans les années 1980, années où j'ai commencé ma quête, il n'y avait bien sûr pas d'annuaire des inspirés! Ce dernier n'est d'ailleurs pas souhaitable. J'ai patiemment cherché, sans me presser (cette lenteur m'a toujours paru essentielle ; aujourd'hui les nouveaux venus dans ce genre de recherche, habitués à tout trouver très vite sur internet, sont trop pressés...), accumulant des fiches, des références... Une bibliographie condensée et fournie, commencée dans Eloge des JA, et légèrement augmentée dans mon nouveau livre, fait office à mes yeux de premier signe de pistes... Il n'est pas aventuré ou has been de considérer cette recherche des Inspirés hors système des Beaux-Arts comme une longue dérive au sein d'un labyrinthe... Un sens préservé du merveilleux est à ce prix.
Entrée du Paradis, chez son auteur, Léopold Truc, à Cabrières d'Avignon (Vaucluse), ph. B.M. (extraite du Gazouillis), 1989.
Le Gazouillis n'est donc pas un annuaire. Je n'y ai donné des adresses que lorsque j'étais sûr que cela correspondait au désir des créateurs inventoriés, ou des collections qui préservent des fragments d'environnements (comme la Fabuloserie dans l'Yonne, la collection de l'Art Brut à Lausanne, le LaM de Villeneuve d'Ascq à côté de Lille, ou le Jardin de la Luna Rossa à Caen). C'est plutôt une immense stimulation à découvrir la création primesautière française se déployant hors les cadres des beaux-arts traditionnels, et aussi, point remarquable, hors du marché de l'art (ce qui explique qu'on n'en parle pas tant que cela!).
Les Ruines de la Vacherie, exemple de carte postale ancienne (début de XXe siècle), montrant un site réalisé par un récupérateur de gravats nommé Auguste Bourgoin, alentours de Troyes (Aube), aujourd'hui disparu, coll. B.M.
Il rassemble, avec discrétion et parfois un peu de mystère, en un seul volume, tout ce que j'ai pu voir et trouver dans des ouvrages ou des revues, pas forcément des publications spécialisées en art brut d'ailleurs, et tout ce que j'ai découvert de mon côté, ou éclairé, ou remis en perspective. A partir de ce rassemblement, il me semble qu'on pourra se faire une idée plus précise du phénomène des créations d'autodidactes en plein air, entre habitat et route, associables tantôt à l'art brut, tantôt à l'art naïf, sur le territoire métropolitain en France.
Le Gazouillis des éléphants recèle ainsi jusqu'à 305 notices consacrées à ces créations d'hier et d'aujourd'hui. En donnant l'état des lieux, dans la mesure de mes connaissances, et en particulier les solutions diverses qui ont été trouvées pour sauvegarder ou prolonger, en partie ou en totalité, divers sites. Depuis quelque temps, il me semble en effet que la notoriété de l'art brut et des environnements d'inspirés allant en augmentant, le public se montre de plus en plus sensibilisé à la question du prolongement à donner aux environnements spontanés post mortem. Ce que les héritiers de ces décors foutraques auraient jeté naguère, il arrive plus fréquemment qu'il soit désormais conservé ou, quand on veut à tout prix s'en débarrasser, au moins mis en vente par exemple (voir le cas du site d'André Hardy en Normandie).
André Hardy, lion en ciment peint et collage de faux crin, ph. B.M. en 2010.
Le même lion d'André Hardy dans les réserves du LaM à Villeneuve d'Ascq, après acquisition et en attente de restauration, © photo LaM 2011.
Fidèle à mon angle habituel pour aborder ces créations de plein air, je me suis cantonné dans cet ouvrage aux environnements populaires, en écartant tous les environnements créés par des artistes modernes ou singuliers (marginaux), hormis quelques cas-limites qui permettent de faire ressortir la spécificité du corpus retenu (comme par exemple le jardin de Monsieur X dans la Presqu'île de Crozon en Bretagne, de son vrai nom Jacques Boënnec - je donne à présent son nom car il vient de disparaître ; auparavant, il m'avait demandé de taire son identité, d'autres que moi n'avaient pas eu ce respect...). Pas de Cyclop de Tinguely, ou de musée Robert Tatin, pas davantage de maison de "Celle qui peint" (Danielle Jacqui), manifestant une culture artistique préalable (Jacqui m'a toujours donné l'impression de connaître Picassiette, par exemple).
Primo, il fallait circonscrire à tout prix le champ d'étude (déjà, arriver à 305 notices m'a amené à un livre-monstre qui fait 930 pages avec plus de mille photos, pour un poids de 2,7 kgs...). Secundo, j'ai un faible pour les créations d'autodidactes populaires, qui œuvrent artistiquement sans se revendiquer artistes, et dont les travaux, détachés de toute attitude référentielle – y compris quand il leur arrive de démarquer ou de copier/transposer des œuvres d'art vues à la télé ou dans les magazines –, gardent une fraîcheur authentique. Fraîcheur brute ou naïve, je ne fais pas de hiérarchie sur ce point, si l'œuvre me surprend et m'enchante (critère premier!).
C'est ce qui explique que l'Introduction du Gazouillis insiste sur ce slogan que je reprends régulièrement, depuis quelque temps, dans mes textes : il s'agit bien d'un Art sans artistes. Comme on parla à une époque d'une architecture sans architectes.
Bon vagabondage à tous!
Bruno Montpied, Le Gazouillis des éléphants, tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir
02/11/2017 | Lien permanent | Commentaires (7)