18/09/2009
Un monde modeste, film sur Arte
Le dimanche 27 septembre à 23h25 sur Arte, sera diffusé le documentaire de Stéphane Sinde, écrit avec Bernard Tournois, réalisé cette année, "Un monde modeste" (52 min).
Consacré essentiellement à l'art modeste - ce concept voulu indélimité et forgé par Hervé Di Rosa, traitant d'un champ de l'art particulièrement vivant et souvent poétique, grosso modo l'art populaire manufacturé, le monde des collectionneurs de bibelots, objets et images publicitaires, le kitsch, etc. - ce film permet d'apercevoir (vite, car l'esthétique du film a fort à voir avec le clip) Guy Brunet dans son décor, Joseph Donadello, Bernard Belluc et ses installations compulsives, Alfredo Vilchis, l'habitant-paysagiste populaire Yves Floch, "l'Organugamme" de Danielle Jacqui, ainsi que divers médiateurs, Hervé Di Rosa, Bernard Stiegler, et Pascal Saumade (récent commissaire de l'exposition "Kitsch-Catch", qui après une première installation à Lille, s'est déplacée ensuite début 2009 au Musée International des Arts Modestes à Sète, musée dont on voit quelques images fugitives dans le film).
Ce film, que nous avons vu en projection pour la presse (le P.S. ne recule devant rien pour satisfaire ses lecteurs), disons-le tout de suite, ne sert peut-être pas bien la cause de l'art dit modeste. Et encore moins celle des créateurs populaires qu'il nous laisse par bribes superficielles entrapercevoir. Le montage rapide, amusant au début, cherchant à créer l'illusion de la modernité (qui est aujourd'hui assimilée dans une large frange du cinéma documentaire à la vitesse, à l'épate par l'étourdissement, plutôt qu'au temps laissé à la réflexion), devient vite agaçant. Certains créateurs semblent même présentés pour amuser la galerie (Guy Brunet est montré en train de faire un film à partir de ses silhouettes naïves, faisant parler des effigies de cartons comme des marionnettes, le public rigole de tant de naïveté...). On amalgame les plus inspirés (Brunet, Donadello, Floch, Vilchis, Belluc) avec des histrions a priori légèrement hystériques et incohérents (Michel "El coyote" Giroud).
De temps à autre des fragments surnagent. Le philosophe Bernard Stiegler (qui sort un livre chez Galilée ces temps-ci) insiste sur l'esprit de résistance à la pensée unique qui se manifeste chez les créateurs autodidactes, ainsi que sur la collectionnite qui caractériserait les travaux et autres objets réunis dans l'art modeste. Un artiste péruvien parle de cette nouvelle forme d'art qu'il pratique - et qui pourrait s'appliquer aussi à l'entreprise de Bernard Belluc - "le collage-archivage". Mais son interview, là comme ailleurs, passe à la vitesse du TGV, on a à peine le temps de le remarquer encore moins de s'en souvenir... Di Rosa, pourtant à l'origine le fondateur du concept d'art modeste, est à peine interrogé. Pascal Saumade, excellent dénicheur de talents populaires contemporains (ex-votos mexicains, imagerie du catch, affiches et portraits naïfs de Guy Brunet, posters faits main pour la publicité de films ghanéens de série Z), fait des apparitions fantomatiques.
Le film n'est qu'un tourbillon de couleurs et de fragments de phrases qui laisse l'amateur de ces formes d'art profondément sur sa faim. Pourtant le concept d'art modeste mériterait mieux, une collection de petits films (posés) sur chacun de ses domaines. On pourrait pousser plus loin l'interrogation à propos de ses diverses sous-catégories. L'art brut est-il un sous-ensemble de l'art modeste? Le terme de "modeste" n'est-il pas dépréciatif pour des Donadello, des Floch, des Guy Brunet, des Alfred Vilchis? Danielle Jacqui à un moment du film a le mérite d'avoir repéré le bât qui blesse, elle le clame avec netteté: "Je ne suis pas modeste, je fais l'Organugamme"... Jacqui pas modeste, ça, on peut dire qu'elle parle d'or. Il est du reste passablement paradoxal que le Musée des Arts modestes lui ait précisément proposé à elle d'exposer son projet en cours, le Colossal d'Art Brut, initialement projeté pour décorer la façade de la gare d'Aubagne (voir son blog en cliquant sur le lien à son nom).
On aurait pu, surtout, laisser parler les créateurs populaires, et laisser de côté les spécialistes de la pensée, si intéressants soient-ils. Mais peut-être veut-on voir le populo sous un oripeau décidément trop modeste?
18:39 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art modeste, miam, pascal saumade, hervé dir rosa, stéphane sinde, joseph donadello, bernard belluc, guy brunet, environnements spontanés, ex-voto mexicains | Imprimer
11/03/2009
Ex-voto du Mexique, Alfredo Vilchis en particulier
La galerie Frédéric Moisan accroche à ses cimaises (jusqu'au 29 mars prochain, se presser...) les petits "retables" naïfs du peintre mexicain d'ex-voto contemporains Alfredo Vilchis, ainsi que ceux de ses descendants, puisqu'à présent c'est tout une famille de peintres qui turbinent pour pondre de l'ex-voto à tour de bras (comme dans le cas de la famille Linarés qui fait dans le squelette polychrome) dans un faubourg de Mexico.
On connaît déjà passablement les peintures de cette famille depuis la parution du livre de Pierre Schwartz, préfacé par Victoire et Hervé Di Rosa, Rue des Miracles, ex-voto mexicains contemporains (Le Seuil, Paris, 2003), qui recensait de nombreux tableaux, dont certains du reste se retrouvent dans cette exposition.
Cette forme d'art populaire contemporain, encore très vivante au Mexique, intéresse comme on sait les animateurs et les sympathisants du Musée International des Arts Modestes de Sète. Parmi eux, Pascal Saumade, animateur par ailleurs de la structure nomade appelée Pop Galerie, avait monté il y a quelques années rue d'Orsel à Montmartre, dans les anciens locaux de l'Art's Factory, une exposition d'autres peintres populaires mexicains d'ex-voto, comme l'auteur du "retable" (tableau) ci-dessous, moins connu qu'Alfredo Vilchis qu'on a tendance à citer un peu trop exclusivement depuis quelque temps...
J'avais cru comprendre à l'époque -mais n'ai-je pas halluciné?- que beaucoup de ces ex-voto portaient des dates qui pouvaient être bien antérieures à leur date d'exécution. Vrai? On aimerait avoir des renseignements plus précis là-dessus... J'ai fait un échange il y a quelque temps avec Frédéric Lux de quatre ex-voto, eux aussi mexicains, dont trois datés des premières années du XXe siècle paraissent visiblement peints avec un pigment bien plus proche de nous dans le temps (le quatrième est plus patiné, donc peut-être plus ancien, paraissant d'une autre main que les trois premiers)... Je laisse juges mes lecteurs...
23:42 Publié dans Art immédiat, Art naïf, Art populaire insolite, Danse macabre, art et coutumes funéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alfredo vilchis, galerie frédéric moisan, di rosa, ex-voto mexicains | Imprimer