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19/08/2016

Marcel Vinsard est mort et son jardin s'évanouit avec lui

      Cela commence à devenir un cliché chez les créateurs d'environnements naïfs-bruts en bord de route. On apparaît "médiatiquement" (en l'espèce, ça venait juste de commencer), parce qu'on a accumulé suffisamment d'œuvres pour être aperçu des passants, locaux, puis de proche en proche, nationaux, puis internationaux. On est âgé cependant, on a commencé souvent (en majorité) à l'âge de la retraite ; pour accumuler, il a fallu qu'une vingtaine d'années supplémentaires passe – la santé était toujours là, heureusement – et l'on arrive bientôt à 80 ans (Marcel Vinsard avait eu 86 ans en février). On n'est pas éternel, hélas. Et l'on salue la compagnie, on tire sa révérence, comme on dit, d'une formule qui oublie soigneusement de noter les souffrances qui vont avec parfois (ce fut le cas ici, apparemment).marcel vinsard,la petite brute,patrimoine d'art populaire,environnements spontanés,inspirés du bord des routes,polystyrène,biennale hors-les-normes,art immédiat,bruno montpied,pontcharra,vandalisme de l'art populaire,nécrologie des inspirés A peine a-t-on un peu fait parler de soi (Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles, de Bruno Montpied, collection La Petite Brute, éditions de l'Insomniaque, sortira cet automne dans toutes les bonnes librairies, voir également ici), et voilà que l'on s'anéantit. Du site originel, il ne restera comme souvenir public, pour l'heur, que ce modeste livre-album. C'est pour cette raison qu'on me pardonnera de le mettre ici en avant...

 

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Dans sa cuisine, Marcel Vinsard en train de s'expliquer, ph. Bruno Montpied, 2013

 

    Marcel Vinsard est mort le 23 juillet dernier. Il n'aura pas eu le temps de voir le livre que je lui ai consacré et que je lui avais promis. Cela faisait un an qu'il déprimait, et six mois qu'il était hospitalisé. Il souffrait d'insuffisance cardiaque depuis environ quinze ans ans, ai-je appris, ce qui ne l'avait pas empêché de bâtir son œuvre fantaisiste autour de son "chalet" de Pontcharra, et de se balader à vélo dans le bourg et dans le pays environnant (c'était un grand amateur de cyclisme). J'ai écrit que le matériau de prédilection de ses statues (il était arrivé fin 2014 au chiffre record de 1000), le polystyrène, avait été choisi par lui afin de produire plus vite. A présent, j'ajouterai que très probablement la légèreté de cette matière précaire l'arrangeait aussi en raison de sa propre fragilité.

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Marcel Vinsard, les statues en polystyrène peint, ou en ciment-colle, ou en objets détournés, ou en bois, qu'on voyait en arrivant dans le jardin, ph. B.M., 2013

 

     J'aurais aimé que son œuvre lui survive. Hélas... La famille a eu envie de faire place nette, revendre la propriété, etc. (bien sûr, pendant l'été, cela se voit moins?). Les statues? Il semble que beaucoup d'entre elles, déjà pendant l'hospitalisation de Marcel Vinsard, se soient évanouies, entre les mains de passants, voisins, voyageurs, amateurs que l'on espère passionnés de cette forme d'art. D'après un témoin lecteur de ce blog, M. Rémi Bézelin, qui m'a contacté, en effet toutes les statues qui longeaient la grille de clôture du jardin avaient disparu bien avant la mort de leur créateur. Les plus belles pièces auraient été ainsi dispersées depuis quelque temps déjà, tandis que d'autres s'étaient grandement dégradées du fait du manque d'entretien par l'auteur devenu incapable de s'en occuper (la région a un climat froid, l'hiver). On aimerait savoir où les localiser. Il faudra malheureusement attendre de les voir resurgir au gré des brocantes, ou d'expositions... (comme l'année dernière à Lyon, où une trentaine était en vente). Et ce qui reste dans la propriété est en voie de destruction, quoique selon le fils de Marcel Vinsard, il s'agisse surtout de déblais venus de la maison.

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Marcel Vinsard, personnages avec un diable rouge dans la salle à manger de sa maison, ph. B.M., 2013

 

    Marcel Vinsard avait été exposé, ai-je dit, l'année dernière, dans un espace à part dans le cadre de la Biennale Hors-les-Normes de Lyon.expo-MJC 2015.jpg J'ai entendu dire que des responsables de cette Biennale souhaitaient récupérer des œuvres de Marcel, j'espère qu'ils pourront arriver assez tôt, et qu'ils auront l'amabilité de contacter ce blog. D'ores et déjà, j'appelle tous ceux qui sont soucieux de la mémoire de cette œuvre étonnante et hors du commun à se manifester pour signaler ici la présence de telle ou telle statue rescapée du grand massacre. J'n profite pour remercier ici notamment Jean-Michel Chesné qui m'a signalé que des achats d'œuvres de Vinsard avait eu lieu pendant l'expo de Lyon.

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Marcel Vinsard, ensemble de statues diverses installées au pied de son chalet, ph. B.M., 2013 ; à signaler que ce détourage, réalisé par mes soins et proposé à mon éditeur pour la couverture du livre de la Petite Brute, ne fut finalement pas retenu : dommage...

 

    J'ajouterai, pour ceux qui se montreraient étonnés que j'aie l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas en parlant d'un territoire en fin de compte privé, que l'on peut aussi considérer, en tant qu'amateurs d'art populaire en plein air, ce territoire comme participant d'un patrimoine collectif d'un genre très spécial. A ce titre, tout individu qui a aimé cette œuvre installée au vu et au su de tous les passants est en droit de demander des comptes à ceux qui furent responsables de sa disparition. Si l'œuvre  est faite aussi par celui qui la regarde, pour paraphraser Marcel Duchamp, alors, on peut considérer que cette œuvre nous appartient un peu à nous aussi...

Commentaires

Belle notice, empreinte de mélancolie et de tristesse retenue. Sic transit, oui, bien sûr, mais on ne peut pas s'empêcher un peu de fureur, un peu plus en tout cas que du désespoir.
Et à côté, il y a des postures optimistes qui couvrent à peine la niaiserie, chez ceux qui voient toujours tout aller vers le mieux.

Écrit par : Isabelle Molitor | 19/08/2016

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Sans risquer de me faire taxer de cet "optimisme qui couvrirait à peine ma niaiserie", je ne pense pas que tout aille pour autant vers le pire, chère Madame...
En l'occurrence, la réaction d'une partie de la famille de Marcel Vinsard (qui n' arien à voir avec son fils qui paraît soucieux de limiter les dégâts), autour de cette œuvre, est certes du genre ultra rétrograde, à un moment où les environnements d'art brut ou d'art naïf semblent dans l'ensemble bénéficier de regards plus attentifs de la part des héritiers, devenus plus sensibles à l'art atypique déployé par leurs ascendants. Regardons par exemple l'entourage d'Horace Diaz à Lodève, dont j'ai parlé sur ce blog naguère, qui après la mort de ce dernier organisa au moins une vente sur place des statues dont elle voulait voir la dispersion. Idem pour André Hardy en Normandie...

Écrit par : Le sciapode | 19/08/2016

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Bonsoir, quelle tristesse d'apprendre cela. Je passe très souvent devant sa maison pour me rendre chez Noz. En effet, depuis quelque temps, j'ai remarqué le laisser à l'abandon de l'allée de sa maison et la disparition de beaucoup de ses oeuvres. J'ai craint le pire. Un été, je m'y étais arrêtée avec ma fille, intriguée de découvrir qui pouvait bien se cacher derrière toutes ces statues. Marcel était dans son jardin quand ils nous a aperçues. Il est spontanément venu nous parler, nous raconter des bribes de sa vie et nous avons même eu le privilège de visiter sa maison. Un homme d'une gentillesse envoûtante, à la personnalité atypique, loquace et quelque peu taquin. Il m'a marquée. J'ai été heureuse de faire sa connaissance. Je suis peinée. Je suis certaine qu'il est parti rejoindre sa femme adorée qu'il n'a jamais oubliée. Il lui vouait un culte. Il m'en a beaucoup parlé. Je crois même qu'il avait mis une statue de sa femme sur sa tombe. Que son âme repose en paix. Il le vaut bien. En colère du triste sort de ses oeuvres. L'espèce humaine ne cessera de me surprendre dans le mauvais sens. Je reconnaîtrai ses oeuvres et veillerai dans les braderies, c'est certain, car je chine beaucoup. Et merci de refaire vivre Marcel au travers d'un livre. Pour qu'il ne tombe jamais dans l'oubli. En tout cas, pas de ceux qui l'ont rencontré. Bien à vous. Cindy de Montmélian.

Écrit par : Cadoux | 24/08/2016

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Et bien évidemment, j'achèterai votre livre.

Écrit par : Cadoux | 24/08/2016

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