21/06/2009
Horace Diaz se prend parfois pour un sciapode
Il a 81 ans et il est en pleine forme ce maître cimentier qui avait déjà été repéré dans les années 1970 par Jacques Verroust qui sans citer son nom fit figurer une de ses girafes lourdement vêtue de gros galets dans son livre fameux Les inspirés du bord des routes (1977). Il répond au doux nom d'Horace Diaz, et habite Lodève dans l'Hérault. En trente ans la population de ses statues a semble-t-il passablement proliféré, ce qui lui attire des cars de touristes. Je dis "semble-t-il" car je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller vérifier de mes propres yeux. Ce sont Martine et Pierre-Louis Boudra de l'association Gepetto (le musée des Amoureux d'Angélique à Carla-Bayle prés des Pyrénées) qui sont mes yeux en l'espèce. Ils m'ont envoyé toute une flopée de photos en guise de reportage sur le créateur.
Et pour commencer, ils m'ont d'abord fait connaître cet "autoportrait" de monsieur Horace, posé sur une jambe unique, ce qui l'unit furieusement avec le thème du sciapode, n'est-il pas? Le sujet semble l'émoustiller, puisqu'il en a réalisé aussi une autre version plus "potiche"... Comme le sciapode de plus, il paraît être sensible au fait de devoir lui associer le personnage mythique féminin qui lui fait pendant, la sirène, justement évoquée dans ma note précédente... C'est du reste un thème souvent traité par les faiseurs d'environnements spontanés. Elle séduit l'imagination aisément cette sirène, elle appelle peut-être aussi les mains façonneuses, par ses seins, et ses courbes ondoyantes faciles à modeler... A côté de cette figure de la mer, Horace a pensé à ses possibles compagnons les dauphins.
Le monsieur se livre ainsi à l'édification d'une galerie en plein vent des figures qui lui viennent à l'esprit petit à petit. Tiens une girafe, puis si je faisais un chien, un cygne, un éléphant, un crocodile...? De proche en proche, Horace Diaz se coule dans la peau d'un Noé se reconstituant une arche pour un improbable déluge (quoique pas si improbables que cela les déluges dans l'Hérault...).
A la différence d'autres bricoleurs de décors faits maison, il ne se sert pas de matériaux issus de son environnement immédiat, il ramène ses galets en particulier du sud de l'Espagne (quoique la veine paraisse s'y tarir, je tiens ces informations de l'association Gepetto). Horace Diaz en use immodérément de fait, recouvrant avec aussi bien ses oeuvres que ses meubles, ses portes... Ses mosaïques présentent un aspect un peu moins fin que dans le cas d'un Picassiette mais sans doute plus solide sur la durée (et plus doux à ce qu'ont ressenti les Boudra).
00:18 Publié dans Environnements populaires spontanés, Sciapodes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : horace diaz, les amoureux d'angélique, association gepetto, environnements spontanés, sciapodes | Imprimer
Commentaires
Ce qui unit à la fois la sirène, la girafe, le dauphin, le croco, on dirait que c'est un goût prononcé pour le modelage de partie rondes et courbes, oblongues et fermes. C'est vrai que c'est un vrai plaisir, j'imagine, pour un sculpteur, de modeler ces formes, de les caresser pour donner l'impression du courbe et du ferme à la fois. Sans tomber dans la psychanalyse à quatre sous, il y a certainement quelque chose de sensuel et même de sexuel là-dessous. Et les sirènes à queues de poisson, si elles excitent à ce point l'imaginaire, c'est peut-être aussi parce que ce sont des femmes aux hanches et cuisses parfaites, rondes et fermes, faites au moule, ondoyant dans leurs robes-fourreaux brillantes, terriblement sensuelles et en même temps inabordables, littéralement impénétrables. Je ne voudrais pas vous fâcher mais j'ai comme l'impression que c'est justement ce rapport fait d'attirance, de peur de la femme et de crainte devant l'acte qui attire beaucoup d'amateurs vers les sirènes, comme dans la vie courante, vers les femmes aux jupes étroites, longues ou courtes, qui les entravent et closent leurs cuisses. En fait, derrière tout ça, on retrouve le vieux mythe des femmes séductrices dont il faudrait se méfier.
Maintenant, pour le pied du sciapode, excusez-moi, mais n'avez vous pas l'impression que ce prolongement-là aussi à quelque chose du sexe refusé?
Régis Gayraud
Écrit par : régis gayraud | 21/06/2009
Répondre à ce commentaireEffectivement, je ne me dissimule pas l'étrange aspect des sirènes qui ne paraissent avoir aucun moyen de se reproduire n'ayant pas de vulve semble-t-il... Et donc par suite, non plus de vagin, d'appareil génital? Et, oui, le sciapode lui non plus ne paraît pas muni d'un sexe.
Je ne suis pas là pour me faire psychanalyser, si tant est que ceux qui manient cette cure soient toujours bien compétents, et je préfère attirer votre attention sur le complexe de Peter Pan que j'ai davantage envie de mettre en avant sans le connaître bien en détail. Sciapode et sirène sont à mes yeux les incarnations transposées d'enfants de sexes masculin et féminin. Peu de sexualité chez ces derniers, ou alors embryonnaire... Embryonnaire comme la terminaison des corps du sciapode et de la sirène. L'art brut, l'art naïf à mes yeux sont liés trés fortement à l'enfance, aux êtres psychologiquement trés liés à l'enfance. Du moins j'ai tendance à m'en convaincre. Pour me trouver des alliés dans ce terrible monde d'adultes tristes et normatifs.
Sexe refusé, dites-vous, cela dit...?
Les femmes aux cuisses serrées dans des fourreaux (de soie ou de cuir? Je vous vois venir...) semblent signifier le refus d'accès à leur chair intime en effet, mais simultanément excite la curiosité (certains machos ne veulent voir que cette curiosité que la femme allume en eux, la leur reprochant tout en désirant vouloir violemment la satisfaire)... Ce qui est refusé appelle la transgression délicieuse aussi bien (voir le délire fantasmatique autour des nonnes, et des femmes voilées aujourd'hui, le voile et les robes censées cacher les formes rondes les faisant imaginer plus désirables qu'elles ne sont en réalité à la faveur d'un mouvement fugitif...).
Écrit par : Le sciapode | 21/06/2009
Répondre à ce commentaire"Maintenant, pour le pied du sciapode, excusez-moi, mais n'avez vous pas l'impression que ce prolongement-là aussi à quelque chose du sexe refusé?"
A moins que, hypothèse certes audacieuse, ce ne soit le contraire, c'est à dire "un homme-phallus" surmonté d'une tête. D'où, pour poursuivre dans cette voie hasardeuse, l'expression un peu désuète aujourd'hui: "prendre son pied", dont l'origine m'a toujours intrigué.
Je vous rappelle d'autre part que dans certaines civilisations extrême-orientales le pied est un attribut éminemment sexuel et l'objet de bien des fantasmes, que sous d'autres formes l'Occident connaît également. (Même si dans ces cas, je le reconnais, il s'agit plutôt du pied féminin).
Écrit par : RR | 21/06/2009
Répondre à ce commentaireCette statue d'un tailleur de pierre doit représenter M. Paul Dardé (1888-1963), mort à Lodève, sculpteur et ami de M Diaz ("Chicane", le journal des Caue de l'Hérault, n°72, d'avril 2006).
Écrit par : Henk van Es | 21/06/2009
Répondre à ce commentaireLes fantasmes occidentaux sur les pieds peuvent être féminins, voir "L'Age d'or" de Bunuel où l'héroïne suce avec délectation l'orteil d'une statue d'homme, scène de turlute transposée assez insistante dans le film... Alors je vous dis pas ce qui se serait passé si elle était tombée sur une statue de sciapode...!
Écrit par : Lesciapode | 22/06/2009
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