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15/08/2013

Les contes de tradition orale et les environnements (1)

     Ce matin, j'ai envie d'entamer une petite série de références à la thématique contes et environnements spontanés. Comme ça, pour voir s'il y a beaucoup d'occurrences, et parce qu'aussi, étant récemment passé en Alsace, j'ai retrouvé un site qui possède plusieurs pièces en rapport avec le thème. Ce sera aussi l'occasion de mettre en évidence les passerelles qui peuvent exister entre culture populaire traditionnelle et environnements spontanés, art populaire contemporain.

 

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"La Clairière des Contes", Yalta, Crimée (Ukraine), cartes postales coll. Bruno Montpied


        Pour débuter, pour cette note, je vais revenir passablement en arrière, à l'époque de ma défunte revuette La Chambre Rouge. En particulier au dernier numéro (un double, le n°4/5, 1985). Régis Gayraud m'avait ramené d'URSS (c'était encore l'URSS à ce moment-là si je ne me trompe) un carnet de cartes postales, souvenirs de "la Clairière des Contes" à Yalta en Crimée. Ce carnet contenait dix cartes en couleurs, et dans la Chambre Rouge je décidai d'en reproduire une en noir et blanc, de plus en photocopie (en chapeau du sommaire de mon numéro).

 

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C'es cette carte que j'avais reproduite en noir et blanc dans La Chambre Rouge ; deux personnages aux trognes burlesques devisant gaiement

 

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La couverture du carnet de cartes postales ; les nains sur la photo paraissent vraiment trop démarqués de Walt Disney, comme s'il n'était plus possible après ce dernier d'imaginer les petits hommes qui portent secours à Blanche-Neige autrement... Du moins en Ukraine, c'était ainsi dans les années 80 de l'autre siècle...

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Ces trois petits cochons, adaptés à la sauce russe, avec balalaïka et petit accordéon, eux aussi paraissent un peu trop Disneyisés...


    Je ne crois pas avoir reçu d'explication à l'époque sur les légendes attachées aux sculptures que montraient ces cartes (apparemment si on regarde sur internet la "Clairière" existe toujours). Ce petit parc était apparemment organisé comme une base de loisirs à thème (si l'on se réfère à la vue des chalets ci-dessus, environnés d'un impressionnant cirque de montagnes). Etait-ce une collection de sculptures populaires? P't-être ben que oui, p't-être ben que non (en fait un peu des deux, mon général). Les styles de ces pièces paraissant variés, on pouvait inférer qu'ils n'étaient pas de la même main. Certaines statues, plus fantastiques que les autres, jouent avec les formes naturelles des bois choisis pour camper les sujets en rapport avec des contes. d'autres sont nettement plus réalistes, flirtant avec le kitsch.

 

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Qui est ce personnage coulant des joues...?

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Peut-être avons-nous affaire ici aux "musiciens de la ville de Brême"? (Eh bien, non! Voir le commentaire de Régis Gayraud au pied de cette note, il s'agit du conte "Quartette")


    En farfouillant sur internet,  on ne trouve pas grand-chose en français. A peine nous indique-t-on sur le site d'une agence de voyages ukrainienne, dans une notice rédigée dans un français approximatif, que ce fut un certain Pavel Pavlovitch Bezroukov qui initia ce site, ayant été rejoint ensuite par d'autres artistes (ce que j'avais subodoré). Régis Gayraud, appelé à la rescousse, m'a appris finalement qu'existait en russe un site web entièrement consacré à ce Musée de la Clairière des Contes. On y apprend - je crois Régis sur parole ici - que le nommé Bezroukov était un garde forestier fondu de contes de fée, si, si, et qu'il n'était pas un sculpteur professionnel (je parierais qu'il est l'auteur des personnages imaginés dans des formes de bois tourmentées)... Il avait bien fait appel à d'autres artistes. Les matériaux employés pour les sculptures évoluèrent au fil du temps, il n'y eut pas que du bois, mais aussi de la pierre, du verre, des matériaux recyclés, du plastique... A parcourir un peu au hasard ce site, on s'aperçoit que la Clairière a bien évolué, organisée différemment, que les Trois Petits Cochons ont été repeints et que le nombre, ainsi que le style des sculptures ont considérablement changé...

 

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Personnages du Magicien d'Oz, sculptures contemporaines de la Clairière des Contes


     Ce qui m'intéresse par ailleurs dans la thématique de ce parc, c'est le rapprochement que l'on pourrait faire avec d'autres pratiques, en l'occurrence celles de certains conteurs indiens, qui leur servent à narrer les récits traditionnels de leur pays, le Bengale occidental, lorsqu'ils dévident simultanément des rouleaux (appelés "patua") supportant des images elles-mêmes narratives, illustrant le conte raconté ou chanté. On peut en voir à Paris dans les collections du Musée du Quai Branly (qui ressemble à une contrepéterie).clairière des contes de yalta,régis gayraud,la chambre rouge,contes de tradition orale,contes et environnements spontanés,trois petits cochons,baba yaga,comptines,rouleaux patua,éditions rackham  Ce genre de racontée existe encore aujourd'hui (on peut en profiter pour signaler la belle édition réalisée en 2009 par les éditions Rackham qui ont édité sous forme de dépliant magnifiquement illustré (voir ci-contre), un patua intitulé Tsunami, d'après une chanson de Moyna et Joydeb Chitrakar composée au moment de la catastrophe survenue dans le Golfe du Bengale en 2004 ; d'après l'éditeur, il est précisé que ce livre conçu, sérigraphié et relié à la main par l'atelier des éditions Tarai à Chennai en Inde, serait le "premier rouleau patua édité sous forme de livre").

    On imagine facilement des criées aux contes organisées dans cette Clairière des Contes, les conteurs se déplaçant de saynète sculptée en saynète sculptée en fonction du conte à dire, chaque saynète jouant alors un rôle identique à celui tenu par les patuas dans les contes du Bengale.

(Suite à cette note, Henk Van Hes, sur son blog Outsider Environments Europe, rédigé en anglais, intéressé par Bezroukov, est allé quérir d'autres informations, voir ce lien)

Commentaires

Bravo pour votre note! Mieux vaut tard que jamais! Une précision : les quatre animaux musiciens font référence à "Quartette", la fable très célèbre en Russie et régulièrement citée du La Fontaine russe Ivan Krylov (1769-1844) : quatre animaux - un singe, un âne, un bouc et un ours - décident de jouer de la musique ensemble, chacun, avec son tempérament différent, joue sa partie indépendamment des autres, ce qui provoque une vraie cacophonie. Morale de l'histoire : de l'importance d'avoir un chef...

Écrit par : Régis Gayraud | 15/08/2013

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Il y a sur le site de la Clairière un tour virtuel qui permet de voir l'ensemble des sculptures. Du bon et du moins bon... Il faut cliquer sur les flèches bleues. Mais attention, ça devient vite horripilant, il y a des flèches partout...
http://polyana.most-inform.com/Virtual%20tour_Polyana_skazok_111114_rez8.html

Écrit par : Régis Gayraud | 19/08/2013

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Ouf! Je viens de ressortir de votre site ukrainien de la "Clairière", et effectivement, c'est un vrai lavage de cerveau, ces flèches bleues, ces tournoiements de caméra et surtout cet accompagnement musical d'un kitsch étourdissant qui distille une de ces angoisses... On se dit pourvu qu'on ne m'enferme jamais dans une cellule avec ces deux chansons passant en boucle, dont la deuxième chantée avec une voix de fillette pointue est encore plus effroyable, ce serait l'enfer à bon marché.
La Clairière dans cette visite virtuelle me ferait presque regretter de lui avoir consacré une note. Il semble que les continuateurs de Bezroukov aient lamentablement dérapé là aussi dans le plus parfait mauvais goût réaliste après lui, avec des sculptures léchées et sans âme qui ont envahi presque tout le parcours. A peine peut-on se dire, en guise de consolation, que les premières réalisations qui furent à l'origine de ce musée en plein air des contes de fée, celles de ce Bezroukov précisément, sont peut-être celles que l'on aperçoit à un moment dans une espèce de grande véranda où elles sont rangées comme dans un musée du musée, derrière des grilles (devant une esplanade qui correspond sans doute à celle que l'on voit sur ma première carte postale insérée au début de ma note). Elles sont toutes sculptées dans le bois naturel, et elles paraissent plus inspirées, plus en rapport avec une interprétation des formes trouvées dans les morceaux de bois à l'état brut.

Écrit par : Le sciapode | 20/08/2013

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C'est exactement ça, exactement ça, mon verdict, aussi.

Écrit par : Régis Gayraud | 20/08/2013

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