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23/04/2015

Le créateur anarchiste Jean Galéani, quelques éléments nouveaux...

      Un lecteur, par ailleurs animateur de deux blogs consacrés à l'histoire et à la généalogie concernant une commune en Vendée, appelée curieusement Le Tablier (située entre La Roche-sur-Yon et Luçon grosso modo), Jean-Pierre Logeais, m'a signalé récemment être tombé sur une autre œuvre du peintre (et sculpteur) anarchiste Jean Galéani, dont ce blog remonte le fil de l'œuvre et de la vie désormais, au gré des trouvailles de ci de là... Il me demandait si cela pourrait être du même auteur.

 

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Portrait de Fernand Planche, par Jean Galeani. Bas-relief en plâtre teinté, 1949, ph J-P. Logeais

Portrait Planche (2).jpg

Au verso du bas-relief, l'inscription avec la signature "J.Galéani, Paris - 1949", ph. J-P. Logeais

 

     A la lecture de la signature, identique à celle qu'on trouve sur le tableau "Victoire - Défaite" de 1919 (voir ma note sur le sujet), il n'est pas permis d'en douter. De plus, Galéani était aussi sculpteur, comme on le voit dans l'interview filmée de Pierre Dumayet qu'on peut voir sur ce blog dans ma note du 23-12-2014 ou sur le site de l'INA. M. Logeais me l'a d'ailleurs fait remarquer, dans ce film on aperçoit des bas-reliefs du genre de ce portrait de Fernand Planche (dont M. Logeais donne les dates bornant sa vie: 1900-1974).

     Ce dernier était un anarchiste lui aussi, probablement admiré par Galeani, artisan de la tendance "La synthèse anarchiste" (qui cherchait à unir les différents courants du mouvement libertaire français.) Originaire de la région de Thiers, il a fait l'objet d'une biographie de Georges Therre qu'évoque sur un autre blog (auquel renvoie J-P. Logeais), "Escout'moi voir, webzine du Livradois-Forez", un certain Jean-Luc Gironde. Georges Therre s'appuie sur une documentation fournie par Pierre-Valentin Berthier du Monde Libertaire (Berthier qui connut Planche). Fernand Planche fut (entre autres, car il fit trente-six métiers) coutelier, ce qui n'est pas étonnant à Thiers, patrie du couteau, et ce qui n'est pas pour nous déplaire sur ce Poignard Subtil... Il a écrit une biographie de Louise Michel, ce qui nous alerte si l'on se souvient que Galeani disait avoir été "parrainé" par cette dernière dans sa jeunesse (Louise Michel fit une conférence à Thiers en 1904, un an avant sa mort)... Il a fréquenté de nombreux penseurs anarchistes des années 30 comme entre autres Lacaze-Duthiers que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, ou Voline, l'auteur de la Révolution inconnue consacrée à Nestor Makhno adversaire anarchiste des bolcheviks pendant la Révolution russe.

     Il était affecté d'un strabisme divergent aux deux yeux, perdant la vue sur un œil très rapidement. On le décrit cordial et terriblement désordonné (il tenait une boutique, qui était un véritable capharnaüm, à Billancourt). Après la guerre, il vécut dans le Marais (quartier où habitait aussi Jean Galéani). Il écrivit, et publia notamment un roman sur sa jeunesse à Thiers, Durolle, où il évoque les difficultés de la vie des ouvriers couteliers (un groupe anarchiste à Clermont-Ferrand s'en souviendra en prenant le nom de groupe Fernand Planche). Il finira à 50 ans par aller s'installer en Nouvelle-Calédonie où il s'établira vendeur de coquillages de collection avant d'y mourir d'une crise cardiaque.

      Sur son blog "Varia - Histoire et généalogie", Jean-Pierre Logeais en outre a retrouvé des éléments d'ordre généalogique sur Jean Galeani. J'invite les amateurs à s'y reporter. On y apprend entre autres qu'il était né de père inconnu, seulement reconnu par une mère qui était blanchisseuse, accompagnée de soldats du 87e de ligne de Montpellier le jour de sa déclaration de naissance. La même mère qui épousa six ans plus tard un Galéani, lui aussi soldat (tambour) dans ce même 87e de ligne, qui alors reconnut l'enfant en même temps qu'un second, peut-être un demi-frère de notre Jean. Etait-il le père biologique? Vu la fréquentation de nombreux soldats de ce 87e de ligne, il est permis d'en douter... Que le père de notre peintre anarchiste fut constitué d'une notable partie de l'armée française a pu jouer un rôle non négligeable dans sa détestation ultérieure du militarisme (qu'il dut partager très certainement avec Fernand Planche, lui aussi pacifiste). 

    A suivre? (Fernand Planche avait-il des tableaux de Jean Galeani?) 

Commentaires

C'est absolument passionnant, une sorte de roman (anti-)policier qui s'écrit devant nous au gré des découvertes des uns et des autres. Galéani était montpelliérain, il me semble. Thiers, la ville noire décrite par George Sand, m'a toujours fasciné, d'abord parce que ses armes arborent un fier navire absolument déplacé en cette terre non côtière, ensuite parce que son nom lui-même brandit l'idée du retranchement, de la division, que ses couteaux affirment de belle manière, mais surtout parce que son site lui-même est la métaphore de son nom. Imaginez une cité bâtie au-dessus d'un gouffre, étagée au flanc d'une montagne dont le soleil n'arrive jamais à éclairer que le tiers, penchée au-dessus d'une vallée autoritaire qui tranche le basalte d'un coup de lame sans pitié. Imaginez les masures d'ouvriers qui glissent vers la vallée, les tombes de fer d'un cimetière accroché entre ciel et torrent... Le Creux de l'Enfer, tel était surnommée la vallée où hurlaient les meules, rivalisant de vacarme avec le déluge d'eau et d'écume qui cascadait de la montagne. Or, savez-vous qu'à Thiers, nombre d'ouvriers - car l'Auvergne, à l'époque de la splendeur de la coutellerie, ne suffisait pas à fournir la main d'oeuvre - provenaient de la région de Montpellier, remontant vers l'Auvergne par "lou camin dis Cevenas"? De là à imaginer que le Galéani, un temps, a donné de sa sueur au façonnage des lames, allongé sur le rouet tête plus bas que fesses, un chien sur le dos pour se tenir au chaud, comme tant d'autres, au dessus du lit glacial de la Durolle, il n'y a qu'un pas. Subodorant que l'ami Galéani n'était pas homme à renoncer à une vie meilleure, je le vois bien tâtant d'une telle torture un jour ou deux et repartant aussitôt en pensant : "Ils sont fous d'accepter ça". Car c'était réellement fou, la condition d'ouvrier-coutelier à Thiers, au fin fond de la" belle époque".
Quant à Georges Therre, érudit local, ex-professeur de grec au lycée de Thiers (eh oui! Madame Belkacem, on apprenait le latin et aussi le grec même dans une ville comme Thiers, et ce que tout le monde présente comme élitiste aujourd'hui a permis à pas mal de fils d'ouvriers de sortir de la condition abjecte dans laquelle tout parti de gauche rêve de maintenir son électorat), et également grand amateur de Badoulin, le vin fin et généreux cher à l'ami Boussuge, Georges Therre, donc, est bien connu dans la montagne bourbonnaise et au-delà, et même jusque Clermont, pour ses études curieuses des gloires locales. Hommage soit rendu.

Écrit par : Régis Gayraud | 23/04/2015

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Et maintenant, je découvre sur Internet qu'il existe un bois gravé de jean Lébédeff représentant Fernand Planche...

Écrit par : Régis Gayraud | 23/04/2015

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Je me doutais bien que ces informations allaient vous faire entrer en éruption, vous, à défaut de votre Puy de Dôme heureusement toujours endormi.
Vous êtes bon pour adhérer au groupe Fernand Planche maintenant, non?
Beau cas de contre-aptonyme au passage, ce Planche qui aurait pu être menuisier, charpentier, ou maître-nageur (faire la planche...), et qui choisit plutôt la coutellerie...

Écrit par : Le sciapode | 24/04/2015

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Fernand Planche en Nouvelle-Calédonie sur les traces de Louise Michel peut être...

Écrit par : Darnish | 24/04/2015

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En regardant de près la page "Histoire et Généalogie" de M. Logeais, je remarque que parmi les témoins du mariage de Joséphine Komès, mère de Jean Galéani, avec son père adoptif Jérôme, se trouvait un coutelier, sûrement un de ces trimardeurs qui remontaient de Montpellier à Thiers dès mars venu pour redescendre sur le Sud en novembre, quand passer 12 heures par jour penché au dessus du lit du torrent devenait proprement invivable. Quand à vos suppositions, Monsieur le Sciapode, eh bien oui, blanchisseuse dans un régiment, hum... Mieux vaut penser que les pères biologiques ne manquaient pas.

Écrit par : Régis Gayraud | 24/04/2015

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Le coutelier, témoin au mariage Galéani-Komès, était Louis TEULIER, âgé de 32 ans (° vers 1843), sans doute originaire de l'Aveyron.

Écrit par : Jean-Pierre LOGEAIS | 28/04/2015

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