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Frère de tout le monde...
Frère de tout le monde, voici qui peut parfois entraîner de lourdes responsabilités... Bonne année nouvelle à tous, cela dit.
Dessin de Huub Niessen, Brother of everybody...
A signaler en 2017 deux événements me concernant de près : une exposition Bruno Montpied-Huub Niessen à la Galerie Dettinger-Mayer, 4 place Gailleton à Lyon 2e ardt – du 17 mars au 7avril –... et la parution de mon nouveau livre, un inventaire des environnements populaires spontanés, intitulé Le Gazouillis des éléphants, (sortie prévue à l'automne 2017, aux éditions du Sandre). Cela devrait être un gros ouvrage plein d'images et de textes inédits, de quoi faire le panégyrique d'une véritable France parallèle des créateurs ingénus inconnus...
Cette annonce figurait dans la dernière carte de vœux des éditions du Sandre en 2016, avec les parutions à venir...
01/01/2017 | Lien permanent | Commentaires (4)
Boucherie, bouc, gaillard et chérie
Cette note contient une mise à jour (une correction)
Une autre photo prise par Fatimazara Khoubba et Alain Dettinger, cette fois du côté de Dornecy dans la Nièvre m'a été également adressé il y a peu.
Selon Fatimazara, ce serait la révélation d'un boucher reconverti dans une viande plus tendre (excusez le jeu de mots trivial...). On pourrait l'imaginer à première vue. Cependant, examinons attentivement cette devanture d'ancienne boucherie-charcuterie reconvertie en brocante. C'était la boutique d'un certain Gaillard. Le broc qui l'a remplacé a inscrit pour sa part le nouveau nom de la maison, "le bouc qui fume"... Un gaillard, un bouc, qui "fume", qui vend, qui achète, qui débarrasse... Si j'habitais par là-bas, je m'inquiéterai des "chéries" qui croisent dans la rue.
30/10/2014 | Lien permanent | Commentaires (1)
Les indigènes de Pierre Blondeau
Natif de Lyon, plusieurs fois exposé déjà par le passé dans la galerie Dettinger-Mayer, Pierre Blondeau y fait un retour du 5 mars (jour de vernissage) au 5 avril prochains. Le carton d'invitation à l'expo est particulièrement frappant.
Ceux que l'artiste appelle ses "indigènes" sont groupés devant le spectateur comme des marionnettes ou des poupées faites de matériaux, de pigments et objets composites, évoquant des fragments de cultures dites "primitives", ou populaires aussi bien, elles-mêmes brassées, rebattues telles des cartes de jeux différents, poker, tarot, jeux de sept familles mélangés. Certaines figures du groupe ci-dessus représenté évoquent par ses faces macabres aux orbites creuses l'art mexicain de la fête des morts. Mais les poupées vaudou haïtiennes paraissent elles aussi hanter le créateur, de même que pour ce qui concerne les teintes, ou les matières employées, on soit tenté de penser à l'art africain. Tel personnage auréolé d'une cape comme ouatée paraît fait de la même cire que celle que l'on rencontre chez certaines figurines de reliquaires occidentaux.
L'auteur dans un texte que l'on peut lire sur le site de la galerie affirme sa détermination à "bannir tout mysticisme" de ses personnages dont seule la matière parle. On aurait envie de s'en saisir pour jouer à la poupée, mais à des jeux de poupée bien peu usuels, où la fiction qu'on élaborerait en les manipulant s'inventerait automatiquement, comme il y a une écriture et un dessin automatiques. Comme un théâtre de marionnettes où le marionnettiste ne saurait pas le texte de sa pièce avant de pouvoir manipuler ses pantins.
L'exposition est accompagnée d'une autre, celle de Jean Veyret, auteur de boîtes aux narrations elles aussi faites d'objets et matières assemblés pour des "histoires sans paroles" (titre de l'expo). Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, 2e ardt, Lyon (dans la Presqu'île). Ouv. du mardi au samedi de 15h à 19h30, le matin sur RV.
28/02/2010 | Lien permanent | Commentaires (1)
Monleme Gladys (c'est pas une jeune fille)
De passage à Lyon, le week-end du 1er mai dernier, j'ai fait un petit bonjour à mon galeriste préféré, l'ineffable Alain Dettinger qui, en dépit du black out des lieux fermés pour cause de pont du 1er mai, était resté ouvert, parce que pour lui il ne s'agit pas d'un travail mais d'une passion, de l'air qu'il respire chaque jour, quelle que soit l'actualité. Il y avait toujours autant de tableaux et d'objets, de photographies accrochés aux murs et surtout entassés au sol, bouchant toute l'arrière-boutique. En voilà un à qui on devrait donner un peu plus d'espace, tant son travail de découvreur et de défricheur de talents ressemble à une entreprise de salubrité publique. Car nos esprits ont autant besoin de remèdes que nos corps.
Il exposait les savants travaux d'équilibrisme en noir et blanc de Danielle Stéphane, je l'ai déjà signalé. Et comme toujours, en marge de son expo du moment, il y avait pour moi une autre découverte à faire. Alain Dettinger est un passionné d'Afrique comme on sait, c'est l'autre registre de sa galerie, parallèle à l'art plastique et graphique de singuliers contemporains. Il avait rencontré en compagnie d'une amie galeriste, située un peu plus loin de son échoppe (il est place Gailleton dans la Presqu'île à Lyon), à savoir la Galerie du Triangle, 33, rue Auguste Comte, un artiste béninois autodidacte (comme semblent l'être beaucoup de créateurs contemporains en Afrique noire), se présentant sous l'étrange prénom féminin de "Gladys". La Galerie du Triangle lui organise une exposition qui dure jusqu'au 16 mai.
Alain Dettinger pour sa part s'est contenté d'acquérir deux peintures de cet artiste, toutes deux signées plus complètement "Monleme Gladys". Il paraît vivre à Abomey, au Bénin, et créerait quelque peu dans l'orbite d'un autre artiste de là-bas, déjà pas mal "lancé", le dénommé Dominique Zinkpe, créateur d'un centre culturel, qui lui-même a parmi ses influences admises le peintre d'origine haïtienne Jean-Michel Basquiat. Et ce dernier, pour le côté peut-être un peu déstructuré de ses compositions paraissant souvent sur le point de se dissoudre, est sans doute une référence aussi pour notre Gladys.
Monleme Gladys, sans titre (un homme tient à bout de bras sa tête coupée, tandis qu'un autre homme le menace de sa lance), 83 x 87 cm, technique mixte (sur papier marouflé sur panneau de bois?), 2010, Galerie Dettinger-Mayer, Lyon, ph. Bruno Montpied
Monleme Gladys, sans titre (accouchement d'un serpent par le bas et accouchement d'un être humain par le haut...), 83 x 87 cm, technique mixte (sur papier marouflé sur panneau de bois?), probablement de la même année 2010 que le précédent, coll. privée, Paris ; ph. B M
Les deux compositions m'ont fait penser que l'homme doit en outre être inspiré par les mythologies propres à son pays, car en dépit du fait qu'elles sont assez sobres, tracées sur un fond uni quoique plein d'une matière graineuse, elles restent assez difficiles à interpréter pour un Européen peu au fait de ces mythes, ce qui est mon cas.
Détail d'un portrait de Gladys devant ses peintures, archives Alain Dettinger, 2015
Le problème, c'est qu'à côté de ces deux compositions-là, l'artiste en question paraît travailler parfois un peu plus vite, et peut-être de façon moins inspirée (afin de satisfaire à une commande qui le bouleverse ?). L'exposition de la Galerie du Triangle de mon point de vue révèle cet aspect préoccupant (car le fait de se montrer inégal peut desservir grandement un artiste, par la réputation qu'elle risque de lui tailler), même si dans l'ensemble on peut découvrir de fort belles choses en ce lieu courageux. Si un grand tableau sans titre au centre de l'expo reste de très belle facture (voir ci-dessous), ainsi que deux ou trois autres compositions sur panneaux, plusieurs dessins sur papier paraissent cependant moins frappants.
Gladys, sans titre, sans date (?), environ 1 m x 1 m (?), peinture sur panneau ou toile, exposition Galerie du Triangle, 2015 ; ph. BM ; c'est l'une des plus intéressantes œuvres de l'expo
Gladys, une autre de ses grandes peintures exposées Galerie du Triangle, elle aussi fort belle... ; ph. BM
Gladys, une de ses peintures sur papier datée de 2014; l'inspiration n'est-elle pas moins forte ici (personnages moins narratifs, posés platement côte à côte, seule la couleur paraissant avoir été traitée avec attention) ? Exposition Galerie du Triangle, 2015 ; Ph BM
Alors? Qu'est-ce qui explique cette différence d'inspiration et de graphisme entre les peintures de 2010 et les quelques œuvres de 2014 montrées en ce moment à Lyon? Mais il faudra sans doute attendre d'en voir davantage... Ce qui n'est pas sûr d'arriver quand on connaît le grand nombre d'artistes qui créent en Afrique, notamment de l'Ouest.
08/05/2015 | Lien permanent
Art brut inconnu ou dessin automatique: qui était Philippe Bat?
C'est Alain Dettinger, l'excellent galeriste de la Place Gailleton de la Presqu'Île à Lyon qui m'a mis sous les yeux le dessin minutieux suivant:
Philippe Bat, dessin sans titre, 1976, coll. privée, Paris
Signé "Philippe Bat" et daté du "23-3-76", ce dessin porte une autre inscription au verso de son cadre: "CH Le Vinatier. Exposition du 16-5-76, 95, bd Pinel, Lyon". Avec le cadre, l'ensemble mesure 36,5 x 30 cm. Le dessin seul, 22,5 x 17 cm.
Apparemment, ce dessin fut donc exposé, et vendu puisqu'il s'est retrouvé récemment sur une brocante. Philippe Bat, est-ce que cela dirait quelque chose à un de mes lecteurs? A moi, et à Alain Dettinger, cela ne dit rien. Il semblerait seulement que des productions de pensionnaires du Centre Hospitalier du Vinatier soient rares dans ces années-là. Ce qui est plutôt curieux, quand on sait que les œuvres d'aliénés ont été souvent conservées soit dans les archives des hôpitaux dans les dossiers médicaux, soit dans les collections de psychiatres divers. Le Centre d'Etude de l'Expression à l'Hôpital Saint-Anne à Paris conserve ainsi une riche collection de productions d'art plastique venues d'un peu partout dans le monde suite à la grande exposition de 1950 dans cet hôpital sur ce qu'on appelait alors "l'art psychopathologique".
Ce dessin est très finement exécuté, aux limites de la visibilité par endroits, avec beaucoup de soin et de sensibilité. Je ne sais rien du pigment utilisé, peut-être de l'encre de couleur. Il me semble que sa composition s'est réalisée de façon automatique, au hasard, en fonction des impulsions de la main et des orientations évolutives du cerveau. On peut y deviner comme une tête de profil, la partie circulaire en haut, tracée telle une ébauche de tourbillon, figurant peut-être un œil, la partie un peu étranglée du bas ressemblant à un cou. C'est comme un nez en trompette qui s'esquisse à droite, avec de fines lèvres esquissées juste en dessous. De même, il semble que l'on puisse deviner à gauche une oreille. Mais si l'on peut imaginer que l'on voit là une tête de profil, on peut aussi noter à quel point elle paraît se dégager d'une valse de points, de stries et de hachures apparentant la composition à une sorte d'efflorescence végétale ou arboricole.
A regretter que ce Philippe Bat ne nous ait pas laissé d'autres témoignages de cette inspiration hautement raffinée. Définitivement?
22/08/2013 | Lien permanent
L'autre Biennale à Lyon, hors-les-normes paraît-il
C'était le dernier jour hier, choisi en mon honneur puisque c'était la Saint-Bruno. Non, je plaisante. Pas sur le fait que c'était le dernier jour cependant (enfin pas pour toutes les expos qui se sont affiliées à ce programme... Vous n'avez pas tout compris? Pas grave).
Je n'ai pas eu la possibilité de la visiter de fond en comble cette biennale, prévue pour se tenir en parallèle et peut-être (sûrement) en opposition à la Biennale d'art contemporain qui a lieu aussi à Lyon au même moment, et qui paraît véhiculer beaucoup d'importance nulle. Si bien qu'il ne dut pas être difficile pour les organisateurs de l'Hors-les-Normes, la "VeBHN", comme ils disent, de faire mieux. Prévue pour s'exposer en 27 lieux (tout de même), cette Biennale qui fête ses dix ans donc a réussi cette année à monter quelques intéressantes exhibitions qui nécessitent que je m'en fasse l'écho (l'expo de la galerie Dettinger sur quatre créateurs marocains découverts à Tanger que j'ai chroniquée il y a quelques jours se tient parallèlement à cette BHN, sans faire partie pour autant de son programme). J'ai relevé notamment dans ce programme-dépliant, par exemple, au 5 rue Bonald dans le 7e ardt, la galerie Korova Art Cubby Hall qui montrait des Jaber (voir ci-contre ; en allant dans l'arrière boutique de ce petit local au nom grandiloquent on pouvait aussi découvrir des affiches peintes du Ghana, et des Tokoudagba (une mami wata, ai-je rêvé? Je suis passé en effet très vite, comme au pas de charge en compagnie d'amis pressés)).
Juste à côté, dans une boutique de tatoueur, intitulée -manie de l'invasion de notre pays par les mots anglo-saxons- "In my brain" (18 rue Bonald), se tenait une autre exposition où une artiste répondant au doux nom d'"Aup'titbazar", en réalité de son autre nom Alice Calm, montrait des sous-verres remplis de cheveux dessinant de folles arabesques, parfois empesées d'on ne savait trop quelle poisse blanche...
Alice Calm, sous-verre où dansent des cheveux (pas eu le temps de demander si l'œuvre avait un titre, une date...), galerie "In my brain", Lyon 7e ardt, photo Bruno Montpied
Je n'ai pas vu la "sélection BHN" où exposait entre autres l'ami Jean Branciard à l'Université Lyon 2 Campus du Rhône (quai Claude Bernard Lyon 7e), mais je fais confiance à Branciard pour avoir amené de ses esquifs et autres assemblages brinqueballants toujours aussi captivants. Pas vu non plus au Musée des Moulages, cours Gambetta dans le 3e ardt, l'expo "Trouble pictural" consacrée aux protégés français et belges de la Pommeraie (Maurice Brunswick, Michel Dave, Paul Duhem, Alexis Lippstreu, Jacques Trovic, Jean-Michel Wuilbeaux, entre autres), mais je fais confiance là aussi à cet atelier le plus connu d'Europe pour ses créateurs inventifs malgré leurs différents handicaps.
Parmi les autres lieux, devaient certainement être intéressants "le singulier boudoir" installé à la mairie de Lyon 3e ardt avec des œuvres de Marilena Pelosi, Evelyne Postic, Joël Lorand, Jo Guichou, Paul Amar, etc. qui avaient été prêtées par l'association Bab'Art venue du Gard, ainsi qu'à la MAPRA, dans le 1er ardt, l'expo "American folk art" montée par la revue Gazogène et Jean-Michel Chesné qui ont tiré un numéro spécial à ce sujet (le n°35 de la revue), les œuvres présentées paraissant avoir été prêtées par Chesné.
Par contre, j'ai perdu beaucoup de temps à dénicher une autre petite exposition perdue dans le hall de l'Ecole Normale Supérieure située au métro Debourg (dans le 7e ardt encore). Alain Dettinger m'en avait dit le plus grand bien, à cause de la présence parmi les trois exposants d'un certain Christopher Simmons, créateur qu'il avait cotoyé en Australie dans les années 80, et qui dessinait de façon primesautière sur des serviettes en papier à l'exclusion de tout autre support. Cette ENS laissait voir plusieurs de ses dessins effectivement attachants et remarquables, dessins qui avaient été prêtés par Alain Dettinger. Je me suis laissé dire que ce Simmons a peut-être des dessins conservés à Lausanne, est-ce vrai ? (A vérifier). La quête fut longue, mais la découverte payante. A signaler que cette expo-là, intitulée "Encrés dans l'invisible", se termine le 19 octobre. Enfin, saluons le fait que toutes les expos de cette Biennale étaient, et sont, libres d'accès. En ces temps où certains musées et autres Outsider Art Fair font payer leurs entrées à des prix astronomiques anti démocratiques (révélateurs du public auquel on destine désormais l'art brut par une odieuse captation d'héritage), c'est à marquer d'une pierre blanche...
Christopher Simmons, autoportrait à la coupe en brosse, env. 18x18 cm, 1980, coll. Galerie Alain Dettinger
07/10/2013 | Lien permanent
Ruzena, les encres de l'autre monde
Vendredi 31 octobre, rendez-vous au vernissage d'une nouvelle exposition de Ruzena à la galerie Dettinger-Mayer (la première avait eu lieu en 2005, et j'exposais en sa compagnie ; celle-ci est prévue pour durer jusqu'au 29 novembre 2008). On pourra continuer de pénétrer plus avant dans son monde étrange, proche d'une certaine fantasy graphique qui se nourrit aux meilleurs sources des imagiers raffinés, du type Beardsley, Arthur Rackham et autres Edmond Dulac, sans qu'on veuille non plus réduire Ruzena à aucun de ces auteurs, tant elle a su dresser un univers désormais bien personnel, avec ses racines, son tronc et ses branches qui ne cessent de se ramifier en de multiples directions.
La métaphore de l'arbre ou de la forêt vient rapidement sous la plume lorsqu'on veut évoquer l'imaginaire graphique de Ruzena, tant l'élément végétal est présent dans ces compositions, indépendant des figures humaines, ou parfois fusionnant avec ces dernières. Cet imaginaire est féru de métamorphoses en vérité. Souvent tenté par la cruauté et la torture mais surtout empreint d'un humour noir que l'auteur paraît priser avec gourmandise. Elle aime à jouer avec certaines conventions morales. Les bébés sont en danger chez Ruzena, à moins que ce ne soit que l'image du bébé dans nos sociétés qui soit ainsi visée, en raison des ruissellements de mièvrerie et d'idéalisme béat qui lui sont invariablement attachés... Est-ce qu'on peut voir dans ces images d'enfants tarabustés par les homuncules de Ruzena un petit souvenir des Vivian Girls de Henry Darger?
Apparues ces derniers temps (je lui ai rendu visite dans son atelier récemment, en juillet de cette année), des branches épaisses et ténébreuses, me faisant songer à des cuisses, des fibres musculaires, ou des fuseaux gainés dans des collants noirs, se mettent à serpenter, comme sur l'image qui sert pour le carton d'invitation à l'exposition (ou le dessin ci-dessus intitulé La Haine des autres). Nouveauté qui n'aura peut-être qu'un temps, tant l'auteur paraît avant tout éprise des surprises suivantes que lui apporte son art (elle paraît affamée d'expérimentations nouvelles). J'aime ainsi particulièrement, à la suite d'une autre de ses périodes, des fantômes blanchâtres qui viennent en arrière-plan caresser ou frôler des figures situées au premier plan, peut-être désireux de leur poser des questions qui paraissent les tourmenter secrètement.
"LES BELLES AU BOIS MORDANT
Où sommes-nous? En forêt? Mais dans une forêt d'enfer où des êtres non nés sont pendus, ficelés, indolents. Hésitant entre l'humain et l'hybride. Irrésolus, ils patientent en attendant d'exister tout à fait. Comme des mouches dans la toile d'araignée de l'Oubli. Derrière eux - futur ou passé? - ce qu'ils n'ont pu choisir d'être : des spectres pâles à la lisière du néant dérivent, les yeux vides, l'air de noyés. C'est le maquis où le végétal le dispute à l'animal, où l'on étouffe. Pourtant tout est normal, terriblement normal, jamais on ne se révoltera.
Au coeur de cette jungle serpentine sans haut ni bas, sans autre lueur qu'une brume sépia, mauve, verdâtre ou pourpre, observons le muet appel d'avortons qui, si l'on consent à ne plus les garotter, tendent des bras plaintifs vers leurs mères. Celles-ci s'absentent, leurs corps changeant, tantôt branches, tantôt vagues pythons femelles guettés par la morsure des lianes dragonnes.
Les spectres blêmes gardent cette lente chorégraphie asphyxiée aux promesses d'exsangue éternité."
(B.M. 2005)
Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, 69002, Lyon. Tél: 04 72 41 07 80 ; www.galerie-dettinger-mayer.com ; ouvert du mardi au samedi de 15h à 19h30, le matin sur rendez-vous.
30/10/2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Marjolaine Larrivé, l'Aubrey Beardsley de la savonnette sculptée
Ça m'énervait, je n'arrivais pas à retrouver le nom de ce sculpteur sur savon, particulièrement brut dans la facture, que j'avais découvert à une exposition à la Halle St-Pierre voici quelques années... Et puis ça m'est revenu... Jeffrey Hill, un Américain de New-York, taulard, qui, pour s'occuper et exprimer ses désirs d'homme enfermé avait ciselé des savons avec un incontestable sens de la stylisation et de l'ambivalence des formes, réussissant des scènes érotiques réalistes (le savon implique, peut-être avant tout, des rêves d'amour, par l'évocation des soins corporels?) qui simultanément présentaient une géométrisation à la limite du pictogramme et du symbole.
Jeffrey Hill, la même sculpture sur savon, vue sous deux angles différents, représentant une scène d'amour à trois ; ph. extraite de la revue Hey! n°6, 2011, se référant à l'exposition des œuvres de Jeffrey Hill dans l'exposition, la même année, à la Halle Saint-Pierre, "Sous le vent de l'art brut: la collection Charlotte Zander"
Marjolaine Larrivé, Impalas (qui sont des antilopes ; à noter que seuls les mâles ont des cornes en forme de lyre chez les impalas, paraît-il, mais ici, l'artiste semble avoir fait exprès de renverser la proposition à l'occasion de ses créatures hybrides, à la fois humaines et animales) ; carton d'invitation à l'exposition "Secrètes savonnettes" à la galerie Dettinger du 8 octobre au 29 octobre 2016
Je cherchais à retrouver ce nom et cette occurrence, parce qu'en passant récemment à la galerie Dettinger, place Gailleton, à Lyon, son animateur me parla de sa prochaine exposition consacrée à l'œuvre de "Secrètes savonnettes", alias Marjolaine Larrivé. Rien que son prénom, déjà, fleurait bon le matériau employé. Je me dis, logiquement, qu'il y avait un dossier sur le savon sculpté à ouvrir sur ce blog. Comme me le confia l'artiste, une fois celle-ci contactée, la sculpture sur savonnette existe depuis fort longtemps, depuis au moins le XIXe siècle lorsque des concours de sculpture sur des matériaux insolites (savons, mais aussi marrons...) étaient organisés auprès de la population , sans doute par des magazines du style le Magasin pittoresque, Lectures pour tous, ou La Nature.
Marjolaine Larrivé, les mêmes impalas, éclairés par derrière...
Cette artiste, basée sur Lyon, utilise le savon dans un style plus baroque et moins brut que Jeffrey Hill, elle joue par exemple des transparences en mettant une lumière derrière ses œuvres. Elle avoue aussi être grandement admiratrice des illustrateurs fin XIXe ou début XXe (Beardsley? Edmond Dulac? Pour Beardsley, c'est particulièrement vérifié dans certaines affiches qu'il lui arrive également de réaliser, car Mlle Larrivé est illustratrice à côté de ses savonnettes). La mollesse et la tendreté du matériau incline probablement le sculpteur à la virtuosité et à une précision bénédictine digne des chefs-d'œuvre de compagnons.
Marjolaine Larrivé, Daphné en lauriers, image en provenance du site web de l'artiste ; cette dernière apporte un soin particulier à la mise en valeur de ses savonnettes ciselées en les incluant dans des boîtes
Marjolaine Larrivé, Silver III, photo extraite du site web de l'artiste (comme la précédente)
Et puis, pour prolonger un petit peu plus loin la connaissance de cette jeune artiste lyonnaise, et l'entendre parler de la "douceur lyonnaise" et de sa difficulté, dans les débuts, de se dire "plasticienne", difficulté que je partage avec elle, je dois dire, même à mon âge bien plus élevé... on regardera la vidéo ci-dessous:
Vidéo, source YouTube, auteur: Résonance Chronique ; au début légère introduction à propos de l'exposition d'œuvres de Marjolaine Larrivé à la Demeure du Chaos... La musique est grandiloquente, mais ça ne dure pas très longtemps, l'interview de l'artiste dans son atelier suit très vite...
L'exposition des savonnettes de Marjolaine Larrivé s'accompagne d'une autre consacrée à des dessins de Béatrice Elso (même durée d'exposition). A signaler aussi que dans le dernier numéro de Hey! (n°27 je crois), paru très récemment, le travail de Marjolaine Larrivé a fait lui aussi l'objet d'une note, comme dans le cas de Jeffrey Hill, cinq ans plus tôt, ce qui a ravi l'artiste, m'at-elle confié...
08/10/2016 | Lien permanent | Commentaires (9)
Une exposition consacrée à Marcel Vinsard dans le cadre de la 7e Biennale Hors les Normes de Lyon
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Exposition de Marcel VINSARD 14 septembre au 20 octobre 2017
Taxis Lyonnais
(où, paraît-il, quelques statues seront présentées dans les bureaux, mais aussi, initiative plus étrange, dans un vieux taxi - qui devrait peut-être circuler dans Lyon??)
Lundi au vendredi : 10h-12h / 14h-18h, 83, Rue Jean Jaurès – 69500 Bron T2- arrêt Bron Hôtel de Ville
Dans le cadre de la 7e Biennale Hors-les-Normes de Lyon (aux dates variées selon les événements dont elle est partenaire), va se tenir une exposition consacrée aux pièces sculptées par Marcel Vinsard, le créateur d'un environnement de mille statues, naguère installé à Pontcharra en Isère, et qui a été démantelé à l'été 2016, après sa mort survenue en juillet de la même année.
Démantélement du site de Marcel Vinsard, ph. Fatimazara Khoubba en août 2016 ; on aperçoit, très abîmé, au centre du cliché un portrait de Gérard Depardieu tout ruiné...
Le même portrait de Depardieu du temps de sa "splendeur"; Marcel Vinsard collait souvent dans un coin de ses compositions des photos de ceux qui lui avaient servi de "modèles", ph.B.M., 2013.
Les animateurs de l'association La Sauce Singulière, Loren, Jean-François Rieux et autres, prévenus par le sculpteur Jean Rosset, qui est de la région, connaissaient comme moi cet environnement, et ont eu le temps de récupérer environ deux cents pièces. De mon côté, j'en ai récupéré quelques-unes aussi, dont certaines sont allées au musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier dans l'Aveyron. D'autres sont chez quelques collectionneurs (qui les ont acquises durant une précédente expo à Lyon, déjà organisée par la BHN en 2015). Personnellement j'en conserve six, dont un de Gaulle que j'avais acquis directement auprès de Marcel Vinsard. J'ai gardé aussi, abîmé, le panneau où Vinsard avait inscrit des jeux de mots près de son chalet.
Marcel Vinsard, de Gaulle, coll. et photo Bruno Montpied, 2013.
Marcel Vinsard, masque vert, polystyrène peint, créé vers 2013, ph. et coll. B.M. (devant la galerie Dettinger), 2016.
Marcel Vinsard, "Coiffeur à la retraite...", panneau en polystyréne peint, années 2000, coll. et ph. B.M., 2016
Marcel Vinsard, j'en ai causé sur ce blog le 3 février 2015, après l'avoir rencontré en juillet 2013 en compagnie d'un camarade, suite à un signalement par Alain Dettinger et Fatimazara Khoubba. C'est le type même de créateur d'œuvres éphémères qui installent leurs artefacts en plein air en négligeant absolument la question de la pérennité de leurs œuvres. Il est probable, en outre, que Vinsard ne se faisait aucune illusion sur la suite que donnerait sa famille à ses excentricités... Mais il reste tout de même emblématique de l'attitude toute empreinte d'immédiateté d'une majorité de ces créateurs autodidactes, étrangers aux milieux artistiques. Leurs environnements vivent aussi longtemps qu'eux. Lorsque ces derniers pensent avoir atteint la fin (de leur art et de leur vie, c'est tout un), tout part en quenouille... Les matériaux qu'employait Vinsard, le polystyrène, les mousses polyuréthanes dans une grande majorité des œuvres (il recourut cependant aussi au bois, au Siporex et au ciment-colle par exemple), n'arrangeaient pas les choses, non plus! Il est donc vain de traiter les familles ou les héritiers de ces sites avec des noms d'oiseaux – comme le font certains sur des sites web que je ne nommerai pas...
Marcel Vinsard, vue des abords de son chalet d'habitation en 2013... Ph. B.M.
...et après le démantèlement, le vide, l'ennui... ph. B.M., 2016.
A signaler que dans l'expo on pourra trouver mon livre paru l'année dernière dans la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles. Ne pas hésiter à le demander à l'accueil...! Très beau, pas cher... Il contient de nombreuses photos du site prises en 2013, à son apogée quasiment.
07/09/2017 | Lien permanent
Benjamin Deguenon
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Carton recto-verso de l'exposition à la galerie Dettinger-Mayer qui aurait dû se tenir en novembre 2020, en plein reconfinement... Et qui n'aura été vue que de rares privilégiés (pas de prolongement de prévu, car d'autres artistes attendent derrière).
Ce n'est pas les fermetures de galeries pour cause de confinement qui m'empêcheront de présenter les découvertes des uns et des autres galeristes bien inspirés, comme Alain Dettinger à Lyon dont je soutiens régulièrement l'action, les recherches, les propositions d'artistes qu'il ne cesse de recueillir ici et là, avec sa curiosité tous terrains. En l'occurrence, il présente actuellement un très intéressant artiste béninois qu'il a rencontré à Cotonou, Benjamin Deguenon, que l'on pourrait ranger tout à fait dans un art brut contemporain
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2020. Image reprise d'Instagram.
Ce dernier semble avoir commencé en 1996 si l'on suit le site web de l'Agence Dekart (béninoise sans doute) où ces propos sont attribués à l'artiste : "Je pourrais dire que j'ai commencé en 1996 sans m'en rendre compte que c'est de l'art que je faisais."
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019. Image reprise d'Instagram.
Benjamin Deguenon, Dispute, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 2017. Image reprise d'Instagram.
Le CV que l'on trouve également sur internet (sur un blog à son nom, probablement animé par une connaissance de l'artiste, mais qui ne paraît plus avoir été continué depuis 2013) fait remonter sa première exposition à 2000 à Abomey dans une "Maison des arts contemporains" de la ville. Il n'y a pas d'écoles d'art au Bénin, si bien que, si l'on y pratique l'art, ce ne peut être qu'en autodidacte. Dans un méli-mélo des créateurs bruts avec les artistes contemporains locaux. Deguenon paraît avoir travaillé parmi des artistes plus ou moins complices avec la vedette artistique locale, Dominique Zinkpé (dont les œuvres, personnellement, ne m'impressionnent guère). Un nom d'artiste dont les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être, car je l'ai déjà évoqué relativement à un autre créateur appelé Monlemé Gladys, également béninois. Je disais dans la note que je lui avais consacrée en 2015 qu'il créait "quelque peu dans l'orbite d'un autre artiste de là-bas, déjà pas mal "lancé", le dénommé Dominique Zinkpé, créateur d'un centre culturel, qui lui-même a parmi ses influences admises le peintre d'origine haïtienne Jean-Michel Basquiat." Je soulignais dans la même note le côté déstructuré des compositions de ce dernier artiste.
Benjamin Deguenon, dessin au stylo Bic sur papier, série "Irréalités", 25 x 32,5 cm, 2019.Image reprise d'Instagram.
Or, cette "déstructuration" on la retrouve quelque peu chez Benjamin Deguenon, où toutes sortes d'objets, de formes, de fragments, notamment de morceaux de corps, parfois saignant, suintant, tranchés, amputés, flottent dans le vide de la feuille. L'artiste tente de rassembler ces éléments en les structurant comme il peut. D'où les troncs sans feuillage, parfois semblables à des potences, les fils à la patte ou aux poignets reliant les corps les uns aux autres, les queues traînantes servant de délimitation de sol, les serpents ou les bras démesurément allongés comme autant de traits cherchant à stabiliser les compositions...
Benjamin Deguenon, dessin de 2019. Image reprise d'Instagram. Que représente-t-elle? Une artiste en train de façonner deux statuettes d'homme et femme, tandis que traînent à ses pieds toutes sortes d'objets comme autant de déchets au-dessus desquels l'art se dresse...?
Benjamin Deguenon paraît bien empêtré dans son environnement de "vieilles tôles, débris d’émaux colorés, fils en cuivre, ramassés dans la « jungle urbaine » puis percés, cousus, poncés, vernis et assemblés pour recréer l’espace de la toile." (Fabiola Badoï, sur un site web parlant de l'artiste). Il s'est essayé de manière peut-être un peu trop éclectique, dans une précipitation brouillonne, à diverses formes d'art, le dessin (la série "Irréalités") ne paraissant être apparu que récemment. Il a fait des assemblages à base de matériaux glanés recyclés. Il a fait des décors pour des pièces de théâtre. Il a pratiqué la peinture, l'aquarelle, les encres, le pastel, sans que ce que j'ai vu sur le Net puisse me convaincre que ce soit là le médium le plus idoine à ce qu'il veut exprimer.
Benjamin Deguenon, assemblage peint, 2017. Image reprise d'Instagram.
Benjamin Deguenon, aquarelle, 2019. Image reprise d'Instagram ; on voit dans cet exemple que c'est surtout le dessin qui donne de la force à l'image, les couleurs étant presque superflues.
C'est qu'au Bénin, comme dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, l'art surgit au carrefour de diverses influences. Des autodidactes purement inspirés doivent probablement composer avec le voisinage d'artistes locaux cherchant à se mesurer aux artistes occidentaux dont les réussites économiques doivent évidemment en fasciner plus d'un. Cela doit être difficile de maintenir sa ligne d'inspiration dans un tel environnement, pressé par les sirènes d'un succès possible dans le domaine de l'art (même genre de sollicitation que dans le domaine du sport, voir ce joli film intitulé Le Ballon d'or). La réputation de "l'art brut", qui pénètre progressivement en Afrique (voir le cas de Pape Diop que j'avais évoqué sur ce blog au début de l'année) vient en outre se surajouter à cette pression – un autre cas de créateur béninois est apparu dans ce corpus avec Ezéchiel Messou, réparateur de machines à coudre, obsédé par elles et les dessinant de façon obsessionnelle au point de les sublimer en des compositions devenues étranges, voir ci-dessous).
Ezéchiel Messou, sas titre (machine à coudre "Lucind"), stylo Bic sur papier, 29,7 x 21 cm, vers 2019; ph. et coll. Bruno Montpied.
Benjamin Deguenon, en dépit de tous ces vents divers, semble avoir dégagé malgré tout sa voie au milieu des sirènes de l'arrivisme, grâce notamment à ses dessins de la série qu'il a intitulée "Irréalités" (qui auraient pu tout aussi valablement se nommer "surréalités", d'ailleurs). C'est le mérite d'Alain Dettinger de l'avoir remarqué en le présentant dans sa galerie de la place Gailleton, en lui offrant sa première exposition personnelle¹ en France.
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¹ Benjamin Deguenon a certes fait des expositions d'échange, en 2012, en collaboration avec l'Association des Artistes de Belleville, à Paris et à Cotonou, mais il semble que ce soit avant tout dans le cadre d'expos collectives.
16/11/2020 | Lien permanent | Commentaires (5)