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08/02/2015

Un dessin séditieux bonapartiste... Vraiment? Paranoïa-critique ou image réellement double?

     Un correspondant, collectionneur à ses heures, M. Jean-Christophe Millet (oui, le même nom que celui du peintre de l'Angélus, de Millet comme on dit usuellement... Tableau sur lequel on sait que Dali a constitué tout un dossier d'interprétations exemplaires de sa méthode dite paranoïa-critique), ce correspondant donc m'a récemment fait parvenir un dessin qu'il qualifie de "dessin séditieux" dans le genre de ces images à double entente qui servirent à une époque au XIXe siècle de propagande bonapartiste. Comme celle ci-dessous, qui figure dans un ouvrage L'Œil s'amuse paru aux éditions Autrement en 1999 et que j'ai déjà utilisée pour illustrer une note sur ce blog à propos de la merveilleuse exposition du Grand Palais en 2009, "Une image peut en cacher une autre".

 

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Gravure populaire anglaise, vers 1830, extraite de l'ouvrage L'oeil s'amuse, éd. Autrement, 1999 ; on notera que la silhouette de Napoléon entre les deux arbres est parfaitement nette

 

     Présentons le fameux dessin retrouvé par notre collectionneur à la suite, auquel j'ajoute en guise de légende (au double sens du mot) la description interprétative que m'en dressa mon honorable épistolier électronique (les reproductions avec les détails agrandis sont légendés par moi).

 

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Coll. J-C. Millet

 

    "j'avais immédiatement repéré l'arbre aux branches minutieusement réalisées qui devaient cacher bien des choses et surtout le profil napoléonien à gauche du tronc avec le bicorne... mais également le chien apeuré au milieu du cimetière, symbole de dévouement et de fidélité.

 

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Dans ce détail agrandi, on pourrait apercevoir, quelque peu fantomatique, aux limites du mirage, la silhouette, seulement esquissée, contre le tronc à gauche, sous une branche, d'un Napoléon...

 
        J'ai curieusement, c'était trop gros pour le voir, mis un peu de temps, en repérant l'ombre du chien qui n'avait rien de canin, à voir le célèbre bicorne !

     Le masque mortuaire de Napoléon (dit masque de François Antommarchi), tête-bêche dans la partie droite de l'arbre, popularisé à partir de 1833 avec l'ouverture d'une souscription par Antommarchi pour la vente de moulages, devait suivre.

 

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Voici le masque mortuaire qu'évoque J-C. Millet et qu'il a lui-même placé en vis à vis du profil qu'il croit voir dans les zigzags des branchettes de l'arbre nu


      Il y avait donc sans doute à trouver L'Aiglon et Marie-Louise comme dans les célèbres gravures.

     A la cime de l'arbre à gauche, se trouve à mon avis, le long du liseré une tête belliqueuse de Napoléon, l'air mauvais en vis à vis du portrait du vainqueur de Waterloo, le Duc de Wellington avec le large col de son uniforme (que l'on trouve sur tous ses portraits), son nez fin et pointu et ses rouflaquettes.

 

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Napoléon et Wellington?


     Un buste de personnage, tourné à gauche, semble également se trouver dans la partie droite de l'arbre.

   Sur le côté gauche du tronc, une fleur (j'ai un temps pensé à la violette, symbole napoléonien)... Il s'agit en fait d'une Légion d'Honneur, ordre créé par Napoléon.

    La tour isolée, tombant un peu comme un cheveu sur la soupe dans la composition, a donné beaucoup de fil à retordre. Toutes ses fenêtres (des yeux ?), ces éléments accolés inutiles (le toit triangulaire sur le côté gauche en particulier), le double crénelage, un minuscule toit au centre de la tour perché sur une longue arête verticale, deux petites boules inutiles au niveau du créneau du premier étage de la tour... Il y avait probablement une tête, mais où ? Il suffisait de retourner le dessin pour découvrir une tête de soldat avec un long nez, le petit toit triangulaire formant les narines, les yeux de part et d'autre, les boules... les oreilles, la fenêtre verticale entre les étages pour la bouche, un niveau de barbe matérialisé par la séparation-créneau de l'étage, les trois toits formant un couvre-chef à la « hussard » pendant sur le côté droit.

 

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La tour retournée... Cherchez non pas Hortense (comme Rimbaud) mais le soldat...?

 

     L'église... vaste problème indiquant minuit quarante-cinq (a priori pas de symbole), coiffée d'un curieux clocher allongé dont le côté droit présente au niveau du premier étage une légère inflexion puis au niveau du second étage un mur concave bien entendu volontaire. Je n'ai toujours pas réussi à identifier la forme cachée pourtant visible (espace blanc vertical coincé entre le clocher et le bord du dessin). Le symbole est également peut-être caché dans le clocher.
     Idem pour le ciel orageux et ses nuages multiples qui doivent a priori cacher bien des choses ?
     Sans doute également d'autres choses dans les branches de l'arbre ?

     Je n'ai toujours pas réussi à identifier les trois éléments, en bas à gauche du cimetière, au niveau du mur en arc de cercle (bâton vertical avec un "œil", étoile noire à 4 branches, une urne couchée avec son pied orienté à gauche... peut-être une simple pierre mal dessinée ?

 

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Ce détail à gauche donne l'impression que le dessinateur a voulu représenter une tête de profil grotesque, son œil étant au bout de l'espèce de tige poussant sur le bord de pierre, sa bouche entrouverte étant figurée par cette étrange forme en queue de poisson... Mais tout cela se veut-il allégorique, ou n'est-ce que fantaisie d'un dessinateur visionnaire amateur?


     Un dernier point mais cela n'engage que moi... Prenez de la distance et vous apercevrez le visage de l'Empereur :

- le mur en arc de cercle (celui de l'étoile et du bâton) formant l'arrondi du visage
- le tronc de l'arbre formant le nez
- les toits des maisons du village formant les yeux
- le mur maçonné du cimetière le bord droit du bicorne

- le ciel autour de la cime de l'arbre le bicorne 

    Cela n'engage que moi mais c'est pourtant troublant !... " (J-C. Millet)

    Toutes ces interprétations de notre collectionneur sont passionnées, on le voit. Et cela finit par entraîner notre propre désir de voir à sa suite des images cachées dans l'image. Pourtant, en ce qui me concerne, je reste dubitatif. Si ce dessin est effectivement curieux, maladroit du point de vue des perspectives, de l'ombre du chien bizarre, etc., est-il véritablement un dessin de type "séditieux" du genre de celui que j'ai reproduit en tête de cette note, où la silhouette napoléonienne est nettement représentée? Il est tout de même permis de s'interroger et notamment de se demander si on n'aurait pas affaire à un dessin d'amateur naïf que son inconscient (peut-être à orientation bonapartiste prononcée) tarabusterait passablement... Aux lecteurs de cette note de nous en dire plus s'ils ont davantage de lumière que nous sur la question..

  

Commentaires

Hum... Je ne vois pas grand chose, ce coup-ci... Mais en soi, l'image est étrange, et forcément, elle a un sens caché.

Écrit par : Régis Gayraud | 08/02/2015

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Reste à savoir si ce "sens caché" est volontaire ou involontaire.

Écrit par : Le sciapode | 08/02/2015

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Je dois dire que je reste aussi un peu dubitatif quant aux interprétations. Cela ne me semble pas probant ici, alors que sur la gravure anglaise, c'est évident. Cette image pourrait être l'illustration d'un texte, d'un conte où un cahier des charges devait être respecté. et l'artiste a fait ce qu'il a pu pour réunir tous ces éléments dans son image (le loup, les tombes, la tour etc...). Le sens caché serait alors involontaire.

Écrit par : Darnish | 08/02/2015

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Peut être une allégorie de la Restauration ?
Le peuple, en chien piteux fuyant les désolations de la révolution et des guerres napoléoniennes, vient s'agenouiller devant l'église et la tour crénelée (couronnée) symbole de la monarchie.

Écrit par : yoann | 09/02/2015

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Moi je verrais plutôt un dessin prémonitoire. Je trouve en effet que cette tour au dessus de laquelle s'élève une inquiétante fumée formant un noir nuage menaçant, évoque une tour de refroidissement de nos très contemporaines centrales nucléaires. Le paysage est dévasté, les arbres sont décharnés, la mort a fait son œuvre, seul erre entre les tombes quelque chien redevenu sauvage, égaré. La divinité elle-même, symbolisée par un dérisoire et bien fragile clocher, semble vouloir s'éloigner discrètement pour ne pas avoir à intervenir contre la folie des hommes. Il est vraiment très inquiétant et angoissant, ce dessin !

Écrit par : RR | 09/02/2015

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Je ne crois pas du tout qu'il y ait d'images cachées intentionnellement dans ce dessin, par ailleurs fort beau, habilement dessiné, mais où l'on sent un manque réel de maîtrise académique, ce qui me fait penser à l'œuvre d'un autodidacte talentueux. Il a su rendre, plus qu'une simple journée glaciale au plus dur de l'hiver, une atmosphère angoissante de mort et de déréliction que souligne paradoxalement la présence du loup au premier plan, errant dans le cimetière abandonné à la recherche de quelque ossement à ronger, si possible non totalement dépouillé de sa chair...

Écrit par : L'aigre de mots | 11/02/2015

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