12/05/2021
Les statues angoissantes de Paris (1)
Comme Dubuffet qui ne pouvait plus voir d'art dans les lieux impartis aux expositions durant l'Occupation du début des années 1940, du fait de la présence des Nazis justement, et qui se rabattait donc sur les graffiti, notamment ceux photographiés par Brassaï (voir les livres sur la question, et la revue Minotaure), je cherchais toujours à voir durant les derniers confinements intra muros à Paris les endroits où l'on peut librement accéder à de l'expression artistique en l'absence des musées fermés depuis des lustres (en dépit du fait que l'on pourrait imaginer des jauges, des écarts entre les visiteurs, des horaires plus grands, des ouvertures en nocturne, etc.). Au lieu des Nazis, c'est la Covid 19 qui nous occupe en effet.
A force de me promener dans Paris que je ne quitte plus et sillonne donc de long en large, je me suis rendu compte que plusieurs artefacts présents dans les rues, des statues dans les lieux publics, étaient étrangement angoissants, bizarrement choisis, je trouve... Pour confronter mon impression à celle de mes lecteurs, je propose donc ici quelques exemples.
Pompidou, dans un parc près de l'Elysée, grande statue assez effrayante, raide comme un piquet avec comme un balai dans le cul ; il paraît que Claude Pompidou, quand elle a découvert la statue, a pris peur et s'est enfuie à toutes jambes ...
Autre grande gigue, installée sur les bords de la Seine, vers le Pont de l'Alma, un "hommage à Komitas et aux 1 500 000 victimes du génocide arménien de 1915 perpétré dans l'empire ottoman", statue passablement lugubre à ne pas croiser en pleine nuit sous peine de chopper une dépression fulgurante...
Etienne Martin, Personnage III, jardin des Tuileries ; statues d'aspect cartilagineux, comme des membres humains rongés par l'eau et lentement fossilisés.
Sorte de père Ubu dans le même Jardin des Tuileries, près d'une aire de jeux, présence vaguement menaçante... Grand tas flasque et pourtant solidifié.
Au-dessus de l'entrée d'une crèche collective, rue de La Tour d'Auvergne (IXe ardt), quelques figures de morts-vivants pour accueillir au mieux les petits...
Ailleurs (rue Andréa Del Sarte, dans le XVIIIe ardt), on préfère les crocodiles comme hôtesses d'accueil...
Et quand les petits enfants seront plus grands, ils auront la joie de retrouver leurs grands-parents à l'image exemplaire de ces deux croulants sur le Déclin du Square Jules Champlain, le long du Père Lachaise, la destination finale qui explique peut-être l'attitude sinistre des deux vieux, tournés vers lui...
(Photos Bruno Montpied)
00:07 Publié dans Paris populaire ou insolite | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : statues angoissantes de paris, dubuffet, nazis, occupation de paris, covid 19, square jules champlain, pompidou, étienne martin, génocide arménien, sculptures sur les écoles | Imprimer
Commentaires
La grosse merde du jardin des Tuileries repeinte dans la couleur de la statue de Pompidou serait particulièrement réussie.
Écrit par : Atarte | 15/05/2021
Répondre à ce commentairePompidou, on dirait qu'il est revenu à Montboudif et qu'il en a profité pour faire un tour à la foire aux bestiaux d'Allanche, et là, il s'est approché un peu trop d'une vache juste au moment où elle lançait quelques bouses.
Écrit par : Isabelle Molitor | 16/05/2021
Répondre à ce commentaireLes bébés à l'entrée de la crèche sont vraiment flippants! Le Pompidou est tellement moche qu'il en devient amusant... Il a les bras trop courts...Quant au petit truc aux Tuileries, c'est une sculpture d'Erik Dietman, un artiste contemporain très en vogue dans les années 80-90, dont on entend moins parler aujourd'hui...
Écrit par : Darnish | 18/05/2021
Répondre à ce commentaire..."Erik Dietman... dont on entend moins parler aujourd'hui..." Comme de juste, le hasard faisant (bien?) les choses, ou du moins accompagnant adéquatement cette situation d'oubli, la plaque - qui, au sol, était chargée de décliner l'identité de l'artiste auteur du gros tas verdâtre - s'était elle-même effacée, le temps passant inexorablement, emportant avec lui faste et ancienne célébrité. Tout lasse, tout passe, tout casse, voyez-vous...
Écrit par : Le sciapode | 19/05/2021
Cette sculpture de Dietman s'appelle "L'ami de personne". Je crois que l'aspect repoussant de la chose est volontaire.
Écrit par : Régis Gayraud | 20/05/2021
Donc, il s'agirait d'une sculpture conçue pour ne plaire à personne, et qui aurait tout de même réussi à être commandée pour ce jardin? Les motivations des commanditaires laissent perplexes...
De plus, au fond, c'est peut-être un autoportrait prémonitoire de ce Diète man.
Écrit par : Le sciapode | 20/05/2021
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