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21/11/2014

Joseph Vaylet et la "poésie de la liste", selon Emmanuel Boussuge

Joseph Vaylet, un art spontané de la poésie de listes

 

Joseph Vaylet.jpg

 Joseph Vaylet en tenue de félibrige, image du site du Musée Joseph Vaylet.

  

       La petite ville d’Espalion en Aveyron dispose d’une richesse de musées à faire pâlir de bien plus grandes cités. Outre la chapelle des pénitents transformée en petit musée d’art religieux, elle compte trois autres lieux consacrés à la présentation de collections muséales : le musée des mœurs et des coutumes (poteries, cuivres, archéologie, art religieux)¹, un improbable musée du scaphandre et surtout le musée Joseph Vaylet. Ce dernier personnage (1894-1982) a réuni la plus hétéroclite des collections. L’intérêt de nombreux objets est un peu difficile à percevoir, mais de magnifiques pièces issues de la verve créative des bergers locaux et quelques autres chefs d’œuvre d’art populaire justifient plus qu’amplement le voyage. Presque vingt ans avant moi, Bruno Montpied avait visité ce réjouissant bric-à-brac et je renvoie à sa Petite promenade dans l’art populaire du Rouergue (Gazogène, n°14-15) pour plus longue description du lieu. C’est un autre aspect de l’activité de Joseph Vaylet dont je vous propose l’éloge.

 

Musee-Vaylet-001.jpg

 

« Le député de la Montagne » œuvre d’un artiste espalionnais ; début du 20ème siècle. Sculpture en bois polychrome, hauteur 90 cm (d’après la légende d’une carte postale en vente au Musée J. Vaylet, photo P. Saillan).

      Outre son activité de collectionneur tous azimuts, Joseph Vaylet était aussi poète occitan, folkloriste et encore un ethnologue autodidacte à la curiosité toujours en éveil. Je ne garantirais pas la scrupuleuse exactitude de tous les détails faisant la matière de ses opuscules, il est indéniable en revanche que ce personnage haut en couleurs illustra la poésie de la liste avec un sens du disparate presque sans égal, de même nature que celui qu’il déploya pour constituer sa collection.

    On sait que la poésie de la liste repose sur un subtil dosage de l’analogue et du dissemblable. Prévert a illustré le genre d’une manière flamboyante, les auteurs de l’Oulipo dans un tout autre style, Joseph Vaylet, lui, est le type même du poète de la liste spontanée, guidé par un sens de l’hétérogène qui pourrait paraître inné. Jugez d’abord par cet extrait de sa bibliographie telle qu’elle figure dans un de ses ouvrages :

« Lou Martiri de sant Hilarian (hors commerce)

L’Alh (L’Ail). Étude folklorique en langue d’oc, 1940, rare – 13 F.

Heures Ferventes. Recueil de poésies sentimentales, 1972, 25 F.

Proverbes et dictons rabelaisiens, 1260 dictons, 264 pages, 1er vol. – 45 F.

Presics de l’abat Badaruca (avec traduction fr.) – 27 F.

Flors d’Aubrac (poèmes d’oc avec traduction) – 35 F.

Rêveries normandes (poésies).

Le Tribunal de Commerce de Saint-Geniez (rectification d’une erreur historique)

Étude folkloriques :

- Le bâton dans le folklore

- La croix dans le folklore

- La dent dans le folklore

- L’âne dans le folklore

Histoires gaies (Humour et cure thermale) (sous presse [en 1977]) ».

        Humour et cure thermale, comment résister ?

       J’ai mis de côté deux ouvrages dont la table des matières offre elle-même exemple extraordinaire de fantaisie raisonneuse mise en liste. Voici donc le plan de La Bouse dans le folklore (Éditions Imprimerie du Sud-Ouest, Toulouse, 1977)joseph vaylet,musée joseph vaylet,majral du félibrige,occitanisme,espalion,art populaire,robert doisneau et jacques dubois,poésie de la liste,emmanuel bussuge,chemise conjugale,la bouse dans le folklore :

« Préambule

Chapitre premier – Divers emplois de la bouse.

A. La bouse dans la médecine.

B. Recettes magiques.

C. Emplois de la bouse dans la science vétérinaire et en botanique.

1. Dans la science vétérinaire.

2. En botanique.

Chapitre II. – Emplois domestiques de la bouse.

A. En Rouergue.

1. Le bousage de l’aire (plan de la ferme et cliché de l’aire).

2. Le four, les plafonds, la toiture, carreaux cassés.

3. Teintureries, peintres, poterie.

4. Utilisation par les bergers.

B. Dans d’autres régions.

1. En Vendée.

2. La fête des Bousats de l’île de Noirmoutier.

Chapitre III. – La bouse dans quelques pays.

A. En Inde.

B. En Australie.

C. Aux États-Unis.

Chapitre IV. – La bousetière, le lisier, le bousier.

Chapitre V. – Anecdotes.

Chapitre VI. – Proverbes et dictons.

Superstitions.

La bouse dans la Bible.

Chapitre VII. – Le coin pour rire.

Le mot de la fin. »

     La table des matières de son étude posthume sur la mythologique chemise conjugale (Imprimerie Rigal, Espalion, 1985) est moins développée. Elle figure intégralement sur la page de couverture du petit livre. L’occasion pour nous d’admirer aussi un art de la composition typographique charmant de désuétude :

 

P1040238.jpg

Coll. E. B.

 

Emmanuel Boussuge

 

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Exemple de "chemise conjugale"  que Doisneau et Dubois dans leur livre Les Auvergnats (Ed. de La Martinière) considèrent comme d'une authenticité douteuse, ce qui n'est pas du tout l'avis d'un Michel Valière par exemple (voir commentaire ci-après)

______

¹ Le musée des mœurs et coutumes dont parle Emmanuel Boussuge dans cette note s'appelait à l'époque (1996) où je consacrai un texte à l'art populaire à Espalion dans Gazogène n°14-15, le "musée départemental du Rouergue". (Note du Sciapode)

 

Commentaires

Authentique, oui ! Ce n'est vraiment pas la première que je vois, dans différentes régions. Peut-être plutôt chemise pour nuit de noce (avec la bénédiction divine, enfin !!). Il existe évidemment des vêtements de baptême ; mais aussi des chemises pour défunts, avec des croix et des menus signes de deuil...
Merci pour cet article sur le poète-ethno Vaylet, trop mal connu ailleurs que dans sa région rouergate (celle aussi de mon grand-père paternel !)
Merci E. Boussuge (toujours à mon cher Valuejols ?)

Écrit par : Michel Valière | 21/11/2014

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Merci pour le commentaire. Quant à Valuéjols, je n'y reviens que pour les vacances en ce moment...

Écrit par : Emmanuel Boussuge | 23/11/2014

Mon cher Boussuge, c'est effectivement très intéressant. Mais dites-moi, n'êtes-vous pas vous-même en train de vous transformer en taxomane? Vous nous donnez la table de matières de ce livre sur la bouse, mais dites nous un peu ce qu'il y a dedans. Vous nous mettez l'eau à la bouche... Comptez-vous le rééditer, que vous nous le cachez?

Écrit par : Régis Gayraud | 24/11/2014

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Et si je puis me permettre, vous nous mettez même l'Oh! à la bouse...

Écrit par : Le sciapode | 24/11/2014

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Ah, je pensais que votre blagounette porterait plutôt sur la table de matières (fécales).

Écrit par : Régis Gayraud | 24/11/2014

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A vrai dire, je crois bien la table des matières est le meilleur de l'ouvrage...

Écrit par : Emmanuel Boussuge | 01/12/2014

Il me semble que vous êtes un peu injuste avec cet opuscule du charmant Joseph Vaylet. Je possède ce petit livre et en garde un souvenir ébloui lorsque son auteur décrit les aires de battage des céréales établies dans les cours de ferme grâce à la bouse étalée et tassée sur toute leur surface. On imagine une architecture toute entière faite en bouse, un chauffage à la bouse, des parfums forts dans toute la maison du fait de ce mode de chauffage, et c'est donc frappant...

Écrit par : Le sciapode | 04/12/2014

Le Sciapode a tout, connaît tout, a réponse à tout. C'est dingue, un tel génie...

Écrit par : Francky | 04/12/2014

Je féliciterais en tous cas chaleureusement tout volontaire pour faire la réédition. Si le Sciapode veut s'y coller, par exemple, j'applaudirais des deux mains. Et tant pis pour les éclaboussures!

Écrit par : Emmanuel Boussuge | 04/12/2014

Attention aux éclaboussuges, vous voulez dire...

Écrit par : Le sciapode | 05/12/2014

Pour ma part, je trouve la chemise conjugale potentiellement très érotique. Tout dépend de ce que l'on en fait. La porter masquée, silencieuse, entravée peut-être, pendant qu'un petit groupe d'hommes choisis me prendraient tour à tour avec comme contrainte de ne jamais relever ma chemise, mais d'utiliser uniquement ce passage marqué du "Dieu le veut" réglementaire, oui, j'aimerais bien. Je me demande si je ne vais pas m'en broder une.

Écrit par : Isabelle Molitor | 25/11/2014

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Vous rêvez ma pauvre Isabelle ! Attifée de la sorte, à votre vue, Dieu lui-même pourtant si miséricordieux, s'enfuirait à toutes jambes.

Écrit par : zébulon | 02/12/2014

M. Zébulon, vous êtes quand même, un peu outrageant, et même si ça vous défrise les moustaches, je vous dirais que, tout d'abord, tous les goûts sont dans la nature et que je trouverai bien, pour une partie fine, dix ou même vingt gaillards que la vision de la chemise conjugale n'effraierait pas (d'ailleurs, si elle n'avait jamais eu de succès, on n'en aurait jamais fait...), et puis, c'est bien simple, si ça ne leur plaît pas, il n'y a qu'à leur bander les yeux. Je ne m'en fais pas pour eux, ils trouvent toujours le trou! Et ça peut être encore plus excitant de les sentir tâtonner.

Écrit par : Isabelle Molitor | 02/12/2014

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