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26/08/2007

Ruches décorées de Slovénie, pour la première fois à Paris

       C'est paraît-il une première, ce que je crois bien volontiers. Bien cachée cependant au fin fond du jardin du Luxembourg à Paris, à quelques mètres du rucher de ce dernier avec ses ruches aux toits qui ressemblent à des pagodes (c'est leur seule caractéristique du reste, bien pauvre à côté des ruches slovènes), l'exposition des frontons de ruches slovènes à l'intérieur du pavillon nommé Davioud.

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Le rucher et le pavillon Davioud au jardin du Luxembourg

       Le musée d'apiculture de Radovljica prête, pour un temps trop bref (il va falloir vous précipiter si vous êtes amateurs, l'expo ne dure que du 15 au 30 août, il reste donc 4 jours à partir de cette note... Prêts?... Partez!), plusieurs dizaines de frontons de ruches décorés naïvement (ce n'est pas péjoratif sur ce blog) venus de ses riches collections. Moi qui n'en avais jamais vu autrement qu'en reproduction (principalement dans le livre de Claude Rivals, L'Art et l'Abeille, ruches décorées de Slovénie, essai d'iconologie populaire, édition Les Provinciades, Cahors, 1980), j'ai été surpris en les découvrant. C'est tout petit, la plupart du temps une douzaine de centimètres de large sur une trentaine de long.

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La vieille femme veut redevenir jeune, elle vend son âme au Diable qui la jette dans une meule-fourneau et la rend à un jeune homme, fronton de ruche conservé au musée d'art populaire de Vienne en Autriche (Ill. du livre de Claude Rivals).
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Rucher traditionnel slovène
     J'ai déjà parlé cet été de l'art pour les vaches tel qu'on le pratique en Gruyère ou dans l'Appenzell et le Toggenburg. Il existe aussi un art pour les pigeons du côté de la Limagne en Auvergne (sur les pigeonniers, je finirai bien par en parler...). Si le motif principal de ces décors peints sur les ruches paraît le besoin de les identifier et de les embellir, ainsi qu'une revendication de type identitaire ethno-culturel, j'ai lu avec plaisir dans le livre de Claude Rivals que ce dernier n'excluait pas l'hypothèse que les peintres faisaient ces décors aussi pour les abeilles, qui paraît-il, sont sensibles à la couleur et reconnaissaient ainsi leurs ruches, évitant de fâcheuses "dérives" (les abeilles seraient-elles situationnistes ?)... 
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La zone où l'on trouve des ruches aux frontons décorés est entourée d'un trait noir continu (carte datant de 1980, époque de l'ancienne Yougoslavie ; extraite de l'ouvrage de Claude Rivals)

     Les chercheurs spécialisés sur la question, comme l'auteur du catalogue qui est paru à l'occasion de cette exposition, Mme Ida Gnilsak, ont repéré que le premier fronton peint, une Vierge liée à un pélerinage dans la montagne, datait de 1758 (et donc que le phénomène a commencé au XVIIIe siècle, apparemment à la suite d'un spécialiste de l'apiculture, Anton Jansa) . Voici le fronton à la Vierge :

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     Mais la plupart des frontons décorés datent de 1820 à 1880. Leur production disparaît avec l'avènement d'un nouveau type de ruche. A les contempler, on retrouve des thèmes religieux et profanes (fifty-fifty) que l'on a déjà vus ailleurs (les thèmes chrétiens sont internationaux).

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Lapidation de St-Etienne

    Quoique... Cette iconographie possède ses thématiques historiques, ses interprétations de certains motifs folkloriques qui lui sont propres (le rapport à l'occupation napoléonienne, la vision des Turcs -qui n'ont fait que de brèves incursions en Slovénie à l'époque de l'expansion de l'Empire Ottoman- les luttes des héros nationaux, les rapports hommes-femmes, etc. Un thème m'a particulièrement intrigué. Plusieurs panneaux mettent en scène des personnages que les chercheurs identifient comme des tailleurs et qui sont aux prises avec un escargot géant qui le plus souvent les met en déroute.  Un panneau montre aussi un homme conduisant un gastéropode par une laisse.

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     Or, vue dans une collection privée, je connais déjà cette image. Un homme portant chapeau à plumet, en bois, de facture très fruste, tient en laisse un escargot (fait d'un méchant bout de bois et d'une vraie coquille d'escargot). Au pied de cette statuette, le mot "Strassburg" est inscrit. Cela veut-il dire que la statuette vient d'Alsace? Peut-être. Et qu'elle illustre elle aussi, comme le fronton de ruche slovène, un thème présent dans le folklore germanique (la Slovénie fut longtemps dominée par les Allemands et les Austro-hongrois)? On aimerait que des lecteurs nous renseignent sur la question...

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     Les tailleurs faisaient partie, selon Claude Rivals, des corporations d'artisans qui étaient souvent brocardés par les paysans, accusant leurs membres d'être des chétifs et des paresseux, d'où ces satires sur des individus  considérés comme si faibles et si peureux qu'un simple escargot suffisait à les disperser. On pense à Chaissac, éphèmère cordonnier sans clients, éternel maladif...

     Dans les thèmes populaires fréquents d'un bout à l'autre de l'Europe, on retrouve le thème du Monde à l'envers, avec ces animaux qui conduisent des carrioles tirées par des chiens alors que l'homme se prélasse à l'arrière, ou ces scènes de chasse où ce sont les gibiers qui ont tué le chasseur et le ramènent en procession triomphale.

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      On retrouve aussi le thème de la "guerre" des sexes, l'image archi courue des "âges de la vie" sous forme pyramidale, des faits divers (les livrets de colportage ont certainement leur importance sur l'inspiration de ces peintres locaux), des motifs xénophobes (méfiance et attitudes timorées du paysan à l'égard des nomades et des vagabonds...).

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Ruches de type "kranjic", exposition "Les frontons de ruches peintes" au Pavillon Davioud

       Ces panneaux avant tout narratifs seront à mettre en rapport avec les coutumes funéraires roumaines (je pense aux stèles sculptées par Stan Ion Patras au cimetière de Sapinta dans le Maramures) et aussi, par leur style, leur dessin, avec les panneaux décoratifs des charettes siciliennes (l'Italie est frontalière).

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(Fragment, vraisemblablement en provenance d'une charette sicilienne ; cet objet, ainsi que l'homme tenant en laisse un escargot, proviennent de deux collections privées distinctes)

    A signaler qu'à l'occasion de cette exposition, on trouve sur place un catalogue joliment imprimé avec de nombreuses illustrations (Voir ci-dessous).

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Commentaires

Après Franska, l'ourse martyre slovène, les abeilles de Llublijana ! ça déménage la ménagerie sans ménagement.
Merci d'avoir une pensée pour feu Claude Rivals, l'ethnologue toulousain (l'homme des moulins !)
Svous vous ouvrez pareillement aux arts popu, c"est tout le Musée nal des ATP...pardon, le MUCEM qui va devoir êtreconvoqué par le p... subtil. Ils ont par exemple, un jeu de quilles ayant appartenu à des soldats qui mériteraient bien que vous vous intéressiez à lui, et Dieu sait si il est décoré...
Cherchez, vous trouverez, et nous ne serons pas déçus !

Écrit par : belvert | 26/08/2007

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Je compte bien convoquer les richesses du MUCEM, ex-ATP, que je voudrais voir mieux connues de tous, et qui sont parties s'enterrer à Marseille...(?) après avoir longtemps été garées, enfouies, aseptisées, occultées, dévitalisées, désacclimatées à côté du jardin d'Acclimatation à Paris... Je suis en effet plus que jamais pessimiste sur l'ouverture de ces collections au public quand je vois le sort qu'on réserve déjà à la collection passionnante d'art populaire mexicain, impossible à voir en plein été l'année dernière pour insuffisance de personnel, panne d'électricité, etc, qui provient d'un legs du cinéaste François Reichenbach et qui est installée à la Vieille Charité dans ce même Marseille.
Sinon, vous qui vous intéressez aux coccinelles par les temps qui courent, que dites-vous de mes escargots en laisse?
Le "p...subtil", au fait, ça le fait pas... Ca me fait penser à la "P... respectueuse" de Sartre. Ce "poignard" décidément vous écorche les lèvres...!

Écrit par : Le Sciapode | 26/08/2007

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Non, ça ne m'écorche nullement les lèvres, puisque je n'ai pas l'occasion de le prononcer, j'écris avec mes doigts, voyons !Mais même symbolique, cette arme est redoutable; parfois, elle donne l'air d'un crucifix, et n'est pas moins redoutable...
Pour ce qui est des escargots: ici lumâts, ou cagouilles, selon que l'on pense charentais (le second), ou pictavien (le premier), ou cagarol pour le languedocien ! je crois que je vous en reparlerai, ici, ou sur Belvert. En effet, vous n'êtes pas sans ignorer que la cagouille est revendiquée comme emblème des Charentais de tous poils, Angoumoisins, Saintongeais... Certains se chamaillent même pour écrire ce mot. Autant vous dire donc, qu'au bord des routes, sur les places publiques et ronds-points, ça ne manque pas et je crois que nous allons devoir demander à nos aimables lecteurs ou visiteurs de nous faire parvenir les photos de celui qui a laissé des lugrures devant leur porte... Il y en a en ciment (même au J d G de Nantillé, près du moulin), en pierre, en bois... peints etc...
La chasse aux cagouilles est lancée ! (aux lumâts et cagarols, avec).

Écrit par : belvert | 26/08/2007

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Cher vous, à force de tourner autour du "populaire" avec vos images, vous finissez par rentrer dans mon champ.
Je" reviens rapidement sur la vieille qui veut revenir jeune...
Nous sommes là en présence d'un avatar du conte-type Aa.Th. 753 "The Christ and the Smith". Vous, le diable, la forme canonique préfère le Christ. Ce conte figure dans nombre de recueils; et pour moi, dans mes (avec Geneviève Debiais) "Récits et contes populaires du Berry/1", Gallimard, 1980, p. 57-58. Vous le trouverez aussi dans les collectes de Smith, publiées par Marie-Louise Tenèze, et une analyse dans "Le conte populaire français" (Delarue-Tenèze, T.IV, PP. 147-156). C'est aussi le conte de Grimm n°147... Il est connu en Europe depuis le Moyen-Âge.
Merci de votre image 'merveilleuse".

Écrit par : belvert | 27/08/2007

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N'est-ce pas aussi un peu le mythe de Faust?

Au fait, conte et arts populaires (vous noterez le pluriel, j'y mets dedans aussi art naïf et art brut) font souvent bon ménage.

Le conte de Grimm, est-ce "Le petit vieux rajeuni par le feu"? Si le petit vieux avec l'aide du Christ et de St-Pierre rajeunit dans la forge chauffée à blanc d'un forgeron (the smith, en anglais, n'est-ce pas?), il n'en va pas de même de la belle-mère que le forgeron veut aussi rajeunir après le départ du Christ... Elle brûle, se racornit, tandis que la femme et la bru du forgeron donnent naissance prématurément à des singes devant le spectacle du cadavre de la vieille ratatinée... On est toujours dans la ménagerie...

Écrit par : Le Sciapode | 27/08/2007

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C'est cela même ! Et dans la version berrichonne, il en va de même, à peu près dans les memes circonstances.
A propos de ménagerie, il serait bon d'aller voir de près les inspirés des bords de routes charentaises et leurs cagouilles apprivoisées...
Moi je les mange à ma façon.

Écrit par : belvert | 28/08/2007

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