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07/04/2018

6 L'auteur des "Barbus Müller" démasqué ! (6e chapitre) ; une enquête de Bruno Montpied, avec l'aide de Régis Gayraud

Le Zouave Rabany,

sculpteur brut à Chambon-sur-Lac

 

     Voici, dans ce 6e chapitre,  tout ce que j'ai pu rassembler, avec l'aide de Régis Gayraud, comme informations factuelles à propos de l'auteur des sculptures appelées en 1947 "Barbus Müller" par Jean Dubuffet:

 

Antoine Rabany, dit "le Zouave", ou le Zouave Rabany.

 Né le 8 mars 1844 à Chambon-sur-Lac, Puy-de-Dôme, Auvergne (sur son acte de naissance, le nom est orthographié "Rabagny", graphie qui se mue en "Rabany" dans les papiers officiels ultérieurs ; l'orthographe provient peut-être de la prononciation auvergnate du nom).

Décédé le 2 janvier 1919 à Chambon-sur-Lac.

Acte de déceès d'antoine le zouave.jpg

Acte de décès du Zouave Rabany, 1919, Chambon-sur-Lac.

 

Fils de Guillaume Rabany (1811-1878) et de Louise Lacombe (1811-1877)

Frère de  François Rabany (1845-1924), Catherine Rabany (1848-1921) et d'Antoine Rabany (1849-?)

Marié le 25 juillet 1874 avec Marie Berthoule (1850-?)

Enfants: Antoine Alphonse Rabany (1875-?) et Mélanie Catherine Rabany (1883-1888)

Petits-enfants issus d'Antoine Alphonse (marié avec une Catherine Frappa):

Mélanie Rabany (née en 1902 à St-Genès, internée en 1928 , comme folle, à l'asile Sainte-Marie de Clermont-Ferrand), Marie Rabany (née en 1903 à St-Etienne), Irma Rabany (née en 1907 à St-Etienne)

Renseignements tirés des archives militaires:

Antoine Rabany fut dans sa jeunesse engagé volontaire, classe 1864, versé d'abord dans le 20e corps des chasseurs à pied, versé ensuite probablement dans un bataillon de zouaves ; sa profession indique alors "militaire".

Voici sa brève description physique dans sa fiche de renseignements :

"Antoine Chapa (ou Chapat) Rabany, né le 8 mars 1844 à Chambon, fils de Guillaume Rabany et de Louise Lacombe, cheveux et sourcils : châtain clair, yeux : gris-bleu, bouche: moyenne, menton : rond, taille: 1,68m, visage : ovale, ne sait ni lire ni écrire."

Cette indication sur son niveau d'instruction est confirmée en 1917, sur l'acte de décès de la belle-soeur d'Antoine Rabany, où il est dit que le zouave n'a pu signer à côté de l'officier d'état-civil : jusqu'à la fin de sa vie, Antoine Rabany fut donc analphabète.

En 1911, lors du recensement, il est indiqué comme "cultivateur" et "patron". Vivent à ce moment avec lui sa femme Marie Berthoule Rabany, et ses trois petites-filles, Mélanie, Marie et Irma.

Il se porte acquéreur d'une parcelle dite de la Chapelle, située en contrebas du cimetière et de sa chapelle sépulcrale, en 1893, parcelle qu'il achète en compagnie de son frère Antoine né en 1849, tailleur de vêtements de son métier ; en 1907, il devient le seul propriétaire du terrain. La chapelle sépucrale du cimetière comporte un chapiteau roman (Xe siècle). Des touristes viennent visiter ce monument, classé monument historique depuis 1862.

En 1908, l'archéologue Léon Coutil le rencontre sur place, le prenant pour un fabricants de faux objets archéologiques. Il signale que "Rabagny" (Coutil l'écrit comme il l'a entendu, à la manière de l'officier d'état-civil qui rédigea l'acte de naissance du zouave ; voir notre interview imaginaire... ) sculpte l'hiver, façonnant 3 à 4 pièces par an, les vendant entre 5 et 10 francs(-or). Il paraît se plaindre de ne pouvoir les vendre plus cher, car la pierre est dure (Coutil écrit: "Il se donne beaucoup de mal pour les exécuter, ignorant absolument le modelage et la technique du travail sur pierre dure"). Chaque sculpture est différente, Coutil le remarque. Comme ce dernier note aussi qu'il ne copie pas sur des modèles  (ce qui est somme toute contradictoire avec l'hypothèse que Rabany ferait des fausses pièces archéologiques).


podcast

Interview imaginaire d'Antoine Rabany par Léon Coutil en 1908... Avec accent du terroir...

 

Dès 1908, donc, des pièces provenant de Rabany auraient été signalées chez des antiquaires à Evreux et à Murols. En 1912, un autre archéologue, Albert Lejay, signale en avoir découvert à Lons-le-Saunier, en provenance d'un antiquaire de Vichy. Il en acquiert une, et prend des photos des autres.

Un photographe anonyme prend des clichés sur verre de la parcelle de La Chapelle, probablement avant 1919, où l'on peut voir alignées des dizaines de sculptures en hiver et en été. Je publie deux de ces photos dans mon inventaire des environnements populaires, Le Gazouillis des éléphants, en 2017, et je donne la localisation de la parcelle aux statues.

En 1928, a lieu une vente sur licitation des biens de feu Antoine Rabany. La parcelle de la Chapelle est alors vendue. il n'est pas question de biens mobiliers, de sculptures, dont on peut penser qu'à l'époque elles ont déjà été pratiquement toutes dispersées auprès de divers antiquaires et collectionneurs.

En 1934, dans un article de l'Auvergnat de Paris, paraît au détour d'une correspondance entre Henri Pourrat et Gandilhon Gens d'Armes un témoignage de Maurice Busset qui cite le nom d'Antoine Rabany, sculpteur à Chambon ; la même année,  une sculpture réapparaît chez un antiquaire de Lyon, Maurice Brossard (voir notre 1er chapitre)... ; plusieurs collectionneurs en acquièrent ailleurs, et les font connaître à Jean Dubuffet.

Les deux guerres mondiales ont certainement joué un rôle non négligeable dans l'effacement des traces de l'auteur des sculptures surnommées en 1947 "Barbus Müller" par Dubuffet, qui leur trouva suffisamment d'originalité pour les choisir comme pièces d'une "statuaire provinciale" qui deviendront, au fil des décennies, jusqu'à aujourd'hui, des œuvres fondatrices dans sa collection d'art brut.

Faudra-t-il désormais changer les cartels d'exposition et de musées pour inscrire "sculptures du Zouave Rabany" comme on dit "peintures du Douanier Rousseau"...?

_____

N-B : A noter que je publierai bientôt en revue une remise en forme de cette enquête dans la perspective d'une édition sur papier.

 

Commentaires

Une prodigieuse découverte due à deux fins limiers de l'art brut ! Ce récit passionnant n'offre-t-il pas une brillante illustration de la remarque célèbre de Hegel selon laquelle « le faux est un moment du vrai » ? Car, désormais, les faux du zouave Rabany seront pour l'éternité d'authentiques chefs d'œuvre de la création populaire.

Écrit par : L'aigre de mots | 12/04/2018

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Cher Aigre, oui, c'est une belle découverte et fort bien racontée, mais quand vous dites : "Fins limiers" au pluriel, je m'empourpre. Pour ma part, je n'ai fait qu'appliquer des recettes dont l'usage était à la portée de tout le monde à partir du moment où l'on savait où avait été prise la photographie des statuettes retrouvée l'an dernier. Ensuite, localiser la parcelle sur le cadastre puis retrouver l'état-civil du propriétaire, cela n'était quand même pas très sorcier. Un petit peu de flair, sans doute, mais pas excessivement. En revanche, beaucoup d'émotion, oui.

Écrit par : Régis Gayraud | 12/04/2018

Ce ne sont pas "les faux du Zouave Rabany", qu'il faut dire, Monsieur l'Aigre, mais "les faux de Léon Coutil", les "faux d'Albert Lejay", "les faux" de tous ces antiquaires qui ont traficoté autour des statues du zouave en les faisant passer pour des sculptures venues de contrées exotiques, pour des idoles gallo-romaines et que sais-je encore? Rabany, selon moi, ne songea probablement pas à créer des faux objets archéologiques. Coutil le dit de plus, il aurait été difficile pour Rabany de travailler d'après modèles. Et cependant, dans le même temps, cette vieille baderne d'archéologue condescendant continue d'accuser "le père Rabagny" de fabriquer des faux... Coutil est tout simplement incapable de reconnaître l'originalité de cet art sobre. Maurice Busset, aussi académique que lui sans doute, a plus de jugeote quand il reconnaît en ces pierres un écho des sculpteurs archaïsant de l'ancienne Auvergne...

Écrit par : Le sciapode | 13/04/2018

Mais j'ai parfaitement compris, cher Sciapode, puisque j'ai lu votre article de près ! Ma remarque d'inspiration hégélienne s'applique à la logique des attributions, pas aux faits eux-mêmes.

Écrit par : L'aigre de mots | 13/04/2018

J'ai compris que vous aviez compris, cher Aigre, mais souffrez que j'en remette une couche à l'occasion de votre commentaire pour taper sur les antiquaires, qui furent pour certains aussi truqueurs que les sculpteurs qu'ils accusent de ce même qualificatif.

Écrit par : Le sciapode | 13/04/2018

Bravo pour cette découverte ! Concernant la dénomination de ces statues je serai quand même partisan de garder leur identité initiale et finalement historique de "Barbus Müller" en adoptant éventuellement un sous titre qui pourrait en effet s'intituler "sculptures du Zouave Rabany". Car les renommer exclusivement du nom de leur sculpteur leur ferait perdre l'histoire de leur réception et de leur interprétation, ce qui serait dommage.

Écrit par : Claude | 12/04/2018

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Oui, je suis d'accord, Claude. Va pour "les Barbus Müller du Zouave Rabany", alors? Car un sous-titre me paraîtrait chercher à minorer l'existence de l'auteur, que mon enquête vise précisément à faire sortir de l'anonymat, qui fut longtemps la règle concernant ces statues. Tant on se complaisait dans ce brouillard des origines qui arrangeait les amateurs d'art brut, parce qu'il confortait la théorie d'un art surgi de nulle part... Alors qu'en réalité, ici, il a surgi depuis un créateur d'origine populaire, un paysan, ancien militaire. C'est certes plus prosaïque, mais c'est la vérité.

Écrit par : Le sciapode | 13/04/2018

"les Barbus Müller du Zouave Rabany": voilà qui est parfait !

Écrit par : Claude | 13/04/2018

Si le titre de "Zouave" est un sobriquet attaché à cette personne, il faut le garder comme tel : Antoine Rabany, dit "le Zouave" (guillemets ou italiques). Il est courant d'attribuer des sobriquets dans les pays où les homonymes sont fréquents. Dans ce cas, ils sont parfois repris dans des actes d'etat-civil ou de notaire. Parfois, ils sont plus utilisés que le nom effectif. De sorte que les archéologues l'ont mis en exergue. Mais on peut être un zouave (un zazou, un ...) et même en adopter le képi sans avoir dûment presté dans le corps militaire patenté... Bref, respecter le nom d'identité d'un artiste reconnu (par vous, bravo) me parait un minimum. Le sobriquet pourrait être conservé ou oublié. Même si nous avons le Facteur Cheval et le Douanier Rousseau, parlons alors du Cultivateur Rabany dit le Zouave...

Écrit par : chabian | 13/04/2018

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Ce surnom, effectivement, est lié à l'homonymie de ses prénom et nom, par exemple de son propre frère, né 5 ans après lui. Entre parenthèses, l'imagination des parents paraissait avoir des limites, à moins que ce ne soit par un besoin de fusion au sein des lignées familiales.
Je n'ai fait ici que m'amuser en proposant ce libellé, "le Zouave Rabany", pour le rapprocher d'autres célébrités de l'art brut ou naïf, comme le Facteur Cheval et le Douanier Rousseau. Le "Cultivateur Rabany", ça ne fonctionne pas terriblement, je trouve...
De toute façon, c'est l'usage qui fixera le nom, soyons-en sûrs... L'essentiel étant qu'on tienne désormais compte de cette identification que j'ai opérée ,après l'avoir esquissée dans mon inventaire paru aux éditions du Sandre.
A noter que, dans la galaxie des créateurs d'art brut, il y a déjà eu un "zouave" : Xavier Parguey, qui était surnommé "Zouzou", ce qui était, il me semble, un diminutif de "zouave".
Comme je l'ai signalé, Antoine Rabany avait été militaire (en 1864) avant d'être déclaré officiellement comme "cultivateur" sur le recensement de 1911. Dans les chasseurs à pied. Nous n'avons pas encore retrouvé, avec Régis Gayraud, la trace de son appartenance au corps des zouaves, mais cela viendra peut-être. Ce sobriquet n'est en tout cas pas à comprendre au sens de celui qui fait des excentricités ("arrête de faire le zouave...")...

Écrit par : Le sciapode | 13/04/2018

D'abord bravo pour cette belle enquête policière!
Dans les armées, M. Chabian, les zouaves ont toujours été respectés comme des soldats assujettis à une rigueur de fer et à un entraînement d'exception. Ils étaient reconnus comme des soldats d'élite, et le sens familier du mot "zouave" est un exemple d'appellation populaire forgée par contre-emploi. Le costume paraissait extravagant, alors que l'homme qui le portait était un modèle de discipline et de bravoure. Ce différentiel intriguait le Béotien qui, comme on le sait bien, lorsqu'il ne comprend pas ce qui le dépasse, s'en sort par le sarcasme.

Écrit par : Atarte | 13/04/2018

Attention, Atarte, votre interprétation anti-béotiens pourrait être singulièrement nuancée, si l'on considère que, derrière la moquerie de l'expression "Faire le zouave", passe peut-être un écho d'une vision antimilitariste selon laquelle les démonstrations d'héroïsme attribuées aux zouaves méritent d'être brocardées, parce que ridiculement suicidaires, menant aux boucheries de 14-18 par exemple. Je serai plutôt partisan de cette interprétation (que suggère à peu près le "Dictionnaire des expressions et locutions" d'Alain Rey et Sophie Chantreau, aux éditions Le Robert).

Écrit par : Le sciapode | 13/04/2018

Bravo pour cette formidable enquête! J'avais vu les reproductions de ces sculptures, puis les sculptures elles-mêmes présentées au LAM, ce qui m'avait procuré beaucoup d'émotion car je trouve qu'elles ont une très grande présence. Je suis d'autant plus touchée d'en connaître désormais l'auteur, grâce à votre travail patient et approfondi. Merci à vous et à M. Gayraud.

Écrit par : Claire | 13/04/2018

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C'est très juste ce que vous dites, Claire, et le mot que vous proposez, "présence", est tout à fait adapté. En effet, les statues du Zouave ont une présence remarquable, qui les différencie de sculptures romanes au style plus codifié et neutre (il y a bien sûr des exceptions), et en particulier, de ce chapiteau de la chapelle du cimetière que j'ai reproduit dans mon premier chapitre. Cette saynète, elle, manque d'âme, parce que manquant d'individualité.

Écrit par : Le sciapode | 14/04/2018

Après lecture de cette longue et passionnante enquête, je ne sais qui féliciter ?
Les détectives pour leur rigueur, connaissances du "milieu"et ténacité, le regard de Dubuffet qui ne s'est pas trompé, ou le créateur, Antoine Rabany enfin révélé.
Je propose donc de baptiser ces sculptures "Les Barbus Montpied" !
Dans tous les cas, chapeau bas.

Écrit par : Gilles | 13/04/2018

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Bravo pour cette enquête, vous devriez en faire un résumé et l'intégrer à
https://fr.wikipedia.org/wiki/Barbus_M%C3%BCller

Écrit par : Al | 14/04/2018

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Vous devriez relire la notice Wikipédia que vous avez mise en lien, Mister Al. Il semble qu'elle soit en effet actualisée. Tout va très vite sur Wikipédia.

Écrit par : Le sciapode | 14/04/2018

C'est incroyable cette histoire! Félicitations les gars! Et puis ça semble sans appel! C'est marrant que ces statues soient au départ destinées aux touristes...sacrés souvenirs d’Auvergne n'est-il pas?

Écrit par : Darnish | 14/04/2018

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Attention, Darnish, la destination de statues en direction des touristes (de "l'art d'aéroport" à la manière africaine!)?, si elle est envisageable (et pourquoi pas?), n'est pas parfaitement avérée. Ce n'est que le témoignage de Léon Coutil. Qui en raconte pas mal par ailleurs, avec son interprétation de ces sculptures comme des fausses pièces archéologiques. Je l'ai écrit, il faut prendre ce témoignage avec des pincettes. Il est surtout utile pour identifier l'auteur des statues du jardin.

Écrit par : Le sciapode | 14/04/2018

Bravo pour ce travail formidable! Si j'en juge par la photo du jardin il y en aurait sans doute d'autres que ceux répertoriés dans la "plaquette historique". Mais alors comment pouvez-vous affirmer ceux qui seraient des "vrais" ou des "faux" comme vous le relevez dans votre article?
B

Écrit par : Decharme | 14/04/2018

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Pour alimenter votre soif de "vérité" peut-être avez-vous raison de penser que l'un de ceux de la collection abcd est un "faux" ex barbus Muller (celui avec la mère et l'enfant) que vous attribuez peut-être à Jean Pous. Je ne me réfère qu'à son pedigree. Cette pièce venait de la collection Dubuffet déposée chez Alfonso Ossorio aux Etats-unis. Lorsque Dubuffet a repris sa collection il a offert à Ossorio une dizaine de pièces dont une broderie de Jeanne Tripier, un Forestier, Hodinos, Salingardes etc. et cette pièce qui était référencée Barbus Muller acquise avec les autres par la collection abcd. C'est tout ce que nous en savons. Si cet objet venait de ce merveilleux jardin cela signifierait alors que son auteur variait son travail. Si c'est un faux ex Barbus une enquête s'ouvre alors pour savoir qui est son auteur et comment Dubuffet l'a acquise?
BD

Écrit par : Decharme | 14/04/2018

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Oui, Bruno Decharme, vous vous posez la même question que M. Dominique Viéville qui me la formula à la fin de sa conférence du MAHHSA en février dernier (la conférence s'intitulait "Autour des Barbus Müller"), et que moi-même je me suis bien sûr déjà posée.
Etant donné les dizaines de sculptures que l'on voit sur les photos du jardin d'Antoine Rabany à Chambon, différentes d'hiver en été, étant donné aussi ce que j'apporte ici comme témoignage sur le nombre des pièces que sculptait le "zouave" - 3, 4 par an -, si l'on estime qu'il a commencé aux alentours de 1900, et qu'il a sculpté jusqu'à un âge avancé, disons durant une bonne quinzaine d'années, on peut supputer que cela pourrait s'approcher d’environ 4 x 15 = 60 pièces créées dont certaines, aujourd'hui, se baladeraient encore dans la nature... Car, sur les photos que j'ai retrouvées, il y en a une vingtaine en été et une quinzaine en hiver. Si on défalque des 60 les trente qui sont actuellement dans divers musées et collections, il en resterait alors une bonne trentaine à localiser, ce qui donne aux amateurs et aux collectionneurs, bien sûr, du grain à moudre! Et peut aiguiser les appétits! Je le conçois aisément.

Maintenant, pour répondre à votre deuxième commentaire sur ce que je dis de la pièce ovoïde de la collection ABCD que j'ai fait figurer dans le premier chapitre de cette enquête : je n'emploie pas le terme de "faux" à son sujet. Je dis simplement que l'on peut avoir des doutes quant à son attribution, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. J'attire l'attention des lecteurs sur les écarts stylistiques relativement grands entre cette pièce -gravée sur un de ses côtés (ce qui serait la première fois que l'on trouve un Barbu gravé) - et les autres traits plus constants en matière de caractéristiques stylistiques : grandes arcades, orbites creuses, globes oculaires proéminents, yeux percés, nez très marqué, lèvres lippues... Comme je l'écris dans mon enquête, on peut arriver à identifier les Barbus Rabany en grande partie grâce à ces caractéristiques stylistiques.
J'émets un doute, c'est tout, face à cette pièce ovoïde (qui me fait songer aussi à une sorte de père Ubu). Mais j'écoute ce que vous nous révélez de son pedigree, et j'ai d'ailleurs renvoyé, dans la légende que j'avais mise au bas de l'image, à votre commentaire. Je ne l'identifie pas non plus exactement à un Jean Pous, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit, je me contentais de remarquer sa parenté avec les pierres gravées, grattées de ce dernier. Et je trouve cette sculpture très intriguante par ailleurs (peu importe qu'elle soit un Barbu Rabany ou plus du tout... Elle reste une pièce remarquable).

Il est fort possible en effet qu'Antoine Rabany, dit "le zouave", variait son travail. Tout en restant - si on se fonde sur les Barbus publiés en 47-79, et la documentation photographique publiée par la collection de l'Art Brut (où je note qu'on ne trouve pas mention de la pièce dont vous nous dites qu'il l'a laissée à Ossorio) - relativement constant dans certains attributs stylistiques de ses statues. C'est d'ailleurs grâce à ces constantes qu'on peut identifier les Barbus en l'absence de leur auteur, mort en 1919.

Cependant, on a des exemples - l'animal ressemblant à un ver, par exemple, figurant dans les albums photographiques de Dubuffet, que j'ai reproduit aussi dans mon premier chapitre de l'enquête - que Rabany, si c'est bien lui l'auteur de ce ver, pouvait parfois tenter des formes nouvelles.

Écrit par : Le sciapode | 14/04/2018

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Quel nom suggérez vous pour une notice bio?

Écrit par : Decharme | 14/04/2018

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En toute rigueur, il faudrait mettre "Antoine Rabany, dit le Zouave (auteur des "Barbus Müller")". La parenthèse étant à garder par rapport à l'histoire du désormais ancien "pedigree" de ces sculptures...

Écrit par : Le sciapode | 14/04/2018

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"On ne saura probablement jamais rien de l'auteur (ou des auteurs) des "Barbus Muller", ainsi nommés parce qu'ils ont appartenu pour la plupart à un collectionneur suisse de ce nom", écrivait Michel Thevoz dans son célèbre livre "l'Art brut" en 1975 (page 195).
Voila une énigme résolue avec brio!! Félicitation cher Bruno pour ce travail de détective.
Hervé

Écrit par : Herve Couton | 01/05/2018

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Merci Hervé.
Michel Thévoz qui, pour le moment, prévenu en privé, n'a pas réagi à la dissipation du mystère d'une origine que l'on aurait peut-être préféré, du côté de nos amis conservateurs des collections de l'art brut, voir rester dans les brumes... Mais il peut certes y avoir beaucoup de raisons au silence après des mails envoyés.
Il y a aussi le silence étourdissant des responsables actuels de la Collection de Lausanne, comme de ceux du LaM du reste, suite à la mise en ligne de mes révélations.... Nos conservateurs sont -ils si occupés et préoccupés que cela en ce moment pour ne pas donner un signe de vie quant à cette élucidation? Il doit y avoir de cela certainement...

Écrit par : Le sciapode | 01/05/2018

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Tenez-nous au courant des premières réactions. Ce silence est inquiétant en effet.

Écrit par : Gabrielle | 04/05/2018

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