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Le Limousin, son François Michaud, et (plus éphémère dans la région) son Bruno Montpied...

      Si vous captez France 3 Limousin, je vous signale que vendredi 26 juin prochain, en soirée, à partir de 23h10, dans la série "Enquêtes de régions", sera diffusé un sujet d'une douzaine de minutes (paraît-il, car on s'attend à tout avec la télévision) sur le sculpteur naïvo-brut, populaire, François Michaud du hameau de Masgot dans la Creuse. "François Michaud... De l'oubli à la consécration", ça doit s'appeler. Pour capter France 3 Limousin, il faut avoir soit Canalsat (canal 364), soit France Sat (canal 309), soit TNT Sat (canal 315), soit Numéricable le Box (canal 924), soit BouyguesBBox (canal 384), soit Orange ou SFR ou Free (canal 315). C'est merveilleux et simple la télé désormais, n'est-ce pas? Un vrai maquis, qui a des inconvénients, mais aussi des avantages : on peut s'y perdre, et comme par les chemins buissonniers, on peut tout de même y faire des trouvailles. Je vous souhaite que ce soit le cas vendredi soir. Sans compter qu'à un détour de l'émission, vous pourrez peut-être même me rencontrer en train de causer de l'ami Michaud, le "faiseur de marmots"...

 

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Ancienne disposition (que personnellement je regrette) des statues de François Michaud sur le mur de son potager face à la première maison, aujourd'hui transformée en "petit musée", avec le "berger et son chien tenant un serpent entre ses pattes", les aigles napoléoniennes, une sirène au fond... Ph Bruno Montpied, 1991

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François Michaud, la sirène, ph. BM, 1991

 

     J'aime cette région du Limousin. On y est fier, on y est combatif, on ne s'en laisse pas compter, à la différence des habitants d'autres régions. Le 10 juillet – c'est un autre vendredi – aura lieu le vernissage d'une exposition de quarante de mes dessins et peintures à la Maison du Tailleu, structure créée par l'artiste Jean Estaque (dont j'ai eu maintes fois l'occasion de parler sur ce blog) pour présenter le travail d'amis artistes qui l'intrigue. Cette fois, à côté de mes dessins seront aussi montrés des éléments d'art populaire ou brut qui viennent de la collection personnelle de Jean Estaque, il y aura ainsi quelques Pépé Vignes... Et des cibles foraines, des figurines dues à des anonymes, des surprises, autant de pièces naïves que j'aime moi aussi, et qui devraient donner, je l'espère, une confrontation fructueuse avec mon univers graphique.

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B.Montpied, Un nuage d'images le suivait, encres, mine de plomb et marqueurs sur papier, 29,7x21 cm, 2009 (exposé à la Maison du Tailleu)

 

     Voici le texte de présentation de l'exposition, rédigé par Jean Estaque:

"Jean Estaque invite Bruno Montpied à La Maison du Tailleu du 10 juillet au 30 août 2015

Bruno Montpied n’est pas qu’un historien de l’art spécialiste des artistes hors-normes. Outre son travail personnel, je ne peux m’empêcher pour le présenter, de parler de son amour pour les créateurs creusois : François Michaud et Ludovic Montégudet dont il a, avant tout le monde, reconnu l’intérêt artistique. Dans son livre Éloge des jardins Anarchiques, deux chapitres leur sont consacrés. Il est aussi un créateur dont les œuvres peintes et dessinées s’imposent à nous avec une forte personnalité comme je vous invite à le découvrir.

Bruno sera présent le vendredi 10 juillet dès 15h. Vous pourrez le rencontrer et partager avec lui le verre de l’amitié.

 

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B.Montpied, Un pistolero chez les créatures, encres, mine de plomb, crayons, marqueurs divers sur carton gris piqueté, 40x30 cm, 2014 (exposé à la Maison du Tailleu)

 

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Jean et Michelle Estaque seront heureux de vous recevoir pendant la durée de cette exposition : tous les week-ends et jours fériés de 15h à 19h et sur rendez-vous au 05 55 80 00 59.

(Si vous désirez être informés des activités programmées, envoyez vos coordonnées postales ou électroniques à La Maison du Tailleu — 2009 place de l’église 23 000 Savennes Tel : 05 55 80 00 59 contact@lamaisondutailleu.fr www.lamaisondutailleu.fr)"

 

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Auteur anonyme, sculpture dans du bois fruitier, coll. Jean Estaque

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Figures de jeu de massacre, art forain, coll. J.Estaque

 

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22/06/2015 | Lien permanent

Adieu Verchuren, aurait dit Jean Grard

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Jean Grard, André Verchuren, bois et matériaux recyclés, vers 2001

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Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (1)

Page de titre expo Laval 84 Hernandez Reumeau.jpg     Jacques Reumeau, cela fait des années que j'en entends parler par un ami peintre lavallois, Jean-Louis Cerisier, qui le connut dans les années 70 et 80 comme d'autres jeunes gens dans cette bonne ville qui fut le berceau de plusieurs peintres naïfs et singuliers, au premier rang desquels le fameux Douanier Rousseau bien sûr, mais aussi, Henri Trouillard, Jules Lefranc, puis pour les Singuliers, Robert Tatin, Alain Lacoste, Sylvie Blanchard, et Jacques Reumeau, cet artiste vagabond, semi clochard, à l'œuvre diverse, inégale, hétéroclite d'où émergent cependant de nombreuses pépites, conservées comme la majorité de l'œuvre (voir le texte de Cerisier ci-dessous) au musée du Vieux Château à Laval, musée qui vient de commencer une mue spectaculaire de l'art naïf à l'art singulier (l'art naïf qu'il possède restant présent bien entendu, puisqu'il s'agit d'une collection de réelle qualité bâtie autour de celle qu'avait commencée Jules Lefranc et qui servit de fondation et de racine à l'essor de la collection ; je rappelle que ce musée a ouvert ses portes au public en 1967). Il faut ajouter que la Sarthe voisine contient d'autres créateurs singuliers ou bruts tout à faits frappants, comme François Monchâtre, Gaston Floquet (voir l'article sur lui par Eva Prouteau dans le récent numéro de 303 sur l'art brut, outsider, modeste), Fernand Chatelain et Emile Taugourdeau. Sans compter que dans les générations actuelles sont apparus des créateurs tout à fait originaux comme Jean-Louis Cerisier justement, ou Serge Paillard, voire Patrick Chapelière et Joël Lorand (un non natif lui pour le coup), qui tous ont un lien avec la figure de Jacques Reumeau, cet artiste qui un jour abandonna l'usine pour se consacrer corps et âme à la peinture (comme le signalait la notice du catalogue de l'expo "De face et de profil" en 1984 au musée de Laval).

 

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Jacques Reumeau, Les coqs mangeurs de champignons, pastel sur papier, sans date, 95x75 cm, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château, Laval


       Jean-Louis, comme il l'explique lui-même ci-après dans ce texte inédit datant de 2007, se consacre régulièrement à restituer la mémoire de cet artiste atypique, véritable figure de la vie artistique lavalloise (patrie également d'Alfred Jarry).


"Pour que Reumeau ne meure

 

       Jacques Reumeau est décédé il y a 20 ans, le 29 juin 1987, à l’âge de 38 ans. Je voudrais, à l’occasion de cet anniversaire¹, revenir sur la destinée posthume de son œuvre. Le peintre a mis sa vie au service de sa création, engagement total  lié à un désir de reconnaissance, lui-même né d’un sentiment d’abandon ressenti par le peintre dans son enfance.

        Reumeau a commencé à effectuer des donations au Musée de Laval, alors dirigé par Jean-Pierre Bouvet². Le conservateur du musée et le suivant Charles Schaettel ont montré curiosité et intérêt pour l’œuvre et l’ont accueillie favorablement, ce qui a rendu possible  la décision finale de l’artiste de léguer par testament la totalité de son œuvre au musée. Les idées d’éparpillement, de disparition et d’oubli hantaient l’artiste à la fin de sa vie.

 

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       L’amitié et la confiance qu’il m’avait témoignées le poussèrent à me faire promettre de ne pas laisser son nom et son œuvre tomber dans l’oubli. Après sa mort, j’ai mis toute l’ardeur nécessaire à la publication d’un article dans la revue 303 (« Jacques Reumeau, peintre mayennais », n° XXXIX, 1993)

      La conservatrice du musée, Marie-Colette Depierre, au début des années 90, a engagé un inventaire du legs imposant consenti par Reumeau, constitué d’environ 2000 dessins, encres, pastels et peintures. Elle confia un travail de recherche  à des étudiantes en histoire de l’art de l’université de Rennes.

 

jacques reumeau,jean-louis cerisier,musée d'art naïf et d'art singulier de laval,art naïf,art singulier

Jacques Reumeau, La Spatule et la baignade des singes, pastel e tfusain sur papier, 1975, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château de Laval, ph. Bruno Montpied

 

         Estelle Soleillant rédigea ainsi un mémoire de Maîtrise en 1999-2000 (Etude, sous forme de catalogue raisonné, d’un choix d’œuvres de l’artiste mayennais Jacques Reumeau, Université de Rennes 2 / Haute Bretagne, Directeur de recherches : M Poinsot). Ce mémoire présente une synthèse de la vie, de l’œuvre et de l’environnement artistique du peintre, enrichie de propos recueillis auprès de personnes ayant côtoyé le peintre. Anne Archenoul a poursuivi le travail d’inventaire, ce qui a donné lieu à la publication d’un article dans la revue Maine Découvertes : « Au Musée d’Art Naïf de Laval : la redécouverte du fonds Reumeau », (n° 42, septembre 2004).

    Deux expositions posthumes ont été organisées par Marc Girard, artiste-peintre qui avait connu le peintre à Mayenne à la fin de sa vie, l’une en 1987 au château de Juhel à Mayenne, la seconde en 1988 à la chapelle du Géneteil à Château-Gontier. En 2000, à l’initiative d’Alain Guesné et Serge Paillard, une exposition fut organisée au prieuré d’Olivet sur la base d’un choix d’œuvres prêtées par le Musée de Laval sous la conduite d’Estelle Fresneau. Cette exposition a été remarquée pour la qualité de la sélection et de la présentation des œuvres. A l’occasion de cette exposition, Jean-Claude Leroy a publié un recueil d’entretiens qui prolonge le travail entrepris par Estelle Soleillant (revue Tiens, n° 8, mars 2000).

       La Biennale 2007 peut constituer un début de reconnaissance pour des artistes demeurés à la marge. Les vœux de Jacques Reumeau n’auraient alors pas été vains."

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¹Texte rédigé  par Jean-Louis Cerisier dans le cadre de la 6e Biennale internationale de Laval en 2007. Non publié.

²Jean-Pierre Bouvet fut conservateur du musée de 1965 à 1976. Charles Schaettel lui succéda de 1976 à 1990. Puis ce fut le tour de Marie-Colette Depierre, d'Estelle Fresneau, et enfin actuellement d'Antoinette Le Fahler de présider aux destinées du musée.

 

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Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (2)

           Deuxième volet de notre dossier Jacques Reumeau, voici un second texte de Jean-Louis Cerisier, toujours fidèle à son camarade de jeunesse.


Jacques Reumeau, une seconde vie

         A ses débuts Jacques Reumeau, habité par une énergie démesurée,  était obsédé par la volonté de faire émerger sa personnalité, au regard des figures tutélaires que représentaient pour lui Barbâtre, Henri Trouillard et Robert Tatin¹. Ceux-là tentèrent plus ou moins  d’encadrer les bouillonnements de ce créateur à la fois rebelle et fortement demandeur. Le jeune Reumeau, entièrement autodidacte, avait en effet besoin de s’approprier des démarches et des techniques auprès des artistes qui comptaient pour lui parce qu’ils bousculaient les valeurs et les codes établis.

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Jacques Reumeau, Ubuoîte, 1977, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, ph. Bruno Montpied


        Ses lectures en histoire de l’art lui ont également permis de trouver en Goya (pour la révolte) et en Odilon Redon (pour le mystère) une résonance dans sa recherche d’expression personnelle. Il a résulté  de tout ce brassage une période de création puissante, dont émergeaient des représentations tour à tour animales, rituelles, sacrificielles, fantastiques.

         Au milieu des années 70, la disparition ou l’éloignement des figures marquantes qui l’entouraient jusque-là correspondent à une période où les phases de dépression et les hospitalisations deviennent fréquentes ; l’énergie créatrice du peintre allant en s’amenuisant, il développe un mode d’expression basé sur la force et l’épure,  démarche déjà explorée auparavant, mais cette fois de façon plus  systématique. Des rencontres (les créateurs Alain Lacoste, Stani Nitkowski, Jean-Joseph Sanfourche, Jean-Eric Fouchault) le confortent dans une approche plus directe du dessin et de la peinture.

 

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Jacques Reumeau, Combat-Duel, gouache, craie blanche, pastel sur papier, 1974, Musée d'at naïf et d'art singulier de Laval

 

Jacques reumeau, art singulier, musée d'art naïf et d'art singulier de laval, jean-louis cerisier,

Jacques Reumeau, Le Couple, huile sur toile, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

 

       Dans une série de quatre pastels et gouaches, l’esprit de Goya se fait  sentir. Le combat-duel (1974) se révèle comme une prise à bras-le-corps du geste pictural et l’expression d’un combat pour la vie.  La peinture Le couple, référence possible à Tatin,  est débarrassée de toute fioriture pour se concentrer sur le sujet : la rencontre de deux bouches, de deux regards démesurés, de deux corps.  Dans les pastels La femme-fleur et Le sommeil à la lune (1982), Reumeau emprunte sans détour le style d’Odilon Redon pour aller à l’essentiel : le visage est réduit à un œil qui écoute. Un dos immense est la caisse de résonance du monde, le corps vibre.

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Jacques Reumeau, Sommeil à la lune, pastel sur papier, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

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Jacques Remeau, Accouchement, pastel et fusain sur papier, 1986, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval


       Les dernières compositions du peintre au pastel et fusain sur papier, telles Accouchement et Les femmes enceintes (1986), révèlent l’état d’esprit du peintre : alors que la mort le guette, il fait surgir la vie pour triompher du destin. Le corps est réduit à l’état de boyau. Ne comptent plus alors que le regard pour faire face et la main pour combattre. Encore et toujours…

       (Le présent texte (non publié), rédigé dans le cadre de la 6e Biennale de Laval (du Naïf au Singulier : le spectacle des corps, juin-sept. 2007), m’a permis de mettre en avant le combat pour la vie engagé par le peintre dans un corps à corps avec la création durant les dix dernières années de sa vie. J-L.C.)



 ¹ Peintres de la région de Laval comme Reumeau et Cerisier.

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Jean Benoît prend sa pierre tombale et nous laisse le monde

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POUR SALUER JEAN BENOÎT 

               De l'œuvre de Jean Benoît, que je considère comme l'une des plus flamboyantes qu'ait données le surréalisme dans ces cinquante dernières années, je ne parlerai pas ; de nombreux catalogues d'exposition ainsi que des articles de presse ou de dictionnaire en ont, avec plus ou moins de bonheur, rendu compte. Mais, malgré tout le talent et toute la puissance d'imagination qu'elle  manifeste, du plus tellurique au plus aérien, alliant la grâce et la tendresse aux ténèbres, l'œuvre cédait le pas à l'homme ; et la perte, toujours irréparable, est ici à la mesure de ce dépassement.

               Doué d'une présence et d'une spontanéité souveraines, dans les gestes comme les paroles, Jean était la figure même de l'excès. Mais de l'excès délicat, sans pesanteur et sans pose. Aucune affectation ne venait alourdir la virulence de ses détestations ni l'insolence de ses provocations délicieuses. Il pouvait déclarer en toute ingénuité que le seul rêve qu'il n'avait pu réaliser était celui de « tuer un missionnaire » ; et c'est avec la même candeur dans la voix qu'en se penchant sur la main d'une inconnue pour y déposer un baiser, il n'oubliait pas de lui dire: «Mes hommages irrespectueux, mademoiselle». Rien ni personne ne pouvait lui faire obstacle, lui en faire accroire ou lui en remontrer. Et cela, sans inflation de l'ego, sans prurit de puissance ; il se contentait de vivre, de marcher dans la vie en rêveur éveillé, il était une cause libre.

              Je l'ai rencontré, il y a près de trente ans, dans un café où l'esprit surréaliste jetait encore quelques feux timides parmi une époque particulièrement hostile. Il en imposait sans s'imposer ; son rire, qu'on entendait dès l'entrée, était la plus certaine manifestation de sa présence. Je ne faisais pas partie du cercle de ses intimes, mais nous n'avons pas cessé de nous voir au fil des années, de façon discontinue, par hasard le plus souvent, à la faveur d'un vernissage, ou quand il lui prenait envie de venir saluer les amis réunis dans tel ou tel débit de boissons. Un jour, il m'a invité à lui rendre visite, et, depuis lors, je suis monté plusieurs fois dans son atelier de la rue de la Cossonnerie puis dans celui de la rue de la Tour d'Auvergne, le plus souvent avec une amie, qu'il courtisait aussitôt. En sa compagnie, on buvait beaucoup, et il parlait plus encore ; la seule fois où je suis allé dans son appartement de la rue des Grands-Champs, ces champs dont il incarnait la clé même, nous avons descendu en quelques heures une bouteille de Chivas : il avait pourtant 85 ans, et une demi-douzaine d'infarctus derrière lui. Lors de ces rencontres, il m'a montré le fameux rouleau où il couchait sur le papier le labyrinthe de toute une vie aimantée par l'amour et m'en a lu, comme à bien d'autres visiteurs, quelques passages ; mais surtout, il m'a souvent parlé, à mon grand enchantement, de ses séjours dans les années soixante, chez les Papous du fleuve Sépik et sur l'île de Nouvelle-Irlande, qui restait dans sa mémoire comme le modèle d'une société libre et heureuse.

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 Rouleau-manuscrit de Jean Benoît tel que reproduit dans le catalogue de l'expo 1996 à la Galerie 1900-2000

 

             Certains le comparaient à un bûcheron canadien ; moi, je le voyais plutôt comme un arbre indéracinable. Hélas, en juin 2009, au moment où se tenait une grande exposition de son œuvre et de celle de Mimi Parent, il a été frappé d'une attaque qui l'a paralysé du côté droit et l'a privé de la parole. Je me suis rendu à l'hôpital Tenon où il avait été pris en charge ; nous sommes parvenus à communiquer par un système de questions et de réponses auxquelles il répondait par des gestes signifiant oui ou non. Il était bien sûr très malheureux, et aurait voulu en finir au plus vite avec une situation où, par un paradoxe cruel, il devenait prisonnier d'un corps pour lequel il avait toujours revendiqué la liberté suprême. Je suis sorti de l'hôpital en larmes, et ne l'ai plus revu. 

             Il y avait une dimension mythique chez Jean Benoît, qui éclatait dans son amour inépuisable pour les femmes, toujours renouvelé, toujours émerveillé. Son érotisme solaire avait le regard limpide des enfants. Aucune fascination chez lui pour les affres de la transgression, il était d'emblée au-delà. Il était parfaitement païen, en totale harmonie avec ces préadamites des îles heureuses où il a abordé juste avant qu'elles ne succombent aux ignobles prestiges de la civilisation.            

            Avec la disparition de Jean Benoît, une nouvelle page vient de se tourner, de cet immémorial traité des passions écrit et déchiffré seulement par les rêveurs et les poètes. Notre Dionysos au masque de plumes de ménure est parti, le jour de Vénus, sur la barque malangan, de l'autre côté de sa légende.

JOËL GAYRAUD, le 7 septembre 2010.

 

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15/09/2010 | Lien permanent

Complaintes et messages de Jean-Marie M.

     J'ai récemment parlé de Jean-Marie M., le creuseur de tunnels sauvage du Lot. Antoine Boutet a fait un extraordinaire film sur lui, Le Plein pays (intitulé comme cela par allusion à sa manière de chanter Le Plat pays de Jacques Brel). Une de mes surprises en voyant le film fut de découvrir les insoupçonnables talents de chanteur-psalmodieur de cet archéologue pulsionnel. Il fait corps avec la nature, au creux de laquelle, après tant d'années de compagnonnage intime, il a besoin de se nicher pour chanter ses drôles d'incantations. Se rencoignant dans certaines grottes creusées par lui à mains nues, et s'y recroquevillant comme foetus régressant. Du reste, le contenu de ses chansons qu'il improvise en utilisant une technique de répétition parle de procréation qu'il faut cesser, de trop plein de population, d'apocalypse à venir (cela dure depuis trente ans). Il faut selon lui que les hommes restent avec les hommes et les filles avec les filles, sans préciser plus avant ce qu'il compte leur proposer comme occupations.

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Jean-Marie M. parmi ses collages, photo site "Complaintes et messages", Antoine Boutet

      Une autre découverte est le talent artistique quasi enfantin de Jean-Marie. Il apparaît en fait plus flagrant lorsqu'on va sur le site internet qu'Antoine Boutet a consacré aux "complaintes et messages" de ce vieil enfant sauvage du Lot. En toile de fond, on aperçoit en effet des dessins aux traits tremblés qui sont touchants. Des collages aussi, au milieu desquels, la tête rejetée, il pose comme abattu,  tel un cadavre. Des petites peintures tendant vers la recherche pictographique. Le site, intitulé " Les complaintes de Jean-Marie", permet d'entendre en outre les fameux chants de l'auteur (le site en a choisi quatre), proches du cantique et de la psalmodie médiévale telle qu'on a l'habitude de l'entendre plutôt résonner au fond des cathédrales à l'acoustique réverbérante. On trouve aussi quelques fragments de vidéo et des photos (dont celles que je reproduis pour illustrer cette note).

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Jean-Marie M, photo même source, Antoine Boutet

      Chaleureuse gratitude à Antoine Boutet qui nous a révélé l'existence de son site plutôt secret, du moins peu connu des amateurs "d'art brut", ou de land art spontané, d'environnements étranges, et de proclamations apocalyptiques. A noter que, selon ce qu'il nous a confié, Boutet a longtemps constitué sa culture musicale à l'écoute de l'émission "Songs of praise" dont un des animateurs intervient depuis quelque temps sur ce blog. Il n'y a décidément pas de hasard...! Cette émission aura donc sans doute aidé cet auditeur inspiré à rechercher puis finalement à nous fournir un exemple supplémentaire de ce que l'on peut peut-être appeler de la "musique brute". Je gage que cela te mette du baume au coeur, cher Cosmo Helectra...? 

Sinon, pour ceux qui l'auraient raté à Montreuil récemment, à signaler d'autres occasions de voir le film d'Antoine Boutet, Le Plein pays:

Festival les Ecrans Documentaires à Arcueil dans le 94 (compétition internationale)
jeudi 29 octobre 2009 - 22h00

http://www.lesecransdocumentaires.org/2009/

Festival International du Film de Belfort (compétition internationale). Du 28 novembre au 6 décembre 2009
http://www.festival-entrevues.com/-2009-/films-competition2009.htm
 

Les Hivernales du documentaire à Nègrepelisse
samedi 14 novembre 2009
http://leshivernalesdudoc.free.fr 

Mois du documentaire - Cinéma Jean Renoir  à Martigues
samedi 28 novembre 2009 - 20h30
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com

 

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Jean-Marie Massou traverse le mur des sons

     Dans un commentaire récent, M. Olivier Brisson donne des nouvelles fraîches de Jean-Marie Massou toujours bon pied, bon œil, au fond des forêts du côté de Marminiac, dans le Lot. Apparemment, s'il ne va plus au fond des galeries qu'il creusa une bonne partie de sa vie (depuis les années 1980 à peu près), il se concentrerait désormais sur des enregistrements de ses complaintes sur magnétophones à cassettes. Et bien entendu, il ne dételle pas quant à la grande prémonition de son existence, qui consiste à prophétiser la fin du monde et par conséquent à tenter de convaincre le reste de l'humanité de cesser de procréer.

    Olivier Brisson a rédigé à ce sujet un article ma foi excellent dans une revue appelée Revue et corrigée, n°106, où il conclut à l'existence d'une possible musique brute (je préfère dire "d'outre-normes") ; un enregistrement serait à l'étude, wait and see... :

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Le ”Coin au Soleil” de Jean-Pierre Schetz

    Le MAD musée (MAD= Musée d'Art Différencié) du Parc d'Avroy à Liège organise du 15 septembre au 17 novembre 2007, dans sa galerie, une exposition consacrée à un environnement singulier...
 
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Photo Fonds Desarcy-Robyns/Musée de la Vie Wallonne
 
 
      Cette exposition, "Un Coin au Soleil , le jardin singulier de Jean-Pierre Schetz",  met  en  lumière  l'environnement  anticonformiste  créé  à  Jupille sur les hauteurs de Liège par un homme modeste. Les organisateurs  présentent  des photographies, des articles de presse, ainsi que quelques sculptures (sauvées de la destruction par Brigitte Van Den Bossche, elle qualifie ce site de "Petit cabinet de curiosités à ciel ouvert"). Un  film documentaire, intitulé "Un Coin au Soleil. L'astre imaginaire de Jean-Pierre Schetz" produit par l'association C-paje (coordination B. Van Den Bossche), est également montré au cours de l'exposition.
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        Jean-Pierre Schetz, né en 1921 et disparu en 1986, avait emménagé avec sa femme dans une "cité sociale" pendant les années soixante. Ferrailleur et maçon au départ, il avait été embauché par la suite au service de la voirie de la ville de Liège. La cité toute neuve où ils avaient emménagé le rebutait, notamment par l'invasion du béton qui allait jusqu'à boucher l'espace situé entre son logement et la rue. Il décide de le faire régresser en l'éliminant et le remplace par de la terre dans laquelle il ne tarde pas à faire pousser des plantes, et toutes sortes de fleurs dans une sorte de luxuriance...
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                            Photo Alfred Jamin
             
       Dès lors, un processus s'enclenche, il ne s'arrête plus d'aménager et de vouloir embellir son jardin, afin de contrer l'aspect standardisé des lieux (normal au pays du Standard de Liège...). Il fait son Nek Chand au petit pied et en pleine Belgique. Qu'il pleuve ou qu'il vente, rien ne l'arrête, un mainate domestiqué souvent présent à ses côtés. Nous sommes dans les années 70.
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Photo Alfred Jamin
 
       Il assemble des pierres, récupère des objets, façonne un château qui devient un point de ralliement pour les enfants du voisinage. Il s'ingénie à marier ses compositions à l'élément naturel.
 
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     La mort vient le trouver alors qu'il continue de travailler à son jardin. Sa femme l'entretient encore vingt années, décède à son tour, la société gestionnaire de la cité sociale qui comme tout bon gestionnaire ne connaît aucun état d'âme se dépêche de faire place nette... Nous sommes en 2006...
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Le sens de la poésie chez les sociétés gestionnaires...
 
 
 
 
  (Ces notes sont basées sur un dossier pédagogique établi par Brigitte Van Den Bossche et transmis à Bibi, qu'elle en soit remerciée ici, ainsi que pour les photos ; je remercie aussi Gérard Sendrey pour son entremise)
 
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N-B: A souligner que le film "Un Coin au Soleil , l'astre imaginaire de Jean-Pierre Schetz" (voir ci-dessous sa mise en ligne sur YouTube, merci à Fredito - note de l'animateur du blog, 14 octobre 2019)  s'inscrit dans un ensemble projeté par l'association C-paje,  et qui consiste à vouloir réaliser d'autres documentaires sur les environnements spontanés. Il me paraît bon de publier les intentions de l'association à ce sujet:
"Ce projet, s'adressant à un large public, repose sur un triple objectif :
- Dévoiler de monumentaux ouvrages d'art qui renvoient à l'inventivité, l'imagination, la créativité et l'esprit visionnaire de leurs créateurs qui ne suivent aucune piste académique, mais créent pour eux-mêmes, dans le seul but d'embellir leur quotidien, leur vie.
- Reconnaître une forme d'art inclassable, si ce n'est dans la marge de l'art .
- Conserver les traces d'environnements qui ne sont pas destinés à la pérennité  -certains étant même en phase de disparition.

 De manière plus particulière aussi, ce projet s'adresse au secteur socioéducatif puisqu'à certains égards, les environnements pris en compte présentent d'évidentes similitudes avec des aménagements singuliers d'espaces conçus par des enfants dans un contexte associatif. Les intentions de ce projet sont, précisément dans ce cadre, les suivantes :

-  Inspirer des processus créatifs dans les domaines complémentaires de l'Education permanente, de la Culture et de la Jeunesse.
- Intéresser les professionnels de l'éducation et de l'animation à des projets d'aménagement d'espaces, enrichir leurs propositions créatives dans le rapport à l'espace et au patrimoine culturel. 
-  Aborder et mettre en valeur l'importance de l'action locale (intervention sur son environnement)."
 

 

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Le créateur anarchiste Jean Galéani, quelques éléments nouveaux...

      Un lecteur, par ailleurs animateur de deux blogs consacrés à l'histoire et à la généalogie concernant une commune en Vendée, appelée curieusement Le Tablier (située entre La Roche-sur-Yon et Luçon grosso modo), Jean-Pierre Logeais, m'a signalé récemment être tombé sur une autre œuvre du peintre (et sculpteur) anarchiste Jean Galéani, dont ce blog remonte le fil de l'œuvre et de la vie désormais, au gré des trouvailles de ci de là... Il me demandait si cela pourrait être du même auteur.

 

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Portrait de Fernand Planche, par Jean Galeani. Bas-relief en plâtre teinté, 1949, ph J-P. Logeais

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Au verso du bas-relief, l'inscription avec la signature "J.Galéani, Paris - 1949", ph. J-P. Logeais

 

     A la lecture de la signature, identique à celle qu'on trouve sur le tableau "Victoire - Défaite" de 1919 (voir ma note sur le sujet), il n'est pas permis d'en douter. De plus, Galéani était aussi sculpteur, comme on le voit dans l'interview filmée de Pierre Dumayet qu'on peut voir sur ce blog dans ma note du 23-12-2014 ou sur le site de l'INA. M. Logeais me l'a d'ailleurs fait remarquer, dans ce film on aperçoit des bas-reliefs du genre de ce portrait de Fernand Planche (dont M. Logeais donne les dates bornant sa vie: 1900-1974).

     Ce dernier était un anarchiste lui aussi, probablement admiré par Galeani, artisan de la tendance "La synthèse anarchiste" (qui cherchait à unir les différents courants du mouvement libertaire français.) Originaire de la région de Thiers, il a fait l'objet d'une biographie de Georges Therre qu'évoque sur un autre blog (auquel renvoie J-P. Logeais), "Escout'moi voir, webzine du Livradois-Forez", un certain Jean-Luc Gironde. Georges Therre s'appuie sur une documentation fournie par Pierre-Valentin Berthier du Monde Libertaire (Berthier qui connut Planche). Fernand Planche fut (entre autres, car il fit trente-six métiers) coutelier, ce qui n'est pas étonnant à Thiers, patrie du couteau, et ce qui n'est pas pour nous déplaire sur ce Poignard Subtil... Il a écrit une biographie de Louise Michel, ce qui nous alerte si l'on se souvient que Galeani disait avoir été "parrainé" par cette dernière dans sa jeunesse (Louise Michel fit une conférence à Thiers en 1904, un an avant sa mort)... Il a fréquenté de nombreux penseurs anarchistes des années 30 comme entre autres Lacaze-Duthiers que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, ou Voline, l'auteur de la Révolution inconnue consacrée à Nestor Makhno adversaire anarchiste des bolcheviks pendant la Révolution russe.

     Il était affecté d'un strabisme divergent aux deux yeux, perdant la vue sur un œil très rapidement. On le décrit cordial et terriblement désordonné (il tenait une boutique, qui était un véritable capharnaüm, à Billancourt). Après la guerre, il vécut dans le Marais (quartier où habitait aussi Jean Galéani). Il écrivit, et publia notamment un roman sur sa jeunesse à Thiers, Durolle, où il évoque les difficultés de la vie des ouvriers couteliers (un groupe anarchiste à Clermont-Ferrand s'en souviendra en prenant le nom de groupe Fernand Planche). Il finira à 50 ans par aller s'installer en Nouvelle-Calédonie où il s'établira vendeur de coquillages de collection avant d'y mourir d'une crise cardiaque.

      Sur son blog "Varia - Histoire et généalogie", Jean-Pierre Logeais en outre a retrouvé des éléments d'ordre généalogique sur Jean Galeani. J'invite les amateurs à s'y reporter. On y apprend entre autres qu'il était né de père inconnu, seulement reconnu par une mère qui était blanchisseuse, accompagnée de soldats du 87e de ligne de Montpellier le jour de sa déclaration de naissance. La même mère qui épousa six ans plus tard un Galéani, lui aussi soldat (tambour) dans ce même 87e de ligne, qui alors reconnut l'enfant en même temps qu'un second, peut-être un demi-frère de notre Jean. Etait-il le père biologique? Vu la fréquentation de nombreux soldats de ce 87e de ligne, il est permis d'en douter... Que le père de notre peintre anarchiste fut constitué d'une notable partie de l'armée française a pu jouer un rôle non négligeable dans sa détestation ultérieure du militarisme (qu'il dut partager très certainement avec Fernand Planche, lui aussi pacifiste). 

    A suivre? (Fernand Planche avait-il des tableaux de Jean Galeani?) 

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Disparition de Jean-François Maurice, fondateur et animateur de ”Gazogène”

     J'ai appris le décès de Jean-François Maurice, l'animateur et fondateur de la revue Gazogène, et par ailleurs chercheur d'art populaire sous toutes ses coutures. Il est mort jeudi 6 mars, emporté par le sale crabe qui n'a pas de pinces d'or.

     Je n'avais plus de relations avec lui depuis 2002. Mais, je m'en souviens encore, nous avions auparavant collaboré (je lui avais donné quelques articles pour son Gazogène primitif, certains que nous avons co-édités, à l'égide de Gazogène et de l'Art Immédiat : un "Tour de France de quelques bricoles en plein air" et une "Promenade dans l'Art Populaire du Rouergue") et souvent échangé, entre 1988, année où il m'avait écrit suite à mes articles dans Artension, et donc 2002. Je me rappelle entre autres lui avoir fourni sur sa demande un exemplaire du célèbre bouquin de Verroust et Lacarrière, Les Inspirés du bord des routes, célèbre s'entend uniquement dans le micro-milieu des mordus de l'art brut et consorts. Nous nous intéressions tous deux fortement au sujet.

 

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Jean-François Maurice dans la merveilleuse machine à découvrir de l'art brut de l'Eco-musée de Cuzals, dans le Lot, photo Bruno Montpied (je crois bien inédite), 1991

 

 

    Malgré mes divergences de goût et d'accord avec lui (il était dubuffetolâtre alors que je me prosternais devant André Breton), je dois avant tout reconnaître et saluer, alors que ses traces pourraient risquer de s'évanouir –on oublie si vite les médiateurs– sa passion qui resta entière des années durant pour les créateurs de l'ombre, les vagabonds sans culture au pays de l'inspiration. Il a apporté sa pierre à l'édifice mémoriel où l'on conservera encore longtemps j'espère le souvenir de la poésie des sans-grade (car cette poésie est faite pour annoncer le triomphe de la créativité de tous dans nos sociétés, ne l'oublions pas, c'était le rêve auquel Jean-François Maurice, tout comme moi, nous croyions).

    S'il consacrait trop de temps à mon goût à divers plasticiens d'arrière-province, suiveurs sans grande originalité de la région du Lot, il restait fidèle à l'art populaire, à l'art brut et surtout aux environnements spontanés à la recherche desquels nous partîmes une fois en dérive de Limoges à l'Yonne dans l'espoir de voir si on pourrait en trouver par hasard (le butin fut maigre, et il profita plutôt du voyage pour m'emmener avec lui chez Jean-Joseph Sanfourche et  André Escard, l'ancien colonial reconverti en chasseur d'inspirés, personnages qui m'intéressaient personnellement beaucoup moins –tous sont décédés à présent, et moi-même comme dirait l'autre je ne me sens du coup plus très bien...).

 

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De gauche à droite, BM, Jean-Joseph Sanfourche et Jean-François Maurice, lors d'une visite à St-Léonard-de-Noblat, 1991, ph. (inédite là aussi), BM

 

 

     Je pense que son principal mérite avec Gazogène fut en vérité lorsqu'il l'axa en direction des collections de cartes postales anciennes, notamment celle de Jean-Michel Chesné, montrant des environnements peu connus du passé. Cette idée, je l'avais appliquée en illustrations de certains de mes articles sur des sites du passé (la Villa des Fleurs à Montbard, le Père Eternel à Trégastel par exemple).

     Les numéros spéciaux de Gazogène parus au cours de ces dernières années comptent certainement parmi les plus fertiles en découvertes de ce point de vue.

 

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      Cependant, que ses proches me pardonnent une dernière remarque : j'apprends qu'une "cérémonie religieuse" sera observée en l'église de son village de Belaye. Or, Jean-François Maurice ne se proclamait-il pas libertaire? Qu'est-ce que cette cérémonie vient faire là dans ce cas?

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