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07/05/2021

"Le Ciment des rêves, l'univers sculpté de Gabriel Albert", ou comment un inspiré du bord des routes peut être exposable au musée

     L'exposition montée au Musée-Jardins Cécile Sabourdy, à Vic-sur-Breuilh, au sud de Limoges, mise en place à ce qu'il semble durant ces mois-ci, sans que le public puisse la voir, consacrée à une quarantaine de sculptures de l'autodidacte naïf Gabriel Albert (1904-2000), ouvrira ses portes, on l'espère tout bientôt (le 19 mai?).

L'envers du décor, petit sujet sur les étapes du transfert des oeuvres de Gabriel Albert de Nantillé à Vic-sur-Breuilh, une entreprise, à mes yeux, exemplaire...

 

    J'ai déjà eu l'occasion sur ce blog de mentionner les différentes étapes de restauration des statues de son jardin, aujourd'hui propriété de la Région Nouvelle-Aquitaine (après avoir fait l'objet d'un legs de son auteur à sa commune de Nantillé, en Charente, en 1999, juste avant sa disparition). C'est bien sûr un site que j'ai mentionné honorablement dans mon inventaire des environnements populaires spontanés, Le Gazouillis des éléphants (livre épuisé aujourd'hui, après son édition en 2017 ; l'éditeur se propose de le rééditer dans environ deux ans). J'avais dès 1989 commencé d'en parler dans un article paru dans l'excellente revue littéraire, Plein Chant, où j'ai contribué à introduire l'art populaire brut ou naïf. L'article s'intitulait "Le Ciment des rêves". Edmond Thomas, l'émérite éditeur de Plein Chant, avait repris mon titre comme intitulé de tout le numéro (44) de sa revue. Et voici donc que ce titre connaît, grâce à Stéphanie Birembaut, la directrice du musée Cécile Sabourdy, une seconde jeunesse pour accompagner la présentation hors-les-murs, hors site, des sculptures de Gabriel Albert à l'intérieur du musée de Vicq-sur-Breuilh.

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Vue aérienne du Jardin de Gabriel, telle que mise en ligne sur le site web de l'Inventaire Poitou-Charentes.

 

      J'adhère personnellement en plein à ce genre de projet, que certains esprits chagrins pourraient discuter. Doit-on muséifier un jardin de sculptures prévues initialement pour être présentées dans un espace en plein air, pourront-ils rétorquer? Il faut savoir que Gabriel Albert avait eu des velléités de devenir un artiste avant de se convertir, pour gagner sa vie, au métier de menuisier. Ses statues (il en a créé environ 420, actuellement en cours de restauration grâce à l'investissement de la Région) sont des œuvres artistiques, au même titre que les œuvres des artistes savants, issus des écoles d'art ou non. Pourquoi n'auraient-elles pas droit à être présentées aussi dans des espaces muséaux? En en barrant l'accès aux autodidactes environnementalistes, cela ne révèle-t-il pas un désir de les censurer, de les rabaisser? Pourquoi ces œuvres n'auraient-elles pas droit à des explorations menées par des chercheurs, également, qu'ils soient indépendants (comme moi) ou universitaires? Il convient seulement, en les exposant (les dispositifs muséaux sont passionnants à étudier), de tenir compte de leur contexte de présentation à l'origine, en rappelant entre autres comment leurs auteurs les avaient installées au sein de leur vie quotidienne, les insérant au cœur de la vie immédiate.

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Tableau portrait de Gabriel Albert et tête d'une de ses statues dans l'exposition "Le Ciment des rêves", au musée Cécile Sabourdy.

 

Le jardin de Gabriel sera ouvert les mardis et jeudis du 06 juillet au 16 septembre 2021 : de 10h à 12h et de 14h à 17h30 / contact : 05 49 36 30 05. Selon le site de l'Inventaire Poitou-Charentes, 15 statues en pied, 19 bustes et 9 statues de chats composent l'exposition, qui présente également le portrait de Gabriel Albert, tableau du peintre Marius Levisse (voir ci-dessus), et plusieurs dizaines d’objets provenant de l’atelier du sculpteur-modeleur.

Commentaires

C'est marrant de constater que les bustes, une fois sur un socle dans un lieu aussi solennel que peut être un musée, prennent une autre stature. J'imagine que, dans le jardin, à leur place initiale, ils pouvaient prêter à sourire pour le passant lambda, comme c'est souvent le cas pour les environnements... Le même passant, une fois dans le musée, y regardera de plus près, reculera, tournera autour, avec tout le sérieux que ce décorum impose... A contrario, les sculptures de John Chamberlain (dont j'apprécie parfois le travail par ailleurs), vues il y a un an, dans une galerie parisienne très influente sur marché de l'art, perdraient absolument toute leur aura si elles étaient installées dans un jardin... Le passant ne rirait même pas, il n'y verrait qu'un jardin négligé où des tas de ferrailles s'entassent. L'espace où sont présentées les œuvres influence grandement le regard qu'on porte sur elle... Rien de nouveau sous le soleil, mais ça m'est apparu nettement en voyant les bustes de Gabriel Albert sur leurs socles.
A part ça, il n'y a pas de son sur la vidéo, c'est normal?

Écrit par : Darnish | 08/05/2021

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Oui, pour le son absent, apparemment c'est normal. C'est muet. Vous pouvez aller vérifier sur le site de l'Inventaire Poitou-Charentes dont j'ai mis le lien par deux fois ci-dessus.

Écrit par : Le sciapode | 10/05/2021

Un musée a cette extrêmement importante fonction de convier les visiteurs à regarder ce qui y est exposé. Venez et voyez. Les usagers des musées vont en de tels endroits parce qu'ils savent qu'ils sont réservés à l'éveil de leur attention.
Personnellement, mon regard reste attentif à l'esthétique même à l'extérieur des musées dans tous les spectacles de la vie quotidienne. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Ceux qui vont au musée sont parfois dressés à regarder, seulement dans ces enceintes. L'idée ne leur vient pas quand ils sont à l'extérieur. Ils ne comprennent d'ailleurs pas ceux qui plaident pour une beauté possible d'oeuvres exposées dans ces décors de la vie quotidienne, parce que leur entendement est dressé pour ne pas aller au delà des lieux réservés à l'émotion esthétique et poétique.
Si les jardins d'autodidactes populaires, pas étiquetés comme artistes patentés, sont si intéressants, c'est justement parce qu'ils remettent en cause les limites des lieux réservés à l'émotion esthético-poétique devant des oeuvres. C'est pourquoi je me suis employé par tous les moyens à les faire connaître et à les défendre, de préférence aux environnements d'auteurs plus artistes (tels Chomo, Danielle Jacqui, Nikki de Saint-Phalle, Robert Tatin...). Ils étendent à la vie quotidienne notre rapport à la beauté.

Écrit par : Le sciapode | 10/05/2021

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Le soin porté au transport des sculptures nous change du dilettantisme qu'on observe parfois dans les milieux de la culture marginale. Voilà une occasion où l'on a respecté les oeuvres. Et le musée Sabourdy est un joli petit musée gouleyant plein de saveur. J'y suis allé il y a quelques années, alors qu'il venait d'ouvrir et qu'à l'étage, dans la fraîcheur du grenier (les climatiseurs étaient déjà installés), quelques Sanfourche seulement faisaient leurs exercices de gymnastique. Sur le badigeon neuf pointait déjà la sensation que ce musée serait un bel espace de présentation. Alors y retourner, pourquoi pas? Il y a des endroits bien pires. Cécile Sabourdy, c'est pas si laid - ça vous r'dit?

Écrit par : Régis Gayraud | 10/05/2021

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"Le soin porté au transport des sculptures nous change du dilettantisme qu'on observe parfois dans les milieux de la culture marginale...": DES NOMS, Tudieu!

Écrit par : Le sciapode | 14/05/2021

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