16/02/2009
Macario de Roberto Gavaldon et Bruno Traven
Cette note touche à plusieurs thèmes. Un que je n'ai pas encore beaucoup abordé ici, le conte de tradition orale traité au cinéma. Depuis quelques années, je collecte des titres de films en rapport avec cette question, et j'essaye aussi de me les procurer sous forme d'enregistrements. La filmographie du conte au cinéma est assez vaste comme on s'en doute. Méliés, comme par d'autres aspects, a été le premier en la matière en adaptant Cendrillon par deux fois, ainsi que la Barbe-Bleue ou les Aventures du Baron de Munchausen (que j'associe au conte populaire parce qu'elles relèvent du thème des menteries, cet équivalent des nursery rhymes anglaises). Sur le sujet, on ne trouve à ma connaissance que très peu d'ouvrages qui aient essayé d'établir une filmographie bien complète. Celle qui a été esquissée dans le catalogue de l'exposition Il était une fois les contes de fées (2001, Le Seuil/BNF ; magnifiques exposition et catalogue tout à la fois) par Alain Carou et Tifenn de La Godelinais Martinot-Lagarde (plus le nom est long, plus ça fait riche) visait "à l'exhaustivité pour le côté français" et à la sélection sur le plan international. Elle reste d'après mon petit doigt assez loin du compte (sans jeu de mots), me semble-t-il...
J'avais découvert à l'occasion d'une rétrospective du cinéma mexicain, cinéma d'une exceptionnelle richesse (il suffit de songer aux films d'Arturo Ripstein, L'Empire de la Fortune par exemple), souvent proche d'une certaine forme de "brut" au cinéma (je pense par exemple aux films d'Emilio Fernandez, surnommé "El Indio", acteur et réalisateur hors du commun), un film en noir et blanc de Roberto Gavaldon, intitulé Macario et tourné en 1960. Remarquable film... Adapté d'un conte de Grimm, assez connu des amateurs, La Mort Marraine. Il se trouve que le nom de "Bruno Traven" est associé à ce film qui le crédite au générique avec ce prénom de Bruno plutôt rare concernant le mystérieux Traven, auteur aux multiples identités, connu pour ses livres Le Vaisseau des Morts, ou encore Le Trésor de la Sierra Madre (adapté par John Huston au cinéma, en présence de Traven qui se faisait passer sur le tournage pour l'agent de Traven sous le pseudonyme d'Hal Croves).
Traven, c'est un thème à lui tout seul, écrivain puissant dont les lignes de force sont toujours en rapport avec une remise en question des rapports sociaux. Pas par hasard puisque Traven fut à n'en pas douter, si l'on suit les différents livres ou recherches filmiques qui lui ont été consacrés ces dernières années, le même homme que Ret Marut, délégué à la propagande pendant l'éphémère République des Conseils de Bavière (1918-1919) qui s'acheva par la répression terrible dirigée par les Prussiens et les corps francs, répression qui poussa certains de ses membres à se cacher, comme Traven-Marut par exemple (arrêté, il put s'enfuir juste avant d'être exécuté). Probablement allemand, sans qu'on sache exactement ses origines (sa présence est mentionnée pour la première fois en Allemagne, alors qu'il est comédien, et qu'il paraît âgé d'une vingtaine d'années, sa date de naissance étant estimée en 1882, voir la récente traduction française de sa biographie par Rolf Recknagel aux éditions de l'Insomniaque, décembre 2008) -il a essayé de se faire passer pour un homme né aux Etats-Unis- Traven publie ses romans en Allemagne d'abord, dans les années 20. Il meurt au Mexique en 1969. Macario est tiré d'une de ses nouvelles (qui ne paraissent pas traduites en français ; l'histoire des éditions et des traductions des livres de Traven, disons-le au passage, est un roman à lui tout seul...). Le rapport au conte de Grimm est un indice de plus de la culture allemande de l'auteur.
Ce conte est un des mieux construits de l'oeuvre des frères Grimm. Il met en scène la Mort, personnage au teint cireux et aux manières presque bienveillantes dans le film, aux prises avec Macario, pauvre paysan devenu riche grâce aux pouvoirs de soigner les malades qui lui ont été conférés par la Dame à la faux justement. Conte métaphysique dont il ne faut pas dévoiler l'intrigue bien sûr, qui s'achève sur une scène magnifique dans une immense caverne emplie des chandelles représentant les vies de tous les êtres sur la Terre. Le film vient de sortir en DVD, chez le label Albarès, dans sa Collection Latine (en même temps que d'autres films rares mexicains, d'Emilio Fernandez ou de Luis Bunuel). C'est une chance de rattrapage pour tous ceux qui seraient intéressés par le sujet...
Adresse e-mail des éditions Albarès: albares.productions@club-internet.fr
12:44 Publié dans Le conte en rapport avec d'autres expressions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : macario, b.traven, roberto gavaldon, contes de grimm | Imprimer
Commentaires
Un nom si long... qui me fait penser à une contrepèterie commise il y a quelque temps où je me demandais avec la fausse ingénuité de rigueur:
"Faut-il vraiment s'étonner si au bout du com(p)te, l'on souffre du mue ducale?"
La question est posée.
Écrit par : emmanuel boussuge | 16/02/2009
Répondre à ce commentairePuisqu'on évoque les noms à rallonge, je voudrais citer ici celui de ce prof du lycée de Saint-Quentin (Aisne), dont ma tendre m'a parlé si souvent, qui s'appelait Monsieur de la Morvaunay.
R Gayraud
Écrit par : regis gayraud | 18/02/2009
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