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Info-Miettes (20)

Boudin et Jakobowicz arrivent à Bègles

     Prochaine expo au Musée de la Création Franche, qui continue de permettre aux artistes et créateurs de la collection permanente de montrer leurs derniers travaux, Marie Jakobowicz et Michel Boudin. Ce dernier, on le sait, propose des dessins à l'encre où des petites bêtes ne cessent de tarabuster les êtres humains, histoire peut-être de leur rabattre le caquet.

 

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Michel Boudin, sans titre, encre sur papier vélin, 65 x 51 cm

 

     Sur la seconde, voici le texte qu'elle m'avait dans un premier temps demandé pour la présenter de façon franche (c'était son souhait à elle, des gens qui diraient le pour et le contre, et l'entre deux...) et qu'elle a finalement fait remplacer par une autre présentation:

     "Marie Jakobowicz me laisse perplexe. Si j’apprécie ses anciens pastels, discipline qu’elle pratique avec une aisance qu’elle a fini (bizarrement !) par trouver suspecte, je reste réservé en ce qui concerne toutes sortes d’autres travaux qu’elle veut de contenu « engagé » comme on disait dans les années 70. Ce choix à mon avis plombe l’envolée du merveilleux dont elle était aussi dépositaire.

         Et je me demande si ses réticences, sa suspicion à l’égard de sa maîtrise du pastel ne viendrait pas de son traumatisme concernant l’extermination des Juifs par les Nazis. Une descendante des familles massacrées ne pouvant plus pratiquer la moindre forme d’expression sans se sentir obligée à la vigilance… Si cela était avéré, on mesurerait là à quel point cette tragédie et cette folie ont poussé loin leurs ruptures et leurs censures. N’y a-t-il donc plus de place, Marie, pour un merveilleux sans hantise du massacre ?"

Marie Jakobowicz et Michel Boudin au Musée de la Création Franche du 7 décembre 2012 au 20 janvier 2013.

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Guy Girard, lui, expose dans un couloir

 

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     Guy Girard expose quant à lui à partir de jeudi prochain 29 novembre dans la Galerie du Couloir, espace dédié paraît-il aux petits formats (ce qui semble adéquat avec le nom de la galerie). Les horaires et jours de monstration sont assez particuliers. Le jeudi 29 novembre, c'est de 19h30 à 22h. Puis c'est entrée libre le samedi 1er décembre ainsi que le dimanche 2 de 14h à 18h. Ensuite, du 3 au 20, on visite sur rendez-vous: 06 19 63 64 51. Pour les artistes, l'heure est venue des jeux de pistes. L'art sincère d'aujourd'hui se cache au fond d'un labyrinthe. Il est passé par ici, il repassera par là...

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Jean Estaque voit des saints partout

     Il expose cette fois à Montluçon, avec une proposition de nouveaux saints qui n'auraient pas déplu au marquis de Bièvre qui était grand amateur comme on sait de calembours bons. Ci-dessous par exemple voyez le portrait de saint-Ethique.

 

expo nov 2012 montluçon.jpg

 

       Trouverons-nous encore dans cette expo Saint-Bol, Sainte-Hure, et peut-être aussi Saint-Dé, Saint-Trait et Saint-Plaie?

Galerie Ecriture, 1 rue Pierre Petit (ça ne s'invente pas, mais ce n'est sans doute pas le même qui est bien connu dans l'art brut), Montluçon, exposition du 28 novembre 2012 au 14 février 2013.

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Alexis Lippstreu exposé chez Berst et au Madmusée

      En cette fin d'année, on assiste à une déferlante Alexis Lippstreu à Liège et à Paris. Trois expos simultanées se tiennent pour vanter le travail de ce créateur handicapé qui s'est fait une spécialité (ou à qui on a fait une spécialité?) de transposer des chefs-d'œuvre de l'art dans une sorte de réduction graphique tout à fait fascinante (j'ai déjà eu l'occasion de montrer des images sur ce blog). Il paraît être en même temps un cheval de bataille exemplaire pour ceux qui voudraient mélanger art brut, art moderne et art contemporain dans la même arlequinade artistique ("artification", qu'ils disent, sans lésiner sur les néologismes effroyables).

Alexis Lippstreu au Madmusée du 1er décembre 2012 au 16 février 2013. A la Galerie Christian Berst, du 7 décembre 2012 au 12 janvier 2013. Au BAL (musée des Beaux-Arts de Liège), du 30 novembre 2012 au 16 février 2013.

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L'art brut italien à travers le cinéma documentaire, une programmation de Pierre-Jean Wurtz et Denis Lavaud

    C'est à la Halle Saint-Pierre (sans laquelle on ne sait pas ce que l'on deviendrait) que cela va se passer, durant le week-end du 15 et du 16 décembre. Un second programme de films courts a en effet été programmé pour ces dates. A découvrir ci-dessous:

Samedi 15 décembre 13h30 - 17h30

- Pennarelli (Antonio Dalla Valle) di La Manica Lungo officina creativa, 2003, 29’.
En présence d’Alain Bouillet, commissaire d’expositions, écrivain (c'est sur un atelier de créateurs handicapés, si je ne me trompe pas? NDR)

- Nella prospettiva della chiusura lampo de Paolo Pisanelli, 1997, 54’.
En présence d’Alain Bouillet

- Pietro Ghizzardi de Muriel Anssens, 2004, 10’

- Alla ricerca del giardino incantato (Marcello Cammi) di Piero Farina, Marisa Fogliarini con Marco Farotto, 2012, 21’, (c'est tout en italien, sur le jardin détruit de Cammi)

- Luci Sospese. L’opera irriducibile (Mario Andreoli) de Gabriele Mina, 2010, 27’. (Là aussi, c'est pas sous-titré, mais il y aura sans doute un interprète dans la salle, enfin on verra bien...) 
En présence de Gustavo Giacosa, commissaire de l’exposition

 

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La "Crèche" de Mario Andreoli telle qu'elle s'illumine aux alentours de Noël sur une colline ligure, ph extraite du site de la Galerie Rizoi à Turin

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La colline de M. Andreoli, de jour... ph Gabriele Mina

 

Dimanche 16 décembre 13h30 - 17h30

- Un « facteur Cheval » en Sardaigne (Fellicu Fadda) de Giuseppe Trudu, 2004, 47’.
En présence du réalisateur

- Un sculpteur de l’île aux ânes blancs (Enrico Mereu) de Giuseppe Trudu, 2009, 38’.
En présence du réalisateur

- Melina Riccio de Gustavo Giacosa, 2009, 10’. En présence du réalisateur

- Eugenio Santoro de Dominique Clément, Chantal Woodtli, 1994, 12’. (A signaler que ce film est édité dans le DVD intitulé "Art Brut" avec deux autres courts, un consacré à Ni-Tanjung par Erika Mannoni et un autre de la même Mannoni consacré à Lobanov; le film sur Santoro est plus précisément intitulé dans ce DVD "Les jardins de l'imaginaire" ; le tout est édité par la Collection de l'Art Brut et la Télévision Suisse)

- Antipasti (surprises à l’italienne) 45 ‘.
Suite de petits plats (films) divers et variés, exubérants, bigarrés, goûteux. (Dont paraît-il des films de Bernard Dattas sur des "choses" vues en Sardaigne)

 Pour tout renseignement complémentaire, on peut contacter Denis Lavaud himself : 01 42 45 19 67/06 75 94 16 48.

A la Halle Saint-Pierre encore, le retour du "Petit Paris" de Marcel Dhièvre

    Marcel Dhièvre est connu depuis les années 70 grâce au livre Les Inspirés du Bord des Routes de Jacques Lacarrière et Jacques Verroust où l'on peut voir cinq belles photos et un fragment de témoignage de Dhièvre. C'est peut-être grâce à ce livre que sa maison richement décorée de fresques et d'ornementations diverses peintes et parfois sculptées en relief parvint à être classée monument historique dès 1984 (né en 1898, il décéda en 1977).

 

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Image récupérée sur le site d'une association qui défendait, notamment sur la toile, "le Petit-Paris", l'association Entre-Tenir ; l'affirmation "je ne suis pas un artiste" avait été très justement repérée par ce site web, avis aux "artificateurs"...

 

      Il avait en effet réalisé une magnifique décoration naïve, brute, ou simplement populaire, sur les murs d'angle à l'extérieur de son magasin de vêtements (il était vendeur en confection dans la lingerie et les vêtements de travail) à Saint-Dizier dans la Haute-Marne. Il avait poussé le bouchon plus loin en peignant (ce n'était pas un mosaïste) les murs intérieurs de la petite bâtisse, mais aussi divers petits sujets, des animaux, des tableaux de fleurs, des paysages. C'était comme il le disait lui-même également un tour de force dans la mesure où, paralysé de la main droite, il avait dû tout faire de la main gauche.

 

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Marcel Dhièvre, la façade d'"Au Petit Paris", vers 1976, ph Jacques Verroust

 

     Il avait appelé cette maison "Au Petit Paris", car la ville-lumière, où il allait se fournir chaque semaine, l'avait charmé au point de le pousser à représenter dans des médaillons l'Arc de Triomphe sur sa façade, ainsi que la Tour Eiffel, la Madeleine, les quais de la Seine, et la nef symbole de la capitale. L'ensemble connut quelques vicissitudes pendant de nombreuses années. Diverses bonnes volontés tentaient régulièrement d'alerter l'opinion pour essayer de sauver une maison qui visiblement résistait dans le souvenir de la population de St-Dizier (cet attachement d'une ville populaire à un tel monument naïf est assez touchant je trouve). L'illustratrice Kathy Couprie racheta à un moment le magasin, y faisant quelques réparations, puis ce fut la mairie, sous l'impulsion d'un maire UMP, François Cornut-Gentille (comme l'a signalé entre autres un article paru cet été dans La Croix, dû à Aude

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24/11/2012 | Lien permanent

”303” n°119

      C'est bien énigmatique comme titre, n'est-ce pas?303,eva prouteau,art brut,art immédiat,art singulier,bruno montpied,laurent danchin,armand goupil

    303, arts, recherches et créations est en réalité le titre complet de cette belle revue qui existe depuis au moins trente ans, financée par la région des Pays de la Loire, dans un premier temps consacrée en grande partie au patrimoine de cette région, puis depuis quelques années plus spécialement à la recherche en art. Le n°119, daté de janvier dernier, est un numéro spécial "art brut, outsider, modeste", concocté par Eva Prouteau qui collabore régulièrement à la revue.

    Au sommaire, on n'a pas joué forcément la carte du foisonnement comme ce fut le cas lors du numéro spécial de la revue Area sur le même sujet l'année dernière. Les textes sont plus longs que dans ce dernier magazine qui privilégie les entretiens synthétiques plutôt que les textes de fond. Eva Prouteau a préféré placer l'éclairage sur certains points permettant de souligner l'éclectisme des productions classées avec plus ou moins de rigueur dans l'art soi-disant "brut", toutes relevant cependant d'une forme de poésie singulière. Derrière son entreprise de "décloisonnement" des catégories et des appellations –ce qui ne signifie pas pour elle confusion des genres et des catégories, mais plutôt besoin d'établir des passerelles dans le respect de la valeur des uns et des autres– on sent chez elle un goût marqué pour les petites collections secrètes, notamment d'art populaire insolite, comme celle du musée des traditions de la Guérinière à Noirmoutier, ou celle des cibles de tir du Cercle de Chemazé (sud de la Mayenne ; déjà évoquées par Pascale Mitonneau dans le n°78 de la même revue 303 en 2003 avec des illustrations différentes), passionnantes œuvres d'art forain destinées à être criblées de balles, goût également apparent lorsqu'elle évoque avec sagacité l'existence de la Folk Archive, ce collectage par la photographie de "formes esthétiques non valorisées" (graffiti, sculptures de sable, motos et voitures customisées, épouvantails... Que des sujets que sur ce blog nous prisons particulièrement comme nos lecteurs l'ont sûrement remarqué) établi par deux artistes anglais, Jeremy Deller et Allan Kane. Il est aussi question ici et là dans la revue de l'art des douilles d'obus ciselées par les Poilus (article de Laurent Tixador et Eva Prouteau), et aussi d'un environnement belge, celui de Jean-Pierre Schetz, à Jupille, prés de Liège (dont Brigitte Van Den Bossche, collaboratrice du MADmusée dans cette dernière ville, auteur de l'article dans 303 a contribué à sauver des vestiges à la Fabuloserie, comme je l'avais constaté en juillet dernier –voir également la note que j'avais consacrée à ce site sur ce blog ; les quelques sculptures conservées par Caroline Bourbonnais ont été installées sur une sorte de ponton)

 

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Le cochon, 1963, contreplaqué, collection des cibles de l'Union de Chemazé, photo extraite du n°78 de la revue 303 (article de Pascale Mitonneau) en septembre 2003

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Cible peinte, collection Jean Estaque, ph. Bruno Montpied, 2009 (collection donc distincte de la collection des cibles de Chemazé)

 

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Fragments préservés de Jean-Pierre Schetz à la Fabuloserie dans le parc d'environnements, et au loin les statues de Camille Vidal, ph. BM, 2011 (ceci n'est pas dans le n° spécial de 303)

   A propos d'environnements, j'ai participé à ce numéro avec deux textes, l'un sur les sites d'habitants-paysagistes dans les Pays de la Loire (Aux jardins des délices populaires, texte où sont évoqués Louis Licois, Marcel Baudouin, Camille Jamain, Emile Taugourdeau, André Pailloux, Michel Chauvé, Henri Travert, Bernard Roux, et les maisons de Rossetti et Pennier dans la périphérie du Mans), plus un autre sur Armand Goupil, ce peintre amateur étonnant, ancien instituteur, originaire de la Sarthe, dont j'ai déjà eu l'occasion de donner sur ce blog maints autres aperçus.

 

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Armand Goupil, Barbe blanche, 11-X-61, huile sur carton, rassemblement Jean-Philippe Reverdy (image inédite, non publiée dans le numéro de 303)


    Laurent Danchin publie une contribution à propos de la distinction à faire selon lui dans l'art des médiumniques entre les créateurs savants et les créateurs plus populaires. Oubliant peut-être de préciser que l'art brut n'a pas insisté sur cette distinction parce que ses thuriféraires cherchant à mettre en évidence l'existence d'un art intime, surgi des profondeurs de l'inconscient, n'avaient que faire d'opérer de telles distinctions (de même qu'entre art des fous et art des non-fous). En fait, l'intervention de Danchin participe d'une remise en cause de la validité conceptuelle de l'art brut, ce qui peut paraître surprenant de la part de quelqu'un qui fait désormais partie du comité consultatif de la collection d'Art Brut à Lausanne. Personnellement, dans l'art des médiumniques, à qui je trouve généralement de l'unité, (s'il fallait opérer des distinctions, ce serait plutôt au niveau formel, les architectures, les symétrisations d'Augustin Lesage, Fleury-Joseph Crépin, Victor Simon d'un côté, face aux sinuosités botaniques des spirites tchèques par exemple), dans l'art des médiumniques donc, je trouve un raffinement qui n'est lui pas plus le fait des autodidactes populaires que des savants en rupture de ban (comme Victorien Sardou ou Marguerite Burnat-Provins), provenant en fait plutôt du recours à l'automatisme graphique, ce qui avait fasciné André Breton en 1933 (dans Le Message automatique), mais n'avait pas empêché un peintre comme André Masson de pratiquer le dit automatisme dans son dessin et sa peinture dès les années 20.

 

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Cecilie Markova, sans titre, daté 22-5-1960, coll. BM (illustration non insérée dans le numéro de 303)

    Ce numéro se focalise sur certains autres points, les écrits de Chaissac, l'art d'Hélène Reimann, le point de vue de Savine Faupin sur la réouverture du LaM avec son extension vouée à l'art brut, et surtout avec son opinion sur l'art brut aujourd'hui, cohérente avec la position d'une conservatrice de musée. Ce qu'elle dit de la façon dont André Breton envisageait l'art brut, et de son clivage avec Dubuffet me paraît discutable mais ce serait trop long d'en parler ici.

 

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Hélène Reimann, sans titre, avant 1987, donation L'Aracine, LaM de Villeneuve-d'Ascq ; reproduit dans 303


     La coordonnatrice de ce numéro a également donné l'occasion à Jean-Louis Lanoux alias Animula Vagula (le pseudo a été révélé publiquement sur internet) de se lancer dans un grand numéro impérialiste de "mère des blogs" qu'il espère sans doute, comme à son habitude, masquer sous l'humour (jamais exempt de coups de pied de l'âne). Le chapeau de cette intervention intitulée "les  Dérives d'Animula Vagula" définit comment, avec sa femme Catherine Edelman, il a orienté leur projet de blog fin 2005, en élaborant une autofiction campant une "jeune blogueuse affairée" imaginaire, "qui adore jouer avec les codes identitaires de la blogosphère"... [Ce chapeau, rédigé par l'éditeur du dossier sans que cela soit indiqué par un artifice typographique distinctif – voir commentaire de J2L ci-après – reflète assez bien le concept du blog animulesque selon moi, à tel point qu'y sentant à ce point l'influence des auteurs de ce blog, je suis fondé à considérer ce chapeau comme étant écrit par eux...]. Lanoux cherchant ainsi comme souvent à paraître rester "djeune", non déconnecté de la réalité, toujours "in", comme on disait autrefois. Cette explication permet aussi, bénéfice secondaire, de noyer le fait que ce genre de "cybercarnet" n'est en réalité qu'un support d'expression nouveau pour des intellectuels marginaux qui faisaient
auparavant, par exemple, des fanzines tapés à la machine, et qui, désolé Jean-Louis, pour le coup, l'avaient du reste cette fois précédé, en particulier dans l'intérêt pour les formes d'art populaire les plus hétéroclites ("Animula" ne cesse de le répéter, elle se veut la prem's, belle imposture). "Mère des blogs", tu parles! Sa dérive dérape vite dans le gonflage de chevilles (comme il s'en aperçoit d'ailleurs, car il est lucide le bougre, trop peut-être), et dans un narcissisme échevelé dont le lecteur n'a que faire. Laissons-le se caresser avec ces qualifications de "référence dans le monde de l'art brut" et passons à autre chose. 

   On regrettera dans ce numéro spécial, au chapitre des absents, qu'on n'ait pas plutôt interrogé ou demandé des contributions à la Collection ABCD qui s'interroge sur l'art brut aujourd'hui, ou bien qu'on ne se soit pas intéressé à l'évolution, en direction de l'art singulier, du musée d'art naïf de Laval, musée de la région des pays de la Loire pourtant. Etait-ce par manque de place? Le numéro en l'état actuel suscitera déjà, rien que dans les régions ouest, de bien fécondes questions sur les nouvelles façons d'envisager et de pratiquer l'art aujourd'hui. 

A signaler le samedi 21 avril, au Lieu Unique à Nantes, la présentation de la revue, dans le cadre d'un "week-end singulier" organisé par Patrick Gyger (auteur également dans la revue d'un article sur Daniel Johnston), où sera également projeté le film Bricoleurs de Paradis, Le Gazouillis des éléphants de Remy Ricordeau, avec un débat pour suivre, animé par Eva Prouteau. Durant la période du 7 mars au 20 mai, se tiendra au Lieu unique une expo consacrée à Daniel Johnston, Welcome to my world! D'autres intervenants sont également annoncés durant ce week-end comme Bruno Decharme, Barbara Safarova, Mario Del Curto, etc. Voir le site web du Lieu unique.

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Emile Jouve et René Rigal, deux artistes rustiques modernes de plus

   "La peinture rustique moderne", c'est un terme inventé par Gaston Chaissac dès 1946¹, pour qualifier sa propre peinture, avant de connaître Dubuffet et son Art brut². C'était pas mal trouvé, du point de vue de ce que ça signifiait. Un peu moins du point de vue publicitaire. L'"art brut", certes, cela a une autre allure sur le plan de la "communication" (pour quelque chose, le brut, qui ne se préoccupait pas spécialement de communiquer, comme le soulignait autrefois avec délectation Michel Thévoz). Exactement comme le "réalisme intellectuel" pour l'art naïf, terme inventé par Georges-Henri Luquet et repris par Georges Schmits, très précis dans ce qu'il voulait désigner mais peu aisé à mémoriser. Cette nécessité d'être repérée facilement, immédiatement, du public est souvent cause que telle ou telle invention conceptuelle, désignée de façon trop précise, est négligée et, peu à peu, tombe dans l'oubli.

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Gaston Mouly (1922-1997), peinture sur bois (acrylique ou huile), ph. B.M. 1989 (chez Gaston Mouly), non localisée actuellement (peinture exécutée, donc, avant que l'auteur ne se mette à systématiquement dessiner aux crayons de couleur après une demande de Gérard Sendrey pour sa galerie Imago qui préfigura le Site, puis le Musée, de la Création Franche à Bègles) ; Mouly, ancien entrepreneur en maçonnerie d'origine rurale, marqué par la fréquentation d'artistes modernes qui avaient été ses clients (Bissière, Zadkine), à la retraite, se mit à peindre sur bois et sculpter le ciment, puis par la suite à dessiner ; il était conscient d'être un autodidacte, de culture rurale occitane, mais se piquait de faire "moderne" dans ses œuvres, adoptant une posture indubitablement artistique, se confrontant à d'autres formes d'art( lorsqu'il "montait" de sa région lotoise jusqu'à Paris par exemple ; je peux en témoigner, l'ayant souvent accompagné dans des galeries ou musées de la capitale).

 

     Pour Chaissac – et cela peut s'appliquer à d'autres (Gaston Mouly par exemple, actif entre 1982 et 1997, alors que Chaissac était disparu depuis 1962) – il s'agissait de créer dans le respect d'une certaine tradition populaire, avec des naïvetés, des raccourcis expressifs, des couleurs franches, etc., tout en cherchant à faire nouveau (un sens de la composition encore plus affranchi du réalisme que dans l'art naïf, par exemple). Ce désir de novation s'enracine dans une imitation de l'attitude observée chez les artistes modernes, cherchant à s'affranchir des valeurs établies de leur temps.

     Dans mon Gazouillis des éléphants, consacré à des créateurs œuvrant essentiellement en plein air, entre leur habitat et la route le bordant, on pouvait ainsi découvrir deux cas de créateurs populaires influencés par l'art moderne, Maurice Guillet à Olonne-sur-Mer (Vendée) – un ferronnier mêlant du démarquage de Calder à de l'imitation de nouveaux réalistes sans oublier une pratique de la sculpture allégorique ou symbolique – et François Llopis, de Céret (en pays catalan français), qui a produit des sculptures et autres bas-reliefs ou mosaïques, influencé par l'exemple des artistes qui fréquentaient autrefois sa ville comme Braque ou Picasso, mais surtout par des exemples artistiques plus lointains (les mosaïques de Ravenne, voire des croix de chemins de sculpteurs régionaux).

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Chez Maurice Guillet, à l'arrière de sa maison, à Olonne sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2008.

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François Llopis, une Vierge inspirée semble-t-il des Madones de croix de chemin du Massif Central, Céret ; ph. B.M., 2014.

 

      Mais on peut également songer à rallier à ce corpus de l'art rustique moderne ("art", parce que cela ne se limite pas à la peinture, mais englobe aussi la sculpture) deux autres cas, d'origines ouvrière ou rurale.

      René Rigal tout d'abord, ancien cheminot originaire de Capdenac, qui arrivé à la retraite se prit d'amour pour les branches choisies parmi les plus filiformes d'entre elles, qu'il écorçait scrupuleusement et interprétait ensuite en leur trouvant à chaque fois une incarnation. C'était une sorte de Giacometti populaire, qui pouvait en sculptant enfin se permettre, loin des trains où il avait bossé toute sa vie, de "dérailler" en toute liberté. C'est du reste ce qu'évoque le titre de l'article que j'ai publié à son sujet dans le n°36 de la revue Création Franche en juin 2012 : « René Rigal, hors des rails ». Certes, on peut lui trouver des ressemblances avec d'autres sculpteurs populaires travaillant comme lui à partir de la forme des arbres et arbustes ( par exemple Michel Maurice à Cornimont, dans les Vosges, voir le "Musée des Mille et une racines" dont j'ai aussi parlé dans le Gazouillis des éléphants et dans Création Franche n°45, en décembre 2016), mais il a un style qui lui est propre, avec ses figures systématiquement longilignes (voir ci-dessous). Cette signature plastique proche d'une certaine forme d'"abstraction" est peut-être la cause de son adoption par les galeries aveyronnaises, comme celle de la Menuiserie, de Jeanne Ferrieu, à Rodez, qui l'ont régulièrement exposé au milieu d'artistes contemporains. Peu d'amateurs d'art populaire ou d'art brut ont su le repérer jusqu'à présent. Personnellement, je le découvris grâce à un film de messieurs Pennet et Macary, "René ne tape pas la belote" (2000),  vu au Festival de cinéma autour des arts singuliers organisé par l'association Hors-Champ à Nice. En projetant ce film dans un contexte de documents autour des arts spontanés, les animateurs de ce festival réintroduisaient malicieusement (et peut-être sans y penser plus que ça?) René Rigal parmi les créateurs spontanés, où est sa véritable place, à mon sens.

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Salle d'exposition dans la maison de feu René Rigal, ph.B.M., 2012.

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Livret de "petites histoires et anecdotes" (des témoignages des uns et des autres qui ont connu René Rigal) paru aux éditions La Menuiserie en juillet 2016, archives B.M.

 

     Cela faisait plusieurs années que, par ailleurs, j'avais entendu parler d'Emile Jouve, sculpteur et peintre autodidacte qui habitait St-Côme d'Olt dans l'Aveyron et qui était né plus haut, en Aubrac, à Laguiole, ville célèbre pour un excellent fromage souvent associé au Cantal même s'il est fabriqué dans l'Aubrac voisin. Jean Estaque, le sculpteur de la Creuse, m'avait évoqué ce Jouve, connaissant mon goût pour ces créateurs de l'ombre venu des milieux populaires, mais sans pouvoir me montrer des images de ses œuvres. Il avait été éleveur de bovins la plus grande partie de sa vie, les bovins qui sont une autre spécialité de Laguiole où un fier taureau trône sur la place du village, spécialité qui ne doit pas faire oublier cependant l'autre produit qui a fait la renommée du lieu, le couteau avec son célèbre design...peinture rustique moderne,art rustique moderne,chaissac,gaston mouly,maurice guillet,françois llopis,rené rigal,emile jouve,galerie la menuiserie,art naïf,art singulier,le gazouillis des éléphants,croix de chemin,poésie naturelle interprétée,association hors-champ

Emile Jouve, coll Alain Christofle_edited(2).jpg

Emile Jouve, sans titre (il me semble), 50x0cm, technique mixte, coll. privée (Aveyron), ph. B.M..

Emile Jouve, ss titre, 40x60cm, technique mixte,, coll Alain Christofle_edited (2).jpg

Autre tableau d'Emile Jouve, sans titre (il me semble), pastel ou craie sur bois, 40x60cm, coll. privée (Aveyron), ph. B.M.

 

    Je finis par tomber sur deux de ses tableaux par hasard, chez un sympathique amateur de bonne chère et de vie au grand air, habitant tout près de Marcillac (Aveyron encore), au secret d'une gorge oubliée...

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    Là encore, cet artiste autodidacte avait été exposé (plusieurs fois, semble-t-il) à la galerie La Menuiserie  de Jeanne Ferrieu. Mais, loin de Rodez, comment le savoir? Il aurait fallu scruter tous les jours la presse régionale du coin, où de rares magazines relayant l'information artistique en province (comme Artension, dont c'est un des principaux mérites). La femme de René Rigal, Micheline Rigal, intervint opportunément en me prêtant le catalogue que là encore la Menuiserie avait édité sur ce créateur d'origine populaire (édition de 2001).

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Catalogue consacré à Emile Jouve par la galerie La Menuiserie, Rodez, 2001.

 

    L'ouvrage contenait, un peu comme dans le cas du livret récemment édité sur Rigal (voir ci-dessus), de nombreux témoignages et surtout plusieurs illustrations en couleur, de peintures mais aussi, ce qui achève de permettre de se faire une opinion favorable sur les talents de ce monsieur Jouve, de sculptures peintes réalisées à partir de bois trouvés et de bois flottés qui sont, à mon goût, ce que Jouve a fait de mieux, dans l'état actuel de mon information. On sent chez cet homme de pleine nature un appétit évident pour les recherches formelles qui l'apparente aux élaborations sophistiquées d'artistes des villes.

Le dragon du Golfe, bois flotté.jpg

Emile Jouve, Le Dragon du Golfe, 30cm de hauteur ; reproduit (en image compressée) d'après le catalogue de la Menuiserie.

Brigitte Bardot et les animaux, bois flotté.jpg

Emile Jouve, Brigitte Bardot et les animaux, 20 cm de hauteur. Extrait du catalogue de la Menuiserie (image compressée).

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¹ Cf. Gaston Chaissac, "Peinture rustique moderne", paru initialement dans le n°3 de la revue Centres, 1946, et réédité dans Je cherche mon éditeur, Rougerie, 1998.

² Dubuffet enrôlera, au début de sa collection, Chaissac dans l'Art Brut avant de l'en retirer, à juste titre si l'on se rapporte à ses critères (art brut = inventivité hors des milieux artistiques), pour le verser dans la collection annexe rebaptisée "Neuve Invention" par la suite. Chaissac lui était apparu au fil du temps trop en contact avec les milieux littéraires et artistiques (avec lesquels cependant Chaissac pratiquait des rapports relativement réservés). Cela n'empêchait pas ce dernier de développer, selon moi, une expérimentation à tout va, et de déployer une grande inventivité plastique et littéraire.

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20/11/2018 | Lien permanent

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